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Le personnage de l’orientaliste au miroir de la littérature arabe contemporaine

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Academic year: 2021

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Submitted on 13 Mar 2018

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Le personnage de l’orientaliste au miroir de la littérature arabe contemporaine

Ghislaine Alleaume

To cite this version:

Ghislaine Alleaume. Le personnage de l’orientaliste au miroir de la littérature arabe contemporaine.

Bulletin of the British Society for Middle Eastern Studies, Taylor and Francis, 1982, 9 (1), pp.5-13.

�halshs-01730232�

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L'Orientaliste Dans le Miroir de la Litterature Arabe Author(s): Ghislaine Alleaume

Source: Bulletin (British Society for Middle Eastern Studies), Vol. 9, No. 1 (1982), pp. 5-13 Published by: Taylor & Francis, Ltd.

Stable URL: http://www.jstor.org/stable/194654 Accessed: 12-03-2018 21:45 UTC

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L'ORIENTALISTE DANS LE MIROIR DE LA LITTERATURE ARABE Ghislaine Alleaume

Editor's Note: What follows is the text of one of a number of papers on orientalists read to meetings of the Middle East Libraries Committee (MELCOM) in 1980-81.

For readers who have no French a brief indication of the content may be of value: In his book Orientalism (1979) Edward Said holds Western orientalism responsible for what he believes to be a distorted European picture of the East. His argument is based on his analysis of the lives and work of orientalists. In the paper that follows it is not the orientalist of real life that concerns the writer, but the orientalist as he appears in two works of Arabic fiction. First and foremost, she reflects on the orientalist as portrayed by the Egyptian author AAli Pasha Mubarak (1823-93) in his 'Alam al-Din, a lengthy didactic work of fiction, which takes its title from the name of an Azharite sheikh. She then draws attention to a more recent and modified portrayal, namely that appearing less prominently, but

nevertheless very significantly, in the novel Mawsim al-hijra ila al-shimal (Season of Migration to the North) by the Sudanese writer al-Tayyib $alih (b.1929).

i

Dans la venerable galerie de portraits d'orientalistes que nous nous sommes propose de constituer, celui dont il va etre question ici aura necessairement une place particuliere. L'orientaliste que je voudrais vous presenter, en effet, n'est pas un etre reel, un de ces respectables professeurs des Langues Orientales, mais un personnage de fiction, un etre litteraire, celui que l'on rencontre ici ou la dans la litterature romanesque arabe. Mais pourquoi donc avoir prefere l'analyse d'une representation

litteraire, a celle d'une histoire vecue?

Un livre recent nous engage a considerer l'orientalisme, non comme un discours veridique, mais comme une vision europeenne de l'Orient, comme un ensemble de representations, voire de

'mythes et de mensonges. 1 Analyser biographies et oeuvres d'orientalistes, c'est essayer de cerner les contours de cette image que l'Europe s'est faite, et se fait encore, de l'Orient.

Analyser la representation litteraire qu'en donnent certains auteurs arabes, c'etait essayer d'introduire, en retour, le regard de 1'Autre.

Une telle tentative ne peut, dans le cadre qui nous est imparti, qu'etre lacunaire et incomplete, et c'est seulement une esquisse d'interpretation que nous proposerons. Pour l'essentiel, les quelques reflexions qui vont suivre, sur l'apparition de ce personnage dans la litterature arabe, et l'utilisation qui en est faite, seront tirees de l'analyse du roman de 'Ali pacha Mubarak,

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'Alam ad-din. Mais nous verrons que le theme est encore actuel, puisque nous le retrouverons, avec une importance moindre, il est vrai, mais de facon, nous semble-t-il tres significative, dans le roman de Tayyib Salih, Mawsim al-higra ila s-simal.

ii

-_~~~~~~~~ 2

'Alam ad-din,gros roman didactique en quatre volumes, se propose de nous conter la dEcouverte de 1'Europe par un cheikh d'al-Azhar,

'Alam ad-din, voyageant en compagnie d'un orientaliste anglais, qui l'a charge de l'aider a corriger un exemplaire du Lisan al-'Arab, en vue de son ddition.3

