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l’article 4 relatif à l’application outre-mer de la loi

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Décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014 Loi relative à la géolocalisation

Le projet de loi relatif à la géolocalisation a été délibéré en Conseil des ministres le 23 décembre 2013 et déposé sur le bureau du Sénat. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée le même jour. Le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté ce texte en première lecture les 20 janvier et 11 février 2014. Après que la commission mixte paritaire (CMP) a élaboré un texte sur les dispositions restant en discussion le 18 février, celui-ci a été adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat le 24 février 2014. La loi a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés en application de l’article 61 de la Constitution.

La loi adoptée comprenait quatre articles :

– l’article 1er, relatif aux conditions et aux règles procédurales de recours par les officiers de police judiciaire à la géolocalisation en temps réel ;

– l’article 2 relatif au recours à la géolocalisation au cours d’enquêtes confiées aux agents des douanes ;

– l’article 3 relatif à la participation de l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité ;

– l’article 4 relatif à l’application outre-mer de la loi.

Dans sa décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014 commentée, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution l’article 3 de la loi, qui avait été adopté selon une procédure contraire à la Constitution (cavalier législatif) ainsi qu’à l’article 1er, le mot « seul » figurant à l’article 230-42 du code de procédure pénale (CPP). Pour le surplus, il a déclaré l’article 1er de la loi conforme à la Constitution en assortissant cette déclaration de trois réserves d’interprétation (deux au considérant 23, relatives aux articles 230-40 et 230-41 du CPP et une au considérant 26, relative à l’article 230-42 du CPP).

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I. – Une saisine de soixante députés de la majorité

C’est la première fois que le Conseil constitutionnel était saisi par soixante députés de la majorité qui avait soutenu le texte. Par le passé, le Conseil constitutionnel avait déjà été saisi par des députés de la majorité, mais il s’agissait d’une fraction de la majorité qui s’opposait en l’espèce au texte adopté. Il en avait été ainsi de la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse en 19751.

Cette saisine posait une question particulière en raison de la formulation de la saisine qui ne soutenait pas que la loi était inconstitutionnelle mais, d’une part, demandait au Conseil constitutionnel d’examiner l’article 230-41 du code de procédure pénale (CPP) et, d’autre part, spécifiait que cet examen constitutionnel devait notamment s’opérer à l’aune du respect des droits de la défense.

On sait que le Conseil constitutionnel a refusé d’examiner une loi ordinaire dans le cadre de l’article 61 de la Constitution lorsqu’il est saisi par une « saisine blanche », c’est-à-dire qui ne formule aucun grief.

Les saisines blanches sont systématiques pour les textes obligatoirement transmis au Conseil constitutionnel sur le fondement du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, c’est-à-dire, à titre principal, pour les lois organiques et les règlements des assemblées parlementaires.

Dans le passé, s’agissant des lois ordinaires, elles étaient fréquentes lorsque le Conseil était saisi par le président du Sénat2, par celui de l’Assemblée nationale3 ou par les deux4 sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 61. Elles émanent parfois des députés ou des sénateurs5. L’article 61 de la Constitution n’impose, en effet, dans son alinéa 2, aucune formulation de grief (« …les lois peuvent être déférées… » ).

1 Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

2 Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

3 Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

4 Décision n° 2010-613 DC du 7 octobre 2010, Loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.

5 Décisions nos 86-211 DC du 26 août 1986, Loi relative aux contrôles et vérifications d’identité ; 91-299 DC du 2 août 1991, Loi relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique ; 95-360 DC du 2 février 1995, Loi relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative ; 2009-593 DC du 19 novembre 2009, Loi pénitentiaire.

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L’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a conduit le Conseil constitutionnel à modifier sa jurisprudence en matière de saisine non motivée, et ce, afin de faire obstacle à des saisines n’ayant d’autre objet que tenter de tenir en échec d’éventuelles QPC ultérieures.

Il l’a fait en mai 2011 à l’occasion de l’examen de la loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016 qui avait donné lieu à une saisine blanche. Dans sa décision n° 2011-630 DC du 26 mai 2011 le Conseil constitutionnel a, dans un premier temps, examiné d’office le respect de la procédure d’adoption de la loi. Cette question ne figurant pas au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit, l’examen d’office par le Conseil constitutionnel est sans conséquence sur le droit, pour l’avenir, de poser une QPC sur une disposition de la loi. S’agissant du fond, le Conseil a constaté l’absence de tout grief et « qu’au demeurant, aucun motif particulier d’inconstitutionnalité ne ressort des travaux parlementaires ». Il en a tiré la conséquence qu’il n’y avait pas lieu d’examiner spécialement d’office les dispositions de la loi. Ce faisant, le Conseil constitutionnel a entendu éviter que la saisine blanche ne soit un moyen d’empêcher les QPC futures.

En l’espèce, la saisine des députés de la majorité n’était pas « blanche ». Elle désignait expressément la disposition en cause (formellement, la saisine visait l’article 230-41 du CPP, mais la lecture de la saisine montrait qu’était en fait visé le dispositif constitué par les articles 230-41 à 230-42) et spécifiait la norme constitutionnelle au regard de laquelle les saisissants souhaitaient que le contrôle s’opère : les droits de la défense. Dès lors, il revenait au Conseil d’examiner spécialement cette disposition.

II. – Le contexte juridique de la géolocalisation

La géolocalisation est un procédé permettant, à tout moment, de localiser un individu ou un bien et de suivre ses déplacements. Deux procédés de géolocalisation « en temps réel » existent. D’une part, si une balise est installée sur l’objet ou le véhicule, celui-ci est suivi en temps réel. D’autre part, cette localisation et ce suivi des déplacements d’un individu peuvent aussi s’opérer par le biais du suivi d’un téléphone portable au moyen des antennes relais auxquelles il est connecté.

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, a donné, lors des débats parlementaires, les indications suivantes sur le recours à la géolocalisation :

« Ces dernières années, ces techniques de géolocalisation ont connu une croissance exponentielle. Alors qu’en 2011, environ 4 500 balises étaient posées, nous en étions déjà à 5 500 en 2012, soit une hausse de 25 % en une

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seule année. Pour ce qui est de la géolocalisation par terminal téléphonique, nous sommes passés de 1 000 à 3 000 réquisitions en 2009 à 20 000 réquisitions en 2013, ce qui traduit une augmentation considérable et représente un coût de 10 millions d’euros pour la justice »6.

