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Les Conventions de l'OIT sur la maternité (no 183) et le travail domestique (no 189)

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Les Conventions de l'OIT sur la maternité (no 183) et le travail domestique (no 189)

LEMPEN, Karine

LEMPEN, Karine. Les Conventions de l'OIT sur la maternité (no 183) et le travail domestique (no 189). In: R. Wyler/A. Meier/S. Marchand. Regards croisés sur le droit du travail : Liber Amicorum pour Gabriel Aubert . Genève : Schulthess, 2015. p. 201-212

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:75086

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Les Conventions de l’OIT sur la maternité (n° 183) et le travail domestique (n° 189)

K

ARINE

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RE EN DROIT

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UREAU FÉDÉRAL DE L

ÉGALITÉ ENTRE FEMMES ET HOMMES

I. Introduction

L’ordre juridique suisse est sur le point de s’enrichir de deux nouveaux textes relatifs à la protection des travailleuses et des travailleurs. En effet, le 4 juin 2014, la Suisse a ratifié la Convention n° 183 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la protection de la maternité1. Quelques jours plus tard, le 20 juin 2014, l’Assemblée fédérale a autorisé le Conseil fédéral à ratifier la Convention n° 189 de l’OIT concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques2. Cette convention a été ratifiée par la Suisse le 12 novembre 2014 et entrera en vigueur le 12 novembre 2015.

Les thématiques de ces deux instruments juridiques sont liées. En effet, selon l’expérience générale de la vie et diverses statistiques3, l’arrivée d’un enfant entraîne souvent, non seulement de grands moments de joie, mais aussi une augmentation du nombre d’heures de travail domestique nécessaires à la bonne marche du ménage. Les jeunes parents font face aux nouvelles charges domestiques et familiales en négociant entre eux et sur leur lieu de travail une réduction du taux d’activité du parent qui gagne le salaire le moins élevé, généralement la mère. Au vu de l’insuffisance des structures d’accueil extrafamilial en Suisse, il n’est pas rare que les ménages engagent, en outre, du personnel de maison pour contribuer à la prise en charge du ou des enfants. La Recommandation n° 201, qui complète la Convention n° 189 sur le travail domestique, demande aux Etats de veiller à ce que les mesures visant, de façon générale, à permettre aux parents de concilier vie professionnelle et responsabilités familiales, prennent en compte les préoccupations et les droits du personnel domestique4. En particulier, il convient de garder à l’esprit que les travailleuses domestiques ont, comme les autres, le droit d’être protégées en cas de maternité et éprouvent aussi le besoin de trouver un équilibre entre

1 Arrêté fédéral du 14 décembre 2012, FF 2012 8985. La ratification fait suite à une initiative parlementaire MAURY PASQUIER 07.455.

2 Arrêté fédéral du 20 juin 2014, FF 2014 5081.

3 Voir, par exemple, le site Internet de l’Office fédéral de la statistique (OFS): www.equality- stat.admin.ch > Données, indicateurs > Conciliation emploi et famille.

4 Paragraphe 25, chiffre 1, lettre c.

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vie professionnelle et vie personnelle. « Les travailleurs domestiques étant dans leur grande majorité des femmes issues de milieux défavorisés, surreprésentées parmi les travailleurs à bas salaire »5, la Convention n° 189 sur le travail domestique contribue, à l’instar de la Convention n° 183 sur la protection de la maternité, à la réalisation de l’égalité entre femmes et hommes dans le monde du travail.

La présente contribution souhaite donner un aperçu de ces conventions, qui entreront vraisemblablement toutes deux en vigueur pour la Suisse en 2015. L’étude de ces textes permet de mettre en lumière à la fois les grands progrès accomplis ces dernières années dans le domaine de la protection des travailleuses et des travailleurs et les diverses lacunes qui subsistent à cet égard. L’accent est mis sur les dispositions qui ont suscité le plus de commentaires lors de la consultation des milieux concernés et des débats parlementaires. En effet, les discussions relatives à la ratification par la Suisse des conventions n° 183 et 189 montrent que « les temps changent », certes, mais que l’évolution est lente et que les retours en arrière ne sont jamais exclus.

