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L’INRA et la Sélection Animale : historique et perspectives

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02814414

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Submitted on 6 Jun 2020

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L’INRA et la Sélection Animale : historique et perspectives

Didier Boichard, . Station de Génétique Quantitative Et Appliquée

To cite this version:

Didier Boichard, . Station de Génétique Quantitative Et Appliquée. L’INRA et la Sélection Animale : historique et perspectives. Académie d’Agriculture, Oct 2006, Paris, France. pp.1 volume. �hal- 02814414�

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L’INRA et la Sélection Animale : historique et perspectives

Didier Boichard

INRA, UR337 Station de Génétique Quantitative et Appliquée, 75350 Jouy en Josas

Résumé

L’histoire de la génétique animale à l’INRA est intimement liée à la Loi sur l’Elevage de 1966 qui a organisé la sélection animale au niveau national et, en ce qui concerne l’INRA, lui a confié la mission de gérer les bases de données nationales zootechniques, d’évaluer les reproducteurs ruminants et porcins et, plus généralement, de contribuer à la cogestion du dispositif génétique français. Cette loi est à l’origine d’une philosophie profondément ancrée dans le département de génétique animale de l’INRA, basée sur la complémentarité entre l’analyse et la gestion de la variabilité génétique, et sur le continuum entre la recherche et ses applications en l’amélioration génétique.

L’INRA a fortement contribué à la mise en place des programmes de sélection puis leur infléchissement vers la définition d’objectifs de sélection à la fois plus équilibrés mais aussi plus complexes, incluant toujours davantage de critères de qualité des produits et de robustesse des animaux et prenant mieux en compte la diversité. Les relations ont beaucoup évolué entre l’INRA et ses partenaires qui ont progressivement pris en charge les aspects opérationnels de la sélection.

L’implication de l’INRA en sélection s’est recentrée sur ses missions : recherche et innovation, mais aussi évaluation génétique.

La synergie entre recherche et amélioration génétique peut être illustrée par l’utilisation des bases nationales zootechniques pour l’analyse de la variabilité génétique des caractères et la recherche de gènes d’intérêt, ou le screening d’animaux particuliers souvent à l’origine de lignées sélectionnées en unité expérimentales. Un autre exemple est la mise en place d’un important programme de sélection assistée par marqueurs, à double fin de sélection et de recherche. Cette synergie a fortement contribué à la mise en place d’Agenae. Pour permettre le développement des applications de génétique moléculaire, le GIE LABOGENA, qui associe depuis 1994 les partenaires professionnels à l’INRA, est à la fois l’outil de choix de diffusion rapide des innovations et un dispositif ancrant fortement la recherche au monde professionnel.

Alors que la Loi d’Orientation Agricole va profondément réformer le dispositif génétique français en le confiant à ses principaux acteurs, le rôle de l’INRA est maintenu dans la gestion de l’échelon national des systèmes d’information et dans l’évaluation génétique des reproducteurs. Ce maintien d’un rôle important de l’Etat se justifie pour deux raisons : a) l’Etat garantit l’unicité, l’objectivité, l’indépendance et la qualité de l’évaluation génétique, et donc une concurrence loyale dans un système plus libéral ; b) comme garant des intérêts de la Société sur le long terme, il garde un outil pouvant peser sur l’orientation de la sélection, l’éthique des pratiques de sélection, le maintien de la biodiversité et l’aménagement du territoire.

Dans ce nouveau contexte, l’INRA affiche deux objectifs en génétique animale, a) la compréhension de la variabilité génétique des animaux d’élevage et b) le développement de méthodes d’exploitation et de gestion des ressources génétiques. Cet objectif est directement relié à la notion de développement et d’élevage durables en aidant à la définition d’objectifs de sélection intégrant les besoins de toute la société, en améliorant son efficacité technique et économique, en particulier par l’intégration d’outils moléculaires, en préservant les ressources génétiques, et en préconisant des méthodes intégrant toutes les règles d’éthique.

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L’INRA au cours des quarante ans de Loi sur l’Elevage.

