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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne

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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne

MONNIER, Victor

MONNIER, Victor. Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne. Revue de droit suisse , 1997, vol. 116. Halbbd. 1, no. 3, p. 213-241

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45569

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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Beme

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VICTOR MONNIER, maître-assistant au Département d'histoire du droit et des doctrines juridi- ques et politiques à l'Université de Genève

1. Le referendum en Suisse sous le régime de la Constitution fédérale de 1848

Par referendum au sens large, nous entendons toute procédure par laquelle le corps des citoyens est appelé à approuver ou à rejeter des actes étatiques. Le referendum financier porte quant à lui sur des actes étatiques qui touchent au domaine des finances publiques.

La Constitution de 1848 ayant instauré un régime de démocratie représen- tative, il faut attendre la Constitution de 1874 pour que le referendum législatif facultatif fasse son entrée au plan fédéraF. Lors de la révision manquée de 1872, les Chambres avaient débattu de la nécessité d'introduire le referendum financier, mais s'étaient ralliées finalement au referendum législatif facultatif3. Sur le plan cantonal, en revanche, plusieurs Etats de la Confédération connaissent le referendum au sens large. Saint-Gall, Lucerne, Thurgovie, Schaffhouse ont introduit de 1831 à 1852 le système du veto, donnant au peuple le droit de refuser toute loi en général. Le Valais en 1852, puis comme nous le verrons, Neuchâtel et Vaud passent au referendum obligatoire mais limité au domaine financier. Schwyz en 1848, les Grisons en 1854, Bâle-Campagne en 1863, Thurgovie, Zurich, Berne en 1869 et Argovie en 1870 adoptent le referendum obligatoire, alors que Soleure en 1856, Lucerne en 1869 et Zoug en 1873 optent pour le referendum facultatif4.

Notre contribution ne prétend pas refaire l'historique des chemins de fer en Suisse, mais a pour dessein de mettre en évidence l'influence du rail sur les institutions de ces trois cantons. La partie consacrée à Berne nous a servi pour notre leçon d'habilitation à la faculté de droit et des sciences économiques de l'Université de Berne.

2 Art. 89, Constitution fédérale du 29 mai 1874.

3 JEAN-FRANÇOIS AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, Neuchâtel 1967, vol. 1, p. 47, no108, p. 49, n°114, p. 52, n°l24. PETER HEROLD, Zur Geschichte des Finanzrefe- rendum im Bunde, in: Schweizerisches Zentralblatt für Staats-und Gemeindeverwaltung, Bd. 82, Jhrg. 1981, pp. 65-68.

4 ARMAND CHATELANAT, Die schweizerische Demokratie in ihrer Fortentwicklung, Berne 1879, 33 p. HEINRICH Srussi, Referendum und Initiative in den schweizer Kantonen, Zurich 1893, 187 p. VICTOR MoNNIER, Le referendum financier dans les cantons suisses au 19°

siècle, in: Les origines de la démocratie directe en Suisse, Genève/Bâle 1996, pp. 224-227.

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Notre contribution a pour objectif de mettre en lumière les circonstances de l'introduction du referendum dans les cantons de Neuchâtel, de Vaud et de Berne, circonstances qui apparaissent liées à la politique ferroviaire de ceux-ci.

2. La législation suisse sur les chemins de fer sous le régime de la Constitution de 1848

Au moment de la création de 1 'Etat fédéral en 1848, les chemins de fer suisses n'en sont qu'à leurs débuts. Il n'existe, dans le pays, que deux tronçons ferroviaires: l'un reliant Saint-Louis à Bâle depuis 1844, l'autre entre Zurich et Baden, mis en service en 18475 . Si le chemin de fer ne figure pas expressément dans la Constitution de 1848, c'est cependant bien celui-ci qui est à l'origine de l'article 216 donnant à la Confédération la compétence d'entreprendre des travaux d'utilité publique de portée nationale7 . Le 18 dé- cembre 1849, sur la base de cette disposition constitutionnelle, l'Assemblée fédérale charge le Conseil fédéral de lui présenter un plan pour la construction d'un réseau ferroviaire ainsi qu'un préavis sur la participation de la Confé- dération à l'exécution de ce réseau, voire sur les conditions de concessions si l'entreprise était confiée à des compagnies privées. Dans son message à l'Assemblée fédérale du 7 avril1851, le Conseilfédéral prône la construction d'un réseau ferroviaire de 650 km dont l'établissement et l'exploitation pourraient être assumés conjointement par la Confédération et par les can- tons. Le financement serait assuré par l'émission de parts sociales en faveur des chemins de fer suisses dont la Confédération garantirait à leurs titulaires un intérêt de 3% au moins8.

5 ERNST MATHYS, Les chemins de fer suisses au cours d'un siècle. Aperçu historique et technique 1841-1941, 2e éd. Berne, 1943, p. 5.

6 Art. 21. La Confédération peut ordonner à ses frais ou encourager par des subsides les travaux publics qui intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays. Dans ce but, elle peut ordonner 1' expropriation moyennant une juste indemnité. La législation fédérale statuera les dispositions ultérieures sur cette matière. L'Assemblée fédérale peut interdire les constructions publiques qui porteraient atteinte aux intérêts militaires de la Confédéra- tion. Constitution fédérale du 12 septembre 1848.

7 HANS BAUER, L'histoire des chemins de fer suisses, in: Les chemins de fer suisses après un siècle 1847-1947. Neuchâtel/Paris 1949, vol. 1, pp. 66-67. J.-F. AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, op. cit., vol. 1, p. 39, n°88. Décret de l'Assemblée fédérale concer- nant l'affaire des chemins de fer suisses. Du 18 décembre 1849, in Recueil officiel des pièces concernant le droit public de la Suisse ... , vol. 1, 1848-1849, pp. 286-287.

8 Message du Conseil fédéral à 1' Assemblée fédérale, concernant 1' établissement des che- mins de fer (du 7 avril 1851), in: Feuille fédérale suisse, 1851, vol. 1, pp. 339-369.

Historique de la politique fédérale des chemins de fer, in: Dictionnaire géographique de la

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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne

Pour examiner le message du Conseil fédéral, le Conseil national désigne une commission qui, en mai 1852, rend ses conclusions9. Celles-ci, s'écartant de la solution envisagée par le Gouvernement, vont dans deux directions opposées: la majorité de la commission est favorable à l'étatisation du rail, alors que la minorité défend le principe des chemins de fer privés10. C'est cette dernière conception qui triomphera. L'adoption par le Parlement, le 28 juillet 1852, de la loi fédérale concernant l'établissement et l'exploitation des chemins de fer sur le territoire de la Confédération suisse11 , va laisser toute liberté aux cantons pour construire le chemin de fer. Il leur échoit notamment la compétence d'attribuer les concessions au secteur privé, que la Confédération se borne à approuver, le cas échéant de les interdire si des intérêts militaires l'exigent. La Confédération peut également accorder des concessions en dépit de l'opposition des cantons12.

Le mérite de cette loi fut d'accélérer la construction du réseau ferroviaire national sans toucher aux finances du jeune Etat fédéraJI3. Il n'en reste pas moins que cette législation provoquera de nombreux conflits entre compa- gnies de chemin de fer, suscitera des antagonismes entre ces dernières et les autorités communales ou cantonales et des différends entre cantons soucieux de défendre avant tout leurs propres intérêts14. Il ne faut pas omettre non plus l'influence du capital étranger au sein des compagnies ferroviaires et le rôle prépondérant que celles-ci jouèrent en Suisse15 • Dans plusieurs cantons le

Suisse, Neuchâtel t. 5, 1908, pp. 399-400. H. BAVER, L'histoire des chemins de fer suisses, op. cit., pp. 67-80.