II. La Convention n° 183 sur la protection de la maternité

En 1952, la Conférence internationale du Travail adopte une Convention n°

103 (révisée) sur la protection de la maternité. En 2000, afin de tenir compte de l’évolution de la structure de l’emploi et du taux d’activité des femmes depuis les années cinquante, la Convention n° 103 est remplacée par une Convention n° 183 du même nom. L’adoption de cette nouvelle convention est présentée comme le fruit des efforts déployés par le Bureau international du Travail (BIT) pour s’assurer que les normes internationales du travail demeurent « en phase avec le monde d’aujourd’hui »6.

Le champ d’application 1.

La Convention n° 183 de l’OIT sur la protection de la maternité du 12 juin 2000 s’applique à toutes les « femmes employées », y compris celles qui se trouvent au bénéfice d’un contrat de travail « atypique » (art. 2 par. 1), à temps partiel (art. 319 al. 2 CO). Toutefois, la Suisse prévoit d’exclure partiellement du champ d’application de la convention les catégories de travailleuses qui ne

5 Message du Conseil fédéral du 28 août 2013 relatif à la Convention n° 189 de l’OIT, FF 2013 6215, 6220.

6 Rapport du Conseil fédéral du 15 juin 2001 concernant la convention révisée sur la protection de la maternité et sur le retrait de cinq conventions (88e session de la Conférence internationale du Travail 2000), FF 2001 5601, 5603.

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sont pas protégées par la loi fédérale sur le travail, comme les travailleuses à domicile (art. 3 LTr) ou les employées des administrations fédérale, cantonales et communales (art. 2 LTr).7

Au sujet des administrations publiques, il convient de préciser que seules les dispositions de protection de la santé (art. 6, 35 et 36a LTr) leur sont applicables (art. 3a LTr). En revanche, les prescriptions relatives à l’occupation durant la maternité (art. 35a LTr, art 60 OLT 1) qui, comme nous le verrons plus loin, ont été vivement débattues en lien avec la ratification de la Convention n° 183, ne les concernent pas directement.

Le congé de maternité 2.

La Convention n° 183 fixe la durée minimale du congé maternité à quatorze semaines (art. 4 par. 1). Lorsque la législation nationale prévoit que les prestations versées au titre de ce congé sont fixées sur la base du gain antérieur, le montant de ces prestations ne doit pas être inférieur aux deux tiers du gain déterminant (art. 6 par. 3). En outre, les Etats doivent examiner périodiquement, en consultation avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, l’opportunité d’étendre la durée du congé et d’augmenter le montant ou le taux des prestations en espèces (art. 11). Selon la Recommandation n° 191, les Etats doivent s’efforcer de porter la durée du congé à dix-huit semaines au moins (art. 1 par. 1).

Conformément à cette recommandation, un allongement de la durée du congé maternité payé, de quatorze à dix-huit semaines, a été proposé par la Commission européenne dans un projet de directive du 3 octobre 20088. Le 20 octobre 2010, le Parlement européen a adopté ce projet et élevé la durée du congé rémunéré à vingt semaines9. Toutefois, le Conseil n’ayant pas réussi à s’entendre sur ce texte au cours des années qui ont suivi, la Commission européenne a proposé le 18 juin 2014, dans le cadre d’un programme aspirant à rendre la législation de l’Union européenne « plus légère, plus simple et moins coûteuse »10, de retirer sa proposition de directive sur le congé de

7 Voir l’article 2 par. 2 de la convention et le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) du 10 novembre 2011 relatif à l’initiative parlementaire 07.455. Ratification de la Convention n° 183 de l’OIT sur la protection de la maternité, FF 2012 1597, 1601.

8 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 92/85/CEE du Conseil concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, COM(2008)637 final, 2008/0193 (COD).

9 P7_TA(2010)0373.

10 Commission européenne, communiqué de presse du 18 juin 2014, « REFIT : la Commission rend la législation de l’UE plus légère, plus simple et moins coûteuse ».

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maternité. Au vu des vives réactions suscitées par cette annonce11, il n’est pas possible, à l’heure actuelle, de prédire quel sera l’avenir de ce projet législatif.