L’histoire de la génétique animale à l’INRA est intimement liée à la Loi sur l’Elevage du 28 décembre 1966. Cette loi a organisé la sélection animale au niveau national en créant des organismes en charge des différentes missions à réaliser (Etablissements départementaux de l’élevage pour l’identification et le contrôle de performances, Centres d’insémination artificielle, Associations de race ou UPRA), en instaurant la Commission Nationale d’Amélioration Génétique (CNAG) chargée de conseiller le Ministre pour les dossiers de sélection animale, et en jetant les bases des missions des Instituts techniques. En ce qui concerne l’INRA, elle lui confie la mission dite « complémentaire » (de son activité de recherche) de gérer les bases de données nationales zootechniques, d’évaluer les reproducteurs dans les espèces de ruminants et le porc et, plus généralement, de contribuer à la cogestion du dispositif français au sein de la CNAG. Cette loi est à l’origine d’une philosophie profondément ancrée dans le département de génétique animale, basée sur la complémentarité entre l’analyse et la gestion de la variabilité génétique, et sur le continuum entre la recherche et ses applications en amélioration génétique.

Dès les années 70, les missions conférées par la Loi ont fortement orienté les activités de l’INRA, avec le développement des recherches sur l’évaluation génétique et les procédures de sélection mais aussi, en amont, sur l’analyse du déterminisme génétique des caractères phénotypiques. C’est ainsi à cette époque qu’a été créé et développé l’essentiel du dispositif expérimental actuel.

Recherche et application étaient souvent intimement liées. Sous l’impulsion de leaders inventifs et charismatiques à l’activité bouillonnante, l’INRA a fortement contribué à la mise en place des programmes de sélection des populations françaises, l’un des exemples les plus caractéristiques concernant la population ovine laitière Lacaune du rayon de Roquefort. Outils de choix à la fois pour la sélection mais aussi pour la recherche, les stations de contrôle individuel ou sur descendance ont vu le jour dans toutes les espèces, y compris même parfois dans des unités INRA. Dans ses propres domaines expérimentaux, l’INRA comparait des génotypes d’origine variée, française ou étrangère, comme au Vachotron à Bourges ou au Pin-au-Haras, avant d’en conseiller leur éventuelle diffusion.

Parfois, parmi les nombreuses lignées sélectionnées à des fins de recherche, plusieurs ont été diffusées.

Si certaines ont été rapidement abandonnées, d’autres ont connu une brillante carrière (poule Vedette, race ovine INRA401 rustique et prolifique, lapins de chair et à fourrure, lignée bovine cularde INRA95 pour le croisement terminal, lignée porcine hyperprolifique).

Par son implication en sélection animale, l’INRA a été un précurseur en informatique. En 1970 est créé le Centre de Traitement de l’Information Génétique (CTIG), le centre de calcul responsable de l’intégrité et la pérennité des données d’élevage et de l’évaluation génétique. C’était une époque héroïque où la masse de données dépassait de loin les capacités des ordinateurs, imposant des prouesses d’ingéniosité aux scientifiques et informaticiens. Initialement restreintes aux caractères sélectionnés, les bases s’enrichissent progressivement de nouvelles informations, récoltées spécifiquement ou sous-produits d’applications non génétiques, bénéficiant largement des progrès de l’informatique et des automatismes en élevage. Ces bases de données sont donc conçues d’emblée pour un triple usage, l’évaluation génétique, l’appui aux organismes d’élevage et la recherche. La diversification des données autorise progressivement l’augmentation du nombre de caractères indexés et donc la définition de nouveaux objectifs de sélection. Nous reviendrons sur ce point.