9 H. BAVER, L'histoire des chemins de fer, op. cit., p. 80.

10 Rapport de la majorité de la commission des chemins de fer nommée par le Conseil national, Feuille fédérale, op. cit., 1852, vol. 2, pp. 1-97; 213-242; 291-345. Rapport de la minorité de la commission des chemins de fer nommée par le Conseil national, Feuille fédérale, op. cit., 1852, pp. 105-165; 251-285. H. BAVER, L'histoire des chemins de fer suisses, op. cit., pp. 80-81. FRIEDERICH AUGUST VOLMAR, Eisenbahnwesen: a) Geschichte, in: Handworterbuch der schweizerischen Volkswirtschaft, Sozialpolitik und Verwaltung, Berne 1903, 1 cr vol., p. 865.

11 Recueil officiel, op. cit., vol. 3, pp. 170-176.

12 Art. 2, 7, 17 de la loi fédérale concernant l'établissement et l'exploitation des chemins de fer sur le tenitoire de la Confédération, du 28 juillet 1852, Recueil officiel, op. cit., vol. 3, pp. 170-172 et p. 174. PLACID WEISSENBACH, Das Eisenbahnwesen der Schweiz. Erster Teil. Die Geschichte des Eisenbahnwesens. Zurich 1913, pp. 10-12. H. BA UER, L'histoire des chemins de fer suisses, op. cit., pp. 82-83.

13 ERNST GAGLIARDI, Histoire de la Suisse, éd. française par Auguste Reymond. 2e vol.

Lausanne. 1925, pp. 241-243. H. BAVER, L'histoire des chemins de fer suisses, op. cit., p. 83.

14 Fr. A. VoLMAR, Eisenbahnwesen: a) Geschichte, op. cil., p. 866. Historique de la politique fédérale des chemins de fer, in: Dictionnaire géographique de la Suisse, op. cil., p. 400.

GERARD BENZ, Un aspect du financement des chemins de fer en Suisse par le capital étranger, Revue suisse d'histoire, vol. 37, 1987, no 2, p. 170.

15 H. BAVER, L'histoire des chemins de fer suisses, op. cit., p. 100.

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financement par les autorités cantonales mettra à malles caisses de l'Etati6.

Ce sera le cas à Neuchâtel, dans le canton de Vaud et à Berne, cantons sur lesquels nous nous pencherons. Cette mauvaise gestion expliquera l'intro- duction d'institutions de démocratie semi-directe, notamment le referendum financier.

3. Neuchâtel

3.1. La politique ferroviaire du canton de Neuchâtel et la compagnie du Jura industriel

Dans les années 1850, à Neuchâtel, on assiste à une lutte opposant les partisans de la compagnie ferroviaire du Jura industriel à ceux du Franco- suisse. L'objectif de la première est de relier le Locle et La Chaux de Fonds à Neuchâtel, alors que celui du Franco-suisse vise à raccorder Neuchâtel par les Verrières et le Val de Travers au réseau français. Cette rivalité divise les membres du Conseil d'Etat appartenant tous au parti républicain de tendance radicale. La mésentente au sein du gouvernement à propos du rail est telle qu'elle déclenche une crise politique et contraint le Grand Conseil à voter le 22 mai 1853la dissolution de l'exécutif neuchâtelois17.

La demande de concession présentée par la compagnie du Jura industriel en automne 1855 va ranimer les hostilités car elle empiète sur les projets du Franco-suisse. Le 23 novembre 1855, le Grand Conseil neuchâtelois ratifie la concession demandée, laquelle avait été approuvée quelques jours aupara- vant par le Conseil d'Etat18. Le lendemain, le législatif cantonal accepte la convention fixant à Fr. 3 millions19la participation de l'Etat à l'entreprise du Jura industrieF0. Le vote de Fr. 3 millions est acquis, mais avec une forte opposition: 48 voix contre 32. Les débats parlementaires sur cette question évoquent les dangers que représente une politique d'endettement alors que le réseau ferroviaire prévu est loin d'être achevé. D'aucuns exhortent à la

16 Ibid. EDUARD FUETER, Die Schweiz seit 1848, Zurich/Leipzig 1928, pp. 69-70.

17 Neuchâtel (Histoire), in: Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, tome 5e, 1930, p. 106. Histoire du Pays de Neuchâtel. De 1815 à nos jours, Hauterive 1993, tome 3e, p. 38.

18 Bulletin officiel des délibérations du Grand-Conseil de la République et Canton de Neuchâtel, 1856, pp. 478-490. Convention pour l'établissement d'un chemin de fer entre Neuchâtel et la Chaux-de-Fonds, Recueil des lois de la République et Canton de Neuchâtel, 1854-1856,pp.308-332.

19 Approximativement 1 franc suisse de cette époque équivaudrait à 10 francs d'aujourd'hui.

20 Bulletin officiel... Neuchâtel, op. cit., 1856, pp. 491-517. Convention concernant la parti- cipation de l'Etat à l'entreprise du chemin de fer neuchâtelois par le Jura industriel, Recueil des lois ... Neuchâtel, op. cit., 1854-1856, pp. 337-340.

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prudence, d'autres se demandent s'il ne faut pas plutôt diminuer le montant de Fr. 3 millions pour permettre la participation dans d'autres compagnies ferroviaires2I. L'attitude de 1 'Etat suscitera moult critiques dans les rang des partisans du Franco-suisse, qui lui reprocheront d'avoir rompu le principe d' égalité22.

Le mécontentement des Neuchâtelois se manifeste lors des élections au Grand Conseil d'avril 1856, qui permettent l'arrivée de 44 nouveaux députés sur 89. Le parti républicain gouvernemental d'opinion radicale n'a plus la majorité, en raison de la division qui s'est opérée dans ses rangs à propos de la politique du rail et de la subvention de Fr. 3 millions octroyée au Jura industriel23 .

Le 6 mai 1856, au vu de l'inquiétude quant aux conséquences financières de la souscription des Fr. 3 millions et des rumeurs d'un dépassement important des devis prévus, le député Henri Calame ( 1807-1863) propose au Grand Conseil la création d'une commission. Celle-ci devrait contrôler les coûts des travaux et faire connaître à la population neuchâtel oise les montants précis de la participation de l'Etat à cette entreprise24. Au cours des débats, la proposition est modifiée puisque c'est le Conseil d'Etat qui se voit confier cette mission de vérification25.

L'expertise ne sera jamais effectuée. En effet. au milieu du mois de mai 1856, la compagnie du Jura industriel, avec le soutien d'un conseiller d'Etat, fait procéder à des travaux sur des terrains dont l'expropriation n'a pas encore été obtenue26. A la suite de ces événements, le parlement neuchâ- tel ois adopte, le 21 mai 1856, par 38 voix contre 32, la proposition du député Louis Constant Lambelet-Du Bois (1827-1882) selon laquelle le rapport réclamé au début de mai«( ... ) ne répondra pas à l'attente du Grand-Conseil, tant que le membre du Conseil d'Etat, directeur des travaux publics, cumulera ces fonctions avec celles de directeur technique et d'ingénieur en chef de la compagnie du Jura industriel. L'assemblée désire voir la cessation de cet état de choses anormal avant la présentation du rapport du Conseil d'Etat»27.

La sommation est entendue. Le 28 juin 1856, lecture est faite, au début de la séance du Grand Conseil, de la lettre adressée aux députés par James

21 Bulletin officiel... Neuchâtel, op. cit., 1856, p. 499, p. 502 et p. 514.

22 HANS HODEL, Neuenburgische Eisenbahnpolitik, Interlaken 1939, p. 28. HENRI GIRARD, . Le Jura-Industriel, in: Le centenaire des chemins de fer neuchâtelois (extrait du Musée neuchâtelois), 1957, p. 23.

