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« Quand l’abolitionnisme servait d’alibi aux pornophiles : rapports croisés de domination dans En Virginie (1901) de Jean de Villiot »

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212 | 2013 Varia

Quand l’abolitionnisme servait d’alibi aux

pornophiles

Rapports croisés de domination dans En Virginie (1901) de Jean de Villiot

When Abolitionism Was Used as an Alibi by Porns Fans. Crossed Relationships of

Domination in En Virginie (1901) by Jean de Villiot

Sarah Al-Matary Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/17521 DOI : 10.4000/etudesafricaines.17521 ISSN : 1777-5353 Éditeur Éditions de l’EHESS Édition imprimée

Date de publication : 22 novembre 2013 Pagination : 839-852

ISBN : 978-2-7132-2389-1 ISSN : 0008-0055 Référence électronique

Sarah Al-Matary, « Quand l’abolitionnisme servait d’alibi aux pornophiles », Cahiers d’études africaines [En ligne], 212 | 2013, mis en ligne le 16 décembre 2015, consulté le 19 avril 2019. URL : http:// journals.openedition.org/etudesafricaines/17521 ; DOI : 10.4000/etudesafricaines.17521

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Quand l’abolitionnisme servait d’alibi

aux pornophiles

Rapports croisés de domination

dans En Virginie (1901) de Jean de Villiot

Saluant l’apport de la southern women’s history à l’étude des dominations croisées, Céline Bessière (2003) rappelle comment, en circonscrivant l’ana-lyse dans le temps et l’espace, ce champ a permis d’envisager l’intrication des oppressions de sexe, de race et de classe à partir de « configurations historiques concrètes de relations de pouvoir ». La situation du « Sud des États-Unis autour de la guerre de Sécession » offrait, de ce point de vue, un observatoire privilégié. De fait, avant l’abolition, divers régimes de domi-nation entrent en tension au sein de la société esclavagiste du sud américain.

En Virginie. Épisode de la guerre de Sécession précédé d’une étude sur l’esclavage et les punitions corporelles en Amérique et suivi d’une biblio-graphie raisonnée des principaux ouvrages français et anglais sur la flagel-lation (de Villiot 1901 : XXXVI, 187)1en donne un rare aperçu. L’ouvrage,

qui tient à la fois du document et de la fiction, déconcerte. Ce volume composite, publié en 1901 sous un pseudonyme collectif, est en effet bâti autour d’un roman dont le décor est planté, à la manière d’une « préface », par une dissertation sur les traitements infligés aux esclaves nord-américains avant la guerre civile. Un « supplément »2bibliographique assez nourri pour

que les experts s’y rapportent encore aujourd’hui (Pia 1998) atteste le carac-tère savant de l’ensemble.

Pour mieux dénoncer la légalisation de la flagellation — la punition la plus appliquée aux esclaves, dont elle préservait la capacité de travail (une loi de 1740 punissait d’une amende de cent livres sterling [EV: VIII, XXI]

les tortures réalisées autrement qu’avec le fouet) —, l’auteur se rapporte à

Slavery as it is, une référence de l’abolitionnisme depuis les années 1840 (Weld 1839). Si le sous-titre d’En Virginie l’oriente effectivement vers la littérature savante, le titre suggère la véritable nature du texte, version

1. Les initiales EV renverront désormais à ce titre.

2. La bibliothèque de littérature érotique Eros-Thanatos propose, depuis 2008, une reproduction numérique des Mémoires de Dolly Morton, réalisée d’après l’édition originale, <http://www.eros-thanatos.com/-Memoires-de-Dolly-Morton-.html>.

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expurgée des Memoirs of Dolly Morton3, roman pornographique publié en

anglais à Paris, deux ans plus tôt. L’éditeur, Charles Carrington4, s’est

spé-cialisé dans la littérature sadomasochiste. Sous couvert d’abolitionnisme, il complète ici la collection qu’il consacre à la flagellation, tout en s’assurant de diffuser sans trop de contraintes un texte destiné aux amateurs de curiosa. Quoiqu’habituelle, la stratégie de contournement ici mise en place s’avère d’autant plus efficace que l’ambition commerciale est dissimulée sous l’engagement abolitionniste, que l’apologie du sadomasochisme se cache sous un réquisitoire contre les violences physiques. Si le geste est politique, c’est par en bas.