Avec ces données (phénotypes et généalogies), les chercheurs réalisent « l’indexation », c’est-à-dire l’estimation de la valeur génétique des reproducteurs, à partir de leurs performances et celles de leurs apparentés. L’évaluation génétique est l’outil raisonné de base du sélectionneur et les index déterminent en grande partie la sélection, la diffusion et la valeur commerciale d’un reproducteur potentiel. L’INRA a une double légitimité pour réaliser l’indexation : il concentre les compétences méthodologiques et techniques dans ce domaine et il est neutre vis-à-vis des opérateurs. L’évaluation génétique a bénéficié fortement des progrès des statistiques et de l’informatique. Décomposer un phénotype en un effet génétique et des effets de milieu, c’est avant tout poser un modèle adapté et résoudre un système d’équations souvent de très grande taille. Le développement de l’informatique, principalement depuis le début des années 90, a ouvert des perspectives nouvelles en termes de

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raffinement de l’évaluation : plus de caractères, des modèles statistiques plus complexes, des populations plus grandes (parfois internationales), des déterminismes génétiques plus fins. Dès la création du CTIG, des chercheurs s’impliquent dans toutes les étapes de l’évaluation génétique, des développements théoriques jusqu’au calcul en passant par les développements logiciels, avec une rigueur et un sens du service concrétisés aujourd’hui par une certification ISO9001 des activités du CTIG et de l’indexation bovine.

Du fait de leur appui fidèle à la sélection et de l’importante hausse de productivité du cheptel (ce qui était l’objectif initial de la Loi !), les généticiens de l’INRA passent parfois pour des productivistes.

Cette image biaisée méconnaît les contraintes de la génétique qui est un processus lent, nécessitant un fort investissement initial et une adhésion des éleveurs. Lors de sa mise en place, un programme de sélection se doit d’être simple et viser l’amélioration d’un caractère à la fois héritable, mesurable et limitant économiquement. En effet, les moyens sont réduits, la population de départ est rarement compétitive et le programme est coûteux. En se concentrant sur un caractère principal, on limite le coût du contrôle de performance et des éliminations. Puis progressivement, les sélectionneurs comme les utilisateurs voient la réalité du progrès génétique et deviennent plus exigeants en demandant non plus l’amélioration du caractère le plus limitant mais d’un nombre croissant d’aptitudes, parfois peu héritables ou difficilement mesurables, rendant la sélection plus coûteuse et complexe mais aussi plus équilibrée. Il faut aussi corriger certaines réponses corrélées défavorables. Ce besoin d’élargissement du programme est aussi à l’origine de l’enrichissement des bases de données et de la complexité des objectifs de sélection. Choisir d’emblée un programme trop complexe le condamne à un échec. C’est cette stratégie de développement progressif qui s’est déroulée au cours des quarante dernières années.

On constate ainsi une évolution très importante des objectifs de sélection, orientés dans les années 70 vers la productivité uniquement, intégrant ensuite la qualité des produits dans les années 80 et les caractères fonctionnels (fertilité, longévité, résistance aux maladies) dans les années 90. Cette tendance se poursuit dans les années 2000, avec des demandes explicites sur la qualité sensorielle ou nutritionnelle des produits, la résistance aux maladies dans un environnement plus exposé, ou le comportement et le bien-être animal. Il n’en demeure pas moins que les objectifs de sélection ont souvent été en avance sur les contraintes économiques, en prenant en compte des caractères pour lesquels l’éleveur n’est pas rémunéré. Aujourd’hui encore, par exemple, la formule de paiement du lait de vache valorise positivement l’eau, alors que les taux de matière utile sont explicitement sélectionnés depuis plus de 25 ans.

Le généticien se doit d’être très prospectif car la sélection est un processus à forte inertie, en particulier chez les ruminants. Il faut souvent plusieurs années pour mettre en place un dispositif de mesure à grande échelle d’un caractère, préalable à toute prise en compte en sélection. Une fois l’information disponible, il faut plus de 10 ans chez les bovins entre la définition d’un objectif de sélection et sa pleine répercussion à l’échelle de l’éleveur ou du consommateur. Cette inertie provoque un décalage important entre le travail d’un sélectionneur et l’image qu’il donne, impression fondée sur le progrès génétique observé aujourd’hui mais issu d’un travail déjà ancien.