23 Bulletin officiel... Neuchâtel, op. cit., 1856, p. 35, p. 41, p. 48. Journal de Genève, 22. 23, 24, 25 avril 1856.

24 Bulletin officiel... Neuchâtel, op. cii., 1856, pp. 31-32.

25 Ibid., pp. 55-62.

26 Ibid., pp. 339-340. H. GIRARD, Le Jura-lndusriel, op.cit., p. 26.

27 Bulletin officiel. .. Neuchâtel, op.cit., p. 350.

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Ladame ( 1823-1908) dans laquelle ce magistrat, qui dirigeait le département des travaux publics, annonce sa démission de 1' exécutif cantona]28. La mati- née, qui est consacrée à 1' examen de la politique ferroviaire du gouvernement, s'achève par le vote d'un blâme adressé au Conseil d'Etat29.

C'est dans ce contexte que débute, deux mois plus tard, l'affaire de Neuchâtel, avec la tentative de coup d'état royaliste dans la nuit du 2 au 3 septembre 1856. Celle-ci s'achève le 26 mai 1857 par la renonciation du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV ( 1795-1861) à ses droits sur la Prin ci- pauté. Une fois les dangers passés, le rail revient à l'actualité par les frais qu'occasionne l'avancement des travaux de construction du Jura industriel.

Ceux-ci obligent la compagnie à emprunter, en 1858, Fr. 4,6 millions à un banquier de Stuttgart et Fr. 1 million à la Confédération30.

3.2. La Constitution du 21 novembre 1858

En 1858, les Neuchâtelois élisent une assemblée constituante dont le parti radical représente cette fois-ci la majorité31 . Le 21 juin 1858, les constituants écoutent le rapport de la commission qu'ils ont nommée pour leur présenter un projet de constitution. Il est intéressant de remarquer qu'à l'article 39, après 1' énumération à l'alinéa 1er des compétences du législatif, le second alinéa énonce: «Tout emprunt ou engagement financier dépassant la somme de fr. 500 mille devra être soumis à la ratification du peuple»32.

Le rapporteur justifie cette disposition par«( ... ) les débats sans fin auxquels ont donné lieu dans le pays la participation prise par l'Etat dans de grandes entreprises, et les craintes répandues parmi la population touchant les consé- quences de cette participation première»33. Ces craintes sont exagérées«( ... ) mais il est incontestable qu'à force de les avoir propagées, elles ont fini par prendre si bien racine dans la population, qu'il ne faudra rien moins qu'un article de Constitution pour rassurer pleinement ceux qui ont prêté l'oreille à tout ce qui s'est dit et écrit sur ce sujet»34. Selon le rapporteur, les Neuchâte- l ois ont des inquiétudes à propos des finances de l'Etat, que la majorité de la commission doit s'employer à dissiper. Cette disposition prévoyant le refe- rendum financier obligatoire serait à même de les rassurer en leur attribuant

28 Ibid., p. 464.

29 Ibid., pp. 482-488.

30 H. HoDEL, Neuenburgische Eisenbahnpolitik, op. cil., p. 43. ALBERT CuoNY, Les débuts des chemins de fer en Suisse, Lausanne 1913, p. 50.

31 Journal de Genève, 20 avril 1858.

32 Bulletin officiel des délibérations de l'assemblée constituante de la République et Canton de Neuchâtel en 1858, p. 23.

33 Ibid., p. 49.

34 Ibid.

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la compétence de se prononcer sur toute dépense votée par le Grand Conseil excédant Fr, 500 000.-. Et de conclure: «En définitive c'est le peuple qui paie, il est donc rationnel qu'il soit appelé à consentin,35.

La minorité de la commission prônant le maintien d'un système représen- tatif pur est hostile à cette disposition. Elle considère en effet que le parlement doit demeurer investi de tous les pouvoirs sans avoir l'obligation de consulter son mandataire36,

Des discussions qui ont lieu, le 28 juin 1858, sur le projet d'article 39, il ressort que certains députés, favorables au referendum financier, le sont à cause de l'affaire du Jura industriel. Avec la disposition de l'article 39 al. 2e, on a voulu de la sorte «( ... ) répondre à la défiance et à de vieilles calomnies»37.

Les futurs Grands Conseils devront en tenir compte lors des tractations avec des entreprises publiques38. D'autres parlementaires soutiennent cet arti- cle parce qu'ils n'ont pas le sentiment qu'il constituera une entrave au bon fonctionnement du législatif, qui d'ailleurs restera maître de son budget ordinaire et de tout engagement financier à concurrence de Fr, 500 000.-39.

L'avocat Auguste Petitpierre (1809-1887), quant à lui, estime que cette disposition n'est pas suffisante eu égard à l'objectif visé et propose la rédaction suivante: «L'Etat ne prendra pas d'engagements financiers en

· faveur d'entreprises de chemins de fer»4o.

Dans les rangs de ceux qui sont hostiles à l'introduction du referendum financier, on trouve les défenseurs du régime de la démocratie représentative.

Avec une telle disposition, le contribuable, au moment de se prononcer, sera motivé davantage par son intérêt égoïste, rétif à toute hausse d'impôts, que par l'intérêt général du canton41 . On considère également que l'article 39 al. 2e témoigne d'une méfiance à l'égard des prochains législatifs qui pour- ront toutefois l' éluder42. Louis Constant-Lambelet DuBois estime que l'a- doption de cet article prouverait que depuis certaines affaires le pays est«( ... ) en état de défiance»43. Pourquoi alors, interroge encore un constituant, si l'on admet le recours au peuple dans le domaine financier, ne pas 1' étendre à toutes

35 Ibid.

36 Ibid., pp. 49-50.

37 Ibid., p. 171.

38 Ibid., pp. 171-172.

39 Ibid., p. 50 et p. 170.

40 Ibid., p. 171.

41 Ibid., pp. 169-170.

42 Ibid., p. 170.

43 Ibid., p. 171.

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autres questions44. Enfin un député propose même l'introduction d'un veto législatif à l'encontre des lois et des décrets du Grand Conseil45 .

Au terme de ces discussions, le projet est adopté sans modification46. Le 26 octobre 1858, l'assemblée constituante approuve le projet de constitution.

Le 21 novembre 1858, le peuple neuchâtelois accepte ce texte par 5730 voix contre 338547 .

A la suite de difficultés financières, le Jura industriel fait faillite au début de l'année 1861. Les 6000 actions représentant les Fr. 3 millions investis par l'Etat neuchâtelois, que ce dernier avait dû emprunter, ne valent dès lors plus rien et le paiement des intérêts sera à la charge du pays48.

En conclusion, il nous semble que les travaux de la constituante montrent clairement que ce sont les dépenses occasionnées par la construction des chemins de fer qui ont amené les constituants à élaborer un système de contrôle, qui aboutira à l'institution du referendum financier. En l'absence d'une disposition prévoyant le recours au peuple, le projet de constitution courait le risque d'être refusé par les Neuchâtelois, menace qui se réalisa par deux fois, les 25 juillet et 8 août 1858, mais pour d'autres motifs49 .

4. Vaud

4.1. La politique ferroviaire du canton de Vaud et la compagnie de l'Ouest-suisse

L'objectif poursuivi par le canton de Vaud, durant les années 1850-1860, est d'établir un réseau ferroviaire qui assure des liaisons avec la Suisse alle- mande, l'Italie et la France. La réalisation de ce dessein écherra principale-

44 Ibid.

45 Ibid., p. 169.

46 Ibid., pp. 172-173. Art. 39. Le Grand-Conseil décrète et abroge les lois, vote les impôts, les dépenses, les emprunts, achats et aliénations du domaine public; il arrête le budget de l'Etat, fixe le traitement des fonctionnaires, ( ... ).Il se fait rendre compte annuellement de la gestion du Conseil d'Etat, reçoit et arrête les comptes de finance, qui seront rendus publics. Tout emprunt ou engagement financier dépassant la somme de 500 000.- fr. devra être soumis à la ratification du Peuple, Constitution de la République et Canton de Neuchâtel du 21 novembre 1858.