Avant la loi déférée, aucune disposition du code de procédure pénale ne prévoyait spécialement la possibilité de recourir à la géolocalisation. C’est donc dans le cadre des pouvoirs généraux de direction de l’enquête ou de conduite de l’instruction, destinés à permettre le recueil des preuves et la manifestation de la vérité, que les magistrats du parquet et les juges d’instruction ont autorisé le recours à la géolocalisation.

La loi déférée intervenait après que d’importants arrêts ont été rendus par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et par la Cour de cassation en matière de géolocalisation.

A. – L’arrêt Uzun c/Allemagne de la CEDH du 2 septembre 2010

M. Bernard Uzun, soupçonné de participer aux infractions, et notamment à des attentats à la bombe, commis par une organisation poursuivant la lutte de la

« Fraction Armée Rouge », fit l’objet de diverses mesures de surveillance (suivi, caméra dans son immeuble, écoute téléphonique) puis, sur autorisation du procureur général près la Cour fédérale de justice, d’une mesure de géolocalisation (récepteur GPS dans le véhicule). Condamné à 13 ans de prison, notamment sur la base des données recueillies au moyen de la surveillance GPS, il saisit la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en soutenant que l’utilisation des seules informations recueillies via le GPS avait violé son droit au respect de la vie privée et son droit au procès équitable (articles 8 et 6 de la Convention).

Dans son arrêt du 2 septembre 20107, la CEDH a jugé que la surveillance de M. Uzun par GPS et l’utilisation des données alors recueillies constituaient une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de son droit au respect de la vie privée.

Elle a jugé que cette ingérence n’était pas contraire à la Convention. En premier lieu, cette atteinte était prévue par la loi allemande accessible au requérant. En deuxième lieu, le droit allemand prévoyait des garanties suffisantes et effectives : surveillance par GPS limitée à une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction très grave, contrôle de proportionnalité par les juridictions remédiant à l’absence de limitation par la loi de la durée de la surveillance, absence de nécessité de la délivrance par un organe indépendant de l’autorisation préalable de la surveillance dans la mesure où le juge pénal peut

6 Compte rendu de la deuxième séance du 11 février 2014, J.O. Débats Assemblée nationale.

7 CEDH, 2 septembre 2010, Uzun c/ Allemagne, requête n° 35623/05.

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contrôler ultérieurement la légalité de la surveillance et exclure les éléments de preuve obtenus illégalement. En troisième lieu, la Cour a relevé que l’atteinte à la vie privée était proportionnée au but légitime poursuivi.

Dans cet arrêt de la CEDH, méritent notamment d’être relevés les paragraphes suivants :

« 60. Conformément à la jurisprudence de la Cour, les mots " prévue par la loi " veulent d’abord que la mesure contestée ait une base en droit interne, mais ils ont trait aussi à la qualité de la loi en cause : ils exigent l’accessibilité de celle-ci à la personne concernée, qui doit de surcroît pouvoir en prévoir les conséquences pour elle, et sa compatibilité avec la prééminence du droit. (…)

« 64. La Cour a recherché si l’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa vie privée résultant de sa surveillance par GPS était

" prévue par la loi " au sens de l’article 8 § 2. Elle estime que cette ingérence avait une base dans la législation allemande, à savoir l’article 100c § 1.1 b) du code de procédure pénale, disposition qui était accessible au requérant. (…)

« 69. Sur le point de savoir si le droit interne renfermait des garanties suffisantes et effectives contre les abus, la Cour observe que, par sa nature, la surveillance d’une personne par la pose d’un récepteur GPS dans la voiture qu’elle utilise, associée à d’autres mesures de surveillance visuelle de cette personne, permet aux autorités, chaque fois que l’intéressé emprunte cette voiture, de suivre ses déplacements dans les lieux publics. Il est vrai, comme le requérant le fait remarquer, que la loi ne fixait aucune limite à la durée d’une telle surveillance. Une durée précise n’a été adoptée que par la suite, le nouvel article 163f § 4 du code de procédure pénale prévoyant que la surveillance systématique d’un suspect, lorsqu’elle est ordonnée par un procureur, ne peut dépasser un mois et que toute prolongation doit être ordonnée par un juge (paragraphe 32 ci-dessus). Toutefois, la durée de cette surveillance devait être proportionnée à la situation et la Cour considère que les juridictions internes ont examiné si le principe de proportionnalité avait été respecté à cet égard (voir, par exemple, le paragraphe 28 ci-dessus). Elle estime que le droit allemand fournissait donc des garanties suffisantes contre des abus à cet égard.

« 70. Quant aux motifs requis pour ordonner la surveillance d’une personne par GPS, la Cour note que d’après l’article 100c § 1.1 b) et § 2 du code de procédure pénale une telle surveillance ne pouvait être ordonnée qu’à l’égard d’une personne soupçonnée d’une infraction extrêmement grave ou, dans des circonstances très limitées, à l’égard d’un tiers soupçonné d’être en rapport avec l’accusé, et lorsque d’autres moyens de localiser l’accusé avaient moins de chances d’aboutir ou étaient plus difficiles à mettre en œuvre. La Cour est

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d’avis que le droit interne subordonnait donc l’autorisation de la mesure de surveillance litigieuse à des conditions très strictes.

« 71. La Cour observe en outre que le droit interne permet aux autorités de poursuite d’ordonner la surveillance d’un suspect par GPS, laquelle est effectuée par la police. Elle relève que d’après le requérant c’est seulement en octroyant le pouvoir d’ordonner une surveillance par GPS à un juge d’instruction qu’on aurait offert une protection contre l’arbitraire. La Cour constate que d’après l’article 163f § 4 du code de procédure pénale, entré en vigueur après la surveillance par GPS du requérant, lorsque la surveillance systématique d’un suspect dépasse une durée d’un mois, elle doit en fait être ordonnée par un juge. Elle se félicite de ce renforcement de la protection du droit d’un suspect au respect de sa vie privée. Elle note toutefois que déjà en vertu des dispositions en vigueur à l’époque des faits la surveillance d’un individu par GPS était susceptible d’un contrôle judiciaire. Dans la procédure pénale ultérieure menée contre la personne concernée, les juridictions pénales pouvaient contrôler la légalité d’une telle mesure de surveillance et, si celle-ci était jugée illégale, elles avaient la faculté d’exclure les éléments ainsi obtenus du procès (un tel contrôle a été effectué en l’espèce ; voir en particulier les paragraphes 14, 19 et 21 ci-dessus).

