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Des rhétoriques coloniales à celles du développement : archéologie discursive d'une dominance

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: tel-00202672

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00202672

Submitted on 7 Jan 2008

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Des rhétoriques coloniales à celles du développement : archéologie discursive d’une dominance

Françoise Dufour

To cite this version:

Françoise Dufour. Des rhétoriques coloniales à celles du développement : archéologie discursive d’une

dominance. Linguistique. Université Paul Valéry - Montpellier III, 2007. Français. �tel-00202672�

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Université Paul-Valéry, Montpellier III Arts · Lettres · Langues · Sciences humaines & sociales

Département de Sciences du langage

Doctorat de l’université Paul-Valéry, Montpellier III

THÈSE

Des rhétoriques coloniales à celles du développement Archéologie discursive d’une dominance

Présentée par

Françoise Dufour

Sous la direction de

M. le Professeur Paul Siblot

Tome I

er

Membres du jury

M

me

Sonia B

RANCA

-R

OSOFF

Professeure de l’université de la Sorbonne- Nouvelle (Paris III)

M

me

Laurence R

OSIER

Professeure de l’université libre de Bruxelles M. Jacques B

RES

Professeur de l’université Paul-Valéry

(Montpellier III)

M. Gilbert R

IST

Professeur honoraire de l’Institut universi- taire d’études du développement (Genève) Avril 2007

GGGGGGGGGG

No attribué par la bibliothèque

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Il n’existe pas de premier ni de dernier discours [...] À tout moment de l’évolution du dialogue, il existe des masses immenses, illimitées, de sens oubliés, mais à certains moments ultérieurs, au fur et à mesure que ce dialogue avance, ils reviendront à la mémoire et vivront sous une forme renouvelée (dans un nouveau contexte).

Rien n’est mort absolument : chaque sens aura sa fête de renaissance.

Mikhaïl Bakhtine 1974 cité parTodorov1981, p. 169-170.

Et dans ce ressassement et ce fourmillement, des réseaux polarisés de répétition déjouant l’identité, des ruptures qui prennent l’allure de genèses continuées, des points d’antagonisme qui s’embrasent, et s’apaisent pour reprendre ailleurs.

Pêcheux1981b, p. 15.

Il s’agit de décrire desdiscours. [...] je voudrais faire apparaître, dans sa spécificité, le niveau des « choses dites » : leur condition d’apparition, les formes de leur cumul et de leur enchaînement, les règles de leur transformation, les discontinuités qui les scandent. Le domaine des choses dites, c’est ce qu’on appelle l’archive ; l’archéologie est destinée à en faire l’analyse.

Foucault1969.

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(6)

Remerciements

Ce travail de thèse est le produit de ma rencontre avec la linguistique praxématique et l’analyse du discours par l’entremise du Professeur Paul Siblot, lors de ma reprise d’études à Paul-Valéry en 1999. L’apprentissage et le plaisir de la lecture de Foucault, Pêcheux, Lafont, c’est à lui que je les dois. Je tiens à le remercier de m’avoir ouvert ces portes.

Je remercie les membres du jury : Sonia Branca-Rosoff, Laurence Rosier, Jacques Bres, Paul Siblot, d’avoir accepté d’évaluer la pertinence des analyses dans le champ de la linguistique et de l’analyse du discours ainsi que Gilbert Rist dans le champ des études sur le développement.

Ce travail n’a pu être mené à terme que grâce aux soutiens institutionnels du département des Sciences du Langage de l’Université Paul-Valéry et du laboratoire Praxiling. Je les remercie de m’avoir accordé leur confiance, malgré mon profil atypique.

Je remercie les professeurs de Praxiling, Jeanne-Marie Barbéris, Jacques Bres, Catherine Détrie d’avoir répondu avec enthousiasme à mes irruptions scientifiques. Merci aussi à Marie-Anne Paveau et Emmanuelle Cambon pour la qualité de leurs échanges.

Je remercie les doctorantes et doctorants de Praxiling de m’avoir accueillie comme une des leurs. Merci de nos rires, de nos émotions partagées, de nos soutiens mutuels.

Je tiens à remercier le Centre des Archives d’Aix-en-Provence, pour les merveilles que j’y ai découvertes et les heures passionnantes que j’y ai passées.

Merci également à Paul Pandolfi de m’avoir ouvert les portes de sa bibliothèque personnelle.

La facture de l’objet, je la dois à la patience et à la disponibilité de Gilles Pérez-Lambert du service des Publications de l’université Paul-Valéry.

Merci aux petits mains des relectrices et relecteur. Un merci très spatial à Bénédicte Laurent. Chapeau à Claude Bucher !

Enfin un merci personnel au porteur de valises.

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(8)

Sommaire

TOME PREMIER

Remerciements 7

Introduction générale 19

I Problématisation de la recherche 33

Introduction 35

1 Les conditions épistémologiques de la recherche 37 1.1 Un objet problématique . . . . 37 1.2 Les obstacles épistémologiques . . . . 40 1.3 « La forme du projet » . . . . 47 2 La France et l’Afrique : la construction d’une relation de

dominance particulière 53

Introduction . . . . 53 2.1 La notion de dominance . . . . 55 2.2 La genèse de relations ambiguës entre République et colonies 59 2.3 Les premières étapes de la colonisation . . . . 68 2.4 L’idéologie de l’impérialisme colonial . . . . 74 Synthèse. — De l’utopie de l’assimilation à la réalité de l’association 83 2.5 De l’association à l’émancipation . . . . 83 Synthèse. — Un mouvement d’émancipation ou une indépendance

« octroyée » . . . . 90 2.6 Le « changement dans la continuité » . . . . 90 Synthèse. — Une relation de dominance particulière 98 3 Colonisation, progrès, civilisation, développement : un

état des savoirs sur les mots et les choses 101 3.1 Les domaines du savoir . . . . 102 3.2 Un état des savoirs sur la colonisation . . . . 106

9

(9)

10 Sommaire

Synthèse. — La notion de colonisation . . . . 115

3.3 Un état des savoirs sur le progrès . . . . 116

Synthèse. — La notion de progrès . . . . 126

3.4 Un état des savoirs sur la civilisation . . . . 127

Synthèse. — La notion de civilisation . . . . 142

3.5 Un état des savoirs sur le développement . . . . 143

Synthèse. — La notion de développement . . . . 170

3.6 Une synthèse de l’état des savoirs . . . . 171

4 La recherche : problématique discursive 177 4.1 Le système de dominance et ses éléments structurants . . . . 177

4.2 Les discours, acteurs dans la relation de dominance . . . . 180

4.3 Le point de vue et l’objet . . . . 182

4.4 Les phénomènes discursifs de la recomposition d’une dominance 184 4.5 La construction du corpus . . . . 186

II Le cheminement théorique vers les analyses de discours 193 Introduction 195 5 En-quête du discours 199 Introduction . . . . 199

5.1 Analyse du discours versus analyse de contenu . . . . 199

5.2 De la parole au discours . . . . 209

5.3 Les effets de problématisation de l’« extériorité discursive » . 215 Synthèse. — Vers une conception transversale du discours 227 6 Des « choses dites » au dicible : les formations discursives 231 Introduction . . . . 231

6.1 Les héritages . . . . 232

6.2 Une archéologie des « choses dites » (Foucault) . . . . 235

Synthèse. — Un cadre épistémologique pour l’analyse du discours . 251 6.3 Une analyse du dicible (Pêcheux) . . . . 254

6.4 En conclusion : quel statut de la formation discursive ? . . . . 273

7 Pratiques discursives, idéologie(s) et dominance 279 Introduction . . . . 279

7.1 La circulation des discours : continuité et changement . . . . 280

7.2 Pratiques discursives et actes dans l’espace social . . . . 299

7.3 Organisation du discours et dominance . . . . 317

Synthèse. — Homologie entre organisation énonciative et ordre de

la dominance . . . . 330

(10)