Manuel de lecture, plus que veritable roman, 1'ouvrage nous presente, au hasard des rencontres ou des incidents du voyage, 125 'causeries' (musamara), pr6textes a de longues dissertations sur les sujets les plus divers -- histoire, g6ographie, botanique, zoologie, technologie, etc. -- veritable bric-a-brac des

connaissances que 'Ali Mubarak estimait devoir inculquer aux dleves des 'dcoles modernes', dont Burhan ad-din, le fils du cheikh, qui voyage avec son pere, est en quelque sorte le modele.4

Le choix meme des deux personnages -- un cheikh, representant L'Egypte et sa tradition de savoir, dans ce qu'elle a de meilleur -- un orientaliste, repr4sentant l'Europe, sa technologie moderne et sa vision dominatrice du monde, nous semble en lui-meme tres significatif du contenu d'idees de 1'ouvrage. La place ainsi faite, dans ce dialogue, a l'orientaliste, jouant a la fois un r81e d'intermediaire et de propagandiste, serait sans doute revelee de facon plus precise par une analyse detaille des discours respectivement attribues a l'un ou a l'autre. Bien que trop superficielle encore, la presentation qui est tentee ici, permet d'en degager les traits essentiels.

La definition de l'orientaliste, sa fonction, sa competence C'est une evidence, mais il faut y revenir, le terme meme d'orientaliste, revele une vision europeenne. L'equivalent arabe, mustasriq, est un neologisme relativement recent,5 et c'est nous qui decidons de designer ainsi le compagnon de voyage

de 'Alam ad-din, que $Ail pacha Mubarak considere encore comme un sa'ih, 'un voyageur'. La relation ainsi operee au niveau

meme du vocabulaire entre orientalisme et litterature de voyage, est d'ailleurs historiquement riche de sens.

Ce qui le distingue d'un voyageur ordinaire, et permet de le definir comme un orientaliste, c'est sa connaissance de langue et de la litterature arabes. Cette definition linguistique n'a rien pour surprendre, et c'est ce caractere qui definit pour nous aussi, je veux dire, pour nos dictionnaires, et jusqu'a nos jours, la comp4tence principale des orientalistes.7 La qualitd des connaissances linguistiques et litteraires dont temoignent les orientalistes rencontres au cours du voyage, 'en depit de leur accent 4tranger dans la prononciation de certains phonemes arabes', suscite l'admiration sincere de 'Alam ad-din.

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Admiration aussi, devant la bibliotheque de l'un des membres de la 'Societ6 Orientale' -- transposition probable de la Societe Asiatique -- bibliotheque de 3200 volumes, avec une importante section orientale, dont 'Ali pacha Mubarak nous donne un rapide sommaire, qui se termine ainsi: 'Et bien d'autres ouvrages de langue, comme on n'en trouve ainsi rassemblds, chez aucun libraire, dans les pays musulmans' (IV, 1266).

En depit de cette estime, il est evident que le cheikh reste, dans le domaine de la connaissance de la langue et de la litterature arabes, en position de superiorite. Ce sont les orientalistes qui s'honorent de sa visite, et qui s'empressent autour de lui, pour lui demander conseils ou renseignements

philologiques et litteraires.9 Le cheikh reste, dans ce domaine le pddagogue, et l'orientaliste apparalt comme 1'eleve: ainsi

l'orientaliste anglais vient-il soumettre A son examen le texte d'un article qu'il a ecrit sur la science chez les Arabes.10

I1 n'est donc pas du tout question de l'apport eventuel de l'orientalisme A la connaissance par les Arabe's de leur propre histoire ou de leur patrimoine culturel. Cet absence est d'autant plus interessante qu'une autre oeuvre de 'Ali pacha Mubarak -- les Hitat temoigne largement de la place que tiennent, dans sa culture arabe, les 4tudes des orientalistes sur des auteurs medievaux, dont les ecrits n'etaient, au'XIXe siecle, plus guere connus, meme dans les milieux lettres, et plus du tout enseignes a al-Azhar.1O

Mais, en realite, notre personnage interviendra assez peu, dans le roman, pour ce qu'il est, un specialiste europeen des choses de l'Orient. Au contraire, les traits qui nous ont sembl6 caract6riser le mieux son intervention, s'articulent

autour de deux themes: il est un intermediaire entre Orient et

Occident, et il est un propagandiste des idees europeennes.