La création des races puis leur maintien et leur spécialisation a contribué à une forte augmentation de la variabilité au cours des derniers siècles. Au cours des 40 dernières années, s’il est indéniable que la diversité génétique a diminué (c’est une conséquence inévitable de la sélection), il convient de constater que la diversité actuelle des ruminants est bien plus importante en France que dans la plupart des autres pays développés. Ce constat résulte du fait que la Loi sur l’Elevage, en mutualisant beaucoup d’outils et en aidant certaines structures peu rentables, a permis le maintien relatif d’un nombre significatif de populations, malgré la concurrence des quelques populations les plus profitables dans les conditions économiques du moment. Il est vraisemblable qu’en l’absence de Loi sur l’Elevage, le paysage aurait été beaucoup moins coloré.

Bien entendu, au cours des 40 années de Loi sur l’Elevage, les relations entre l’INRA et les partenaires de la génétique animale ont beaucoup évolué. Initialement, les organismes souffraient d’un sous- encadrement et l’INRA constituait la référence majeure, dont les avis étaient respectés et suivis.

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Progressivement, les instituts techniques puis les organismes directement impliqués en sélection, en se développant, ont recruté des cadres techniquement de plus en plus compétents. Ceci a induit une inflexion sensible des missions de l’INRA et surtout des changements dans le type de relation. Ce point peut être illustré par quelques exemples : la mise en place au début des années 90 des « groupes d’indexation », des instances de dialogue avec les utilisateurs des index, instaure un mode de communication et d’écoute des besoins qui tranche avec les relations « top-down » antérieures ; initiée par l’INRA, la rénovation des Systèmes d’Information Génétique au cours des dix dernières années passe rapidement sous pilotage collectif, même si le rôle du CTIG au cœur du dispositif et son appartenance à l’INRA ne sont pas remis en cause ; enfin, très récemment, la mise en place d’Agenae illustre parfaitement l’évolution récente, la profession s’impliquant directement dans le pilotage et le financement des recherches d’intérêt pour elle, même quand les perspectives d’application ne sont pas immédiates. Ce changement, qui s’est accéléré au cours des 15 dernières années, est variable suivant la puissance économique et l’autonomie technique des filières mais c’est globalement une évolution de fond. L’implication directe de l’INRA en sélection tend donc à diminuer progressivement, les chercheurs se concentrant sur leurs missions explicites : recherche et innovation bien sûr, mais aussi évaluation génétique, avec une vision, comme l’impose la discipline, de long terme.

La génétique biochimique s’est également développée très tôt sur les protéines du lait et du sang et sur le système majeur d’histocompatibilité. Bien que limitées par les outils techniques disponibles (biochimie et sérologie), ces recherches ont produit beaucoup de résultats et ont rapidement conduit à des applications importantes. Dès les années 60, le contrôle de filiation avec les groupes sanguins est mis au service de la sélection. Une évolution majeure de la discipline est l’explosion de la génétique moléculaire à partir du milieu des années 80. Les avancées de la recherche sont très rapides et les applications potentielles sont beaucoup plus nombreuses qu’auparavant. Pour permettre leur développement rapide mais harmonieux, le choix est fait d’associer les partenaires professionnels à l’INRA dans un outil commun, le GIE LABOGENA qui est créé en 1994. Dans ce cadre, l’activité augmente considérablement et l’offre est renouvelée : au contrôle de filiation, étendu à la plupart des espèces, s’ajoute la traçabilité, l’assignation de parenté, le génotypage de gènes d’intérêt ou de susceptibilité à des maladies ou la sélection assistée par marqueurs. Pour l’INRA, au-delà d’une plate forme de génotypage utilisée pour ses recherches, LABOGENA est l’outil de choix de diffusion rapide des innovations, c’est aussi un des dispositifs ancrant fortement la recherche au monde professionnel, toutes espèces confondues.

Synergie entre recherche et amélioration génétique

Si l’activité du département de génétique animale a toujours fortement pris en compte les besoins de l’amélioration génétique, l’objectif a toujours été la recherche d’une synergie entre recherche et amélioration. Je souhaite montrer que cette stratégie a été favorable à la recherche en créant des conditions propices à son développement.

Ainsi, nos recherches en évaluation génétique ont conduit à des avancées en statistiques, par exemple dans l’analyse des caractères discrets, des variances hétérogènes, des séries chronologiques ou dans l’analyse de survie, avec des retombées dans des domaines très variés.

