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La maladie thromboembolique veineuse : une pathologie souvent oubliée
RIGHINI, Marc Philip, FONTANA, Pierre, MAZZOLAI, Lucia
RIGHINI, Marc Philip, FONTANA, Pierre, MAZZOLAI, Lucia. La maladie thromboembolique veineuse : une pathologie souvent oubliée. Revue médicale suisse , 2016, vol. 12, no. 542, p.
2099-2100
PMID : 28700162
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Éditorial
www.revmed.ch
7 décembre 2016
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La maladie thrombo
embolique veineuse : une pathologie souvent oubliée
Prs MARC RIGHINI, PIERRE FONTANA et LUCIA MAZZOLAI L’ISTH (International Society on Thrombosis
and Hemostasis) a promulgué depuis deux ans une journée mondiale de la thrombose, dont la date a été fixée au 13 octobre, jour anni
versaire de la naissance de Rudolf Virchow qui, par la description de sa triade, avait jeté les fondations de la compréhension moderne de la physiopathologie de la maladie throm
boembolique veineuse (MTEV).
Cette journée est constellée de multiples manifestations dans les centres hospitaliers et les uni
versités de nombreux pays. L’or
ganisation d’une telle journée par une société internationale corres
pondelle à un effet de mode, ou estil réelle
ment important de consacrer une journée à la MTEV ?
La MTEV est la troisième cause de mortalité cardiovasculaire après l’infarctus du myo
carde et l’accident vasculaire cérébral. A titre d’exem ple, elle affecte de 300 000 à 600 000 person nes par an aux EtatsUnis. L’incidence annuelle de la MTEV chez les adultes est de 12 / 1000, et augmente jusqu’à 1 / 100 chez les sujets âgés, ce qui en fait une maladie fré
quente. Il s’agit également d’une maladie potentiellement chronique, avec un taux de récidive annuelle de l’ordre de 510 % après un premier événement, un taux de syndrome postthrombotique de 30 % après une throm
bose veineuse profonde et un taux d’hyper
tension artérielle pulmonaire de 23 % après une embolie pulmonaire.
Près de la moitié des événements thrombo
emboliques veineux sont « non provoqués » ou encore appelés idiopathiques et l’autre moitié surviennent à la suite de facteurs plus clairement favorisants tels que la chirurgie, les traumatismes, les hospitalisations, les pé
riodes d’immobilisation ou les néoplasies.
La MTEV peut être considérée comme un
« silent killer » car, contrairement aux deux autres causes fréquentes de mortalité cardio
vasculaire (infarctus du myocarde et AVC), elle demeure pour l’essentiel inconnue du grand public. Les symptômes de l’embolie pulmonaire sont peu connus et facilement attribuables à d’autres pathologies, ce qui peut en retarder le diagnostic et la prise en charge même par des professionnels expérimentés. En
viron 10 % des patients avec une embolie pulmonaire décèdent avant que le diagnostic ne soit établi et 510 % des patients vont mourir rapidement après le diagnostic. Le manque d’information de la population géné
rale sur cette maladie a probablement un impact sur ces chiffres. Dans une enquête récente portant sur plus de 7000 adultes, seulement 57 % des personnes interrogées avaient entendu parler de cette pathologie alors que respecti
vement 89 et 90 % savaient ce qu’est un acci
dent vasculaire cérébral ou un infarctus du myocarde. Dans cette même enquête, seule
ment 28 % des personnes interrogées connais
saient les symptômes de thrombose veineuse profonde et 18 % les symptômes d’embolie pulmonaire.
Une connaissance insuffisante des facteurs de risque, de la présentation clinique, des pos sibi
lités de prévention et du traitement de la MTEV semble également exister auprès du corps mé dical. Ainsi, une récente enquête effectuée auprès de 155 médecins généralistes en France a révélé que la moitié ne connaissait pas les stra
tégies diagnostiques de l’embolie pulmonaire ou la possibilité d’un traitement ambulatoire chez des patients correctement sélectionnés.
Les données épidémiologiques concernant l’infarctus du myocarde et l’accident vascu
Articles publiés sous la direction de
MARC RIGHINI Médecin-chef
de service
PIERRE FONTANA Service d’angiologie
et d’hémostase HUG, Genève
LUCIA MAZZOLAI Médecin-cheffe de service Service d’angiologie
CHUV, Lausanne
LA MTEV PEUT êTRE CONsIdé- RéE COMME UN
« sILENT kILLER »
REVUE MÉDICALE SUISSE
WWW.REVMED.CH 7 décembre 2016
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laire cérébral ont clairement démontré que la connaissance de ces maladies par le grand public aboutit à un diagnostic et à une prise en charge plus rapide des patients, avec une diminution de la mortalité, en tout cas en ce qui concerne l’accident vasculaire cérébral.
De telles données sont à l’heure actuelle plus que restreintes en ce qui concerne la MTEV.
Audelà du bénéfice potentiel lié à des cam
pagnes d’information au niveau du grand pu
blic, il reste aussi un travail important à faire au niveau de l’implémentation des vastes connaissances acquises ces vingt dernières années dans le domaine. Ainsi, bien que des stratégies diagnostiques bien conduites aient été clairement mises en relation avec un meilleur pronostic des patients atteints d’em
bolie pulmonaire, leur implémentation est loin d’être réalisée dans tous les centres hos
pitaliers. Un discours similaire peut être tenu en ce qui concerne l’utilisation de la prophy
laxie hospitalière dont l’adéquation avec les guidelines internationales reste globalement modeste. L’implémentation dans
la vraie vie des connaissances ac
quises ces dernières années reste donc un réel défi.
En conclusion, la MTEV est bien un « silent killer » malgré l’amé lio
ration progressive des stratégies diagnostiques et de prévention intrahospitalières. Les campa gnes d’information telles que le World
Thrombosis Day sont donc une occasion de faire connaître et de rappeler qu’il s’agit d’une pathologie représentant un vrai fardeau en termes de santé publique.