Sommaire 11

8 L’organisation du monde en catégories 331

Introduction . . . . 331

8.1 La classe nominale : noms concrets, noms abstraits . . . . 331

8.2 La catégorisation : types et prototypes . . . . 342

8.3 Catégorisation de l’altérité : les stéréotypes . . . . 358

Synthèse. — Une hypothèse d’organisation énonciative 367 9 Un état des apports théoriques 369 Introduction . . . . 369

9.1 Une perspective d’analyse du discours . . . . 369

9.2 Les pratiques discursives . . . . 371

9.3 Formation discursive et fonctionnement idéologique . . . . 372

9.4 Les transformations . . . . 374

9.5 Organisation du discours . . . . 376

III Analyses discursives sur un corpus d’étude 381 Introduction 383 10 Hypothèses heuristiques et programme archéologique 385 Introduction . . . . 385

10.1 Des hypothèses heuristiques . . . . 386

10.2 Des processus discursifs . . . . 388

10.3 Présentation du corpus d’étude . . . . 390

11 La construction de la matrice discursive coloniale 395 Introduction . . . . 395

11.1 Quelques configurations discursives constituantes . . . . 396

Synthèse. — Configurations et processus discursifs . . . . 410

11.2 Premières configurations discursives coloniales . . . . 412

Synthèse. — La matrice discursive des discours coloniaux 443 12 Reconfigurations de la matrice discursive coloniale 447 12.1 Commerce, religions et civilisation . . . . 447

Synthèse. — Les Autres, comme enjeu dans une triangulation de la dialectique . . . . 471

12.2 La rhétorique de l’expansion coloniale . . . . 471

12.3 Les discours du transsaharien : le spectacle de la dominance . 495 Synthèse. — La configuration discursive de la rhétorique coloniale 512 13 La matrice discursive du développement 515 13.1 Quelques marqueurs de transformation . . . . 515

Synthèse. — Des marqueurs du déplacement de la formation discursive 536

13.2 L’organisation discursive des discours du développement . . . 537

(11)

12 Sommaire

14 Un état des analyses de corpus 591

Introduction . . . . 591

14.1 Les notions de civilisation et développement . . . . 592

14.2 La construction d’une forme d’espace énonciatif . . . . 595

14.3 Catégorisations de l’altérité et dominance . . . . 598

14.4 Notion(s), interdiscours et ordre des places : cohérence des contradictions . . . . 602

Conclusion générale 607 Bibliographie 623 Linguistique . . . . 623

Autres sciences humaines . . . . 638

Dictionnaires . . . . 644

Corpus . . . . 646

Index des auteurs 653 Index des termes linguistiques 655 Index des autres termes 659 Liste des tableaux 661 Table des matières 663 TOME SECOND Corpus 691 1-1 Relation du voyage du royaume d’Issyny : Côte d’Or, païs de Guinée, en Afrique... . . . 691

1-2 De l’état civil . . . . 693

1-3 Utilité & importance de la possession de la rivière Sénégal, & les grands avantages qu’on peut retirer d’un établissement en Bambouë . . . . 695

1-4 Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain 698 1-5 Situation des Colonies, au premier Thermidor de l’An 5 . . . 701

1-6 Observations sur l’anthropologie ou l’histoire naturelle, la nécessité de s’occuper de l’avancement de cette science... . . . 704

1-7 Moyens pour parvenir au rétablissement de nos colonies . . . 707

1-8 Mémoire sur un projet de colonie . . . . 710

1-9 Instructions remises à Mr Duranton, agent commercial chargé

d’une mission dans le Bambouck . . . . 713

(12)

Sommaire 13

1-10 Cours d’Histoire moderne. Histoire de la civilisation en France 715 1-11 Plan de colonisation des possessions françaises dans l’Afrique

occidentale au moyen de la civilisation des nègres indigènes . 717

1-12 Colonisation . . . . 720

1-13 Abolition de l’esclavage ; examen critique du préjugé contre la couleur des Africains et des sang-mêlés . . . . 722

1-14 Décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises . 724 1-15 Préambule de la Constitution du 4 novembre 1848 . . . . 726

1-16 Rapport à l’Empereur . . . . 727

1-17 Coup d’œil général sur l’Afrique occidentale . . . . 730

1-18 De la colonisation chez les peuples modernes . . . . 734

1-19 Discours sur l’Afrique . . . . 736

1-20 Voyage au Soudan Français (Haut-Niger et Pays de Ségou) . 739 1-21 Discours du 28 juillet 1885 . . . . 741

1-22 Discours à la Chambre des députés . . . . 745

1-23 Lettre de Gallieni au Sous-Secrétaire d’État . . . . 747

1-24 De Koulikoro à Tombouctou à bord du « Mage » . . . . 749

1-25 Le Tonkin et la mère-patrie . . . . 751

1-26 La France au Soudan . . . . 753

1-27 Instructions au Colonel Humbert . . . . 755

1-28 Kahel, Carnet de voyage . . . . 757

1-29 Sahara et Soudan . . . . 760

1-30 civilisation ! . . . . 762

1-31 Conquête du Foutah-Djalon . . . . 763

1-32 Le réseau télégraphique de la côte occidentale d’Afrique . . . 765

1-33 En colonne . . . . 766

1-34 L’Empire français . . . . 768

1-35 Domination et colonisation . . . . 770

1-36 Manuel à l’usage des troupes opérant au Soudan français et plus particulièrement en zone saharienne . . . . 772

1-37 La civilisation — Les degrés de la civilisation . . . . 773

1-38 Discours d’ouverture de la conférence de Brazzaville . . . . . 774

1-39 Préambule de la Constitution de la IV

e

République . . . . 776

1-40 Résolution 198 (III) Développement économique des pays insuffisamment développés . . . . 778

1-41 Marchés tropicaux il y a dix ans . . . . 780

1-42 Le Soudan et l’expansion française . . . . 782

1-43 Colonisation : trois études . . . . 784

1-44 La coopération dans les pays à évolution économique attardée 786 1-45 Après les hommes, les peuples ont compris que donner c’est recevoir . . . . 787

1-46 L’O.N.U. et les pays insuffisamment développés . . . . 788

1-47 Caractères généraux de l’Afrique noire française . . . . 790

1-48 La lutte contre le sous-développement, facteurs de solidarités économiques nouvelles . . . . 792

1-49 Proclamation de l’indépendance du Mali . . . . 795

(13)

14 Sommaire

1-50 Discours prononcé par le général de Gaulle devant l’Assemblée

du Mali . . . . 797

1-51 Le message du Général de Gaulle . . . . 800

1-52 Qu’est-ce que le développement ? . . . . 801

1-53 La coopération est désormais la grande ambition de la France 803 1-54 La politique de coopération avec les pays en voie de dévelop- pement . . . . 805

1-55 La coopération est la poursuite de notre œuvre civilisatrice outre-mer . . . . 807

1-56 À l’assemblée nationale personne ne remet en cause le principe de la coopération . . . . 809

1-57 Pourquoi la coopération ? . . . . 811

1-58 L’assistance au développement est-elle rentable ? . . . . 813

1-59 L’aide ou la bombe . . . . 815

1-60 Imperfections et carences du FED . . . . 817

1-61 Stratégie internationale du développement . . . . 819

1-62 Identification des pays en voie de développement les moins avancés . . . . 821

1-63 La coopération, réalité bien vivante . . . . 822

1-64 Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre éco- nomique international . . . . 824

