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Les études de médecine et la musique interne des étudiants

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Academic year: 2022

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Les études de médecine et la musique interne des étudiants

LUTHY, Christophe

LUTHY, Christophe. Les études de médecine et la musique interne des étudiants. Revue médicale suisse, 2015, vol. 11, no. 488, p. 1818-1819

PMID : 26619707

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:89214

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Les études de médecine et la musique interne des étudiants

Christophe Luthy

Rev Med Suisse 2015; 1818-1819

Les études de médecine sont longues et parsemées de pièges. Il y a d’abord les premières années où les étudiants sont soumis au difficile apprentissage de toutes sortes de matières.

Typiquement, les écueils se nomment physique, chimie et biochimie. Par la suite il convient encore de parvenir à retenir des chapitres entiers d’anatomie, de pathologie et d’histologie, de physiopathologie et d’épidémiologie tout en débutant les premiers stages.

Brièvement, ces initiations permettent aux futurs médecins de découvrir progressivement les dérèglements de la biologie et les bases de la thérapeutique. L’imprégnation à ces différents domaines se paie évidemment au prix de la fréquentation assidue des salles de cours et des bibliothèques, même si l’informatique et les patients standardisés ont redessiné la façon d’apprendre et de s’exercer. Ainsi, quels que soient l’université et les lieux d’immersion professionnelle, les étudiants sont communément contraints de faire preuve d’importants efforts intellectuels et d’une abnégation soutenue avant de parvenir à assumer le rôle du médecin et à gérer leurs premières relations avec des malades.

Mes activités d’enseignant et de tuteur clinique me permettent de rencontrer de nombreux étudiants. Quel que soit le stade de leurs études, j’apprécie toujours d’en apprendre un peu plus sur leurs trajectoires et sur leurs vécus. En écoutant les mieux disposés d’entre eux, je mesure souvent combien leurs voix rendent compte des forces magiques sans lesquelles la médecine clinique serait orpheline de ses meilleurs serviteurs. Ces voix se manifestent parfois par des dispositions qui apparaissent précocement : être curieux des malades autant que des maladies, demeurer en quête de nouvelles connaissances, accepter que la rigueur scientifique ne permette pas d’éviter l’atmosphère floue de la rencontre avec le malade, reconnaître que ce dernier se dévoile de façon irrégulière et qu’il revient au médecin d’acquérir des stratégies de communication adaptées. Pour ces étudiants-là, ni les périodes de doutes et d’errances, ni les lourdes tâches qui leur incombent, n’entament leur volonté obstinée et passionnée de tenir le fil d’un apprentissage au cours duquel il faut faire d’incessants allersretours entre la théorie et la pratique, entre le malade et ce que celui-ci leur fait vivre à eux en tant qu’individus et futurs médecins.

A travers ces modulations et ces variations d’accent, à travers ces métamorphoses subtiles, une très sensible continuité de ton et une étonnante cohérence thématique se dégagent de l’écoute de la musique interne de nos meilleurs étudiants exposés à la clinique. Il s’agit de la description d’un monde à la fois complexe et violent, composé de faits vécus et de fantasmes, de paysages entrevus et de visions d’arrière-mondes fabuleux. Il s’agit de situations extrêmes et d’expériences limites qui invitent à débusquer les secrets clos dans chaque être et dans chaque lieu. Parce que nos étudiants sont en train d’apprendre à repérer l’extraordinaire dans le quotidien, ils sont souvent particulièrement sensibles à leurs oublis ainsi qu’aux jeux cruels de leurs attentes et de leurs désirs. Avec leurs silences, avec des mots simples et raffinés, ils montrent comment ils explorent la géologie de l’être humain. Ils montrent comment ils (se) cherchent pour cerner les mystères des visages et des corps tout en acceptant leurs

insuffisances et leurs conflits intérieurs.

Evidemment, ma tentative d’écriture d’aujourd’hui n’est qu’une lecture personnelle de la musique interne des étudiants en médecine. Mes perceptions sont notamment influencées par

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2 mes sensibilités et par ce que mes maîtres m’ont montré. Il n’empêche que cette vue

surréaliste permet d’illustrer – moins bien que les toiles de Magritte ou de Max Ernst – quelques-unes des contradictions provocantes et fécondes auxquelles je confronte les étudiants que je côtoie : enseigner une pratique fondée sur des évidences tout en refusant le dualisme et le manichéisme, briser les certitudes trop réconfortantes, faire des ponts entre le réel et l’imaginaire et entre le profane et le sacré, être capable de garder des secrets tout en supportant la frustration.

Il faut des années pour apprendre le langage de la médecine, pour éprouver l’unité d’un individu qui comprend des niveaux anatomique et histologique, mais également organique et fonctionnel. Les études de médecine permettent d’apprendre l’évolution des maladies, la force et l’incertitude des processus somatopsychiques ainsi que la nécessité d’intégrer des éléments de psychologie qui constituent une physiologie aussi essentielle que la physiologie

pulmonaire ou rénale par exemple. Toutefois, afin que l’intuition des enseignants comme celle des étudiants puissent ouvrir les yeux de la connaissance, afin que le médecin ne soit jamais ni aveugle ni sourd face aux demandes des malades, il importe de considérer l’écoute de la musique interne des (futurs) médecins comme un ingrédient indispensable du cursus médical.

Contact auteur(s)

Christophe Luthy

Département de médecine interne et réhabilitation HUG, 1211 Genève 14

christophe.luthy@hcuge.ch

2015 © Médecine & Hygiène

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