En Suisse, un allongement de la durée du congé maternité ne figure pas à l’ordre du jour. Bien au contraire, le minimum de quatorze semaines rémunérées, finalement introduit le 1er juillet 2005 sur le plan fédéral (art. 329f CO, art. 16b et ss LAPG)12, est remis en question par deux motions récentes, qui proposent de remplacer l’allocation de maternité par un congé parental13. L’interdiction de travailler durant les huit semaines qui suivent l’accouchement (art. 35a al. 3 LTr) serait cependant maintenue. Le 30 avril 2014, le Conseil fédéral a proposé le rejet de ces motions au motif, notamment, qu’un projet de loi autorisant les parents à se partager les quatorze semaines de congé maternité irait à l’encontre de la Convention n°183 de l’OIT sur la protection de la maternité. Le 15 septembre 2014, le Tribunal fédéral a jugé qu’une répartition entre la mère et le père du droit à toucher des allocations pour perte de gain durant cette période de quatorze semaines ne serait pas compatible avec l’article 4 de la Convention14.

Le congé parental et le congé d’adoption 3.

Selon la Recommandation n° 191 de l’OIT, les parents devraient pouvoir bénéficier d’un congé parental pendant une période consécutive à l’expiration du congé de maternité (art. 10 par. 3). En outre, lorsque la législation nationale prévoit l’adoption, les parents adoptifs devraient avoir accès au système de protection défini par la Convention n° 183 (art. 10 par. 5).

A ce sujet, il est intéressant de signaler que le canton de Neuchâtel propose d’introduire dans la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain (LAPG) une « allocation d’adoption » pour « les femmes qui adoptent un enfant de huit ans ou moins qui n’est pas l’enfant de leur conjoint ». En effet, selon le texte de l’initiative cantonale, « en l’état actuel des choses, […] il est pratiquement impensable d’imaginer qu’on puisse obtenir une allocation pour perte de gain pour les hommes qui adoptent. Pour l’heure, il est tactiquement

11 Agence Europe, communiqué de presse du 16 juillet 2014, « Le PE s’indigne d’un éventuel retrait de la révision du congé de maternité ».

12 RO 2005 1429.

13 Motion du GROUPE VERTLIBERAL 14.3068 « Remplacer l’allocation de maternité par un congé parental », motion CARONI 14.3109 « Congé parental. Davantage de liberté sans augmentation des coûts ». Une proposition similaire avait déjà fait l’objet d’une motion FREYSINGER 07.3156 « Loi fédérale sur le régime des allocations pour perte de gain. Modification ». Voir aussi, dans le canton de Genève, une proposition de motion (M 2160) du 27 août 2013 « pour un congé parental cantonal », à prendre durant les deux dernières semaines du congé maternité genevois de seize semaines.

14 Arrêt du Tribunal fédéral 9C_810/2013, destiné à publication, consid. 10.2 (pas de droit aux allocations pour perte de gain durant le congé de paternité).

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préférable de faire un petit pas avec ce projet de loi, plutôt que de tout chambouler » en assimilant le congé d’adoption au congé parental15.

Au sujet du congé parental et du congé de paternité, le Conseil fédéral a soumis aux Chambres fédérales un rapport du 30 octobre 2013, dans lequel il analyse différents modèles permettant d’introduire de tels congés au niveau fédéral16. Le Conseil fédéral considère que l’introduction d’un congé de paternité ou d’un congé parental « ne constitue pas la principale priorité en matière de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle » et ne préconise aucun modèle en particulier. En revanche, il a chargé le Département fédéral de l’intérieur d’examiner la possibilité d’inscrire au niveau fédéral un droit des travailleuses et des travailleurs à réduire leur taux d’occupation, d’au maximum 20%, suite à la naissance d’un enfant17. Un tel droit existe pour le personnel de la Confédération depuis le 1er juillet 2013. Les parents ont droit, dans leur fonction, à une réduction de 20% au plus, pour autant le taux d’occupation ne devienne pas inférieur à 60% (art. 60a al. 1 OPers).

La protection contre le licenciement 4.