1-65 Nord-Sud le dialogue continue . . . . 826

1-66 Interview du Président Giscard d’Estaing . . . . 828

1-67 Questions sur la coopération... . . . . 830

1-68 Une nouvelle ère pour le développement . . . . 832

1-69 Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République devant la III

e

Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés . . . . 834

1-70 Vers un nouveau partenariat . . . . 837

1-71 L’Afrique enrichit notre ambition . . . . 840

2-1 Essai de grammaire de la langue tamachek’ . . . . 845

2-2 Avenir de la France en Afrique . . . . 847

2-3 Le chemin de fer Trans-saharien : Jonction coloniale entre l’Algérie et le Soudan . . . . 849

2-4 Exploration dans le royaume de Ségou . . . . 852

2-5 Rapport au président de la République . . . . 855

2-6 Rapport sur les travaux de la Société de géographie et sur les progrès des sciences géographiques pendant l’année 1880 . . . 857

2-7 Le Soudan Français — Chemin de fer de Médine au Niger . . 858

2-8 Sénégal et Soudan — Travaux publics et chemins de fer . . . 860

2-9 La conquête pacifique de l’intérieur africain. Nègres, musul- mans et chrétiens . . . . 862

2-10 La France en Afrique et le Transsaharien . . . . 864

2-11 Touat, Sahara et Soudan . . . . 867

2-12 La colonisation par le rail — à propos du Transsaharien . . . 869

2-13 Lettre . . . . 870

(14)

Sommaire 15

2-14 Conférence sur la pénétration saharienne par les voies ferrées

et les lignes télégraphiques (Algérie et Soudan) . . . . 872

2-15 Le transsaharien . . . . 874

2-16 Le Sahara, le Soudan central et les chemins de fer transsaha- riens d’après les explorations récentes . . . . 876

2-17 L’Afrique Occidentale Française . . . . 878

2-18 Les chemins de fer transsahariens et transafricains . . . . 880

2-19 Transsaharien et Transsafricain . . . . 882

2-20 Nécessité d’une voie ferrée de jonction pour le développement de nos possessions Sahariennes et Soudanaises . . . . 883

2-21 La question du Transsaharien . . . . 884

2-22 Le transsaharien, instrument indispensable de la défense et de l’expansion nationale . . . . 885

2-23 Faut-il faire le Transsaharien ? . . . . 887

2-24 L’Afrique Occidentale Française et le Transsaharien . . . . 888

2-25 Le rapport de l’organisme d’études . . . . 890

2-26 Causerie sur le Transsaharien . . . . 892

2-27 Le secret des sables : roman du transsaharien . . . . 894

2-28 Le Transsaharien et le Transafricain . . . . 896

2-29 Il faut faire le Transsaharien . . . . 898

2-30 Que la France fasse le Transsaharien . . . . 899

2-31 Le Transsaharien, liaison d’empire . . . . 901

2-32 Note complémentaire sur les liaisons transsahariennes . . . . 903

2-33 1900-1950 — L’année des cinquantenaires . . . . 905

2-34 Le transsaharien . . . . 907

2-35 Trait d’union entre deux mondes : le Méditerranée-Niger . . . 908

2-36 La route transsaharienne . . . . 910

2-37 Il reste une Bastille à prendre : le Sahara . . . . 912

2-38 Un rêve millénaire devient réalité : la route transsaharienne . 914 2-39 Le projet de route transsaharienne et ses incidences . . . . 915

2-40 La route transsaharienne devrait être terminée en 1980 . . . . 916

2-41 La transsaharienne . . . . 917

2-42 Pénétration saharienne : la route n˚1 de l’Afrique . . . . 919

Table des matières 921

(15)
(16)

Introduction générale

(17)
(18)

Un parcours personnel dans le monde du développement Avant de devenir un objet de recherche, le sujet qui m’occupe dans le cadre de ce mémoire de thèse a d’abord été un objet de préoccupation dans ma vie professionnelle de consultante en développement

1

, pour les gouvernements des pays bénéficiaires de l’aide au développement sur financement des organisations internationales

2

. L’engagement dans un travail de recherche a répondu à une nécessité, celle de résorber un malaise éprouvé lors des missions d’étude

3

que j’ai réalisées pendant près de quinze ans

4

. Ce malaise que j’éprouvais dans l’exercice de ma profession et qui, au fil des années, s’est transformé en une forme de colère larvée, était l’expression confuse d’une contradiction interne entre des idées de justice sociale et de respect de l’autre et des pratiques professionnelles qui, sous couvert d’une fin pour le moins respectable, l’aide au développement, utilisaient, à mes yeux, des moyens éthiquement contestables.

Pourtant, l’expertise à l’international ne manquait pas d’attraits : les voyages dans des pays lointains parfois peu connus, la découverte d’autres paysages et d’autres cultures, la richesse et la chaleur des contacts humains...

sans oublier la reconnaissance de facto que confère la position d’expert occi- dental représentant une organisation internationale renommée, aussi bien en France que dans les pays étudiés, pour qui l’Occident, et notamment la France, représente un certain idéal de vie.

J’ai ainsi eu l’opportunité de participer à des projets aussi variés que le plan directeur de développement du tourisme de la Mongolie, la mission de planifica- tion des zones rurales de la Cisjordanie, l’identification des besoins d’Assistance Technique du secteur du tourisme en Arménie, l’identification des potentialités écotouristiques pour un projet de Parcs Nationaux aux Philippines, le pro- gramme d’assistance technique au développement des secteurs d’exportation

5

des pays ACP

6

dans le cadre de la Convention de Lomé ACP/CEE (Direction Générale VIII).

1. Dans le domaine du tourisme principalement.

2. Les Nations Unies dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Banque Mondiale, la Commission Européenne dans le cadre du programme d’assistance technique auprès des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).

3. En Afrique (Mali, Éthiopie, Kenya, Cap Vert, Sao Tomé e Principe), en Asie (Mongolie, Philippines), au Proche-Orient (Palestine), en Europe de l’Est (Crimée, Arménie).

4. De 1988 à 2002.

5. Tourisme, artisanat, bois, pêche, prêt à porter, alimentation.

6. 19 pays Afrique-Caraïbes-Pacifique étaient concernés en 1995 : Mali, Niger, Ghana, Cap Vert, Bénin, Burkina Faso, Ethiopie, Erythrée, Tanzanie, Ouganda, Zambie, Swaziland, Lesotho, Belize, Guyana, Haïti, Grenada, Dominica, St Lucie.

(19)

20 Introduction générale

Le contenu des tâches à accomplir dans ces études de développement n’était pas à mes yeux sans intérêt : comprendre et analyser une situation sous ses différentes facettes, pour proposer des recommandations de développement et un plan d’actions, implique des visites de sites, des entretiens, des lectures de rapports d’étude, des recherches documentaires, la rédaction de rapports. Sur le papier, le tableau d’ensemble de l’activité professionnelle avait de quoi me séduire : j’aimais découvrir, comprendre, analyser, concevoir, rédiger...

Cependant, dès les premières missions sur le terrain par lesquelles débute le travail d’étude, malgré ou peut-être devrais-je dire, en raison du pouvoir fascinant de la découverte culturelle, je me trouvais désemparée, confrontée à des situations auxquelles je ne savais pas faire face et qui me renvoyaient à une foule de questions en chaîne qui restaient sans réponses. Je mettais en doute le bien fondé de la place accordée et du rôle joué par les consultants au nom des organisations internationales. Ils m’apparaissaient relever de l’exercice d’un pouvoir, que je ne savais pas accepter comme tel et que je remettais inlassablement en question, tout en n’ayant aucune solution alternative à proposer, lorsqu’il m’arrivait d’oser exposer mon doute à mes collègues de travail.

De quelle place parlons-nous et quelle est la légitimité de l’Occident à donner des leçons à l’autre partie du monde ? Notre mode de vie est-il à ce point enviable et satisfaisant pour être érigé en modèle universel ? Ne sommes- nous pas en train de modifier les réalités culturelles de ces pays et de quel droit ? Ne participons-nous pas, nous, experts internationaux, à la construction d’une mondialisation

1

des cultures ?