« 72. La Cour estime qu’un tel contrôle judiciaire ainsi que la possibilité d’exclure les éléments de preuve obtenus au moyen d’une surveillance illégale par GPS constituaient une garantie importante, en ce qu’elle décourageait les autorités d’enquête de recueillir des preuves par des moyens illégaux. La surveillance par GPS devant être considérée comme étant moins attentatoire à la vie privée d’une personne que, par exemple, des écoutes téléphoniques.(…)

« 74. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que l’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa vie privée était « prévue par la loi » au sens de l’article 8 § 2. (…)

« 77. La surveillance du requérant par GPS, ordonnée par le procureur général près la Cour fédérale de Justice, aux fins d’enquêter sur plusieurs accusations de tentatives de meurtre revendiquées par un mouvement terroriste et de prévenir d’autres attentats à la bombe était dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de la prévention des infractions pénales et de la protection des droits des victimes. »

« 80. La Cour estime que la surveillance du requérant par GPS, telle qu’elle a été effectuée dans les circonstances de l’espèce, était proportionnée aux buts légitimes poursuivis et donc " nécessaire dans une société démocratique ", au sens de l’article 8 § 2.(…)

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« 85. Eu égard à sa conclusion ci-dessus selon laquelle la surveillance du requérant par GPS n’a pas emporté violation de l’article 8 de la Convention, la Cour estime que l’utilisation dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre l’intéressé d’informations et d’éléments de preuve ainsi obtenus ne soulève dans les circonstances de l’espèce aucune question distincte sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention. »

B. – Les arrêts de la Cour de cassation du 22 octobre 2013

Par deux arrêts du 22 octobre 20138, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée sur le recours à la géolocalisation. Dans l’un de ces arrêts, elle a jugé qu’il se déduit de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) qu’une mesure de géolocalisation en temps réel d’un téléphone portable

« constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge ». Elle a réitéré cette position par un arrêt du 14 janvier 20149.

La Cour de cassation a tiré des conséquences différentes de ce principe selon la procédure en cause :

* Lorsque les opérations de géolocalisation sont conduites dans le cadre d’une information sous le contrôle d’un juge d’instruction en application de l’article 81 du CPP, la Cour a validé ces opérations en temps réel, qu’il s’agisse du suivi d’un téléphone portable ou de l’apposition de balises. Ce faisant, la Cour a confirmé une précédente décision du 22 novembre 201110.

* En revanche, lorsque les opérations de géolocalisation par suivi d’un téléphone portable, sont réalisées dans le cadre d’une enquête préliminaire placée sous la direction et le contrôle du procureur de la République, la Cour a jugé qu’elles portaient atteinte à la vie privée dans des conditions contraires à l’article 8 de la CESDH.

La même solution serait appliquée par la Cour de cassation pour toutes les autres enquêtes diligentées par le parquet, et notamment les enquêtes de flagrance, comme le montre un refus de transmission au Conseil constitutionnel d’une QPC jugée « inopérante » : « Les dispositions des articles 12, 14, 41 et 77-1-1 du code de procédure pénale qui autorisent tout acte d’enquête et toutes réquisitions à une personne publique ou privée de fournir des documents issus de fichiers nominatifs sans prévoir ni les circonstances, ni les conditions dans

8 Cour de cassation, chambre criminelle, 22 octobre 2013, n° 13-81-945 et 13-81949.

9 Cour de cassation, chambre criminelle, 14 janvier 2014, n° 13-84909.

10 Cour de cassation, chambre criminelle, 22 novembre 2011, n° 11-84.308.

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lesquelles un dispositif de géolocalisation et de suivi dynamique des téléphones portables en temps réel peut être mis en place dans le cadre d’une enquête préliminaire sont-elles contraires au respect de la vie privée, à la liberté d’aller et venir, ainsi qu’à la liberté individuelle, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que par les articles 34 et 66 de la Constitution ? ;

« Attendu que la question ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

« Et attendu que les dispositions légales invoquées, relatives aux activités exercées par la police judiciaire sous la direction du procureur de la République, ne confèrent pas le pouvoir de mettre en œuvre la mesure technique dite de "géolocalisation à laquelle, en raison de sa gravité, ne peut être réalisée que sous le contrôle d’un juge." »11

Les deux arrêts de la Cour de cassation du 22 octobre 2013 sont fondés sur la violation de l’article 8 de la CESDH qui garantit le droit à la protection de la vie privée. Au contraire, la Cour de cassation a jugé que l’article 5-3 de la Convention, relatif au contrôle de la privation de liberté, n’avait pas été violé.

L’interprétation des arrêts de la Cour de cassation a soulevé une controverse.

* Au regard de l’arrêt Uzun c/Allemagne de la CEDH, les mesures de géolocalisation prononcées en droit français semblaient constituer des atteintes à la vie privée portant atteinte à l’article 8 de la CESDH. Cet article n’autorise l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée « que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi ». Le droit français ne comportant pas de dispositions spécifiques aux géolocalisations qui étaient prononcées sur la base des dispositions générales du code de procédure pénale, la prévisibilité du droit français pouvait sembler insuffisante. En outre, la Cour de Strasbourg impose, pour faire respecter le caractère nécessaire de la mesure portant atteinte au droit au respect de la vie privée, que l’infraction en cause soit grave. Rien n’était prévu en ce sens dans le droit français.

* La CEDH n’a pas mis en cause le fait que la décision de géolocalisation soit prise par un membre du parquet. Dans l’affaire Uzun, c’est d’ailleurs le procureur général qui avait pris la mesure. N’est pas en cause l’article 5 § 3 de la Convention (qui impose que toute personne arrêtée soit présentée rapidement à un juge) mais l’article 8 de celle-ci. La jurisprudence de la CEDH selon laquelle

11 Cour de cassation, chambre criminelle, du 19 novembre 2013, n° 13-84.909.

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le ministère public n’est pas une autorité judiciaire indépendante au sens de l’article 5 § 312 n’était donc pas opérante en l’espèce. Toutefois, la Cour de cassation a fait une distinction entre les mesures de géolocalisation prises par les magistrats du siège et ceux du parquet. Certains ont avancé qu’il n’est pas exclu que la Cour de cassation avait ainsi entendu pallier l’insuffisance de garanties légales par l’exigence de l’intervention d’un juge.