1. L'orientaliste est un intermediaire

1.1. II est'l'ami des Arabes', leur meilleur interlocuteur Sa connaissance de la langue arabe, son interet pour l'histoire et la litterature des Arabes, font de l'orientaliste un

interlocuteur privilegie, comprehensif et attentif. Pour 'Ali pacha Mubarak, l'interet de l'orientaliste pour les Arabes est le produit d'un 'penchant', d'une 'inclination' (mayl), voire d'un 'amour' (hubb, mahabba) ,pour les Arabes, ou les Musulmans, l'assimilation est constante. 'Alam ad-din, par exemple, voit dans l'orientaliste anglais, 'un homme aux manieres civiles, agrdable en amitid, gdnereux par nature, portant aux Musulmans un interet amical; il etait visible qu'il etait attire par eux, qu'il leur voulait du bien, et qu'il aimait les Arabes, leur langue et leurs sciences' (I, 71).

Et c'est une veritable declaration d'amour que 'Ali pacha place dans la bouche d'un des membres de la Societe Orientale, qui declare au cheikh: 'Nous sommes, par nature, ardemment pousses a connaltre 1'histoire de l'Orient, et nos coeurs sont

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enclins a aimer les Orientaux, surtout les Egyptiens' (III, 914).

-- voire m&me leur defenseur

Bien plus, 'Ali pacha Mubarak n'hesite pas a faire de

l'orientaliste le representant des Arabes en Europe et le gerant de leurs interets. Lorsque 'Alam ad-din decide de sui.vre

l'Anglais en Europe, ses collegues d'al-Azhar le mettent en garde contre les perils de l'enterprise. Dans les arguments par

lesquels celui-ci refute leurs objections, il evoque la possibilite de convertir l'Anglais a 1'Islam, ce que laisse

esperer, precisement, les bonnes dispositions qu'il manifeste a l'egard des Musulmans. Et, dit-il, 's'il ne se convertit pas, et garde sa religion, il sera chez lui, parmi les siens, comme notre representant (wakil), et defendra notre religion, en refutant les jugements queA ancent a notre encOntre, certains

de leurs savants' (I, 74).

1.2. Il est un initiateur a 1 ' Occident

Mais, dans le roman, le premier role devolu a l'orientaliste, est celui d'un guide eclaire, aidant nos deux Egyptiens dans leur decouverte de 1'Europe. Il sera un informateur, un initiateur, pour les petites choses de la vie quotidienne (le couvert et l'art de la table, les lorgnettes ou l'eclairage au gaz), comme pour les grands faits de l'histoire de France ('Histoire de Paris' (81e musamara) 'Histoire de Louvre et des Tuileries',

(84e musamara)). C'est lui aussi qui leur fait ddcouvrir le theatre, et bien d'autres choses encore.

Mais la part essentielle de cette information sur 1'Europe concerne les aspects de son developpement scientifique et

technique; c'est a l'orientaliste qu'est d4volu l'essentiel des dissertations sur le chemin de fer ou la machine a vapeur (7e musamara), la poste et le telegraphe (13e musamara), la navigations et la boussole (15e musamara), etc.

Le fait est interessant, car il constitue en quelque sorte, une inversion du role de l'orientaliste, sa fonction 'naturelle' le faisant plutot apparaitre comme l'informateur des EuropEens sur l'Orient. Ici, on a le contraire, et le phenomene est d'autant plus remarquable qu'on le retrouvera dans le roman de Tayyib $alih.

2. L'orientaliste est un propagandiste des idees europeennes Nous avons evoque le role que jouait l'orientaliste dans les exposes concernant la technologie moderne. II est evident qu'en meme temps que l'information concrete sur les machines, passe toute une ideologie europbenne du progres technique, dont les symboles les plus marquants sont le chemin de fer, la machine a vapeur, et le telegraphe, sur lesquels 'Ali pacha

reprend des discours devenus communs au XIXe siecle.12 Chemin de fer et te'lgraphe reviendront encore dans l'un des discours les plus remarquables que 'Ali pacha attribue a notre orientaliste, et qui constitue une veritable apologie de