Je me trouvais dans des équipes d’experts européens de toutes nationalités et de toutes disciplines (économistes, juristes, sociologues, statisticiens, architectes, écologues

2

), que les appels d’offres internationaux réunissaient autour d’un projet, forts de leur science, faisant corps avec leur mission, persuadés du bien fondé du modèle de développement occidental et de l’universalisation de ses recettes, bien souvent condescendants et parfois méprisants à l’égard des interlocuteurs, notamment en Afrique. Je ne parvenais pas à m’investir pleinement dans le rôle qui m’était dévolu et je faisais un pas de côté pour observer d’un œil critique la scène dans laquelle j’étais néanmoins actrice. Me positionnant moi-même dans l’ambiguïté, j’étais de moins en moins apte à tenir le rôle ; je gagnais en revendication et je perdais en crédibilité.

Des questions sans réponse Les études de développement auxquelles je participais étaient marquées du sceau de la modernité occidentale

3

; le but du conseil, de l’étude, de la mission était in fine de faire entrer les pays en développement dans l’économie mondiale. Le raisonnement est simple : pour aider les pays à se développer, pour « nourrir les hommes, soigner les hommes,

1. La notion de mondialisation dont il est question est celle qui se construit après la seconde guerre mondiale avec l’entrée des États-Unis, comme super-puissance, sur la scène mondiale (voir § 3.5.2.5 page 165).

2. Pour ma part, j’occupais la plupart du temps le poste de spécialiste du marketing (les marchés et les produits).

3. Cette notion complexe est abordée au § 3.3.2 page 121.

(20)

Introduction générale 21

instruire les hommes » (Perroux 1981), il faut que ces pays intègrent l’économie de marché et pour ce faire, ils doivent produire plus pour exporter plus, afin de rétablir leur balance commerciale déficitaire et pour consommer plus. Les études, dans le cadre de l’assistance technique au développement, qui sont pensées sur cette base, sont organisées par secteurs économiques : le tourisme, l’artisanat, le prêt-à-porter, l’alimentation, l’agriculture, le bois, la pêche, etc.

pour ne citer que ceux dans lesquels j’ai travaillé. Le nom développement, dans la terminologie de ces études de développement sectorielles, comporte un présupposé

1

, celui de la croissance économique comme facteur essentiel de développement pour les pays sous-développés et leurs habitants. Le facteur économique, bien que n’étant pas le seul moteur du développement, n’est pas contestable en soi, mais c’est l’effet de recouvrement de la notion de développement par celle de croissance économique qui pose problème. Elle est manifeste dans les rapports d’étude comme par exemple, dans le rapport final provisoire du Plan directeur de développement du tourisme du Mali (1988)

2

, on peut lire dans la sous-rubrique Développement :

Optimiser la contribution du tourisme au développement du Mali : [...]

— Retombées économiques : privilégier l’emploi malien, améliorer la balance des paiements malienne, favoriser le développement économique national.

— Retombées politiques : donner une image nationale et internationale du Mali.

[Groupe Huit1988]

Cette « évidence » s’est marquée avec d’autant plus de vigueur à partir de la chute du mur de Berlin qui, en éliminant l’option alternative communiste, a de fait consacré l’économie libérale comme « pensée unique », le mode d’accès au développement.

La France engage des budgets importants dans des programmes d’aide au développement, via les organisations nationales (programmes bi-latéraux) ou internationales (programmes multi-latéraux). Cette participation financière place les organisations, non seulement dans la maîtrise d’œuvre des projets, mais aussi comme intervenants au niveau de la maîtrise d’ouvrage en amont, ce qui leur donne de facto un certain degré de participation dans les politiques nationales des pays bénéficiaires et par conséquent un droit de regard, qui peut être perçue comme une ingérence dans les affaires des États indépendants disposant de leur souveraineté.

Par ailleurs, si l’aide se traduit par l’exercice d’un pouvoir des donateurs occidentaux sur les pays récipiendaires, elle contribue également à accroître leurs dépendances mutuelles. L’aide est perverse, elle ne stimule pas les initiatives, elle encourage la culture d’une certaine forme d’assistanat. Les aides sont attendues voire exigées. Les gouvernements des pays en développement sont rarement dupes de l’intérêt et de l’efficacité des études de développement ; les

« cols blancs » venus d’Europe sont tolérés parce que les budgets qui sont à la clef sont soumis à des études préalables sans lesquelles les aides ne sont

1. Nous choisissons à cet stade de le nommer de cette façon ; cette question sera abordée dans la partie II (voir § 6.3.5.2 page 266).

2. Réalisé pour le ministère des Transports, des Communications et du Tourisme du Mali sur financement du ministère de la Coopération.

(21)

22 Introduction générale

pas accordées. Bien souvent, les études sont inutilisées, faute de moyens, de cadres formés pour la mise en œuvre des actions programmées, parfois de volonté politique, mais également parce qu’elles sont difficilement utilisables par les intéressés. Le conseil en développement est une activité dans laquelle les discours constituent une part non négligeable de l’exercice et c’est l’une des critiques qui est souvent émise à l’encontre de cette forme d’aide : les rapports d’études constituent les seuls produits laissés aux pays par les experts, à l’issue de missions dans lesquelles des fonds importants ont été engagés. Après le départ des équipes d’experts, le projet reste souvent en archive sur les rayons des ministères ou avorte. Les études deviennent alors rapidement obsolètes ou inadaptées au contexte et nécessitent alors des réactualisations, qui génèrent de nouveaux marchés pour les bureaux d’étude et de conseil.

Cette forme d’ingérence et la relation de dépendance qu’elle induit posent la question de la pérennisation d’une relation de dominance qui s’exerce sur des pays jouissant pourtant du statut d’État indépendant. Les programmes d’aide et d’assistance au développement sont une des expressions de ce nouveau type de dominance qu’Hamadou Hampaté Bâ, l’écrivain malien, a résumé dans sa maxime célèbre :

La main qui reçoit est en dessous de celle qui donne.

L’ingérence politique s’accompagne de ce que l’on pourrait nommer une ingérence culturelle par le biais des transferts technologiques et culturels qui constituent les mesures d’accompagnement des programmes d’aide.

Dans l’objectif d’accroître le niveau de croissance économique, les études de développement préconisent les moyens les plus rentables en terme d’efficacité au niveau de la production et de la commercialisation, tout en tenant compte de l’environnement naturel et humain, tant que faire se peut (des sociologues et des spécialistes de l’environnement sont requis pour veiller à cette exigence).

La logique de marché repose sur la production d’une offre, qui, tenant compte des potentialités productives, notamment des ressources locales, doit rencontrer la demande des consommateurs des pays riches en quête de produits exotiques et « ethniques » (séjours touristiques, artisanat, prêt-à-porter, produits alimen- taires, etc.), de facture traditionnelle, mais néanmoins adaptables aux modes de vie occidentaux.

Or, bien qu’attractives, les productions locales satisfont rarement telles

quelles aux exigences des consommateurs occidentaux : la qualité n’est pas

stable, la production n’est pas régulière ; les formes, les tailles, les couleurs, les

saveurs ne sont pas conformes aux habitudes occidentales, qui sont, de plus,

sensiblement variables selon les pays d’origine. La politique de la demande qui

prévaut dans le marketing impose d’adapter les productions locales à cette

demande occidentale et, par conséquent, de modifier les objets fabriqués de

manière traditionnelle afin qu’ils deviennent des produits reproductibles en

nombre et vendables sur les marchés occidentaux. Ces contraintes de marché ont

deux conséquences. D’une part, l’adaptation des produits locaux aux diktats du

marché requiert une formation des mentalités à un mode de production autre,

qui nécessite d’intégrer un mode de pensée et de vivre autre et qui entraîne à

(22)

Introduction générale 23

terme une forme d’occidentalisation des modes de vie, des valeurs culturelles et des comportements sociaux. L’introduction de nouvelles technologies qui sont adjointes à ces programmes recatégorise les choses du monde et modifie les praxis sociales et culturelles des pays bénéficiaires.