47 Ibid., p. 440.

48 FREDERJC de CHAMBRIER, Nos finances cantonales, Neuchâtel 1877, pp. 8-9. H. HoDEL, Neuenburgische Eisenbahnpolitik, op. cil., p. 49. H. GIRARD, Le Jura-Industriel, op. cil., p. 32.

49 Bulletin officiel des délibérations de l'assemblée constituante ... 1858, op. cil., p. 326 et p. 349.

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ment à la compagnie Ouest-suisse50, qui progressivement fera l'objet d'un certain discrédit à la suite de difficultés financières. En 1854, l'entrepreneur général et les actionnaires anglais, qui n'avaient pas respecté leurs engage- ments, se retirent de l'affaire, contraignant la compagnie à exécuter elle- même la construction des lignes ferroviaires planifiées Morges-Yverdon51.

La compagnie s'adresse alors à l'Etat de Vaud pour lui demander de garantir l'intérêt d'un emprunt destiné à compenser l'abandon anglais. Comme le Grand Conseil s'y refuse à deux reprises, le 24 mai et le 28 juin 185552 , c'est finalement la Société générale de Crédit mobilier de Paris qui accepte d'acheter les 43.750 actions que la compagnie de l'Ouest devait encore émettre53 .

La question du lien ferroviaire avec Berne va également provoquer des troubles dans ce canton et ternir davantage la réputation de l'Ouest-suisse.

Le 2 décembre 1852, une réunion des gouvernements bernois, vaudois, fribourgeois et genevois fixe la ligne ferroviaire Genève-Berne par Morges, Yverdon, Estavayer, Payerne, Morat, Laupen54 . Les régions du canton de Vaud mises à l'écart, Lausanne, la haute Broye et l'Est du pays, s'oppo- sent avec violence à ce tracé. On vilipende le Conseil d'Etat que l'on accuse

«( ... ) d'être inféodé à la compagnie de l'Ouest, de trahir les intérêts du

· chef-lieu»55.

Fribourg, dont la capitale ne figurait pas non plus sur cette ligne, se rend compte qu'il faut trouver des solutions susceptibles d'intégrer la ville de Nuithonie dans le tronçon Genève-Berne. C'est ainsi que Fribourg refuse la concession sur son territoire à 1' Ouest -suisse, qui 1' avait obtenue pour le trajet vaudois, provoquant de la sorte la péremption de la concession octroyée par l'Assemblée fédérale. Une luttes' engage alors entre, d'une part, les autorités vaudoises et la compagnie Ouest-suisse, qui réclament la réalisation du tracé initialement projeté lors de la séance du 2 décembre 1852, et, d'autre part, les autorités fribourgeoises qui choisissent la ligne directe Fribourg-Oron-Lau-

50 PAUL MAILLEFER, Histoire du Canton de Vaud dès les origines, Lausanne 1903, pp. 493- 496. Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, vol. 3, Lausanne 1972, p. 99. ALBERT CUONY, Les débuts des chemins de fer en Suisse, op. cil., pp. 22-23.

51 WILLIAM FRAISSE, Notice historique sur les chemins de fer dans le canton de Vaud.

Lausanne, 1863, pp. 30-31. JOHN LANDRY, Chemins de fer vaudois. Notice historique, Y verdon 1924, p. 4.

52 Bulletin des séances du grand Conseil du Canton de Vaud, séance du 24 mai 1855, p. 303;

séance du 28 juin 1855, p. 64. ERNST HALPERIN, Der Westbahnkonflikt 1855-1857, Wald 1943, p. 15.

53 W. FRAISSE, Notice historique ... , op. cil., p. 40. A CuoNY, Les débuts des chemins de fer..., op. cil., p. 19.

54 W. FRAISSE, Notice historique ... , op. cil., p. 26. P. MAILLEFER, Histoire du Canton de Vaud ... , op. cil., p. 494.

55 P. MAILLEFER, Histoire du Canton de Vaud ... , op. cil., p. 494.

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sanne pour laquelle elles accordent la concession à une compagnie indépen- dante, le 24 mai 185656 . Ce dernier projet a l'appui de la municipalité lausan- noise, qui signe le 27 juin 1856 un contrat avec l'Etat de Fribourg aux termes duquel la ville vaudoise s'engage à prendre pour Fr. 600 000.- d'actions dans la compagnie concessionnaire. Le 23 septembre 1856, le tracé ferroviaire Fribourg-Oron-Lausanne reçoit l'aval de l'Assemblée fédérale57. Fort du soutien populaire d'une partie du canton favorable au tracé initial Y verdon- Morat et hostile à Lausanne ainsi qu'au projet ferroviaire par Oron, le Conseil d'Etat du canton de Vaud, à tendance purement radicale, suspend le 29 octo- bre 1856la municipalité de Lausanne, qu'il accuse de gestion imprudente, la met sous tutelle et casse la convention avec l'Etat de Fribourg. Ces mesures sont approuvées par la majorité radicale du Grand Conseil le 26 novem- bre 1856. Craignant la vindicte lausannoise, le gouvernement ordonne que la troupe soit consignée dans la cité et l'on va jusqu'à créneler les fenêtres du château, siège du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, au moyen de bûches.

Le rire qui secoue les Lausannois à la vue de ce spectacle grotesque a tôt fait de dissiper la colère populairess.

Ces circonstances, on s'en doute, ne sont pas pour rehausser le prestige de la compagnie Ouest-suisse auprès de ceux qui lui sont hostiles. Recon- naissons que l'aspect financier des relations entretenues entre les autorités vaudoises et l'Ouest-suisse ne prédisposait guère à calmer l'esprit de ses contempteurs59. Cependant les menaces de guerre prussiennes à propos de la Principauté de Neuchâtel ont tôt fait d'estomper ces différends.

Voyons ce qu'il en est des subventions versées à la compagnie Ouest- suisse. Le 2 avril 1856, le Grand Conseil ratifie par 152 voix contre 14 la convention passée avec cette dernière pour la construction d'une voie ferrée

56 EuGENE MoTTAZ, Dictionnaire historique géographique et statistique du Canton de Vaud, vol. 1 Lausanne/Genève 1982, pp. 407-408. H. BAUER, L'histoire des chemins de fer, op.

cil., pp. 96-97. P.-A. BoYARD, Le gouvernement vaudois de 1803 à 1962, Morges 1982, pp. 137-139.

57 H. BAUER, L'histoire des chemins de fer, op. cil., p. 97. P.-A. BOYARD, Le gouvernement vaudois ... , op. cil., p. 140.

58 P. MAILLEFER, Histoire du Canton de Vaud, op. cil., p. 495. Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, op. cil., p. 102, E. HALPERIN, Der Westbahnkonflikt, op. cil., pp. 69-70. P.-A BoYARD, Le gouvernement vaudois ... , op. cil., pp. 141-142.

59 EDMOND TALLICHET, De la justice en politique. Les chemins de fer étudiés au point de vue de leur int1uence sur les progrès matériels, moraux et intellectuels du Canton de Vaud, Lausanne 1858, p. 49; pp. 259-260. Le Conseil d'Etat et les finances du Canton de Vaud par un citoyen vaudois, Lausanne 1861, p. 2. W. FRAISSE, Notice historique ... , op. cit., p.l37etp.l40.

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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne

de Jougne à Masson gex, divisée en trois tronçons60 . Le total des contributions versées par l'Etat oscille, selon les appréciations du législatif, de FrJ ,8 million à Fr, 2,2 millions, voire à Fr, 3 millions61 . En novembre 1857, le parlement vaudois modifie sa contribution à la réalisation du tronçon Lau- sanne-Villeneuve. Il ressort des débats que le coût de ce segment ferroviaire seul s'élève déjà à Fr. 4 millions62. De la fin des années 1850 au début des années 1860, c'est un montant de Fr. 6 à 7 millions qui est articulé pour l'achèvement de l'ensemble de la ligne63. Au sujet de ces chiffres vagues, le gouvernement n'apporte aucune précision. On accuse encore les autorités d'avoir versé ces sommes sans avoir réclamé en échange soit des obligations soit des actions64. «C'est de l'argent perdu pour toujours»65, précise une brochure de 1861. On en vient même à accuser le Conseil d'Etat de dilapider la fortune du canton66.