Devant ces difficultés, le Gouvernement et le Parlement ont choisi d’écarter une interprétation littérale des arrêts de la Cour de cassation et de privilégier une interprétation téléologique. Une interprétation littérale impliquerait que seul un juge du siège peut, en tout état de cause, décider d’une mesure de géolocalisation ; une telle exigence ne peut cependant se rattacher ni à un fondement constitutionnel, ni à un fondement conventionnel. Le législateur a en conséquence estimé que c’est en l’absence de base légale ad hoc en France que la Cour de cassation avait posé cette distinction pour décider d’une mesure de géolocalisation entre magistrats du siège et du parquet. L’absence d’une telle base légale n’aurait pu être compensée que pour les mesures décidées par les juges du siège. C’est ce qu’indiquait avec prudence Mme Taubira : « Nous avons pris acte de ces arrêts (de la Cour de cassation) qui mettent en évidence le vide juridique entourant la géolocalisation »13.

Dans ce contexte, il convient de relever que la cour d’appel de Paris, s’est, dans les affaires ayant donné lieu aux décisions de cassation du 22 octobre 2013, mise en rébellion le 17 février 2014. Dans ses arrêts, la chambre de l’instruction a validé des mesures de géolocalisation ordonnées dans deux enquêtes préliminaires, écartant le critère retenu par la Cour de cassation de leur prononcé par le parquet. La cour a ainsi conclu que « la technique de géolocalisation, née de l’évolution des technologies, n’est qu’une modalité technique de surveillance, moyen qui n’est pas coercitif et peu intrusif et en tout cas pas plus attentatoire à la vie privée qu’une surveillance physique effectuée par un policier ».

III. – Les dispositions de l’article 1er de la loi relative à la géolocalisation L’article 1er insère dans le titre IV du livre 1er du CPP un chapitre V (« De la géolocalisation ») comprenant les articles 230-32 à 230-44 du CPP. Ces articles s’inspirent des articles 706-96 et suivants du CPP relatifs aux sonorisations et fixations d’images de certains lieux ou véhicules et des articles 706-102-1 et suivants du CPP relatifs à la captation des données informatiques.

12 CEDH, grande chambre, 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, (no 3394/03), § 124 ; CEDH, 23 novembre 2010, Moulin c. France (no 37104/06,) et CEDH, 27 juin 2013, Vassis et autres c. France (n° 62736/09).

13 Compte rendu de la deuxième séance du 11 février 2014, précité

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L’article 230-32 définit la géolocalisation en temps réel comme « tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l’ensemble du territoire national, d’une personne, à l’insu de celle-ci, d’un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur ».

Dans le projet de loi initial du Gouvernement, l’article 230-32 fixait à trois ans au moins, toutes infractions confondues, la durée d’emprisonnement encourue pour pouvoir recourir aux opérations de géolocalisation en temps réel. À la suite d’amendements du Sénat, repris en CMP, le nouvel article 230-32 exige soit un seuil de trois ans de peine d’emprisonnement encourue pour les seuls délits contre les personnes soit un seuil de cinq ans pour tous les autres crimes et délits. Quelques autres cas particuliers sont prévus : article 434-6 du code pénal (soutien à une personne auteur ou complice d’un crime ou d’un acte de terrorisme), article 434-7 du même code (recel ou dissimulation d’un cadavre d’une personne victime d’un homicide), procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition, procédure de recherche d’une personne en fuite.

L’article 230-33 définit les autorités compétentes pour autoriser une opération de géolocalisation en temps réel et la durée de ces autorisations.

D’une part, dans le cadre d’une enquête dirigée par le parquet, le procureur de la République autorise l’opération pour une durée maximale de quinze jours consécutifs. À l’issue de ce délai, cette opération est autorisée par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République, pour une durée maximale d’un mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée.

D’autre part, dans le cadre d’une instruction ou d’une information pour recherche des causes de la mort ou des causes de la disparition, le juge d’instruction décide de la mesure de géolocalisation pour une durée maximale de quatre mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée.

L’article 230-33 précise que « La décision du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction est écrite. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours. »

L’article 230-34 encadre les hypothèses d’introduction dans un lieu privé afin d’installer un dispositif dédié de géolocalisation. Il distingue les parkings et autres lieux de stockage, où il est possible de s’introduire dans le cadre d’une information ou d’une enquête relative à un délit aux personnes punies de trois

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ans d’emprisonnement et les autres lieux privés professionnels et d’habitation où l’infraction concernée doit être punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Il est ajouté qu’un dispositif de géolocalisation ne peut être mis en place dans certains lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-4 ni le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7 ( par exemple le cabinet d’un avocat ou d’un médecin, les entreprises de presse…)

L’article 230-35 définit les conditions dérogatoires de mise en œuvre des opérations de géolocalisation en cas d’urgence. Il dispose en son premier alinéa :

« En cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens, les opérations mentionnées à l’article 230-32 peuvent être mises en place ou prescrites par un officier de police judiciaire. Celui-ci en informe immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République ou le juge d’instruction dans les cas mentionnés aux articles 230-33 et 230-34. Ce magistrat peut alors ordonner la mainlevée de la géolocalisation. »

Les deuxième à quatrième alinéas prévoient le cas d’urgence où l’introduction dans un lieu d’habitation est nécessaire. L’intervention préalable d’un magistrat du siège, selon les cas juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention (JLD), est alors toujours nécessaire.

L’article 230-36 définit les catégories d’agents susceptibles d’être requis pour l’installation des dispositifs techniques de géolocalisation : « tout agent qualifié d’un service, d’une unité ou d’un organisme placé sous l’autorité du ministre de l’intérieur et dont la liste est fixée par décret en vue de procéder à l’installation et au retrait du moyen technique mentionné à l’article 230-32. »

L’article 230-37 pose le principe du contrôle des opérations de géolocalisation par le magistrat les ayant autorisées.