Autre exemple, les bases nationales du CTIG constituent une source d’information majeure, qui permet l’analyse de la variabilité génétique des caractères et la recherche de gènes majeurs et de QTL, la recherche d’interaction génotype x milieu, l’analyse de la diversité génétique et de la dynamique des populations. Dans un cadre plus pluridisciplinaire, elles contribuent à des études d’épidémiologie ou de systèmes de production. D’une façon générale, elles constituent une forme de phénotypage à haut débit en termes de nombre d’animaux, même si l’information par animal reste inévitablement limitée.

Elles donnent accès à des animaux extrêmes et c’est ainsi par exemple qu’à partir de la Gestion Technique des Troupeaux de Truies ont été créées les lignées hyperprolifiques porcines ou qu’ont été détectées beaucoup d’anomalies chromosomiques induisant une hypoprolificité. Pour les caractères peu héritables comme la fertilité, grâce aux effectifs disponibles et à la structure des populations, elles constituent la voie la plus efficace, si ce n’est la seule, pour disposer d’individus génétiquement bien caractérisés. De nombreux protocoles de recherche ont été greffés directement sur les dispositifs

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nationaux de sélection : plusieurs lignées sélectionnées de façon divergente ont été constituées en domaine expérimental en profitant de reproducteurs extrêmes sélectionnés dans les populations nationales (lignées bovines Holstein et Charolaise, lignées ovines Lacaune) ; des gènes majeurs ont été détectés à partir des bases nationales (prolificité en race Lacaune) ; plusieurs programmes de détection de QTL, parmi les plus importants au monde, ont été construits à partir des bases nationales ; de nombreux dispositifs sont mis en place dans les stations de contrôle (programme Qualvigène sur la qualité de la viande bovine par exemple) qui constituent par ailleurs la seule possibilité, hors troupeaux expérimentaux, de phénotyper pour des caractères complexes à mesurer comme la résistance aux parasites ou le comportement.

Le programme bovin de sélection assistée par marqueurs est également un exemple très illustratif de synergie entre recherche et applications : ce programme apporte aux chercheurs de nombreuses informations (phénotypes, génotypes pour de nombreux marqueurs, échantillons d’ADN) concernant d’importants effectifs des principales races bovines laitières, qui sont une ressource unique pour la caractérisation de QTL. Il ancre fortement les professionnels utilisateurs et financeurs dans l’accompagnement de l’innovation. Enfin, il constitue le meilleur exemple au monde de programme de sélection assistée par marqueurs, par son antériorité et sa dimension.

Cette politique n’est évidemment pas exclusive, loin de là. L’espèce analysée est un facteur essentiel du positionnement : on recherchera d’autant plus cette synergie que l’espèce se prête moins à l’expérimentation (coût élevé, intervalle de génération long) et que les filières sont plus demandeuses.

On comprend bien ainsi que cette recherche de synergie est systématique chez les bovins alors qu’elle est moins développée chez les volailles, par exemple.

Globalement, le Département de Génétique Animale a une double mission : (1) développer les connaissances en génétique animale et contribuer ainsi aux progrès de la biologie intégrative animale à l’INRA ; (2) élaborer les méthodes et les outils d’aide à la gestion génétique des populations d’animaux d’élevage. Les recherches se répartissent en trois champs thématiques relatifs à l’analyse de la structure et le fonctionnement des génomes (CT1, 25% des moyens environ), l’analyse de la variabilité génétique des caractères phénotypiques (CT2, 50% des moyens) et la gestion des populations (CT3, 25% des moyens). Ces trois champs thématiques constituent un continuum, les sorties de l’un étant souvent les entrées de l’autre. En conclusion, même si l’organisation de la recherche en synergie avec le développement ne concerne qu’une partie de notre activité, il n’en demeure pas moins que nous avons conservé des compétences équilibrées entre génétique quantitative et génétique moléculaire, alors que l’évolution générale a été plus radicale à l’étranger, la génétique moléculaire faisant souvent disparaître la génétique quantitative animale.