D’autre part, cette formation des mentalités, qui pose les interactants dans une relation de maître à élève, contresigne la « suprématie » de l’Occident sur « les autres » [ Bessis 2001] qui a pu être identifiée comme une des formes nouvelles du colonialisme :

On a pu parler très légitimement en ce sens de néocolonialisme, qu’il s’agisse de la pression exercée par les démocraties populaires sur les pays qui sont dans leur mouvance, pression qui empêche les peuples de s’exprimer librement ; ou qu’il s’agisse, de la part des pays occidentaux, à travers l’assistance technique ou les investissements de capitaux, de maintenir, sous les apparences d’une indépendance reconnue, une domination de fait. [Daniélou 1962]

La question du développement s’inscrit dans le contexte généralisé de la

« mondialisation » ou « globalisation » qui impose ses lois au niveau planétaire, un processus que l’économiste Serge Latouche a nommé « l’occidentalisation du monde » [Latouche, 1989]. La lecture d’ouvrages ou de revues spécialisées fort documentées, mais non dénuées de positionnement idéologique générait de nouvelles questions qui restaient sans réponse, parce que mal posées, et ne faisait qu’alimenter le malaise ressenti dans l’exercice de mon activité professionnelle. Au fil des missions d’études, plus mon regard devenait critique, moins je parvenais à construire des analyses, d’abord parce que mon point de vue n’était pas distancié ; de par mon implication dans l’activité, que je devais néanmoins mener à bien, je ne pouvais pas marquer une distance suffisante pour formuler les bonnes questions et je ne disposais pas de repères théoriques, ni d’outils d’analyse me permettant de le faire avec pertinence et acuité.

La rencontre avec l’analyse du discours et l’engagement dans la recherche La reprise d’études en sciences du langage à l’Université Paul- Valéry Montpellier III et la rencontre avec l’analyse du discours et en particulier avec la linguistique praxématique, à travers les enseignements de Paul Siblot, m’ont ouvert des perspectives inespérées. En effet, ce type d’approche, dans le cadre du questionnement qui était le mien, m’est apparu opératoire, car il permettait de situer l’analyse de la problématique du développement, non pas au niveau des événements historiques ou des idées politiques, mais au niveau des discours auxquels cette problématique a donné et donne lieu et qu’il s’agit d’interroger avec des outils appropriés. L’approche anthropologique et matérialiste de la praxématique, qui associe langage et expériences pratiques du monde (sensible, social, culturel), ce que Robert Lafont a nommé « la fonction pratique du langage » [1978, p. 164], dans la production du sens, cette approche me paraissait tout à fait pertinente pour appréhender une problématique du réel à travers le prisme des discours qui, à la fois, en rendent compte et contribuent à leur construction.

C’est cette perspective que j’ai adoptée dans le mémoire de maîtrise conduit

sous la direction de P. Siblot, « Essai de caractérisation des discours identitaires

(23)

24 Introduction générale

au Mali en contexte post-colonial » [2001], dans lequel je m’étais donnée comme projet « d’explorer, à partir d’un échantillon réuni pour un premier sondage

1

, comment s’exprime l’identité malienne en langue française » ; dans le cadre de cette recherche, j’avais mobilisé les outils de l’analyse textuelle, en appliquant aux textes des grilles d’analyse élaborées à partir des concepts de l’analyse du discours et de la praxématique ; j’avais ainsi pu repérer des récurrences dans les nominations identitaires des uns et des autres, mettant à jour les liens interdiscursifs entre ces textes et avec les discours coloniaux sur l’Afrique.

Cependant, même si les résultats avaient semblé prometteurs, la métho- dologie employée ne pouvait suffire aux ambitions d’une recherche de plus grande envergure et ce qui avait fonctionné, à l’échelle de trois textes, montrait rapidement ses limites dans une application à l’échelle d’une archive.

C’est le séminaire de DEA, puis les journées d’étude organisées par P. Siblot,

« Formations discursives : de l’analyse du discours à celle des idéologies

2

», qui m’ont ouvert des perspectives nouvelles en me permettant d’envisager l’analyse des discours de manière transversale, non pas dans l’horizontalité des textes, mais dans la verticalité du discours, en considérant les textes analysés comme partie d’une formation discursive constituée de discours ou plutôt de textes reliés par un interdiscours, constituant du discours.

La notion de formation discursive, introduite par M. Foucault dans L’ar- chéologie du savoir, reprise par M. Pêcheux et l’AAD, et retravaillée par différents linguistes contemporains, permet d’envisager les discours dans leur épaisseur, comme des pratiques discursives reliées à des pratiques sociales. Elle représente également l’espoir d’accéder à une analyse discursive de la notion d’idéologie

3

.

Après un détour par un mémoire de DEA consacré au rapport entre le mythe et la raison dans la dialectique franco-africaine, j’ai alors décidé de mettre un point final à mes activités de conseil en développement pour me consacrer pleinement à la recherche dans le cadre universitaire. L’engagement dans un travail de thèse n’a pu prendre existence que grâce à une mise à distance que la participation aux activités de la sphère du développement en tant qu’actrice ne permettait pas.

L’engagement dans un tel travail répond à une nécessité, celle de la mise en œuvre d’un chantier, qui se donne pour objectif d’ouvrir des pistes de recherche, en mobilisant les cadres théoriques de l’analyse du discours, de la praxématique et des formations discursives. L’horizon d’attente n’est pas d’apporter des réponses à des questions auxquelles quiconque ne peut répondre de manière assurée, mais d’appréhender cette problématique complexe de la manière la plus rigoureuse et la plus auto-critique possible, afin d’échapper à un positionnement contre-idéologique duquel ce sujet polémique ne met pas à l’abri, si un balisage préalable n’a pas été mis en place. Ce chantier, de par son envergure, dépasse l’empan d’une thèse de doctorat ; son ambition est de jeter les bases d’une méthodologie d’analyse qui soit suffisamment opératoire pour

1. Trois textes de scripteurs maliens contemporains.

2. Montpellier les 26 et 27 avril 2002.

3. Voir § 6 page 231.

(24)

Introduction générale 25

repérer des fonctionnements discursifs récurrents et qui puisse être appliquée à d’autres types de discours et dans des contextes géopolitiques différents.

Une problématique complexe Avant d’aborder le projet de recherche en tant que tel, il convient en préalable de préciser la nature des questions auxquelles cette thèse se donne pour visée d’apporter des éléments de réponses.

La prudence oratoire est de mise, qui nous incite à ne pas prétendre apporter des réponses qui se voudraient définitives ou pourraient apparaître comme telles à des questions complexes qui s’insèrent dans un contexte contemporain plus vaste qui est celui des relations entre ce que l’on choisit de nommer par des positions géographiques — Nord-Sud, Orient-Occident —, mais qui réfèrent à des positionnements idéologiques

1

. Cette problématique des relations Nord/Sud fait couler beaucoup d’encre et les points de vue parfois peu nuancés, qui sont énoncés dans les titres des ouvrages, témoignent de l’existence de la situation préoccupante de notre monde aux prises avec la question de la/des civilisations :

— « Le choc des civilisations

2

» (Samuel P. Huntington, 1996/1997)

— « L’Occident et les autres » (Sophie Bessis, 2001)

— « Orient-Occident, la fracture imaginaire » (Georges Corm, 2002)

— « Dialogue among Civilizations. Some Exemplary Voices » (Fred Dall- mayr, 2002)

— « Un monde commun mais pluriel » (Bruno Latour, 2003)

— « L’Afrique au secours de l’Occident » (Anne-Cécile Robert, 2003)

— « L’Occident et sa bonne parole » (Karoline Postel-Vinay, 2005), pour ne citer que quelques-unes des nombreuses parutions sur ce sujet.