Une stratégie commerciale de détournement

Car « Jean de Villiot », étiquette qui identifiait, au sein de la maison Carrington, le sous-genre du roman de flagellation, réunit des personnalités d’obédiences contrastées : à l’éditeur se joignent en effet Hector France, Hugues Rebell et leurs collaborateurs5. Si la pratique du sadomasochisme

a pu rapprocher Rebell et Carrington en dépit de leurs divergences d’opi-nion, seule la logique financière explique que le dandy Rebell, qui accompa-gna un temps les monarchistes de L’Action française, collabore avec un anticlérical notoire comme Hector France. Fils d’abolitionniste6, ce dernier

avait dénoncé les dévoiements coloniaux qu’il avait observés au Maghreb. Revenu sans fortune de l’exil londonien auquel la condamnation des anciens communards l’avait contraint, il trouve une manne dans le roman de flagel-lation, qui s’écoulait facilement, sans exiger d’effort stylistique. Rebell, miné par ses frasques amoureuses et poursuivi par les créanciers, profite

3. The Story of a Woman’s Part in the Struggle to Free the Slaves,précédé d’une étude sur L’esclavage et les punitions corporelles en Amérique avant la guerre

de Sécession,traduit de l’anglais An Account of the Whippings, Rapes, and

Vio-lences that Preceded the Civil War in America with Curious Anthropological Observations on the Radical Diversities in the Conformation of the Female Bot-tom and the Way Different Women Endure Chastisement, et suivi d’une biblio-graphie raisonnée des principaux ouvrages français et anglais sur la flagellation. 4. Concernant l’activité de Carrington, né Paul Harry Ferdinando (Londres,

1867-Saint-Ivry, 1921), voir Howard GUACAMOLE (2006).

5. Les spécialistes admettent que Carrington a largement rédigé l’étude liminaire, et qu’il a bâti la bibliographie en se fondant notamment sur l’Index Librorum

Prohibitorum (1877) du bibliophile anglais Henri Spencer Ashbee (1834-1900), connu des amateurs sous le pseudonyme de Pisanus Fraxi. C’est sans doute Hector France qui a traduit Pisanus Fraxi, puis corrigé l’ensemble. Quant au roman, il serait en partie imputable à Hugues Rebell.

6. Joseph France, ancien commandant de la gendarmerie à la Martinique, avait dénoncé le martyre des Noirs antillais dans La Vérité et les Faits de l’esclavage

à nu, dans ses rapports avec les maîtres et les agents de l’autorité,Moreau impr, 1846, suivi d’une Lettre à MM. Les membres de la Chambre des Députés, impr. Sirou et Desquers, 1847.

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également de l’aubaine. Le roman de flagellation connaît alors un engoue-ment tel qu’« entre 1890 et 1940 », il regroupera « sept [à] huit-cents titres » (Dupouy 1998 : 20)7. Au tournant du siècle, c’est Carrington qui porte cette

vogue. Époque faste : les titres de l’Enfer de la Bibliothèque nationale sont treize fois plus nombreux entre 1890 et 1912 que pendant la période 1840-1854, alors que la production littéraire générale n’est multipliée que par « 3,5 » : « Vers 1850, un titre sur 5 000 se retrouve à l’Enfer. Vers 1900, il s’agit d’un titre sur 1 300 » (Stora-Lamarre 1990 : 204). Le commerce monté par Carrington a d’autant le vent en poupe que la souscription le protège des pertes commerciales. En outre, il donne dans l’œuvre de luxe (En Virginie vaut quarante francs, soit cinq fois le prix d’un volume stan-dard), mais s’arrange pour que le texte ne soit pas frappé d’interdit, ce qui restreindrait sa diffusion.

Pour éviter un procès, Carrington fait d’En Virginie une étude d’histoire, d’anthropologie, de mœurs ; l’ouvrage aurait même une vocation thérapeu-tique8. Or les documents historiques ne peuvent être retenus à charge ! Rien

à redire, non plus, du ton de l’ouvrage qui refuse la « crudité » (EV: VI). Carrington a appris la prudence, depuis qu’en 1899 l’Étude sur la