La Loi d’Orientation Agricole et ses conséquences

La Loi d’Orientation Agricole va profondément réformer le dispositif génétique français. Trois raisons ont justifié ce changement : la Loi sur l’Elevage n’était pas compatible en l’état avec la réglementation européenne ; certaines activités monopolistiques ont été critiquées par le conseil de la concurrence ; enfin, l’Etat souhaite se désengager, en particulier financièrement, et confier une plus grande responsabilité aux sélectionneurs.

Les principaux points de la Loi sont les suivants : a) la fin des monopoles d’activité dans le domaine du contrôle de performances et de l’insémination, cette activité étant totalement libéralisée mais compensée par la mise en place d’un service universel à des fins d’aménagement du territoire et de préservation de la diversité génétique ; b) la reconnaissance d’une interprofession « Ruminants » rassemblant les organisations les plus représentatives, qui prendra le relais de la cogestion Etat- profession existant antérieurement et qui assurera l’organisation du dispositif français, en particulier la gestion des systèmes d’information. L’INRA et l’Institut de l’Elevage sont membres associés de cette Interprofession ; c) la définition d’un nouvel organisme racial, l’Organisme de Sélection (OS), au sens européen du terme ; d) la création d’une CNAG aux prérogatives plus réduites mais qui jouera un rôle dans l’agrément des OS et les procédures d’appel d’offres.

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Le rôle de l’INRA est maintenu dans la gestion de l’échelon national des systèmes d’information et dans l’évaluation génétique des reproducteurs.

Si on comprend facilement pourquoi INRA et profession souhaitent maintenir et poursuivre leurs relations anciennes, on peut se demander pour quelles raisons, dans ce nouveau cadre plus libéral, l’Etat maintient-il des missions pratiquement inchangées pour l’INRA ? Essentiellement pour deux raisons :

1) L’Etat garant du système concurrentiel

Le marché de la sélection, tant national qu’international, est un marché concurrentiel. Dans cette situation, il est important que les produits mis sur le marché soient qualifiés et comparés objectivement. L’effort de normalisation des procédures et d’objectivation des valeurs des géniteurs relève de l’Etat en tant qu’arbitre indépendant. Lorsque les sélectionneurs basent leur activité de sélection sur une population de production avec laquelle ils ont un lien structurel, comme pour les ruminants ou partiellement le porc, cette comparaison objective est réalisée à partir de l’évaluation génétique, elle-même reposant sur une base de données nationale. L’Etat garantit l’unicité, l’objectivité, l’indépendance et la qualité de l’évaluation génétique pour les espèces et filières concernées. D’autre part, les sélectionneurs concurrents utilisent les mêmes informations collectées dans les populations et rassemblées au sein d’une base nationale. Même si l’Etat ne finance plus la collecte d’information, la pérennité de cette base, d’intérêt national, et ses modalités d’accès doivent être garantis. Il s’agit là d’un enjeu à long terme et d’une garantie de concurrence loyale entre sélectionneurs.

2) L’Etat est le garant des intérêts de l’ensemble de la Société sur le long terme

Les populations animales d’élevage font partie du patrimoine collectif. A ce titre, c’est un enjeu pour l’Etat de conserver ces ressources et de les orienter vers la meilleure satisfaction des besoins collectifs.

Les situations sont assez différentes selon les espèces. Il existe cependant un socle de base dont l’Etat ne peut se désengager.

Le maintien de la biodiversité est un objectif largement partagé par la société qui y voit une obligation pour préserver l’avenir en évitant une utilisation trop minière des ressources disponibles, alors que la logique économique à court terme ne met pas en premier le maintien de la diversité génétique. Si les espèces d’élevage ne sont généralement pas en danger, il convient d’être particulièrement attentif à la fois à la diversité raciale (ne pas voir disparaître les races en péril du fait de leurs petits effectifs de reproducteurs et le plus souvent de leur moindre rentabilité économique en comparaison avec les « grandes races ») et à la diversité intra race (ne pas voir disparaître sous l’effet d’une sélection intense et des dérives dues au faible nombre de géniteurs des allèles qui pourraient avoir une valeur dans le futur). Il est souhaitable que l’Etat contribue au maintien de cette biodiversité par des réglementations et recommandations et par des soutiens spécifiques. Enfin, dans un contexte d’émergence rapide des biotechnologies qui suscitent des espoirs et des interrogations, il est également du ressort de l’Etat d’éclairer les débats sur les questions posées par leur utilisation dans le domaine de la sélection et en garantir, si nécessaire, un usage raisonné et réglementé. Les biotechnologies constituant également un élément déterminant de notre compétitivité à long terme mais aussi un domaine où les innovations foisonnent et doivent être validées, il est souhaitable que l’Etat accompagne le développement des outils de sélection et en garantisse la pertinence et la fiabilité.