Selon la Convention n° 183, la travailleuse doit avoir l’assurance de retrouver, à l’issue du congé de maternité, son poste de travail ou un poste équivalent rémunéré au même taux (art. 8 par. 2). La convention interdit le licenciement pendant la grossesse, le congé maternité et une période – à déterminer par la législation nationale – suivant le retour de congé, sauf pour des motifs sans lien avec la maternité (art. 8 par. 1). A cet égard, la protection offerte par la convention semble aller moins loin que celle prévue par le droit suisse18, en vertu duquel un congé donné pendant la grossesse et au cours des seize semaines suivant l’accouchement est nul (art. 336c CO), même lorsqu’il est sans rapport avec la maternité19. Durant cette période, l’employeur ne peut résilier le contrat sans l’accord de la travailleuse que pour de justes motifs (art.

337 CO)20.

La période de protection contre le licenciement en temps inopportun (art.

336c CO) ne couvre toutefois pas le temps d’essai (art. 335b CO), qui peut

15 Initiative cantonale 14.309 « Congé maternel d’adoption », non encore traité.

16 Rapport en réponse au postulat FETZ 11.3492 « Congé parental et prévoyance familiale facultatifs ».

17 Communiqué de presse du 30 octobre 2013 « Rapport sur le congé de paternité et le congé parental ».

18 Rapport susmentionné de la CSSS-N, FF 2012 1597, 1605.

19 Voir, par exemple, un arrêt du Tribunal fédéral 4A_507/2013 du 27 janvier 2014, consid. 4.

20 A titre d’illustration: Arrêt du Tribunal fédéral 4C.247/2006 du 27 octobre 2006 (licenciement immédiat justifié d’une femme de chambre enceinte).

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s’étendre sur plusieurs années dans la fonction publique21. Elle se termine à la fin de la seizième semaine qui suit l’accouchement, soit deux semaines après la fin du congé maternité de quatorze semaines prévu par le droit fédéral.

Conformément à ce qui est demandé par la Convention n° 183, le droit suisse interdit donc le licenciement pendant une période – deux semaines – suivant le retour du congé de maternité22. Une analyse des effets de l’allocation de maternité réalisée sur mandat de l’Office fédéral des assurances sociales révèle, toutefois, que plus de la moitié des femmes bénéficiaires prennent un congé d’une durée supérieure à quatorze semaines, dont le financement est assuré par l’employeur ou par la travailleuse (congé non payé)23. De plus, comme relevé par la conseillère nationale JOSIANE AUBERT, pour appuyer l’idée d’une extension de la période de protection de seize à vingt-quatre semaines,

« il n'est pas rare que les salariées qui accouchent prolongent la période du congé maternité grâce à un solde de vacances ou d'heures supplémentaires »24. Dès lors, en pratique, les travailleuses licenciées au retour d’un congé de maternité ne peuvent souvent pas se prévaloir de la protection contre les licenciements en temps inopportun. En revanche, si elles parviennent à rendre vraisemblable la nature discriminatoire25 du congé (-modification), elles pourront prétendre au versement d’une indemnité fondée sur le code des obligations (art. 336a CO)26 ou la loi fédérale sur l’égalité (art. 5 al. 2 LEg).

La rémunération du temps consacré à l’allaitement 5.

La seule disposition de la Convention n° 183 qui a entraîné une adaptation du droit suisse est l’article 10, selon lequel les pauses d’allaitement doivent être comptées comme du temps de travail rémunéré. Depuis le 1er juin 201427, la rémunération du temps consacré à l’allaitement est expressément réglée dans l’ordonnance 1 relative à loi sur le travail. Selon l’article 60 alinéa 2:

21 A titre d’illustration : ATF 139 I 57 (résiliation des rapports de service d’une employée de l’Etat de Neuchâtel enceinte, peu avant la fin de la période probatoire de deux ans). Suite à cet arrêt, le Grand Conseil du Canton de Neuchâtel a approuvé, le 30 septembre 2014, une modification de la loi cantonale sur le statut de la fonction publique qui introduit une protection contre les congés en temps inopportun durant la période probatoire.

22 Rapport susmentionné de la CSSS-N, FF 2012 1597, 1606.

23 AEPPLI DANIEL, Wirkungsanalyse Mutterschaftsentschädigung, Office fédéral des assurances sociales OFAS, Berne, 2012, p. 69 ss.