Flagella-tion à travers le monde9l’a mené en correctionnelle. Bien que supposément

réservé aux « souscripteurs » — « Médecins, Savants, Chercheurs ou Psycho-logues » —, cet ouvrage s’était vu condamné sur l’accusation d’une société puritaine anglaise10. Sept des eaux-fortes qui l’agrémentaient, jugées obscènes

malgré leur caractère peu explicite, furent détruites par le Parquet de Paris, et l’éditeur fut frappé d’une amende de deux cents francs pour outrage aux bonnes mœurs. On ne l’y reprendra plus. En Virginie est ainsi centré sur des mémoires qui, n’étaient les scènes de flagellation, pourraient se rattacher au roman sentimental, comme en témoignent certains titres à l’eau de rose. Travesti sous la forme du roman d’apprentissage, le roman érotique invoque son exigence de vérité, sa portée édifiante. Mais il adopte la forme des mémoires libertins, vulgarisée par Memoirs of a Woman of Pleasure (Londres,

7. Un fonds si riche que la Bibliothèque nationale de France le regroupera en partie sous une cote spécifique (Rés. p. Y21000) ; à partir des années 1950, cette cote

accueille toute la littérature populaire érotique et pornographique (PETIT2001 : 62). 8. Le texte rappelle qu’on attribuait à la flagellation des valeurs cathartiques autant qu’aphrodisiaques. En témoignent aussi bien la tradition issue des Lupercales (FOUCHET 1976) que celle qui prolonge les travaux du médecin Johann Heinrich MEIBOM(1629).

9. Les initiales ÉF renverront désormais à ce titre.

10. Ce serait en représailles à la publication, chez Carrington, d’ouvrages où les Anglais tenaient le mauvais rôle (notamment Les Dessous de la pudibonderie

anglaise, expliqués dans les Divorces anglais, ou procès en adultère jugés par le banc du roi et la cour ecclésiastique d’Angleterre, 1898) que la National Vigilance Association aurait monté sa plainte. Il faut dire que l’essentiel du cata-logue de la maison portait sur la flagellation, alors nommée « vice anglais », car l’usage du fouet à des fins pénales ou éducatives, aboli en 1830 sur le sol français, perdurait outre-Manche.

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1749), Mémoires de Miss Ophélia Cox (Paris, 1791), et surtout les Mémoires

de Fanny Hill,par John Cleland (Paris, 1887). Le narrateur masculin d’En

Virginie,un trentenaire, est rapidement remplacé par Dolly, une jolie femme qu’il a séduite à Central Park. Toute honte bue, celle-ci lui révèle qu’elle fait le plus vieux métier du monde et, à sa demande, livre pour la première fois son histoire, sur le mode de la confession. Parce qu’il faut souffrir, quand on est belle, l’apprentissage de Dolly s’est fait sous le fouet ; précoce-ment orpheline de mère, l’héroïne grandit à Philadelphie, « isolée » auprès d’un père bourru dont le décès la laisse sans protection ni ressources. Engagée dans le combat abolitionniste au cours d’un séjour dans le Sud, elle travaille aux côtés d’une quakeresse, sa bienfaitrice, dans un hôpital pour nègres marrons. Socialement très vulnérable (l’absence de mère l’expose aux dangers), elle est à cette époque violée par Randolph, un riche planteur. Devenu un compagnon forcé, il la soumet à ses caprices sadiques. Néanmoins, les aventures traversées par l’héroïne connaissent un heureux dénouement : elle partage les sentiments d’un homme plus âgé, qui accepte de l’épouser.

La plantation, espace du sadisme légalisé

« Exact quant aux faits, sinon quant aux détails », le roman prétend « éclair[er] d’un jour nouveau [...] les pratiques monstrueuses en usage chez les esclavagistes qui torturaient non seulement par nécessité de répression, mais aussi par dilettantisme, par passion et besoin de cruauté » (EV:XXXVI).

Une ambivalence au fondement de la flagellation sadomasochiste, qui « reconnaît au moins à la victime une valeur utilitaire (comme force de travail, soldat, serviteur, etc.) qu’on entend préserver » (Cousin 2000 : 169). Parce qu’il légalise les hiérarchies, le système esclavagiste fait donc coïnci-der pour le sadique le désir et la loi. Le sadique « a besoin d’institutions », puisqu’il « pense en termes de possession instituée » (Deleuze 1996 : 20) ; or le corps esclave est, légalement, la propriété du maître. L’esclavage, au sens strict comme au sens large, fonctionne sur un modèle relationnel : le maître n’assoit son pouvoir que parce que l’esclave existe ; l’esclave n’existe qu’en fonction du maître. Dans En Virginie, la légalisation insis-tante des châtiments infligés aux esclaves met la puce à l’oreille : loin d’apparaître comme la marque d’un pouvoir sans loi, les brutalités sont légitimées, même si les abolitionnistes condamnent cette institutionnali-sation de la violence. Les sévices sexuels, présentés comme le simple prolongement des sévices coloniaux11, s’en trouvent quasiment justifiés.