L’article 230-38, introduit par le Sénat, prévoit l’établissement de procès verbaux pour chaque opération d’installation d’un dispositif technique de géolocalisation. Il dispose :

« L’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité dresse procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du moyen technique mentionné à l’article 230-32 et des opérations d’enregistrement des données de localisation. Ce procès-verbal mentionne la date et l’heure auxquelles l’opération a commencé et celles auxquelles elle s’est terminée.

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« Les enregistrements sont placés sous scellés fermés ».

L’article 230-39, toujours introduit par le Sénat, prévoit l’établissement de procès-verbaux transcrivant les données de localisation utiles à l’enquête. Il dispose :

« L’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité décrit ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité. » L’article 230-40, cité intégralement plus loin, prévoit la possibilité, en matière de criminalité organisée, de ne pas verser au dossier de la procédure les modalités d’installation d’un dispositif de géolocalisation.

L’article 230-41 permet à la personne mise en examen ou le témoin assisté de contester, devant le président de la chambre de l’instruction, le recours à la procédure prévue à l’article 230-40.

L’article 230-42 fait obstacle à ce qu’une condamnation puisse être prononcée sur le seul fondement des éléments recueillis dans le dossier distinct (sauf si le président de la chambre de l’instruction a ordonné que les informations initialement gardées secrètes soient par la suite versées au dossier principal de la procédure.)

L’article 230-43 prévoit la destruction des enregistrements des données de localisation à l’expiration du délai de prescription de l’action publique.

L’article 230-44 applique les règles procédurales de droit commun aux opérations de géolocalisation d’un terminal de télécommunications, d’un véhicule ou de tout autre objet détenu par la victime ou une personne disparue.

Dans sa décision du 25 mars 2014 commentée, le Conseil constitutionnel a examiné distinctement les dispositions relatives à la mise en œuvre de la géolocalisation (IV) et les dispositions relatives au dossier de la procédure (V).

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IV. – L’examen des dispositions relatives à la mise en œuvre de la géolocalisation

A. – Les normes constitutionnelles

1. – La liberté individuelle et la liberté personnelle

Initialement, le Conseil avait rattaché la liberté individuelle aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République14. Puis le Conseil a rattaché cette liberté à l’article 66 de la Constitution15 et en a retenu une conception assez extensive en y incluant les libertés fondamentales de la personne, telles la liberté d’aller et de venir, l’inviolabilité du domicile, la liberté du mariage ou le respect de la vie privée.

Depuis la décision n° 99-411 DC du 16 juin 199916, le Conseil a stabilisé sa jurisprudence autour d’une définition plus étroite de la liberté individuelle, en ne se référant à l’article 66 de la Constitution que dans le domaine des privations de liberté (garde à vue, détention, rétention, hospitalisation sans consentement).

Dans le même temps, le Conseil a rattaché la liberté d’aller et de venir17, la liberté du mariage18 et le droit à la protection de la vie privée19 à la « liberté personnelle » garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. C’est ce qu’il a confirmé dans la décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013 : « la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, le principe de l’inviolabilité du domicile »20.

Dans ce cadre, le Conseil peut néanmoins lier l’intervention du juge judiciaire à la protection des libertés fondamentales de l’individu autres que le droit de ne pas être arbitrairement détenu. Ainsi, dans sa décision du 2 mars 2004 sur la loi dite « Perben II », le Conseil a, dans le cadre de mesures de procédure pénale, placé sous le contrôle de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté

14 Décision n° 76-75 DC du 12 janvier 1977, Loi autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales.

15 Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980, Loi relative à la prévention de l’immigration clandestine et portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l’Office national d’immigration, cons. 4.

16 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, cons. 20.

17 Ibid. cons. 2.

18 Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, cons. 94 à 97.

19 Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d’une couverture maladie universelle, cons. 45.

20 Décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, Société Wesgate Charters Ltd (Visite des navires par les agents des douanes), cons. 6.

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individuelle, d’une part les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de nuit dans le cas de crimes et délits particulièrement graves relevant de la criminalité et de la délinquance organisées qui viennent d’être commis21 et, d’autre part, les enregistrements de paroles et d’images pour les mêmes infractions22. Le Conseil constitutionnel a aussi jugé dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011

« qu’il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire »23.

2. – Inviolabilité du domicile et intervention du juge

Les décisions du Conseil constitutionnel sur l’inviolabilité du domicile reposent, pour celles antérieures à 1999, sur un fondement constitutionnel qui n’est plus celui retenu aujourd’hui. Elles peuvent néanmoins être rappelées. Il en ressortait que l’intervention de l’autorité judiciaire est une garantie essentielle de la protection de l’inviolabilité tant du domicile que du véhicule. C’est ce que le Conseil affirme dans la décision n° 83-164 DC24, ou dans la décision n° 90- 281 DC25 : « la protection de [la] liberté [individuelle] rend nécessaire l’intervention de l’autorité judiciaire lorsque peut être mise en cause l’inviolabilité du domicile de toute personne habitant le territoire de la République ».

À compter de 1999, cette jurisprudence a évolué. Le Conseil constitutionnel a ainsi admis une dérogation au principe de l’intervention préalable de l’autorité judiciaire à propos des visites de véhicules circulant ou arrêtés sur la voie publique lorsqu’il existe à l’égard du conducteur une ou plusieurs raisons de soupçonner qu’il a commis un crime ou délit flagrant en tant qu’auteur ou complice26.

Dans sa décision du 2 mars 2004 précitée, le Conseil constitutionnel a jugé

« qu’eu égard aux exigences de l’ordre public et de la poursuite des auteurs d’infractions, le législateur peut prévoir la possibilité d’opérer des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de nuit dans le cas où un crime ou un délit relevant de la criminalité et de la délinquance organisées vient de se commettre, à condition que l’autorisation de procéder à ces opérations émane de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales

21 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cons. 46.

22 Ibid, cons. 64 et 69.

23 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. 59.

24 Décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, cons. 28.

25 Décision n° 90-281 DC du 27 décembre 1990, Loi sur la réglementation des télécommunications, cons. 8.

26 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 13 et 14.