Qu'en est-il, par ailleurs, de l'acquisition par le Conseil d'Etat d'actions de la compagnie Ouest-suisse? Le 7 janvier 1853, le parlement vaudois autorise le gouvernement à affecter une somme de Fr. 100 000.- à l'achat d'actions émises par l'Ouest-suisse pour la construction du chemin de fer de Genève à Berne67 . Le 28 novembre 1855, les députés apprennent que le Conseil d'Etat a acheté à la compagnie de l'Ouest 300 actions de Fr. 500.-,

·au prix de Fr. 303,7 5, sans 1' autorisation du législatif. Les réactions sont vives parmi certains parlementaires d'obédience libérale ou radicale progressiste, qui ne sauraient tolérer que 1' exécutif se lance dans une opération de spécu- lation avec des fonds à lui confiés, sans l'aval du Grand Conseil68 . En 1857, le gouvernement acquiert à nouveau des actions. Le député Louis Bachelard

60 Recueil des lois ... du Canton de Vaud, op. cil., 1856, pp. 50-83. CHRISTIAN METRAILLER, La politique ferroviaire des cantons de Vaud, Valais et Fribourg en faveur du tunnel du Simplon (1852-1887). Mémoire présenté à la faculté des lettres de 1 'Université de Fribourg, 1978, pp. 9-10.

61 Bulletin des séances du grand Conseil du Canton de Vaud. Séance du 31 mars 1856, p. 7;

séance du 1er avril 1856, p. 51.

62 Ibid., séance du 27 novembre 1857, p. 350. Décret du 3 décembre 1857 touchant une subvention et un emprunt pour le tronçon de chemin de fer Lausanne-Villeneuve, Recueil des lois ... du Canton de Vaud, op. cil., 1857, pp. 590-592. W. FRAISSE, Notice historique ... , op. cit., p. 130.

63 E. TALUCHET, De lajusticeen politique, op. cit., pp. 47-48. Le Conseil d'Etatet les finances du Canton de Vaud, op. cil., p. 3.

64 Bulletin des séances du grand Conseil, op. cil., séance du 19 juin 1861, p. 362.

E. TALUCHET, De la justice en politique, op. cil., p. 48. Le Conseil d'Etat et les finances du Canton de Vaud, op. cil., p. 3.

65 Le Conseil d'Etat et les finances du Canton de Vaud, op. cil., p.3.

66 W. FRAISSE, Notice historique ... , op. cit., p. 140.

67 Bulletin des séances du grand Conseil, op. cit., séance du 7 juin 1853, p. 36 et p. 45.

68 Ibid., séance du 28 novembre 1855, pp. 222- 228. Le Conseil d'Etat et les tïnances du Canton de Vaud, op. cil., pp. 5-6.

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(1815-1866), de la tendance libérale modérée, exhorte ses collègues à désap- prouver la conduite du Conseil d'Etat, en démontrant de surcroît que l'opé- ration n'est pas avantageuse puisque les actions de l'Ouest ne valent plus grand-chose. En conséquence, le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à les vendre lorsqu'une occasion opportune se présentera et enjoint l'exécutif de ne plus placer dorénavant la fortune de l'Etat dans des valeurs soumises à fluctuations, sans l'avoir préalablement consulté69.

Quelques pétitions parviennent, en juin 1861, sur le bureau du Grand Conseil. Elles dénoncent l'attitude du Conseil d'Etat qui, à la fin de l'année 1860, contrairement aux injonctions du législatif, a de nouveau acquis 290 actions de la compagnie Ouest-suisse. Les signataires demandent aux députés de ne pas ratifier cet achat et d'en laisser la responsabilité au seul gouverne- ment70.

Le rapport de la commission chargée de cette affaire, présenté au Grand Conseille 19 juin 1861, nous apprend que le gouvernement vaudois, en dépit des précédentes mises en garde, a acheté, le 8 septembre 1860, un lot de 290 actions. En raison de la baisse intervenue depuis lors, l'Etat subit une perte de Fr. 11 000.-71 . Dans la discussion qui suit la lecture du rapport, plusieurs députés prennent la parole pour dénoncer la conduite de l'exécutif. Jules Eytel (1817-1873), radical progressiste, fer de lance de l'opposition de gauche, accuse le Conseil d'Etat d'agiotage. Le député Xavier Gottofrey (1802- 1868), libéral conservateur, est d'avis qu'il n'y a plus rien à faire. Selon lui, c'est à présent au sein de la constituante qu'il faut agir, constituante dont nous verrons qu'elle siège à la même époque 72.

Au vote, la motion d'Henry Reymond (1819-1879), refusant de ratifier l'achat des actions, est repoussée par 60 voix contre 31. Celle de John Berney ( 1820-1917), radical de gauche, réunit la grande majorité des parlementaires.

Cette motion désapprouve la conduite du gouvernement et déclare qu'à l'avenir le Grand Conseil ne ratifiera aucune opération de ce genre exécutée sans son autorisation 73.

Au mécontentement populaire à l'encontre des autorités, dû à l'aspect financier de la politique ferroviaire, s'ajoute encore celui des régions qui ne sont pas traversées par le rail ou de celles dans lesquelles il se fait attendre.

69 Bulletin des séances du grand Conseil, op. cit., séance du 2 décembre 1859, pp. 330-332.

OLIVIER MEUWLY, Histoire des droits politiques dans le Canton de Vaud de 1803 à 1885, [Berne]1991, pp. 271-280.

70 Bulletin des séances du grand Conseil, op. cit., séance du 14 juin 1861, p. 162; séance du 15 juin 1861, pp. 192-193; séance du 18 juin 1861, p. 243; séance du 22juin 1861, p. 389.

71 Ibid., séance du 19 juin 1861, p. 333.

72 Ibid., pp. 338- 369.

73 Ibid., pp. 364-365 et p. 380.

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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne

4.2. La constitution du 15 décembre 1861

Après une première tentative de révision de la constitution vaudoise de 1845, qui échoue devant le peuple le 11 décembre 1859, les Vaudois, le 3 fé- vrier 1861, se prononcent à une forte majorité sur 1' opportunité de la révision et, le 3 mars, désignent une constituante dont la majorité reste gouvernemen- tale en apparence74.

Le 26 avril 1861, la commission constituante chargée de rédiger un projet de constitution introduit le referendum obligatoire en admettant deux propo- sitions qui attribuent au corps électoral la compétence de se prononcer sur toute subvention dépassant Fr. 1 million et sur la question du rachat des chemins de fer75 . Cela fera l'objet de l'article 27, lettres cet d, du projet de constitution d'avril 186176.

En second débat, le 17 mai 1861, l'on propose d'abaisser le nombre de citoyens exigé pour exercer le droit d'initiative de 8000 à 5000 ou 6000. Cette diminution donnerait au peuple la possibilité de se prononcer plus souvent sur des questions importantes. De la sorte, indique le procès-verbal de la séance, les lettres c et d de l'article 27 du projet de constitution devenant moins nécessaires, pourraient être retranchées, surtout la lettre d, qui«( ... ) a . d'ailleurs l'inconvénient de faire rentrer dans le domaine purement politique les questions de chemins de fer». La commission décide finalement de porter à 6000 le nombre des citoyens et de supprimer les lettres c et d de 1' article 27 du projet77 .

Il est à signaler que tout au long de ses travaux, la constituante reçoit des pétitions munies de plusieurs signatures réclamant, entre autres, que le peuple

74 Journal de Genève, 17 mars 1861. P.-A. BoYARD, Le gouvernement vaudois, op. cit., pp. 154-155. O. MEUWLY, Histoire des droits politiques ... , op.cit,. pp. 229-231.