Cette problématique complexe des relations Nord/Sud, qui s’inscrit en toile de fond de notre questionnement, ne fait que s’imposer au fil des événements internationaux (11 septembre, attentats de Madrid et de Londres, guerre d’Irak, etc.) comme un des sujets majeurs auquel ce xxi

e

siècle débutant se trouve confronté. La problématique soulevée reste bien trop vaste et trop imprécise pour notre projet de recherche, mais elle constitue le contexte global dans lequel s’insèrent nos questions personnelles, liées au développement et à l’aide internationale, au positionnement de la France et à l’impact de ses actions, notamment dans ses relations avec les pays de l’Afrique sub-saharienne.

La période récente a vu le retour des débats sur la colonisation, « comme en témoigne Le livre noir du colonialisme xvi-xxi

e

siècle : de l’extermination à la repentance

3

dirigé par Marc Ferro et publié en 2003, « à propos duquel on a pu parler d’un “retour de l’anticolonialisme” » [ Boilley 2004, p. 28] ; mais également, l’ouvrage de Gilles Manceron, Marianne et les colonies [ Manceron 2003], l’ouvrage collectif de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Françoise Vergès, La République coloniale, essai sur une utopie ou encore l’ouvrage

1. Voir § 3.5.2.3 page 153 et § 8.3.2.2 page 366.

2. « The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order » dans son titre en anglais.

3. Paris : Robert Laffont, 844 p.

(25)

26 Introduction générale

d’Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial

1

paru en 2005.

En témoignent également les débats parfois virulents sur la scène médiatique, autour de l’appel des « indigènes de la République

2

» ou plus récemment encore le tollé général autour de la loi du 23 février 2005, dont l’article 4 mentionnait le « rôle positif de la présence française outre-mer ».

Différents ouvrages parus en ce début de siècle suscitent des polémiques : citons deux ouvrages emblématiques de ce type d’événement, celui de l’historien Pétré-Grenouilleau dans son « essai d’histoire globale des traites négrières [2004]

et celui du journaliste Stephen Smith

3

, Négrologie — Pourquoi l’Afrique meurt [2003]. Cet ouvrage provocateur, largement salué par les magazines presse et médias

4

, qui agite le spectre d’une Afrique responsable de sa propre agonie, une Afrique qui « se suicide » [2003, p. 13], a suscité de vives réactions, notamment sous les plumes de François-Xavier Verschave, Odile Tobner et Boubacar Boris Diop (Négrophobie 2005). Cette polémique relance le débat déjà ancien sur la désignation, voire le procès, des responsables des difficultés que rencontrent nombre d’États africains, anciennes colonies françaises ou non, aidées par la France depuis les décolonisations. Déjà en 1989, Bernard Lugan signait une Afrique, l’histoire à l’endroit, vérités et légendes, dans laquelle il s’élevait contre l’« entreprise de désinformation » [ Lugan 1989, p. 26] engagée dans de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’Afrique, dans lesquels les auteurs s’attachaient, selon lui, à donner une représentation accablante pour l’Occident.

Ce débat, engagé sur fond de ce qui a été nommé l’« afropessimisme », oppose deux points de vue divergents : celui qui consiste à rattacher les problèmes auxquels le continent africain est confronté aux politiques de la France, qu’elles soient coloniales ou de la « Françafrique

5

», et celui qui, au contraire, en rejette l’entière responsabilité sur les seuls États africains, en vertu de leur indépendance et de leur « souveraineté entière et permanente sur toutes [leurs] richesses, ressources naturelles et activités économiques

6

» :

Plus de quarante ans après les indépendances, largement un siècle après la conquête coloniale qui coïncidait dans les faits avec la fin de la traite négrière, il n’y a plus d’excuses, plus de mythes étiologiques. [Smith2003, p. 13]

La problématique coloniale, et la post-coloniale dite « ère du “développe- ment” » [ Rist 1996, p. 129] qui lui fait suite, prennent un tour particulier, en raison de l’histoire commune qui lie la France et certains pays africains, hier colonies de l’Empire français, aujourd’hui États indépendants. C’est le

1. Paris : Fayard, 365 p.

2. « Nous prolongeons une longue tradition de résistance au colonialisme pour laquelle le projet républicain est moins celui d’une République rêvée que d’un refus des politiques menées au nom de la République réellement existante, colonialiste, néocolonialiste, post-colonialiste » (Azouz, Bammou, Bouteldja, Gueye, Khanzy dansLe Monde, 17 mars 2005 : 15).

3. Ancien journaliste àLibérationet auMonde.

4. Il s’est vu décerner le prix littéraire France Télévisions.

5. Titre de l’ouvrage éponyme de François-Xavier Verschave paru en 1998 et qui a été adopté pour nommer les scandales de la politique française en Afrique.

6. Article 2 de laCharte des Droits et des Devoirs économiques des États, Résolution 3281 (XXIX) du 12 décembre 1974.

(26)

Introduction générale 27

cas du pays qui constitue le centre de notre étude : le Mali, qui a accèdé à l’indépendance en 1960

1

et qui a été l’objet de nos études précédentes.

Signalons que poser une période coloniale et une « ère du développement » post-coloniale à la fois en les nommant comme telles et en les considérant comme deux phases discontinues, constitue déjà des prises de position dont il conviendrait de se garder. En effet, d’une part, si nous adoptons le point de vue des pays africains, anciennes colonies, dont l’histoire est marquée par la signature des indépendances, on pourra parler alors plutôt de « post- indépendance » que de période post-coloniale. Ce découpage de l’histoire africaine en pré — et post — colonial est contesté par des historiens africains qui y voient une marque d’ethnocentrisme dominateur de la part des anciens colonisateurs :

Il y a un défaut de perspective [...] à vouloir donner un sens à l’évolution très longue et inachevée d’un continent à partir du dernier siècle de son histoire : le siècle colonial. Une telle myopie [...] tient aussi à ce que beaucoup continuent d’y puiser, par leur adhésion ou leur hostilité à ce que la colonisation aurait signifié, la légitimité de leurs positions actuelles. [M’Bokolo 1992, p. 4]

Alors que d’autres, à la suite d’Achille Mbembe, considèrent que l’Afrique n’est pas encore sortie des affres de la colonisation et optent pour le terme de

« postcolonies », c’est-à-dire des « sociétés récemment sorties de l’expérience que fut la colonisation, celle-ci devant être considérée comme une relation de violence par excellence » [ Mbembe 2000, p. 139-140].

D’autre part, parler d’« ère du “développement” » [ Rist 1996, p. 129]

pour désigner une période dont l’acte inaugural a pu avoir été le point IV du discours de Truman

2

et qui s’est ouverte, dans le contexte des relations franco- africaines, avec les signatures simultanées des contrats de « coopération » et des indépendances

3

, est un point de vue. En effet, si le terme de « développement » devient le mot d’ordre international de la période post-coloniale, dans la perspective de l’intégration des nouveaux États à l’économie mondiale, certains auteurs rejettent cette hypothèse, en défendant la thèse d’une « invention du développement » [ Rist 1996, p. 115] et soutiennent l’idée que « le discours du développement est ahistorique et qu’il masque les réalités politiques de l’industrie du développement

4

» :

Further5, they suggest that it is hegemonic in its construction and regulation of Third World identities and limits the adoption of alternative ways of organizing 1. Les territoires soudanais dont la conquête a eu lieu entre 1880 et 1899 devinrent en 1904, la colonie du Haut-Sénégal-Niger, une des cinq colonies qui composait l’Afrique Occidentale Française (AOF), puis, en 1920, le Soudan français, après que sa partie orientale en eut été détachée en 1919 pour créer la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) [Dufour2001].