24 Motion AUBERT 10.3514 « Protection contre le licenciement de la femme allaitante », liquidé.

25 Un arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2010 du 25 octobre 2010 précise qu’un licenciement intervenu après un congé maternité n’est pas ipso facto discriminatoire. En l’espèce, l’employeur disposait de motifs objectifs, liés à la réorganisation d’un service pour se séparer de sa collaboratrice (consid.

5.2).

26 Voir, par exemple : arrêt de la Cour d’appel des prud’hommes de Genève, 16 mars 2010, CAPH/31/2010.

27 RO 2014 999.

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« Les mères qui allaitent peuvent disposer des temps nécessaires pour allaiter ou tirer leur lait. Au cours de la première année de la vie de l’enfant, le temps pris pour allaiter ou tirer le lait est comptabilisé comme temps de travail rémunéré dans les limites suivantes : a. pour une journée de travail jusqu’à 4 heures : 30 minutes au minimum ; b. pour une journée de travail de plus de 4 heures : 60 minutes au minimum : c. pour une journée de travail de plus de 7 heures : 90 minutes au minimum ».

Avant cette révision, l’ordonnance disait que le temps consacré à l’allaitement devait être considéré comme du temps de travail mais ne précisait pas si ce temps était rémunéré ou non. L’article 35a alinéa 2 de la loi sur le travail prévoit uniquement que les mères qui allaitent peuvent disposer du temps nécessaire à l’allaitement. La question se posait dès lors de savoir dans quelle mesure l’allaitement devait être considéré comme un empêchement non fautif de travailler au sens de l’article 324a CO28. Après avoir passé en revue les avis contraires exprimés à ce sujet par la doctrine29, la Cour de justice du canton de Genève avait, dans un des rares arrêts rendus en la matière, répondu par la négative au motif que « l’allaitement relève d’un choix personnel »30.

En vue de la ratification de la Convention n° 183, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) avait proposé, suite à un vote serré, de réviser l’article 35a de la loi fédérale sur le travail afin d’y inscrire le principe de la rémunération du temps consacré à l’allaitement31. « Bien que profondément attaché au principe de la liberté contractuelle régissant notre droit privé du travail », le Conseil fédéral avait pris note de la proposition de révision. Il avait cependant estimé qu’une modification de la loi sur le travail n’était pas nécessaire32 et chargé le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) d’élaborer un projet de modification de l’article 60 alinéa 2 OLT1. Lors de la procédure d’audition relative à cette disposition (en vigueur depuis le 1er juin 2014), certains participants avaient critiqué le choix de régler la rémunération des pauses d’allaitement au niveau de l’ordonnance seulement33.

28 Dans sa réponse à une motion BERNASCONI 10.3516 « Allaiter au travail », le Conseil fédéral estime que « l’article 324a CO pose un cadre adéquat pour régler la question du versement du salaire. […]

L’interprétation et l’application de cette disposition peuvent être laissées à la jurisprudence […] ».

29 Voir, en particulier, JAKOB ÜBERSCHLAG, Recht auf entlöhnte Stillpausen – quo vadis?, DTA 2011 260, qui propose d’ancrer le droit au versement du salaire dans un nouvel article 329g CO.

30 Arrêt de la Cour de justice, Chambre des prud’hommes, 27 octobre 2011, CAPH/175/2011, consid.

2.3 et 3.

31 Rapport susmentionné de la CSSS-N, FF 2012 1597, 1607.

32 Avis du Conseil fédéral du 15 février 2012, FF 2012 1623,1625.

33 Rapport du SECO sur les résultats de la procédure d’audition concernant la modification de l’art. 60.

al. 2, de l’ordonnance 1 relative à la loi sur le travail (OLT1), Berne, mars 2014, p. 4.

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Sur le fond, les milieux de la santé et de l’hygiène au travail avaient demandé que l’article 60 alinéa 2 OLT1 soit complété par la phrase suivante :

« L’employeur met à disposition des locaux répondant aux exigences minimales suivantes : pièce tranquille et propre permettant de se retirer à l’abri des regards et pouvant être fermée à clé, munie d’un lavabo et équipée de sièges confortables et offrant la possibilité d’accéder à un réfrigérateur et à une table à langer »34. Plusieurs organisations patronales avaient, en revanche, jugé que le projet de modification allait « trop loin ». En effet, l’introduction d’une « pause minimale d’allaitement rémunérée pourrait susciter des convoitises » et entraîner des « abus »35. En outre, les femmes en âge de procréer risqueraient de devenir moins attractives sur le marché du travail36.