75 Bulletin des séances de l'assemblée constituante du Canton de Vaud, 1861, séance du 26 avril, pp. 171-172.

76 Art. 27 Les assemblées générales de commune sont composées des citoyens actifs domi- ciliés dans la commune. Chaque assemblée nomme son président.

Les attributions des assemblées générales de commune sont:

a) De voter sur tous les changements à la constitution cantonale ou à la constitution fédérale;

b) De voter sur toute proposition qui leur est soumise par le Grand Conseil agissant spontanément ou sur la demande de huit mille citoyens actifs;

c) De voter surtoute subvention de l'Etat à une entreprise quelconque dépassant un million de francs;

d) De voter sur la question du rachat des chemins de fer par l'Etat.

La majorité des citoyens actifs de tout le canton; qui auront émis leur suffrage dans les assemblées générales de commune, forme une décision obligatoire pour tous. La loi peut conférer d'autres attributions aux assemblées générales de commune.

Projet de constitution résultant du premier débat de la commission consultative en a- vril 1861, Bulletin des séances de l'assemblée constituante ... Vaud, op. cit., pp. 182- 183.

77 Ibid., séance du 17 mai 1861, p. 222.

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puisse se prononcer sur les lois qui auraient des répercussions considérables sur la fortune de l'Etat78.

Au cours de la séance de 1' assemblée constituante du 22 août 1861, Charles Bonzon (1825-1883) tente vainement de faire adopter un amende- ment à 1' article 27, prévoyant le referendum obligatoire «( ... ) sur tout emprunt cantonal, ainsi que sur l'emploi des capitaux de l'Etat, non prévu dans le budget, d'un million et plus» 79 . Sans discussion, cette proposition est écartée par 66 voix contre 65 80. Ne s'avouant pas vaincu, il revient à la charge lors du second débat de l'assemblée constituante, le 5 novembre 1861, avec la proposition d'un même amendement81• Le principe, cette fois-ci, est acquis.

Plusieurs constituants sont d'avis qu'il est important de laisser le peuple souverain s'exprimer le plus souvent sur ces questions: c'est une assurance, relève-t-on, contre une tendance dispendieuse du gouvernement82. De la sorte on«( ... ) éprouve le besoin de donner au pays une garantie contre les dépenses exagérées de l' Etat»83.

Le député Jean-Louis Demiéville (1809-1876), sans s'opposer à cette suggestion, émet quelques réticences: ne ferait-elle pas double emploi avec le droit d'initiative qui donne aux Vaudois la faculté de s'exprimer sur toute question qui leur est soumise par 6000 d'entre eux?84 Ainsi ce n'est pas tant sur le principe que sur les modalités d'application qu'achoppent les consti- tuants: vote sur tout emprunt cantonal et sur l'emploi des capitaux de l'Etat, non prévu par le budget de Fr. 1 million et plus; vote sur tout emprunt ayant pour effet de porter la somme totale de l'emprunt cantonal à plus de Fr. 3 millions; vote sur tout emprunt qui augmente la dette de l'Etat (qui s'élève en cette année 1861 à Fr. 2,5 millions) à plus de Fr. 3 millions, vote sur tout emprunt portant la somme totale à plus de Fr. 3 millions, ou encore vote sur toute dépense cantonale excédant soit Fr. l million, soit Fr. 2 millions85.

On tombe enfin d'accord de renvoyer à la commission le soin de rédiger la disposition selon laquelle certaines dépenses feront l'objet du referendum obligatoire86. Le 8 novembre, X. Gottofrey présente le rapport de la commis-

78 Ibid., p. 271; p. 1492; p. 1505. Bulletin des séances de l'assemblée constituante ... Vaud, 1861, second et troisième débat du projet de constitution, p. 687.

79 Ibid., (premier débat) séance du 22 août 1861, p. 922. O. MEUWLY, Histoire des droits politiques ... , op. cil., pp. 260-261.

80 Bulletin des séances de 1' assemblée constituante ... Vaud, op. cit., séance du 22 août 1861, p. 922.

81 Ibid., (second et troisième débat), séance du 5 novembre 1861, pp. 254-255.

82 Ibid., pp. 255-263.

83 Ibid., p. 259.

84 Ibid., pp. 257-259; p. 264.

85 Ibid., pp. 255-262.

86 Ibid., pp. 262-263.

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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne

sion. Afin de concilier les différentes suggestions émises, cette dernière a décidé de limiter la dette contractée par le Grand Conseil pour chaque législature à Fr. 1 million. Au-delà le recours au peuple est obligatoire87 . C'est à l'unanimité que l'article 48bis, qui deviendra l'article 49 de la constitution de 1861, est adopté88. L'article 27 du projet, respectivement 28 de la consti- tution, est ensuite complété d'une lettre c, qui prévoit en conséquence que les Vaudois doivent«( ... ) sanctionner les emprunts et les engagements financiers mentionnés à l'article 49»89.

Le 15 décembre 1861, les Vaudois, par 20191 oui, contre 5851 non, adoptent le projet de constitution élaboré par l'assemblée constituante9ü.

Ainsi dans le canton de Vaud comme dans celui de Neuchâtel, c'est la gestion peu scrupuleuse de l'Etat à propos des chemins de fer qui fut à l'origine de l'introduction du referendum obligatoire limité au domaine financier.

Quant à la compagnie de l'Ouest -suisse, elle se rendit compte qu'elle aurait tout intérêt à s'entendre avec ses rivales. En 1864, un traité d'union est signé entre l'Ouest-suisse, le Franco-suisse et le Lausanne-Fribourg, qui conduira à la fusion en 1872 sous le nom: Compagnie de chemin de fer de la Suisse occidentale9l.

87 Ibid., séance du 8 novembre 1861, pp. 413-414.

88 Ibid., p. 416. Art. 49. Saufle cas de défense nationale et celui de l'exécution d'engagements antérieurs à la présente Constitution, tout emprunt oit engagement financier ayant pour effet d'augmenter, durant la même législature, la dette cantonale de plus d'un million de francs, doit être soumis à la sanction du peuple. Constitution du Canton de Vaud du 15 décembre 1861.

89 Bulletin des séances de l'assemblée constituante ... Vaud (second et troisième débat), op.

cit., séance du 8 novembre 1861, pp. 417-418.

Art. 28. Les assemblées générales de commune sont composées des citoyens actifs domi- ciliés dans la commune. Chaque assemblée nomme son président.

Les attributions des assemblées générales de communes [sic 1 sont:

a) De voter sur tous les changements à la Constitution cantonale ou à la Constitution fédérale;

b) De voter sur toute proposition qui leur est soumise par le Grand-Conseil agissant spontanément ou sur la demande de six mille citoyens actifs;

c) De sanctionner les emprunts et les engagements financiers mentionnés à l'article 49.

La majorité des citoyens actifs de tout le Canton, qui auront émis leur suffrage dans les assemblées générales de commune forme une décision obligatoire pour tous;

d) De procéder aux élections fédérales ou cantonales que la loi leur attribue.

La loi peut conférer d'autres attributions aux assemblées générales de commune.

Constitution du Canton de Vaud du 15 décembre 1861.

90 Bulletin des séances de l'assemblée constituante ... Vaud, op. cit., (second et troisième débat), séance du 23 décembre 1861, p. 657.