2. Voir § 3.5.2.1 page 146.

3. Voir § 2.6 page 90.

4. Ici et dans la suivante, nous traduisons le texte d’Uma Kothari.

5. Bien plus, ils suggèrent qu’il est hégémonique dans la construction et la régulation des identités du tiers monde et qu’il limite l’adoption de moyens alternatifs d’organisation et de mise en œuvre du progrès social. Certains critiques ont avancé que le développement est un projet néocolonial qui produit des inégalités mondiales et maintient la dominance du Sud sur le Nord, à travers une expansion capitaliste globale.

(27)

28 Introduction générale

and achieving social progress. Some of the critics have argued that development is a « neo-colonial » project that produces global inequalities and maintains the dominance of the South, through global capitalist expansion, by the North.

[Kothari 2005b, p. 48]

En effet, nous pouvons nous accorder sur le fait que, si le « progrès civilisa- teur », « la civilisation » avaient été les maîtres-mots des discours coloniaux, celui de « développement », et surtout l’idéologie qu’il véhicule, ne sont pas nou- velles. Pourtant, les discours francophones, sur lesquels portera notre recherche, manifestent des transformations dans leurs « matérialités discursives ». À partir des indépendances, les formulations du « progrès civilisateur », imposant le devoir de conquête, de pacification et de civilisation des peuples indigènes, se tarissent progressivement. L’impossibilité de perpétuer un type de discours, rendu non valide et non dicible par la situation, permet l’émergence d’un nou- veau type de discours, impulsé d’outre-manche, le discours du développement, qui est repris par tous, y compris par les pays aidés

1

, mais dont certaines formulations ne sont pas sans réactiver les discours antérieurs.

La relation coloniale a vécu ; un nouveau type de relation se met en place et les discours se voient recomposés. Cependant, malgré l’égalité constitutionnelle à laquelle les indépendances permettent aux pays d’Afrique d’accéder, face à l’ancien colonisateur, une relation de dominance perdure, sous la forme de la coopération, puis des différentes formes d’aide au développement. Cette permanence, malgré le changement, nous interpelle et la question qu’elle pose ne peut se satisfaire de la réponse facile du « néo-colonialisme ». La problématique est bien plus complexe pour pouvoir se résoudre en ces termes.

La question qui se pose à nous est celle du « sens » de cette dialectique du changement et de la continuité, dans les relations si particulières entre la France et les pays du continent africain, relations dans lesquelles les deux parties se trouvent prises.

Ces questions relatives au sens, nous souhaitons les poser aux discours qui enregistrent la mémoire de la dominance, tout en participant à produire.

Elles ne sont pas de l’ordre du « pourquoi ? », mais s’attachent à comprendre le « comment ? » de la dominance dans et par les discours pour essayer d’en dégager des éléments de signifiance.

Comment s’opère la recomposition discursive de la relation de dominance ? Quels sont les modalités du passage d’un type de discours à un autre, d’une idéologie à une autre ?

Comment les discours participent-ils à l’exercice d’une relation de domi- nance et, à travers elle, celle de l’idéologie occidentale sur les pays africains depuis les indépendances ?

Les analyses, à partir desquelles nous soutiendrons notre thèse, sont d’ordre discursif ; nous traiterons par conséquent, dans ce mémoire, de ce que nous nommons, à la suite de Dominique Maingueneau, à qui nous empruntons ce terme [1983, p. 9], la « dominance discursive

2

», c’est-à-dire les modes de

1. Voir § 3.5 page 143.

2. Le travail de Maingueneau a porté sur la transformation idéologique qui s’est opérée des discours de l’humanisme dévot aux discours jansénistes.

(28)

Introduction générale 29

fonctionnement d’un type de discours, qui en font une voix dominante. Et par conséquent, ce qui retiendra notre attention sera le rôle spécifique exercé par ce discours dominant dans la relation de dominance proprement dite.

Une étude en trois temps et deux volumes La recherche s’est organisée en trois temps qui constituent les trois parties du premier volume de ce mémoire qui en comportent deux.

Une première partie s’attache à problématiser notre questionnement en objet de recherche : en premier lieu, nous explorons les conditions épistémologiques de la recherche, la posture du chercheur et son implication dans sa recherche, afin de garantir la distanciation critique nécessaire à une problématisation de l’objet d’étude ; puis, à partir des discours des chercheurs spécialisés sur l’Afrique, nous essayons de repérer les étapes de la construction des relations de la France avec l’Afrique et des positionnements contrastés auxquels ces relations ont donné lieu ; enfin nous établissons un état des savoirs, sur la colonisation

1

et le développement

2

et leurs corollaires la civilisation

3

et le progrès

4

, à partir de l’analyse de discours lexicographiques et encyclopédiques.

Les sources — lexicographiques, encyclopédiques, scientifiques — sont des discours, qui constituent une première forme de corpus, appréhendés comme des observatoires préalables aux analyses sur le corpus d’étude.

Cette partie se clôt par la formulation de la problématique discursive et du corpus soumis à l’analyse.

Le sujet de recherche, qui émerge de la synthèse de la première partie, est constitué de deux objets d’analyse complémentaires :

— l’analyse des processus linguistiques du passage des discours coloniaux aux discours du développement, c’est-à-dire l’analyse des modes de transition entre ce qui semble a priori donné comme deux ensembles de discours que délimitent les événements historiques des décolonisations et de l’avènement des indépendances. À la lecture des textes, on constate qu’au sein même de l’ensemble constitué de discours coloniaux stricto sensu, il est bien difficile de fixer des limites : quand débute ce que l’on nomme « discours colonial » ? Les dates des colonisations sont bien tardives par rapport aux événements qui les anticipent (débats poli- tiques, projets de colonisation...). De même l’émergence du paradigme du développement est antérieure aux dates de signature des indépen- dances. Les deux ensembles de discours sont-ils à considérer comme deux formations discursives différentes ? Doit-on parler avec Foucault de

« rupture archéologique », de « discontinuité » et de « transformations » [ Foucault 1969] ? ou bien avec Courtine et Marandin du « déplacement des frontières » [1981, p. 25] d’une seule et même formation discursive, au gré des soubresauts de l’histoire et de l’évolution des idées et des mentalités ?

1. Voir § 3.2 page 106.

2. Voir § 3.5 page 143.

3. Voir § 3.4 page 127.

4. Voir § 3.3.1 page 116.

(29)

30 Introduction générale

— l’analyse du rôle performatif de la pratique discursive dans le processus de dominance, une forme de « dominance discursive » : les discours se modifient, mais la structure des rapports de dominance se pérennise.

Les discours, qui se font l’écho des mouvements dans les paradigmes désignationnels consécutifs à la « migration » de la formation discur- sive, gèrent la permanence d’une structure discursive garante de la dominance. Cette permanence est-elle inscrite dans « l’ordre du dis- cours » [ Foucault 1971] ? Comment se manifestent les « effets » de mémoire et, à travers eux, quel rôle joue l’implicite du discours dans le fonctionnement et la régulation des rapports de dominance ? Quels mar- queurs linguistiques repérables dans l’épaisseur du discours permettent de réguler ces rapports de dominance ?

La seconde partie est consacrée aux cadres théoriques mobilisés pour l’analyse des objets. Ce sont ceux de l’analyse du discours et des formations discursives, sur fond des apports spécifiques de la linguistique praxématique.