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'intervention europeenne. A propos des hotels modernes, qui ont remplace les hans vetustes d'autrefois, notre homme se lance dans une critique de 1 ' tat de 1' Egypte avant Muhammad Ali, et attribue l'essentiel des maux qui l'accablaient a 1'isolement dans lequel elle dtait par rapport a 1'Europe, lui-meme facteur de son declin (I, 192-195). Le tout bien sur, sera suivi de 1'dloge du temps present, ou regne paix, securite et 'relations d'amitie entre les nations'. Il insistera, de facon

significative, sur la place privildgide de l'Egypte entre

1'Europe et l'Inde, faisant observer que le telUgraphe qui relie 1'Europe a l'Inde passe par 1'Egypte. A une autre reprise (19e musamara), il se livrera a l'apologie du voyage, moyen de la d4couverte des autres, renouant ainsi avec la definition que donnait de lui 'Ali pacha, et retablissant le lien entre voyage/

d4couverte et domination europeenne.

Enfin, a la trilogie du machinisme triomphant -- chemin de fer, machine a vapeur et telegraphe -- repond, dans le domaine des idles sociales, une autre trilogie, tres catacteristique aussi nous semble-t-il : la critique de la claustration de la ferme et de la polygamie, le plaidoyer contre l'esclavage, 1'apologie de 1 'ducation. Notre orientaliste va egalement se faire, dans ces domains, le porte-parole de 1'Europe.

Porte-parole modere, en ce qui concerne la femme ou l'esclavage.

En ce qui concerne la premiere surtout, le debat reste obscur, et la conclusion de resoud rien (I, 12e musamara : an-Nisa').

Plus convaincante sera son intervention dans le domaine de 1'education : il est vrai que 'Ali pacha, converti a la

pddagogie europdenne n'6tait pas en mal de lui faire faire cette apologie des dcoles modernes. Le cheikh se laissera aisement convaincre, et acceptera sans peine que son fils choisisse les carrieres que ces ecoles lui ouvrent; mais le fait que ce soit un Europeen qui s'en fasse ainsi le porte-parole est important:

elles apparaissentdes lors, un peu comme le systeme convenant le mieux aux interets de 1'Europe, et cette association sera expressement formulee par Tayyib Salih.

Voila donc, trace a grands traits, le portrait, quelque peu surprenant, de l'orientaliste, de 'Alam ad-din. Si son role de savant specialiste de l'Orient est quelque peu estompe, il apparatt en revanche, comme une charniere entre deux mondes.

iii

PrOs d'un siecle plus tard, le roman de Tayyib Salih, Mawsim al-hi4ra ila s-9imal, nous amene a une reflexion identique. Le probleme de la relation Orient/Occident est ici au coeur meme du rdcit. Mais c'est en termes contemporains, ceux d'une 4poque oi l'imperialisme se reconnalt pour ce qu'il est, que Tayyib Salih le pose.13

De fagon tres significative, il choisit d'actualiser le debat en le situant au tout debut du XXe siecle (le h4ros, Mustafa SaLid, nalt en 189814) ,don dans une epoque qui nous

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ramene presque a celle de 'Alam ad-din. Autre fait

significatif, son personnage est un produit des '6coles modernes', et la encore, nous revenons un Eeu a 'Alam ad-din. Sujet

exceptionnellement doud, Mustafa Sa'id quittera 1'lcole du Soudan, pour celle du Caire, puis partira a Londres poursuivre ses etudes.

C'est donc, la encore, d'une ddcouverte de l'Europe qu'il s'agit.

Et, comme dans 'Alam ad-din, c'est un orientaliste, ou

plut6t un couple d'orientalistes,15 que l'enfant aura pour

premier interlocuteur, et premier guide dans cette decouverte.

Les references, ici, ne sont plus que culturelles, et c'est donc Bach ou Keats que Mrs Robinson fait ddcouvrir a notre hdros.

L'orientaliste reste un intermediaire privil6gie, et un

initiateur a 1'Occident.