Une grande majorité de participants ayant toutefois approuvé le projet de modification, le Conseil fédéral a adopté, le 30 avril 201437, le nouvel article 60 alinéa 2 OLT 1 retranscrit plus haut. Au vu du faible nombre de femmes en Suisse qui continuent à allaiter après avoir repris le travail, le Conseil fédéral estime que l’adoption de cette disposition aura « un impact relativement peu important sur l’économie »38.

III. La Convention n° 189 sur le travail domestique

La Convention n° 189 concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques, adoptée le 16 juin 2011 par la Conférence internationale du Travail, avec le soutien de la Suisse, est entrée en vigueur le 5 septembre 2013.

Les évolutions récentes en droit suisse 1.

En Suisse, le travail domestique n’entre pas dans le champ d’application de la loi fédérale sur le travail (art. 2 al. 1 let. g LTr). Afin de protéger ce secteur contre les pratiques abusives, différents contrats-types de travail (CTT) ont été édictés aux niveaux fédéral et cantonal, notamment dans le cadre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Depuis le 1er janvier 2011, l’ordonnance sur le contrat-type de travail pour les travailleuses et

34 Rapport du SECO, p. 7.

35 Rapport du SECO, p. 9.

36 Rapport du SECO, p. 11. Cet argument est invoqué par l’entreprise MIGROS et par l’UNION DEMOCRATIQUE DU CENTRE (UDC), qui sont les seules participantes à avoir strictement rejeté le projet de modification.

37 RO 2014 999.

38 FF 2012 1623, 1625.

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travailleurs de l’économie domestique39 fixe au niveau fédéral des salaires minimaux impératifs. D’une durée initialement limitée à trois ans, ce contrat- type a été prolongé en 2013 et prévoit, pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, de nouveaux salaires minimaux (art. 360a CO)40. Les contrats- types cantonaux règlent les autres conditions de travail du personnel de maison, comme la durée du travail et du repos (art. 359 al. 2 CO). Depuis le 1er juillet 2011, l’ordonnance sur les domestiques privés41 règle spécifiquement les conditions de travail des domestiques du personnel diplomatique.

Le processus de ratification de la Convention n° 189 2.

Au regard du niveau de protection élevé, en comparaison internationale, offert par le droit suisse aux personnes actives dans le secteur domestique, le Conseil fédéral a proposé, le 28 août 2013, de ratifier la Convention n° 18942. Le 20 mars 2014, le Conseil des Etats s’est prononcé à l’unanimité en faveur de la ratification43. Au Conseil national, en revanche, le vote sur cet objet a donné lieu à de vifs débats44. En particulier, certains parlementaires ont exprimé la crainte que l’adoption par la Suisse des dispositions très détaillées de la convention relatives à la durée du travail et du repos puisse décourager la migration pendulaire des personnes soignantes à domicile et isoler le marché suisse sur le plan international45. D’autres, en faveur de la ratification, ont souligné à quel point le monde professionnel dépend du travail effectué par le personnel domestique. En effet, « combien de travailleuses et de travailleurs seraient-elles/ils en mesure de fournir le haut niveau de prestations exigé sur leur lieu de travail s’ils n’avaient pas quelqu’un à la maison qui s’occupe des enfants et du ménage ? » 46. Quelques élu-e-s ont saisi l’occasion de ces discussions sous la coupole fédérale pour remercier publiquement leurs employé-e-s de maison, sans lesquel-le-s un engagement politique ne serait

39 CTT économie domestique du 20 octobre 2010, RS 221.215.329.4.

40 Entre 18.55 et 20.35 francs brut par heure, sans les suppléments pour vacances et jours fériés payés (art. 5 al. 1 CTT économie domestique).