91 A. CuoNY, Les débuts des chemins de fer ... , op. cit., pp. 21-22.

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5. Berne

5.1. La politique ferroviaire du canton de Berne, la compagnie de l'Est-Ouest et les chemins de fer de l'Etat

C'est un Grand Conseil à tendance conservatrice qui, à Berne, en novem- bre 1852, débat pour la première fois de la question des chemins de fer et ce à propos de la ratification de la convention entre l'Etat de Berne et la compagnie ferroviaire du Central suisse. Cette convention, qui est adoptée le 24 novembre 1852 par 122 voix contre 2592, prévoit que la compagnie prolongera sur sol bernois, à ses frais et sans subvention de l'Etat, la ligne ferroviaire venant de Bâle-Olten en direction de Langenthal, Herzogenbu- chsee. De là, la ligne se poursuivra en direction de Soleure et de la ville de Berne via Berthoud, afin d'atteindre la frontière sud-ouest du canton. En sus de ces concessions, le Central obtient encore un droit de préférence pour la construction de plusieurs autres lignes93. Après avoir atteint des sommets inespérés à la suite d'opérations spéculatives, le cours des actions du Central chute brusquement. Lucerne et Berne sont appelés à l'aide afin d'éviter une liquidation forcée de la compagnie. Le 29 novembre 1854, le parlement bernois décide de prendre une participation dans la compagnie, en versant une somme de Fr. 4 millions pour laquelle il recevra 8.000 actions de Fr. 500.-94.

Ce sont les divergences surgies par la suite entre le Central, qui entend avant tout privilégier les lignes présentant un intérêt économique, et le gou- vernement bernois, qui souhaite la réalisation d'un réseau ferroviaire sur l'en- semble du canton, qui conduisent les autorités à envisager d'autres collabo- rations95. A l'instigation de Jakob Stampfli ( 1820-1879) ancien conseiller d'Etat bernois et conseiller fédéral radical, naît, dans ce contexte de tensions, la compagnie ferroviaire Est-Ouest, qui doit faire concurrence aux autres compagnies existantes, en créant un second axe Est-Ouest. Avec le soutien

92 Bulletin des délibérations du grand Conseil du Canton de Berne. Séance du 24 novem- bre 1852, p. 573. KARL GEISER, Vierzig Jahre bernischer Eisenbahnpolitik, Berne 1892, pp. 14--15.

93 Nouveau recueil officiel des lois et ordonnances du Canton de Berne, année 1852-1853, pp. 244--263. LuCIEN LIEVRE, Le Jura et la politique ferroviaire bernoise. 1867-1917, Porrentruy 1917, p. 12.

94 Bulletin des délibérations ... Berne, op. cit., séance du 29 novembre 1854, pp. 220-258.

Nouveau recueil officiel des lois ... Berne, 1854, op. cit., p. 212. K. GEISER, Vierzig Jahre ... , op. cil., pp. 17-19. BEAT JUNKER, Geschichte des Kantons Bern seit 1798, Bd. 2. Die Entstehung des demokratischen Volksstaates 1831-1880, Berne 1990, p. 290.

95 Beru und seine Volkswirtschaft 1905, Berne 1905, p. 180. FRIEDRICH VoLMAR, Rückblick auf die bemische Eisenbahnpolitik, Berne 1936, p. 5. RoBERT BRATSCHI, 100 Jahre ber- nische Eisenbahnpolitik, Berne 1963, pp. 28-29.

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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne

des radicaux et l'aval du Grand Conseil, qui depuis les élections de mai 1858 est en majorité radical, l'Est-Ouest obtient, les 3 avrill857 et 18-20 novem- bre 1858, les concessions pour la construction des lignes Berne-Lucerne, Bienne-La Neuveville et Berne-Bienne ainsi qu'une subvention de Fr. 2 millions constituée par l'acquisition de 4000 actions96. Pour recevoir ce montant, la compagnie doit prouver qu'elle dispose d'au moins Fr. 10 millions et qu'elle en a déjà investi 2 dans la construction des tracés prévus97.

Ces conditions ne seront pas remplies etc' est au moyen de faux dans les titres que les Fr. 2 millions vont tomber dans l'escarcelle de la compagnie, somme à laquelle il faut ajouter un prêt de Fr. 625 000.- consenti par le gouvernement bemois98. Malgré cet apport, l'Est-Ouest a de grosses difficultés financières qui le conduisent à la faillite. L'affaire, portée devant le parlement cantonal en 1861, fait l'objet de longues discussions au cours desquelles de violentes accusations sont proférées à l'encontre du directeur des chemins de fer, du gouvernement et des promoteurs de la compagnie. Le 27 juin 1861, le Grand Conseil adopte la proposition du Conseil exécutif (Conseil d'Etat), qui prévoit le rachat de la compagnie par l'Etat au prix de Fr. 7 millions, alors que certains l'estiment à Fr. 3,5 millions, ainsi que la construction à ses frais des lignes projetées99.

Au cours des discussions, le député Alfred Ganguillet (1810--1879) chiffre à Fr. 20 millions la somme que devra dépenser l'Etat pour réaliser l'objectif du gouvernement. Il propose que l'acte de vente de la compagnie soit soumis à la ratification du peuple, en rappelant le précédent neuchâtelois. Cette suggestion a le soutien des conservateurs bernois, notamment d'August von Gonzenbach (1808-1887), chef de file de cette tendance100. Les radicaux, quant à eux, s'y opposent. Parmi eux le conseiller d'Etat Paul Migy (1814- 1879), relève«( ... ) qu'il y a des questions sur lesquelles le peuple ne doit pas être consulté, des questions d'avenir dont le peuple ne saurait pas envisager

96 Nouveau recueil officiel des lois ... Berne, op. cit., 1857-1858, pp. 38-55; pp. 414-440.

Bern und seine Volkswirtschaft, op. cit., p. 180. PETER GILG, Die demokratische Bewegung im Kanton Bern, in: Archiv des historischen Vereins des Kantons Bern, XLII, 1953, p. 359.

97 Décret concernant la participation de l'Etat à la ligne de l'Est-Ouest, Nouveau recueil officiel des lois ... Berne, op. cit., 1858, pp. 414-417. K. GEISER, Vierzig Jahre ... , op. cit., p. 26. B. JUNKER, Geschichte des kantons Bern, op. cit., Bd. 2, p. 293.

98 ULRICH ÜCHSENBEIN, Der bernische Eisenbahnschwindel. Ein Beitrag zur bernischen Eisenbahn-und Staatsgeschichte, Herzogenbuchsee 1883, pp. 5-13. K. GEISER, Vierzig Jahre ... , op. cit., pp. 26-27.

99 Bulletin des délibérations ... Berne, op. cit., séance du 26 au 27 juin 1861, pp. 196-245;

séance du 5 février 1864, p. 71. K. GEISER, VierzigJahre ... , op. cit., pp. 27-28. P. GILG, Die demokratische Bewegung ... , op. cit., pp. 359-360.

100 Bulletin des délibérations ... Berne, op.cit., séance du 26juin 1861, p. 208.

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la portée» iül. Les radicaux jugent que le pouvoir de trancher la question du rachat de la compagnie revient au Grand Conseil, et non au peuple, facilement troublé par l'agitation et la discorde 102. Au vote, la majorité radicale l'emporte sur l'opposition conservatrice103. Le 29 août 1861, le parlement décide la construction des tronçons ferroviaires La Neuveville-Bienne, Berne-Lan- gnau, Bienne-Berne, à ses frais, et autorise le Conseil exécutif à contracter à cet effet un emprunt de Fr. 12 millionsl04 .

A cette époque, la majorité des radicaux bernois est donc hostile à l'introduction du referendum, bien que, certains, et non des moindres, telle chef du gouvernement et futur conseiller fédéral Karl Schenk (1823-1895), soient d'un avis différent. En effet, le 31 juillet 1861, celui-ci déclarait en public que la constitution bernoise ne serait véritablement achevée que lorsque le peuple pourrait participer à l'élaboration de la loi lOS.

5.2. La question du tracé par Aarberg et ses incidences institutionnelles

La question ferroviaire suscite à nouveau de longues discussions tant au parlement que dans l'opinion publique bernoise, en cette fin d'année 1861.