Le personnage en revanche, trouve chez Tayyib Salih une nouvelle dimension: c'est avec les Robinson egalement, que Mustafa Sa'id apprend a connaltre les quartiers medidvaux du Caire, dans des promenades ponctudes de lectures d'Abu'l-sAla'

(pp.29-30; trad. p.36). Et voici comment Tayyib $alih definit, par la bouche de Mrs Robinson, l'oeuvre de l'orientaliste:

'Je rapporterai les services eminents que mon mari a rendus a la culture arabe par ses recherches, les manuscrits rares qu'il a ddcouvert et fait publier, accompagnes d'importants commentaires'

(p.150; trad. p.114). Nous trouvons la un des aspects du r8le de l'orientaliste dont nous avions note l'absence dans 'Alam ad-din.

La perception du personnage a change, et le travail scientifique de l'orientaliste a cess4 d'etre un apprentissage.

Intdressante enfin, la connexion etablie a nouveau entre les orientalistes et le systeme des 6coles modernes, lequel, ici, apparatt expressement comme etant l'instrument de la soumission a 1'Europe: 'Ils ont bSti des ecoles pour nous apprendre a dire

'oui' dans leur langue' (p.98; trad. p.81-82).16

De meme que l'orientaliste de 'Alam ad-din semblait patronner le choix de Burhan ad-din pour les ecoles modernes, de meme les Robinson apparaissent ils comme les tuteurs de Mustafa Sa'id dans ses dtudes au Caire. Mais, dans le premier cas, ia nouvelle formation ainsi offerte a la jeune g6neration egyptienne dtait, par rapport a la formation traditionnelle indigene, dans un rapport de filiation (de 'Alam ad-din a Burhan ad-din), tandis que, chez Tayyib Salih, elle apparatt comme une rupture, et la

'pddagogie a l'europ6enne' n'est plus que le moyen pour l'occupant, de se donner des serviteurs dociles. Un de ses anciens camarades dira de Mustafa Sa'id: 'I1 est etrange que nul ici ne se souvienne de ce personnage qui a joue un role important dans les complots analais ourdis au Soudan a la fin des annees

30. Ii etait un de leurs meilleurs agents.'

Ce qui precede montre assez qu'en realite, l'analyse de l'utilisation qui est faite du personnage de l'orientaliste, renvoie plus largement au probleme de la relation a 1'Europe, prise de facon globale.

10

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I1 n'est pas dans notre propos d'en traiter ici, mais un point encore nous semble important dans le roman de Tayyib Salih, qui a trait moins a l'orientaliste lui-meme, qu'a la vision europeenne de l'Orient. Mais n'en est-t-il pas un des principaux agents?

C'est en effet d'une vision europdenne de l'Orient et de l'Oriental gue releve une part importante du personnage de

Mustafa Sa'id. Se definissant lui-meme comme Oriental, jouant constamment sur les mythes (mystere, violence, sensualite) qui jalonnent la vision europeenne de l'Orient, se creant a Londres un decor qui evoque la mode des

'Orientales', mais non une realite orientale, il apparait comme l'incarnation de ce que E. Sa?d appelle

1'orientalisation de l'Oriental', l'incarnation du mythe, du mensonge. Le personnage en sera lui-meme conscient, et sera tentd de crier, a son proces, :'Le Mustafa Said dent vous parlez n'existe pas. C'est un mensonge. Je vous implore de condamner ce mensonge a mort.' (p.36; trad. p.40).

On serait tente de voir dans l'echec du personnage, dans sa tentative pour se perdre dans 1'anonymat d'un village de paysans, qui apparalt comme le reniement de sa personnalite antdrieure, une condamnation, de fait, de ce mensonge. Et cela est vrai, mais en partie seulement. Car Mustafa Sa'id tient a leguer son histoire au narrateur, sur qui elle exercera une sorte de fascination. Cette transmission de l'homme qui incarne la generation qui a connu le triomphe de l'imperialisme a celui qui incarne celle de l'Independance, est elle-meme revdlatrice: cette histoire-la, et ce rapport-la a l'Europe, il faudra le prendre en compte. D'autre part, la fin meme de Mustafa Sa'id laisse planer le doute: est-il rdellement mort, et dans ce cas, est-ce un accident ou un suicide? Ou est-ce la mise en scene pour un nouveau depart, une nouvelle disparition? 'L'appel du large frappe de sa canne de lumiere dans ma tete', ecrit-il a la fin de sa lettre d'adieu. II semble bien qu'en fin de compte, le mensonge n'ait pas perdu grand chose de sa seduction et de sa force

d'attraction.