Carrington essaierait-il de légitimer la pratique qui porte son industrie, en l’inscrivant dans un système qui, pour barbare qu’il soit, ne possède pas

11. Sur la logique du « continuum de la violence dans les sociétés racistes », voir notamment Grégoire CHAMAYOU (2010 : 150).

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moins ses propres lois (des lois privées, en somme, dictées par le patriarcat, que le frontispice sur la correction conjugale dessinait déjà) ? En tout cas, loin de servir l’intérêt des minorités sexuelles ou raciales, le roman de fla-gellation, sous-genre « mineur », fait l’apologie de la domination.

Le geste éditorial trouve ses gages, avec son objet. Quel cadre mieux adapté à la littérature sadomasochiste, en effet, que les plantations esclava-gistes, qui institutionnalisaient les relations de maîtres-se à esclave ? Pour-tant, alors que les fictions sadomasochistes multiplient les décors exotiques, peu de titres se penchent dans ces années sur la proche réalité de l’esclavage. Si la Rome des empereurs détraqués et des premiers martyrs chrétiens fait alors fureur, à l’instar de l’Est lointain (la Russie du knout, l’Orient des harems), les États-Unis sont encore peu représentés. Carrington serait-il pionnier12? Avec la collection « La Flagellation à travers le monde », il

ouvre en tout cas la voie à l’énigmatique Jean de Virgans13. La plantation

offre indubitablement à la fiction sadomasochiste le théâtre dont elle a besoin : des protagonistes facilement identifiables, des relations de domina-tion incarnées, ancrées dans l’espace et le temps. Le sud des États-Unis, terre d’oppression, qu’on suppose échauffante, donne au vice anglais un supplément d’exotisme. L’étude qui ouvre En Virginie associe d’ailleurs implicitement la « barbar[ie] » au « Nouveau-Monde » (EV: XXXVI). L’Étude

sur la Flagellation soulignait la spécificité de l’aire étasunienne : si le Delaware reste « le seul des États-Unis » où « la flagellation soit une puni-tion légale », « en Virginie l’on soutient une loi nouvelle autorisant la flagel-lation des personnes qui ne peuvent payer les amendes dans les tribunaux secondaires » (ÉF: 593). Plus généralement, l’Union américaine creuse les partages : à l’hostilité Nord/Sud, à la répartition des pouvoirs entre Blancs et Noirs, hommes et femmes, se superpose un conflit de génération. La guerre civile reflète une crise générale de la domination, symbolisée par le marronnage. En justifiant un redoublement de violence, ce dernier crée peut-être les frustrations propres à justifier dans En Virginie l’érotisme sado-masochiste : parce que les Noir(e)s échappent de plus en plus à leur domina-tion, les maîtres blancs s’en prennent à d’autres subalternes, en l’occurrence, les femmes blanches... Est en jeu la préservation du pouvoir patriarcal, fondé

12. Dans l’Étude sur la Flagellation (ÉF : 598), l’éditeur prétend avoir publié dès les années 1897-1898 un ouvrage sur l’esclavage dans les colonies du sud des États-Unis et de l’Amérique latine, ouvrage dont il ne donne pas le titre, mais livre une table complète. Ce mystérieux volume n’est pas recensé dans le cata-logue établi par Howard Guacamole, soit que le bibliographe eût ignoré son existence (le texte, publié à peu d’exemplaires, peut être perdu), soit — ce qui nous paraît plus plausible — que le livre n’ait jamais été mis en circulation. Cela expliquerait que Carrington omette son titre et n’indique qu’une date de publication imprécise. Pourquoi, en outre, communiquer la table d’un livre qu’on peut aisément consulter ?

13. La Librairie Franco-Anglaise, qui dès avant-guerre s’était consacrée à la flagella-tion sous diverses latitudes, publie une kyrielle de textes sous cette signature à partir de 1919.