L’analyse s’attache au plus près de la matérialité discursive, par l’argumentation à l’aide de marqueurs linguistiques, de façon à écarter tant que faire se peut, un type d’analyse vers lequel ce type de sujet n’est pas sans risque de dévier, à savoir une analyse de contenu qui s’autoriserait l’interprétation du sens des textes. Nous situerons notre analyse dans le cadre de l’analyse du discours. Nous partirons en quête du discours, enquête qui nous conduira à des notions telles que celles de formation discursive de Foucault, puis de Pêcheux, de dialogisme et d’interdiscours, dont nous questionnerons la capacité à répondre aux exigences de la problématique posée : la permanence et la continuité de rapports de dominance des discours coloniaux aux discours du développement. Les micro- objets d’analyse que nous avons choisi de suivre au fil des discours sont les dénominations des notions et des groupes humains, que nous aborderons à travers les processus de nomination, de catégorisation et de stéréotypie.

L’organisation énonciative en structures d’attracteurs, proposée par Culioli, et reformulée par Achard dans le champ social, est étudiée comme mode d’analyse des configurations discursives permettant le repérage de régularités notionnelles dans le fil du discours, qui se verraient reproduites et transformées dans l’épaisseur du discours.

Le fil de ce parcours théorique est un parcours de construction de nos propres outils d’analyse de notre problématique discursive. Le parcours est émaillé d’apartés, qui exemplifient les phénomènes discursifs abordés avec des exemples tirés des corpus. Ces apartés qui sont signalés typographiquement ont pour objet de faire lien entre la partie I et les analyses de corpus. ☞

À partir des résultats croisés des deux premières parties, des hypothèses heu-

ristiques de modèles d’analyse des situations discursives sont posées, qui sont

ensuite mises à l’épreuve des discours du corpus. Les analyses de corpus s’orga-

nisent en trois vagues : la formation d’une première matrice discursive coloniale

à partir de quelques configurations constituantes, puis la reconfiguration de

cette matrice discursive avec l’expansion coloniale, enfin les transformations

qui conduisent à la matrice discursive du développement.

(30)

Introduction générale 31

Le deuxième volume est composé des textes du corpus, subdivisé en deux groupes. La thèse comporte donc quatre parties — trois parties de mémoire et une partie corpus —, qui constituent différentes entrées possibles dans la problématique discursive :

— une entrée par les mémoires discursives que sont les savoirs sur les objets de l’analyse ;

— une entrée par les théories linguistiques permettant d’analyser la pro- blématique ;

— une entrée par les analyses de corpus ;

— une entrée par les textes du corpus.

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Première partie

Problématisation de la recherche

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Introduction

Notre objet de recherche est discursif, mais les textes sur lesquels nous allons exercer nos analyses — notre corpus — ont été produits dans des conditions historiques, politiques, sociales, qui constituent le soubassement de la problématique discursive proprement dite. Il convient par conséquent, en préalable, d’en dresser un état.

Pour réaliser cet état des conditions de production des textes, le chercheur se trouve face à une masse d’informations diffuses, de documents, d’opinions et de sentiments aussi. Il lui faut trier, faire la part des choses, poser le problème.

P. Achard, dont le travail de thèse s’est étalé de 1967 à 1989, a pu porter un regard critique sur cette partie de son travail et jetant un regard en arrière, il s’aperçoit que, plutôt que de conditions de production des textes, il conviendrait de considérer ces préalables heuristiques comme les conditions de production dont dispose le chercheur au seuil de son travail d’analyste du discours :

À ré-examiner le statut de ces analyses préalables par rapport à la recherche

« achevée » (si tant qu’une recherche le soit jamais), une double constation s’impose : ces textes décrivent non les conditions de production du discours analysé, mais celles du discours d’analyse; la description effective des conditions de production des textes analysés constituel’aboutissement de l’analyse et non

un préalable à celle-ci1. [Achard1989, p. 95]

La recherche, en effet, est un travail de production, qui ne se réalise pas ex nihilo, mais à partir d’un certain nombre de savoirs, qui conditionnent le travail de recherche et, à ce titre, ces conditions ne constituent pas seulement des « préalables », mais une étape de la production des analyses. En tant que telle, la recherche en sciences humaines ne peut pas se prétendre absolument objective. Les conditions de production à partir desquelles se construit la recherche sont celles dont dispose le chercheur au moment de l’écriture du mémoire ; elles constituent donc un des facteurs limitants de la recherche. C’est dans un double objectif que nous nous devons de mettre à plat ces conditions : d’une part dans l’objectif de restreindre le plus possible le facteur limitant, afin de produire des résultats scientifiquement valides ; d’autre part, par honnêteté intellectuelle à l’égard des lecteurs, qui sont ainsi avertis des fondements à partir desquels le chercheur construit ses analyses discursives.

Cette partie se compose de quatre chapitres :

1. Nous soulignons.

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36 Introduction

1. Le chapitre premier est consacré aux conditions épistémologiques de la recherche. Le chercheur se soumet à l’auto-critique a priori en prenant en considération les caractéristiques inhérentes aux qualités du chercheur lui- même, qui, incontestablement, nous permettent de pouvoir exercer notre esprit critique, mais constituent également des obstacles à la recherche.

Il ne s’agira pas de lever complètement ces obstacles, mais de les poser par écrit, afin de les connaître et de pouvoir aborder les analyses avec une certaine « conscience » [ Morin 1982].

2. Un deuxième chapitre essaie de poser un certain nombre de jalons d’ordre socio-historique dont les discours gardent la mémoire et qui ont marqué la construction de la relation de dominance entre la France et certains pays du continent africain. C’est en effet le cadre à partir duquel nous, chercheuse, allons exercer notre « talent », c’est-à-dire mettre notre aptitude d’analyste du discours au service d’une problématique d’ordre politique, entendu dans son sens premier de « relatif à la cité ». Ce chapitre deuxième ne se veut pas une analyse historique ou anthropologique ; il ne se fonde pas sur les archives d’origine des périodes concernées, mais sur des ouvrages d’historiens et d’anthropologues qui ont travaillé sur ces phénomènes et qui nous ont guidée dans l’analyse de la construction de cette dominance franco-africaine.

3. Le chapitre troisième se donne pour objet d’établir un état des savoirs sur quatre notions sur lesquelles portent les analyses, à savoir celles de colonisation, de progrès, de civilisation et de développement. Pour ce faire, les notions sont présentées à travers l’analyse des discours lexicographiques (discours sur les mots) et les discours encyclopédiques (discours sur les choses) auxquels ces notions ont donné lieu. La notion de développement est une notion dont le sens n’est pas stabilisé car appartenant à l’histoire contemporaine (elle fait l’objet de politiques du même nom), de ce fait elle ne constitue pas un tout « fini » sur lequel nous pourrions bénéficier d’un recul. Nous avons donc choisi de l’exposer, non seulement par le biais des discours lexicographiques et encyclopédiques, mais également à travers les débats et les prises de position qu’elle suscite. À l’issue de ce parcours, nous disposerons d’un état des conditions de production qui donne les limites à l’intérieur desquelles nous entreprenons nos analyses et contraint de ce fait nos possibilités de recherche. Néanmoins il convient de moduler ce propos : les connaissances ne sont pas figées, elles s’alimentent en permanence d’informations, de lectures et d’analyses nouvelles qui contribuent à en repousser les limites.

4. Le chapitre quatrième qui suit et clôt la partie expose la problématique

discursive qui est l’objet de notre recherche. L’analyse de la dominance

discursive ou le rôle des « choses dites » [ Foucault 1969, 4

e

] dans la

relation de dominance se fonde sur les particularités qui ressortent des

relations franco-africaines telles que nous les avons analysées dans les

deux chapitres précédents. Enfin nous déterminons les axes de recherche

qui permettront de définir les modalités de la dominance discursive et

présentons la construction du corpus de recherche.

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