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appropriées ; qu’en l’espèce, le législateur a fait du juge des libertés et de la détention l’autorité compétente pour autoriser les perquisitions de nuit ainsi que les visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ; qu’il a exigé une décision écrite et motivée précisant la qualification de l’infraction dont la preuve est recherchée, l’adresse des lieux concernés, les éléments de fait et de droit justifiant la nécessité des opérations ; qu’en outre, il a placé ces opérations sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, lequel peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales ; qu’enfin, il a précisé que les opérations en cause ne peuvent, à peine de nullité, laquelle revêt un caractère d’ordre public, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées »27.

Il résulte de l’évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel amorcée en 1999 que, hors du cadre des actes de police judiciaire, l’intervention de l’autorité judiciaire pour autoriser la pénétration dans un domicile n’est plus une exigence constitutionnelle. Toutefois, des garanties légales assurant le respect des exigences constitutionnelles découlant de l’article 2 de la Déclaration de 1789 doivent encadrer la pénétration dans un domicile.

Dans la décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, le Conseil a précisé ce cadre constitutionnel. Il a d’abord rappelé qu’il incombe au législateur, en application de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ainsi que la procédure pénale.

Dans ce cadre, il lui incombe « d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, le respect des autres droits et libertés constitutionnellement protégés ». Aussi, « dans l’exercice de son pouvoir, le législateur ne saurait priver de garanties légales des exigences constitutionnelles »28.

D’une part, le Conseil constitutionnel a jugé que les règles relatives à la protection constitutionnelle applicables au domicile ne pouvaient être appliquées aux navires ne varietur, sans prendre en compte leurs particularités. Il a estimé que l’absence d’autorisation juridictionnelle préalable à la visite des navires par les agents des douanes n’est pas en elle-même contraire à la Constitution.

Mais, d’autre part, les pouvoirs des agents de l’administration des douanes doivent être définis et encadrés de façon suffisamment précise pour permettre un

27 Décision n° 2004-492 DC précitée, cons. 46.

28 Décision n° 2013-357 QPC précitée, cons. 5.

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contrôle juridictionnel effectif a posteriori lors de l’éventuelle contestation des opérations de visite ou lors du jugement des poursuites fiscales ou pénales engagées. Or le Conseil constitutionnel a estimé que ce n’était pas le cas en l’espèce et que « dans ces conditions les dispositions contestées privent de garanties légales les exigences qui résultent de l’article 2 de la Déclaration de 1789 »29.

B. – La décision du 25 mars 2014

Le Conseil constitutionnel a examiné les dispositions de l’article 1er, qui prévoient les conditions de mise en œuvre de la géolocalisation, en distinguant les dispositions relatives à la géolocalisation elle-même et les dispositions relatives à l’introduction dans un lieu privé pour mettre en place le dispositif de géolocalisation. En effet, ces dernières s’apparentent à des techniques spéciales d’enquêtes plus attentatoires à la vie privée et pour lesquelles le niveau d’exigences constitutionnelles est plus élevé.

Le Conseil a d’abord qualifié l’atteinte à la vie privée qui résulte de la géolocalisation. Comme le soulignaient les analyses des juridictions précitées, il existe une controverse sur la gravité de cette atteinte.

* En un sens, la géolocalisation ne constitue qu’une forme moderne de la surveillance. Elle conduit à recueillir des informations touchant à la seule position géographique en temps réel d’un individu. Elle n’implique pas d’acte de contrainte sur la personne elle-même ni aucune atteinte à son intégrité corporelle. Elle n’implique aucune interception de correspondance ou de communication ni aucune captation d’image ou de son. En ce sens, elle est moins attentatoire à la vie privée qu’une filature 24 h /24, laquelle permet aux services d’enquête non seulement de connaître la position géographique d’une personne mais également de connaître son comportement ainsi que d’identifier les personnes qu’elle rencontre et de prendre des photographies qui peuvent constituer des éléments de preuve.

Pourtant, une filature est un acte d’enquête que les officier de police judiciaire peuvent réaliser de leur propre initiative pendant la durée qui leur paraît opportune – et ce, sans autre contrôle de l’autorité judiciaire que le contrôle général assuré par le parquet, en application des articles 12 et suivant du CPP, pour les enquêtes.

* En sens inverse, certains éléments conduisent à nuancer l’affirmation selon laquelle la géolocalisation serait une surveillance bénigne. Premièrement, la

29 Ibid. cons. 8.

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géolocalisation, en particulier si elle porte sur plusieurs personnes en même temps, permet de recueillir des informations sur les activités et les relations entre des personnes. Deuxièmement, l’automatisation de la surveillance permet son déploiement à une échelle bien plus grande que la surveillance physique qui, compte tenu de son coût, ne peut être réservée qu’à des affaires d’une particulière gravité. L’atteinte à la vie privée résulte moins de l’intensité de l’intrusion dans la vie privée que du risque d’extension incontrôlée qui résulterait d’une banalisation ou généralisation de cette mesure de surveillance.

Dans sa décision du 25 mars 2014, le Conseil juge, d’une part, que « la géolocalisation est une mesure de police judiciaire consistant à surveiller une personne au moyen de procédés techniques en suivant, en temps réel, la position géographique d’un véhicule que cette personne est supposée utiliser ou de tout autre objet, notamment un téléphone, qu’elle est supposée détenir ; que la mise en œuvre de ce procédé n’implique pas d’acte de contrainte sur la personne visée ni d’atteinte à son intégrité corporelle, de saisie, d’interception de correspondance ou d’enregistrement d’image ou de son » et, d’autre part, « que l’atteinte à la vie privée qui résulte de la mise en œuvre de ce dispositif consiste dans la surveillance par localisation continue et en temps réel d’une personne, le suivi de ses déplacements dans tous lieux publics ou privés ainsi que dans l’enregistrement et le traitement des données ainsi obtenues » (cons. 13).

Il apparaît que l’atteinte à la vie privée qui résulte du recours à la géolocalisation est moindre que celle qui résulte d’autres dispositifs d’investigation spéciaux (interception des communications et correspondances, sonorisation de véhicules ou de lieux privés…) qui nécessitent, pour être mis en œuvre dans des conditions conformes à la Constitution, des garanties élevées. Toutefois, cette atteinte est réelle et sa mise en œuvre doit être entourée de garanties légales assurant le respect de la vie privée. En l’espèce, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions qui fixaient les conditions de recours à la géolocalisation et assuraient le contrôle de l’autorité judiciaire sur sa mise en œuvre étaient suffisantes.