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sur une triple domination politique, économique et sexuelle à laquelle le système esclavagiste donne corps : dès 1933, Gilberto Freyre (2009 : 391) ancrait dans l’oisiveté coloniale la sexualité sadique des maîtres-ses envers leurs esclaves hommes et femmes. Culture de loisirs dont la cruauté fait partie intégrante : fouailler tient du passe-temps, de la partie de plaisir. De manière significative, En Virginie évacue l’impératif de procréation au cœur de la plantation esclavagiste14 pour se concentrer sur l’érotisme sadique,

moins dans ce qu’il suggère de l’alliance entre le plaisir et la douleur, que du pouvoir comme condition de la jouissance.

De l’apparent réquisitoire contre l’esclavage des Noirs à l’apologie de l’esclavage des Blanches

À l’examen, la répartition et la valeur des mentions de la « race » (EV:XVII,

XXV, 262, 282) frappent encore d’ambigüité un ouvrage qui se plaçait sous

la bannière de l’abolitionnisme. La plupart des mentions non lexicalisées de la « race » sont concentrées au sein de l’étude conclusive, qui offrait traditionnellement dans les curiosa la possibilité d’une ultime justification : caution politique, par la référence aux travaux de l’anticolonialiste Paul Vigné d’Octon (1913 : 1)15; caution éthique — manifestation d’une cruauté

inhérente à l’être humain, la flagellation symboliserait l’éternel appétit de destruction. Nulle occurrence du vocable « race », en revanche, dans le roman, où les voix entrecroisées des narrateurs et des personnages donnent à entendre, en marge du discours abolitionniste, des propos émaillés de stéréotypes racistes : la prétendue lubricité des femmes noires, volontiers animalisées, est ainsi constamment rappelée. De quoi satisfaire, indépen-damment de toute conviction politique, un vaste public d’amateurs de sado-masochisme. Le détour est d’ailleurs facilité par l’étonnante porosité stylistique entre la rhétorique sadomasochiste et la rhétorique abolitionniste. Lorsqu’est mentionné le sort d’« une belle mulâtresse d’une vingtaine d’années », fouettée, pour avoir tenté de s’enfuir, au point qu’« il n’eût pas été possible de placer la largeur d’un doigt entre les très nombreuses plaies qui [...] saignaient » (EV: XXI-XXII) sur son dos, on pourrait croire que la description affiche une forme de complaisance propre à la littérature sado-masochiste ; il suffit de la comparer aux témoignages recueillis dans

Ame-rican Slavery as it Is, ce bréviaire de l’abolitionnisme auquel se réfère Jean de Villiot, pour constater qu’ils n’ont en fait pas été reformulés16.

14. Ce système est en effet fondé sur la nécessité de posséder une main-d’œuvre de plus en plus nombreuse.

15. En 1913, Vigné d’Octon qualifiera de « sadiques » les exactions françaises au Maroc. 16. L’abolitionniste Sarah Grimke décrit ainsi les sévices infligés à une esclave de Caroline du Sud ayant tenté de s’évader à plusieurs reprises : « Le maître de la plantation [...] lui infligea tant de coups de fouet “qu’on ne pouvait passer un doigt entre ses plaies” » (DAVIS 1983 : 31).

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C’est uniquement à travers certains détails (les désignateurs fondés sur des expansions du nom, par exemple) que se creuse l’écart.

Pour le pornographe, l’altérité raciale ne devient un objet « légitime » qu’articulée à l’altérité sexuelle. Ainsi, les châtiments infligés aux esclaves mâles occupent une place moindre que les punitions corporelles adminis-trées aux femmes (ni l’étude initiale, ni le roman17 ne s’attardent sur la

flagellation des hommes blancs). Ne nous y trompons pas, l’imbrication des rapports de domination qui caractérise l’esclavage des femmes noires, astreintes à la même quantité de travail que les hommes, mais soumises en outre à d’incessantes agressions sexuelles18, sert uniquement de levier à

l’érotisme. Peu importe finalement leur « race », pourvu que les femmes soient fouettées. D’ailleurs, En Virginie ne porte pas uniquement sur l’escla-vage des Noir(e)s. La partie savante exhume le souvenir du supplice des quakeresses blanches Ann Coleman (XVIIe siècle), Mary Clark (milieu du