Le 12 décembre, le Grand Conseil arrête un tracé pour la ligne Bienne-Berne passant par Aarberg. Cette décision provoque au sein de différents milieux une forte désapprobation. Signalons celle de la société Helvetia, proche de J.

Stampfli, qui considère le tronçon par Aarberg comme non rentable. La presse s'en fait l'écho. De nombreuses pétitions parviennent au Grand Conseil. Les unes réclament le maintien de la décision du 12 décembre 1861, les autres, munies d'un grand nombre de signatures, sont en faveur de l'abrogation du tracé par Aarberg et de son remplacement au profit de celui passant par la localité de Busswyl. 47 députés requièrent alors la convocation d'une session extraordinaire du législatif, qui se tiendra en février 1862!06.

Va-t-on revenir, sous la pression populaire, sur le tracé adopté en décem- bre 1861? L'ancien conseiller d'Etat Ludwig von Fischer (1805-1884) s'é- tonne du comportement de ceux qui, sensibles aux manifestations des ci- toyens bernois, sont prêts à abroger le décret de décembre 1861, alors même qu'ils avaient refusé de soumettre au peuple la question du rachat de la

101 Ibid., p. 205.

102 Ibid., séance du 27 juin 1861, p. 232.

103 Ibid., p. 243.

104 Ibid., séance du 22juillet 1861, p. 172.

105 FLORIAN GENGEL, Die Erweiterung der Volksrechte, Berne 1868, p. 64. P. G!LG, Die dernokratische Bewegung ... , op. cit., p. 361.

106 Bulletin des délibérations ... Berne, op. cit., séance du 3 février 1862, p. 4. K. GE!SER,

Vierzig Jahre ... , op. cit., p. 30. P. GILG, Die dernok.ratische Bewegung ... , op. cit., pp. 362- 363.

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Rail et referendum dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Berne

compagnie Est-Ouest. Le 4 février 1862, le parlement ordonne un nouvel examen du tracé et le 11 avril, sur la base des expertises qui viennent d'être rendues, annule sa décision du 12 décembre 1861 et adopte le tracé Bienne- Berne par Busswyl107 . De la sorte, en avril1862, quelques semaines avant les élections législatives, le Grand Conseil porte atteinte au strict respect du principe de la démocratie représentative, qu'il avait pourtant défendu avec force en été 1861108. Le décret du 11 avril 1862 suscite une vague de répro- bation. Le 27 avril se tient à Aarberg une manifestation d'environ 8000 personnes, qui entend exprimer son mécontentement à l'égard de la politique ferroviaire du parlement et du gouvernement. L'appel d' Aarberg, lancé à cette occasion, est signé aussi bien par des radicaux que par des conservateurs. Il exige que le décret du 29 août 1861 concernant le principe de la construction par l'Etat du chemin de fer La Neuveville-Bienne-Berne-Langnau soit soumis au peuple et qu'une loi introduisant le referendum dans la constitution soit élaborée. Cette pétition, signée par 13.820 citoyens est adressée au Grand Conseil, qui la discute le 22 juillet 1862109.

D'emblée, le Conseil exécutif s'exprime contre le projet de soumettre à 1' approbation des Bernois un décret qui est déjà entré en vigueur. Il acquiesce cependant à la demande de referendum, consentant à rédiger une disposition . chargée d'exécuter l'article 6, chiffre 4 de la constitution bernoise de 1846110.

Cet avis a le soutien de la majorité du parlement. D'aucuns, au contraire, sont favorables au principe de la consultation populaire. C'est le cas du député Karl Manuel (1810-1878) qui estime que l'on vit à une époque«( ... ) où le peuple veut prendre connaissance lui-même de ce qui se passe, où il ne veut pas tout abandonner à ses représentants, où il ne considère pas leurs décisions comme devant faire loi absolue pour l'avenir» 111 . Et de citer les cantons de Neuchâtel et Vaud qui connaissent le referendum financier. Ceux qui parta- gent encore cette conviction mettent également en évidence le mécontente- ment populaire que suscitent la politique du rail menée par l'Etat et son coût

107 Bulletin des délibérations ... Berne, op. cit., séance du 3 février 1861, p. 8; séance du 22 juillet 1862, p. 172.

108 P. GILG, Die demokratische Bewegung ... , op. cit., p. 363. B. JUNKER, Geschichte des Kantons Bern, op. cit., Bd. 2, p. 326.

109 Bulletin des délibérations ... Berne, op. cit., séance du 22 juillet 1862, pp. 172-174. P. GILG, Die demokratische Bewegung ... ,op. cit., pp. 363-364.

Il 0 Art 6. Les assemblées politiques sont appelées à voter:

L sur les changements à la constitution de l'Etat( ... ) 2. sur les changements du pacte fédéral;

3. sur le renouvellement intégral extraordinaire du grand-Conseil,(. .. ) 4. sur les objets que les lois soumettront à leur décision.

Dans ces votations, c'est la majorité des citoyens votants de tout le canton qui décide.

Constitution pour le Canton de Berne, 1846.

111 Bulletin des délibérations ... , Berne, op. cit., séance du 22 juillet 1862, p. 183.

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pharamineux. Si l'on ne veut pas se moquer du peuple, il s'agit de ne pas passer outre aux voeux des pétitionnaires d' Aarberg112.

Au vote, la majorité des députés écarte la pétition d' Aarberg mais décide de confier au gouvernement le soin de leur soumettre une loi d'exécution de l'article 6, ch. 4 de la constitution bernoise de 1846113.

A la fin de l'année 1863, Johann (1818-1870) et Peter von Kanel (1822- 1885), protagonistes du mouvement d' Aarberg, relancent l'idée de consult- ations populaires. Le premier recommande l'introduction du système du veto, touchant spécialement les questions financières. Remarquons que sa notion de veto correspond à celle du referendum facultatif114. Le second proteste, le 27 novembre 1863, à la tribune du parlement car, après plus d'une année, le gouvernement n'a pas encore déposé le projet de loi demandé sur l'article 6, ch. 4 de la constitution. Cette réclamation recueille le soutien unanime des députés115.

Le 5 février 1864, le président du Conseil exécutif, P. Migy, présente au Grand Conseille projet de loi attendu. Interprétant les travaux de la consti- tuante de 1846, le gouvernement refuse de rédiger une loi contenant de façon limitative les objets à soumettre au peuple. Il observe, en revanche, que la constitution a laissé au Grand Conseil toute latitude pour trancher dans chaque cas, s'il doit ou non consulter le peuple. A la lumière de ces considé- rations, 1' exécutif a élaboré une loi qui prévoit que 20 députés pourront saisir le législatif aux fins de provoquer une votation populaire sur une loi ou sur un décret du parlement, pour autant que la majorité de cet organe y consente.

En outre, P. Mi gy explique que le Conseil exécutif est défavorable à ce projet qu'il a été contraint de préparer11 6. La majorité de la commission chargée d'étudier le projet de l'exécutif y est hostile et dépose un contre-projet. Ce dernier prévoit un referendum obligatoire à l'encontre de :«Toute loi, tout décret, toute décision du grand-conseil entraînant une dépense ou une aug- mentation de la dette publique de deux millions ou plus, ( ... 117. J. von Kan el, qui en est le rapporteur, estime que si la constitution peut être interprétée comme attribuant au Grand Conseilla compétence de consulter les citoyens, il faut cependant qu'une loi indique les matières qui peuvent faire l'objet d'une consultation populaire118.

112 Ibid., p. 190 et 194.

113 Ibid., p. 198.

114 Ibid., pp. 368-369. [JOHANN KANEL] Ueber Verfassungsrevision und diejurassische Steuer- frage, Berne 1863, pp. 20-23.

115 Bulletin des délibérations ... , Berne, op. cit., séance du 27 novembre 1863, pp. 361-362.

116 Ibid., séance du 5 février 1864, pp. 58-59.

117 Ibid., p. 58.

118 Ibid., p. 61.

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