41 Ordonnance sur les domestiques privés (ODPr) du 6 juin 2011, RS 192.126.

42 Message du Conseil fédéral du 28 août 2013 relatif à la convention n° 189 de l’OIT, FF 2013 6215.

43 BO 2014 E 364. Selon PAUL RECHSTEINER: « Das Übereinkommen Nr. 189 [...] ist eine zentrale Konvention der neueren Zeit [...] ein Durchbruch in der Anerkennung elementarer arbeitsrechtlicher Schutznorm hinsichtlich der oft prekären Arbeitssituation ».

44 BO 2014 N 995.

45 A ce sujet, nous renvoyons aux interventions de DANIEL STOLZ,BARBARA SCHMID-FEDERER ET YVONNE GILLI (BO 2014 N 996-998). Voir aussi un postulat SCHMID-FEDERER 12.3266 « Soins aux personnes âgées. Encadrer la migration pendulaire », transmis.

46 Voir l’intervention de SILVIA SCHENKER (BO 2014 N 997), librement traduite par nos soins.

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pas possible47. Le 20 juin 2014, l’Assemblée fédérale a finalement autorisé le Conseil fédéral à ratifier la convention n° 18948.

La Convention en résumé 3.

La Convention n° 189 établit que les travailleuses et travailleurs domestiques ont droit, comme les autres, au respect de leurs droits fondamentaux, à une protection contre toutes formes de violence et à une couverture sociale minimale. Elle contient des dispositions relatives aux conditions de travail, en particulier sur le temps de travail, la rémunération, la sécurité et la santé au travail. Elle aborde en outre le rôle des agences d’emploi privées dans la création de conditions de travail décentes pour le secteur du travail domestique. La convention prend en considération les besoins spécifiques de certaines catégories de travailleurs domestiques, à savoir les jeunes, les personnes migrantes et celles qui résident dans le ménage qui les emploie.

Enfin, la convention demande la mise en place de mécanismes propres à assurer le respect de la législation nationale relative à la protection des travailleurs domestiques et que ceux-ci bénéficient d’un accès effectif aux tribunaux.

Au vu de l’étendue de la matière couverte par la Convention n° 189, nous nous limitons ici à de brèves considérations en lien avec l’article qui a suscité le plus d’observations lors du processus de ratification, à savoir l’article 10 relatif à la durée du travail et du repos.

La durée du travail et du repos 4.

Aux termes de la Convention n° 189, les Etats doivent prendre les mesures en vue d’assurer l’égalité de traitement entre les travailleurs domestiques et l’ensemble des travailleurs s’agissant de la durée normale de travail, la compensation des heures supplémentaires, les périodes de repos journalier et hebdomadaires et les congés annuels payés. Les périodes pendant lesquelles les travailleurs domestiques restent à la disposition du ménage pour le cas où

47 Voir l’intervention de SILVIA SCHENKER susmentionnée. DANIEL STOLZ confie : « Seit ich neben meinem Job als Geschäftsleiter auch noch Nationalrat und kantonaler Parteipräsident bin, ist es nicht mehr möglich, mich zu Hause gross an den Haushaltarbeiten zu beteiligen. Deshalb beschäftigen wir seit dieser Zeit eine Putzfrau, wie man früher gesagt hat – heute gibt es dafür sicher auch schönere Wörter. Ich kann Ihnen versichern: Wir sind sehr dankbar, denn ohne sie sähe es bei mir zu Hause nicht so nett aus, wenn ich zurückkomme! » (BO 2014 N 996).

48 FF 2013 5081.

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celui-ci ferait appel à eux doivent être considérées comme du temps de travail (art. 10)49.

En Suisse, comme relevé plus haut, les dispositions de la loi sur le travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux ménages privés (art.

2 al. 1 let. g LTr). Les contrats-types cantonaux sur le service de maison fixent la durée du travail et du repos (art. 359 al. 2 CO). Les parties peuvent toutefois convenir d’autres règles que celles qui y sont prévues (art. 360 CO). Les articles du code des obligations relatif aux heures supplémentaires (art. 321c CO) ainsi qu’au congé hebdomadaire et aux vacances (art. 329 ss CO) sont applicables50, comme l’illustre un arrêt du Tribunal fédéral du 16 octobre 2012 concernant une employée de maison recrutée par la Mission permanente du Chili auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève51. Dans une autre affaire genevoise, tranchée par le Tribunal fédéral le 20 septembre 2011, une employée de maison indonésienne auprès du Consulat du Royaume d’Arabie saoudite a obtenu le versement d’indemnités pour vacances non prises ainsi que pour le travail le dimanche et les jours fériés52. Enfin, comme cela ressort d’un arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 23 avril 2004, une jeune fille au pair portugaise qui, pendant treize mois, avait travaillé treize heures par jour, sans bénéficier d’aucun jour de congé ni de vacances, a obtenu, devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, le versement d’indemnités pour les heures supplémentaires effectuées et les vacances non prises ainsi qu’une indemnité pour tort moral à hauteur de CHF 12'000.- 53.