Par ailleurs, les dispositions qui permettent l’introduction dans un lieu privé, notamment un domicile, pour mettre en place ou retirer un dispositif de géolocalisation, appellent des garanties plus élevées touchant tant aux conditions dans lesquelles une telle introduction est possible qu’au contrôle de l’autorité judiciaire sur ces actes qui portent atteinte à l’inviolabilité du domicile. En l’espèce, le Conseil a estimé que les dispositions de l’article 230-34 apportent ces garanties.

En définitive, le Conseil constitutionnel a jugé : « que le législateur a entouré la mise en œuvre de la géolocalisation de mesures de nature à garantir que,

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placées sous l’autorisation et le contrôle de l’autorité judiciaire, les restrictions apportées aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité et ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de la gravité et de la complexité des infractions commises ; que, par ces dispositions, le législateur n’a pas opéré entre les droits et libertés en cause une conciliation déséquilibrée » (cons. 17).

V. – Les dispositions relatives au dossier de la procédure

Les articles 230-40 à 230-42 prévoient la possibilité, uniquement en matière de délinquance ou de criminalité organisée (article 706-73), de ne pas verser au dossier de la procédure les modalités d’installation d’un dispositif de géolocalisation.

L’article 230-40 dispose : « Lorsque, dans une instruction concernant l’un des crimes ou délits entrant dans le champ d’application de l’article 706-73, la connaissance de ces informations est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne, des membres de sa famille ou de ses proches et qu’elle n’est ni utile à la manifestation de la vérité, ni indispensable à l’exercice des droits de la défense, le juge des libertés et de la détention, saisi à tout moment par requête motivée du juge d’instruction, peut, par décision motivée, autoriser que n’apparaissent pas dans le dossier de la procédure :

« 1° La date, l’heure et le lieu où le moyen technique mentionné à l’article 230-32 a été installé ou retiré ;

« 2° L’enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d’identifier une personne ayant concouru à l’installation ou au retrait du moyen technique mentionné à ce même article.

« La décision du juge des libertés et de la détention mentionnée au premier alinéa du présent article est jointe au dossier de la procédure. Les informations mentionnées aux 1° et 2° sont inscrites dans un autre procès-verbal, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également la requête du juge d’instruction prévue au premier alinéa. Ces informations sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance. »

L’article 230-41 reconnaît, pour garantir les droits de la défense, que la personne mise en examen ou le témoin assisté peut, dans les dix jours à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance du contenu des opérations de géolocalisation réalisées dans le cadre prévu à l’article 230-40, contester, devant

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le président de la chambre de l’instruction, le recours à la procédure prévue à ce même article. Il est précisé que si le président de la chambre de l’instruction

« estime que les opérations de géolocalisation n’ont pas été réalisées de façon régulière, que les conditions prévues audit article 230-40 ne sont pas remplies ou que les informations mentionnées à ce même article sont indispensables à l’exercice des droits de la défense, le président de la chambre de l’instruction ordonne l’annulation de la géolocalisation. Toutefois, s’il estime que la connaissance de ces informations n’est pas ou n’est plus susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne, des membres de sa famille ou de ses proches, il peut également ordonner le versement au dossier de la requête et du procès-verbal mentionnés au dernier alinéa du même article. Le président de la chambre de l’instruction statue par décision motivée, qui n’est pas susceptible de recours, au vu des pièces de la procédure et de celles figurant dans le dossier mentionné au même alinéa ».

Enfin, l’article 230-42 interdit qu’une condamnation puisse être prononcée sur le seul fondement des éléments recueillis dans les conditions prévues à l’article 230-40, sauf si la requête et le procès-verbal exigés en cas de soustraction d’éléments relatifs à la géolocalisation du dossier de la procédure ont été versés au dossier.

Le dispositif est directement inspiré de l’article 706-58 du CPP pour les témoignages anonymes : « L identité et l’adresse de la personne (protégée) sont inscrites dans un dossier distinct du dossier de la procédure ». L’article 706-60 prévoit seulement que les dispositions ne sont pas applicables si, au regard des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise ou de la personnalité du témoin, la connaissance de l’identité de la personne est indispensable à l’exercice des droits de la défense. Le second alinéa de l’article 706-60 prévoit un recours de la personne mise en examen contre l’utilisation de cette procédure des témoins protégés. Aux termes de l’article 706-62, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations de témoins protégés.

La loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne qui a mis en place ces dispositions n’a pas été soumise au Conseil constitutionnel.

L’article 706-58 a été modifié par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice. Cette loi a été déférée au Conseil constitutionnel qui n’a pas examiné cette modification de l’article 706- 5830.

30 Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice.

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A. – Les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif Dans sa décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 (Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française), le Conseil constitutionnel a fait découler le droit au recours juridictionnel effectif de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en vertu duquel « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il a considéré qu’« il résulte de cette disposition qu’en principe il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction »31.

De l’article 16 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel fait également découler le droit à un procès équitable et le principe du contradictoire.

Enfin, après avoir consacré les droits de la défense en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR)32, le Conseil constitutionnel les rattache désormais à l’article 16 de la Déclaration de 178933. Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution le droit de communication des agents des douanes prévu à l’article 65 du code des douanes au regard des droits de la défense34 ou encore le dispositif de perquisitions fiscales et douanières antérieur à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie35. Dans sa décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que l’existence de recours contre les procédures de visite permet de garantir le droit au recours juridictionnel effectif36.

Les exigences de l’article 16 se manifestent également dans le droit de la preuve en matière pénale. Ainsi, dans sa décision sur la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, le Conseil constitutionnel a jugé : « Considérant que les dispositions des articles 37 et 39 sont relatives à l'utilisation des documents, pièces ou informations portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, dans le cadre des procédures de contrôle à l'exception de celles relatives aux visites en tous lieux, même privés ; que si ces documents, pièces ou informations ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, ils doivent

31 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cons. 83.

32 Décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976, Loi relative au développement de la prévention des accidents du travail, cons. 2.