Est-ce cette sdduction qui explique le succes

considerable du roman en Occident, ou il est peut-etre plus connu et plus apprecie qu'en Orient? Et est-ce la raison d'une remarque plusieurs fois entendueau Caire, a propos de ce livre: 'C'est le genre de litterature qui platt beaucoup aux hawagat'?

Notes:

1. Edward W.Said, Orientalism, New York, 1979.

2. Edit6e Alexandrie, Impr.du Journal al-Mahrusa, 1882,

1486 p. Pour une analyse detaill6e de ce roman, voir LOUCA (Anouar), Voyageurs et 6crivains egyptiens en France au XIX siecle (Paris: Didier, 1970), pp.88-100.

11

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3. Le celebre dictionnaire d'Ibn Manzur (1232-1311). Le theme n'est Eas sans evoquer la collaboration du cheikh Ibrahim ad-Dasuqi au grand dictionnaire de Lane. Voir a ce sujet, la biographie de ce personnage dans Ali MUBARAK,.Hitat, XI, 9-13.

4. Sur l'id4ologie scolaire, tres riche, de 'Alam ad-din, voir DELANOUE (Gilbert), Moralistes et politiques musulmans dans l'Egypte du XIXe siecle (1798-1882) (sous presse a

l'Institut Frangais d'Archeologie Orientale du Caire), pp.525-559.

5. I1 n'apparalt, par exemple, ni dans E.BOCTHOR, Dictionnaire Franiais-Arabe, Paris, 1864 (3e ed.), ni dans S.SPIRO,An Arabic-English Dictionary of the colloquial Arabic of Egypt, Le Caire, 1895.

6. C'est ainsi qu'il est presente dans la 'causerie' qui marque son apparition (I, p.79 sq. 6e musamara: as-Sa'ih

al-inkilizi). Par la suite, il sera designe comme al-hawaga ou simplement al-inkilizi.

7. C'est la definition du BOUILLET, Dictionnaire Universel des sciences, des lettres et des arts, Paris, Hachette, 1896

(15e ed.), et encore celle du Petit Larousse de 1978, ou 1'dtude des 'langues orientales' est cependant associee a celle des 'civilisations' orientales.

8. Voir t. IV, la 97e musamara: al-gam'iyya al-masriqiyya, ou 'Ali pacha nous donne le recit d'une conference faite a la Socidt6 Orientale par 'Alam ad-din.

9. Ce texte est d'ailleurs reellement l'oeuvre d'un orientaliste: il est tire de l'Histoire des Arabes de

Sedillot' Cf. A.LOUCA, op.cit., p.98.

10. Dans une dtude des Hitat, et plus particulierement des sources utilisees par 'Ali pacha pour leur redaction, nous avons pu constater que des domaines entiers de la culture arabe medievale (medecine, botanique, etc.) ne lui etaient connus que par l'intermediaire de l'utilisation qu'en faisaient certains orientalistes, notamment Quatremere et Sacy.

11. Nous ne nous occupons ici que de l'attribution de ce r8le de defenseur a l'orientaliste. Mais le theme est

rev4lateur d'un fait bien plus important: que l'on commence

a se sentir menace.

12. On retrouve le theme ailleurs chez 'Ali pacha Mubarak (les Hitat ou le Tadbir an-Nil), mais aussi dans des manuels de geographie de 1'epoque.

13. Publid a Beyrouth, Dar al- .Awda, 1969. Traduit en franqais par Fady Noun, Paris, Sindbad, 1972.

14. La date est interessante: 1898 -- c'est l'annee de la

reconquete du Soudan par Kitchener, ce qui fait na2tre notre personnage juste un an avant 1'etablissement du condominium anglo-egyptien sur le Soudan.

15. Ce 'dedoublement' du personnage de l'orientaliste est du, selon nous, a ce qu'il etait necessaire, pour d'autres aspects de la trame romanesque, de cette initiation a

12

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1'Europe fut le fait d'une femme.

16. Le traducteur fran?ais a ici censure le texte arabe; voici en effet qu'elle est sa version: 'Ils ont bati des ecoles pour nous apprendre leur langue.' La nuance est

d' importance '

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