Enfin, dans le socle de base, il serait utile d’inclure la définition d’un statut pour les ressources génétiques, statut qui apporterait une garantie au travail de sélection en l’absence de protection de l’obtention animale, tout particulièrement en race pure.

Chez les espèces à cycle rapide comme les volailles, les caractéristiques biologiques (pouvoir de multiplication, intervalle de génération) sont favorables de sorte que les contraintes du producteur, du transformateur et du consommateur se répercutent rapidement jusqu’au sélectionneur dans un contexte purement économique. Le rôle spécifique de l’Etat pour garantir l’orientation de ces populations se limite au maintien de la biodiversité. La recherche publique, qui a un mandat limité de l’Etat dans le domaine de la gestion de la sélection, y intervient peu et sans partenariat institutionnel privilégié. Par

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contre, comme pour les autres espèces, la recherche est présente dans le domaine de la diversité génétique (en direct et avec le Bureau des Ressources Génétiques) et sur des thématiques génériques ou en amont de la sélection.

Les ruminants présentent des caractéristiques biologiques beaucoup moins favorables, qui entraînent plusieurs conséquences majeures sur la sélection :

• Dans ces espèces, la sélection est un processus à très forte inertie, dont les pleins résultats ne sont acquis à l’échelon des producteurs, des consommateurs et des citoyens qu’à un horizon de 10 à 20 ans. Cette situation crée une opposition de fait entre les objectifs à court terme et les objectifs à long terme, les premiers étant surtout liés à l’économie immédiate de la sélection et les seconds à sa durabilité. Un retrait total de l’Etat et une situation de concurrence accrue pourraient se traduire par une prépondérance du court terme au détriment des objectifs à long terme. Un maintien de l’implication de l’Etat à certains points clés garantit à long terme les intérêts de l’ensemble de la société.

Ces intérêts à long terme recouvrent les éléments suivants :

* la définition des objectifs de sélection, l’Etat devant s’assurer que les intérêts légitimes de l’ensemble de la société sont pris en compte, même quand ils n’ont pas de valeur marchande immédiate. Ces intérêts intègrent la rentabilité économique des producteurs et des filières de l’aval, mais aussi les qualités nutritionnelles et sanitaires des aliments pour les consommateurs, la durabilité des systèmes d’exploitation du territoire, la fonctionnalité globale (longévité, résistance aux maladies…) et le bien-être des animaux dans leur milieu.

Dans bien des cas, ces caractères sont complexes, difficile à mesurer et à sélectionner. Nous pensons que l’Etat doit jouer un rôle actif dans cette orientation, y compris dans la proposition de solutions opérationnelles.

* La thématique générale de la diversité pose des problèmes spécifiques dans ces espèces.

En effet, l’effet tardif de toute mesure tend à faire sous-estimer l’érosion rapide de la variabilité génétique qu’elle entraîne. On observe ainsi souvent des pratiques de sélection beaucoup plus excessives dans les espèces à forte inertie génétique que dans les espèces rapides. Il est donc souhaitable que l’Etat contribue au maintien de cette biodiversité raciale et intra race par des recommandations sur la sélection des plus grandes races et par des soutiens spécifiques aux races en péril.