IV. Conclusion

La ratification par la Suisse de la convention n° 183 sur la protection de la maternité a permis d’inscrire dans le droit suisse du travail le principe de la rémunération du temps consacré à l’allaitement. En outre, comme en témoignent un récent arrêt du Tribunal fédéral54 ainsi que les réponses du Conseil fédéral à des motions parlementaires demandant que l’allocation de maternité soit remplacée par un congé parental55, la prochaine entrée en

49 Sur ces questions, voir aussi les dispositions très détaillées de la Recommandation n° 201 de l’OIT (par. 8-13).

50 Voir à ce sujet GABRIELA MATEFI, Hauswirtschaft und Betreuung im Privathaushalt. Rechtliche Rahmenbedingungen, Fachstelle für Gleichstellung Stadt Zürich, Unia, ssp, 2012, p. 17, qui renvoie à la jurisprudence fédérale relative au travail sur appel (ATF 124 III 249, consid. 3).

51 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_292/2012, consid. 2.4 et 2.5, en partie publié aux ATF 138 III 750, commenté par WERNER GLOOR, DTA 2013 21.

52 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_26/2011, 4A_30/2011 du 20 septembre 2011.

53 Arrêt du Tribunal fédéral 4P.32/2004 du 23 avril 2004.

54 Arrêt du Tribunal fédéral 9C_810/2013 du 15 septembre 2014, consid. 10.2.

55 Voir, en particulier, la motion du GROUPE VERTLIBERAL 14.3068 déjà mentionnée plus haut.

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vigueur de cette convention en Suisse garantit le maintien de récents acquis dans ce domaine.

Bien qu’il n’ait entraîné aucune modification du droit suisse, le processus de ratification de la Convention n° 189 a eu pour effet de sensibiliser le grand public au droit des employées et employés domestiques à exercer leur travail dans des conditions décentes. La sensibilisation des ménages privés représente sans aucun doute un pas décisif vers une protection effective du personnel domestique56. En effet, comme cela avait été souligné lors de la 23ème Journée de droit du travail57, bien que la loi sur le travail au noir permette d’effectuer des contrôles dans des ménages privés « pendant les heures de travail des personnes qui y sont employées » (art. 7 al. 1 let. a LTN), ces contrôles sont rares en pratique. En outre, les sanctions en matière de marchés publics et d’aides financières (art. 13 LTN) ne sont pas applicables aux ménages privés.

Le droit fédéral ne prévoit par ailleurs aucun contrôle étatique d’office du respect de l’interdiction des discriminations en raison de la maternité (art. 3 LEg), sous réserve des contrôles de l’égalité salariale entre femmes et hommes effectués dans le cadre de l’adjudication d’un marché public (art. 8 al. 2 LMP, art. 6 al. 4 OMP). Dès lors, la question de l’accès à la justice des personnes discriminées revêt une importance centrale. Au niveau national58 et international59, des études et des recommandations sont actuellement en préparation afin de garantir, comme le demande l’article 16 de la Convention n° 189, que les travailleuses et travailleurs « aient un accès effectif aux tribunaux ».

56 Voir la Recommandation n° 201, par. 21, chiffre 1, let. d.

57 Nous nous référons à la discussion qui a suivi l’exposé sur la lutte contre le travail au noir fait par ALAIN DE FELICE, le 15 mai 2012, à Palexpo.

58 Nous pensons notamment au « rapport sur le droit à la protection contre les discrimination » demandé par un postulat NAEF 12.3543.

59 Le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, en particulier, prépare une nouvelle Recommandation générale sur l’accès des femmes à la justice.

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