33 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 41.

34 Décision n° 2011-214 QPC du 27 janvier 2012, Société COVED SA (Droit de communication de l’administration des douanes), cons. 6.

35 Décision n° 84-184 DC du 24 décembre 1984, Loi de finances pour 1985, cons. 35.

36 Décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, Époux P. et autres (Perquisitions fiscales), cons. 9.

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toutefois avoir été régulièrement portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, soit dans le cadre du droit de communication prévu, selon le cas, par le livre des procédures fiscales ou le code des douanes, soit en application des droits de communication prévus par d'autres textes, soit en application des dispositions relatives à l'assistance administrative par les autorités compétentes des États étrangers ; que ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, permettre aux services fiscaux et douaniers de se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judicaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ; que, sous cette réserve, le législateur n'a, en adoptant ces dispositions, ni porté atteinte au droit au respect de la vie privée ni méconnu les droits de la défense »37.

B. - La décision du 25 mars 2014

Le dispositif prévu par les articles 230-40 à 230-42 du CPP conduit à ne pas verser au dossier de la procédure certaines informations relatives aux conditions dans lesquelles certains actes d’investigation ont été accomplis. Il s’agit des informations relatives à la date, l’heure et le lieu où le moyen technique de géolocalisation a été installé ou retiré, ainsi que l’enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d’identifier une personne ayant concouru à l’installation ou au retrait de ce moyen. L’atteinte aux droits de la défense qui résulte de ce dispositif réside dans le fait que, les parties n’ayant pas accès à ces informations, elles se trouvent dans l’impossibilité de formuler d’éventuelles critiques quant à la légalité de ces actes.

Le Conseil a examiné distinctement, d’une part, les articles 230-40 et 230-41 relatifs aux conditions de mise en œuvre de ce dispositif, et, d’autre part, l’article 230-42, relatif à l’utilisation comme moyen de preuve des informations obtenues par une géolocalisation mise en œuvre dans ces conditions.

S’agissant des conditions et des modalités du recours à cette procédure dérogatoire, le Conseil a relevé plusieurs éléments qui en assurent un strict encadrement :

– ce recours n’est possible que dans le cadre d’une information judiciaire portant sur les infractions relevant de la délinquance ou la criminalité organisées (706- 73 CPP) ;

37 Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, cons. 33.

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– le versement au dossier des informations dont il s’agit conduirait à mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne, des membres de sa famille ou de ses proches ;

– lesdites informations ne sont ni utiles à la manifestation de la vérité ni indispensables à l’exercice des droits de la défense ;

– le recours à ce dispositif est pris par décision motivée du JLD rendue sur requête motivée du juge d’instruction ;

– il est créé un registre relié et paraphé relatif à la décision du JLD.

– l’article 230-41 prévoit un recours devant le président de la chambre de l’instruction qui peut soit annuler la géolocalisation (s’il estime que les opérations de géolocalisation n’ont pas été réalisées de façon régulière, que les conditions prévues par l’article 230-40 ne sont pas réunies ou que les informations qui n’ont pas été versées à la procédure sont indispensables à l’exercice des droits de la défense), soit ordonner le versement de ces informations au dossier de la procédure (s’il estime que leur connaissance n’est pas ou n’est plus susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne, des membres de sa famille ou de ses proches).

Sur ce dernier point, le Conseil constitutionnel a formulé deux réserves.

La première porte sur le délai de dix jours dans lequel le témoin assisté ou le mis en examen a la faculté de saisir le président de la chambre de l’instruction.

L’article 230-41 dispose que ce délai court « à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance du contenu des opérations de géolocalisation réalisées dans le cadre prévu ». Le Conseil constitutionnel a estimé que compte tenu de la complexité des dossiers dans lesquels le recours à ce dispositif est possible (criminalité et délinquance organisée), ce court délai ne pouvait être compatible avec l’exercice des droits de la défense qu’à la condition qu’il ne commence à courir qu’à compter du jour où la décision du juge des libertés et de la détention rendue en application de l’article 230-40 est formellement portée à la connaissance de la personne mise en examen ou du témoin assisté.

La seconde réserve porte sur les pouvoirs de la chambre de l’instruction saisie d’une demande de nullité sur le fondement des articles 170 et suivants du code de procédure pénale. Le Conseil constitutionnel a estimé que les droits de la défense seraient également méconnus si la chambre de l’instruction ne pouvait également exercer le contrôle et prendre les décisions prévus par l’article 230-41.

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Pour le surplus, le Conseil a estimé que les articles 230-40 et 230-41 ne portaient pas atteinte aux droits de la défense.

* S’agissant de l’article 230-42, il interdit qu’une condamnation soit prononcée sur le « seul » fondement des éléments de géolocalisation recueillis dans les conditions prévues à l’article 230-40.

A contrario, cet article permettrait que des informations de géolocalisation recueillies dans ces conditions soient utilisées comme élément de preuve dans le procès et prises en compte par la juridiction de jugement lorsqu’elle déclare le prévenu ou l’accusé coupable.

Le Conseil a estimé qu’une telle possibilité méconnaîtrait le respect des droits de la défense et jugé : « que le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense impliquent en particulier qu’une personne mise en cause devant une juridiction répressive ait été mise en mesure, par elle-même ou par son avocat, de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause » (cons. 25). Une telle affirmation de principe n’implique pas que l’origine et les conditions de recueil de tous les renseignements obtenus dans le cadre de l’enquête ou de l’instruction, et qui permettent de l’orienter, soient versées au dossier et ainsi soumises au principe du contradictoire. Elle implique en revanche qu’une information mettant en cause une personne ne peut pas constituer un élément de preuve devant la juridiction répressive si la personne mise en cause est privée de la possibilité de contester les conditions dans lesquelles elles ont été recueillies.

Par suite, le Conseil constitutionnel a jugé que le mot « seul » figurant à l’article 230-42 du CPP devait être déclaré contraire à la Constitution. Il a précisé que, par voie de conséquence, il appartiendra à la juridiction d’instruction d’ordonner que les éléments recueillis dans les conditions prévues à l’article 230-40 soient retirés du dossier de l’information avant la saisine de la juridiction de jugement.

Sous cette réserve, le surplus de l’article 230-42 ne méconnaissait pas les droits de la défense.

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