• Les ruminants jouent un rôle majeur dans l’aménagement du territoire. Dans les régions herbagères et dans les zones difficiles et/ou de montagne, ils sont la base de l’entretien de l’espace qui est également un patrimoine de l’Etat. C’est donc un enjeu pour l’Etat que de garantir la pérennité de cette activité. Pour cela, il doit s’assurer que la sélection intègre les contraintes d’adaptation des populations à leur territoire et, plus généralement, que le dispositif génétique est bien intégré à la politique de développement de l’élevage et des territoires ; plus largement, il doit s’assurer qu’une libéralisation de la sélection ne va pas conduire à la disparition des programmes dans certaines zones défavorisées. En effet, une telle disparition serait très probablement suivie à court terme par la régression marquée ou la disparition des populations concernées, la sélection ne pouvant pas se faire ailleurs du fait de fortes interactions génotype x milieu.

En conclusion, un enjeu important de la Loi de Modernisation Agricole est de confier le Dispositif Génétique Français à ses principaux acteurs, les éleveurs, tout en garantissant les intérêts de la Société dans son ensemble sur le long terme. En maintenant le principe des missions complémentaires confiées à l’INRA et les moyens financiers correspondants, l’Etat se donne les moyens d’organiser une compétition saine entre les sélectionneurs et d’orienter les populations vers les objectifs souhaités par la société pour une meilleure durabilité de la production, un aménagement plus harmonieux des territoires, et une meilleure qualité des produits alimentaires.

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Positionnement de l’INRA en génétique animale

Les méthodes d’exploitation et de gestion des ressources génétiques des populations animales constituent l’un de nos domaines d’investigation. Activité historique du département, elles restent une priorité pour nous, indépendamment des évolutions du contexte législatif. En effet, l’élaboration des méthodes de gestion des populations est directement reliée à la notion de développement et d’élevage durables, et ceci à au moins trois titres.

• En aidant à la définition d’objectifs de sélection intégrant les besoins de tous les étages du système, du sélectionneur, du producteur, du transformateur, du consommateur et du citoyen, on améliore son acceptabilité et sa durabilité. Ceci nécessite des développements en recherche en termes de modélisation mais aussi des relations soutenues avec les représentants de l’ensemble de la société.

Pour cela, le département élargit actuellement son partenariat au-delà de la sphère de la génétique animale.

• La durabilité des filières dépend d’abord de leur rentabilité. Un facteur clé de l’efficacité de la sélection est la qualité de l’évaluation génétique, c’est-à-dire l’estimation de la valeur génétique des animaux. Cette activité ne cesse de se renouveler dans ses méthodes, dans la nature des caractères analysés, et dans le type d’information utilisée. L’intégration des données de génomique, tant structurale que fonctionnelle, est à la fois un enjeu et un défi pour le département.

• Enfin, la gestion des ressources implique également de préserver la diversité génétique à long terme et transmettre ce patrimoine aux générations futures. Dans les populations sélectionnées, il faut développer des méthodes d’amélioration qui minimisent la perte de variabilité génétique. Par ailleurs, il faut s’appuyer sur le contexte actuel de segmentation du marché pour valoriser ou préserver les populations peu adaptées aux conditions actuelles majoritaires.

Ceci se traduit d’abord par un besoin de caractérisation de ces populations, la recherche de niches économiques et, dans les cas les plus difficiles, d’accompagnement des actions de conservation sur pied, voire d’organisation de la conservation ex situ.

Les enjeux des années à venir sont de trois types :

• Les enjeux scientifiques concernent essentiellement les développements extrêmement rapides de la connaissance des génomes. Nous devrons maîtriser tous les outils de la génomique, mais surtout leur intégration avec les données phénotypiques.

• Les enjeux économiques concernent la durabilité et la compétitivité de nos filières de production dans un contexte de réglementations européennes plus contraignantes sur la gestion des territoires et le bien être animal, et d'ouverture des marchés qui pourrait se traduire par la délocalisation de certaines productions. Dans ce contexte plus compétitif, l’INRA doit être à la pointe des avancées scientifiques dans son domaine, en particulier la caractérisation moléculaire de la variabilité génétique et son utilisation en gestion des populations.

• Enfin, les enjeux sociaux peuvent se révéler les plus déterminants, si l’opinion publique évolue vers une remise en cause des pratiques actuelles de production ou de sélection. Nous devrons nous impliquer davantage dans un dialogue constructif pour faire face à la distance grandissante entre le monde de la production et le reste de la société.

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