XVIIe siècle) et de la jeune anti-esclavagiste Anna Gardner (première moitié

du XIXe siècle). Une loi ancienne prévoyait qu’en cas d’infraction récidi-vante, les quakeresses reçoivent un châtiment spécifique à leur sexe : tandis que les hommes se voyaient couper une oreille, les femmes étaient « sévè-rement fouettée[s] », puis envoyées « dans une maison de correction et condamnée[s] aux travaux forcés ». S’ajoute à ces exemples l’épisode qui a conduit à abolir la flagellation pédagogique aux États-Unis : pour avoir chuchoté en cours, « une jeune fille de dix-sept ans, élève dans une école publique de Cambridge (État de Massachusetts) » fut, maintenue par trois hommes, fouettée en public, alors que cette punition excessive « révoltait [en elle] un légitime sentiment de pudeur » (EV: XXVI, XXXIV). L’italique, comme l’emploi final d’un terme aux résonances sexuelles, fait signe. Sym-boliquement, la flagellation, dans ses allers et retours, s’apparente à la péné-tration sexuelle. Équivalence confortée par la polysémie du mot « verge ». Évoquant la loi qui, en Virginie, autorise à flageller les personnes qui ne peuvent régler leurs amendes, L’Étude sur la Flagellation précise de son côté qu’elle devait être applicable aux deux sexes, mais qu’un juge qui s’apprêtait à punir une jeune femme « la lâcha, avant qu’on lui eût retiré les vêtements ». Les pages suivantes font valoir que la flagellation répres-sive n’est appliquée aux filles que jusqu’à « 14 ans » (ÉF: 593-594, 597), âge approximatif de la nubilité.

17. Le rôle central tenu par les femmes dans le roman est attesté par les divers titres sous lesquels il a été publié : The Memoirs of Dolly Morton. The Story of a

Woman’s Part in the Struggle to Free the Slaves [...], traduit de l’anglais An

Account of the Whippings, Rapes, and Violences that Preceded the Civil War in America with Curious Anthropological Observations on the Radical Diversities in the Conformation of the Female Bottom and the Way Different Women endure Chastisement [...] (1899) et Flagellation des femmes en Amérique. Épisode de

la guerre de Sécession. Mémoires de Miss Dorothée Morton (1900).

18. Dans l’esprit des propriétaires, ces agressions sexuelles répétées ramèneraient « leur force et [...] leur désir de résistance [à] l’immuabilité essentielle de leur féminité » (DAVIS1983 : 36).

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Sous couvert d’analyse historique, sont mis en scène des fantasmes virils à destination d’un public qu’on imagine essentiellement masculin (cela caractérisait, du reste, le lectorat savant auquel la publication prétendait s’adresser). La mesure statistique des usages flagellatoires aux États-Unis, présentée dans un tableau approximatif, sans qu’aucune source ne soit mentionnée, dévoile les fantasmes auxquels les prétendues études savantes servent d’alibi : 70 % des victimes sont des femmes, fouettées essentielle-ment sur le derrière, au moins partielleessentielle-ment dénudées ; l’orientation sado-masochiste du classement perce dans la typologie des instruments utilisés et l’accent mis sur les blessures sanglantes :

« Hommes : 3 cas sur 10 Femmes : 7 cas sur 10 Sur le dos : 2 cas sur 10 Sur le siège : 8 cas sur 10

Sur la peau nue : 9 cas sur 10 (dans les deux catégories ci-dessus mentionnées l’on garde un drap, une chemise ou un pantalon).

Avec une pièce d’habillement : 1 cas sur 10 Secrètement : 5 cas sur 10

Publiquement : 5 cas sur 10 (c’est-à-dire devant d’autres détenus).

Avec le fouet employé en Amérique pour les nègres : 4 cas sur 10 (en bois mince ou en cuir dur).

Avec le martinet : 4 cas sur 10 (formé de cordes ou de cuir, de tan ou de joncs). Avec la canne ou les verges : 2 cas sur 10

Avec le fouet : 1 cas sur 10

Avec la main ou au moyen d’un autre instrument : 1 cas sur 10 [...] Personnes sévèrement marquées : 7 cas sur 10 (blessures et meurtrissures). Personnes marquées d’une manière permanente : 1 cas sur 10

Le sang coulait dans : 2 cas sur 10

Légère punition : 1 cas sur 10 » (ÉF:594-595).

Cette typologie est implicitement reprise dans le roman de Villiot : le narrateur masculin, surpris que les femmes esclaves soient torturées au même titre que les hommes, souhaite savoir « sur quelle partie du corps » « et avec quel instrument » on les châtiait. L’évocation des mauvais traite-ments infligés aux esclaves sert d’abord de prétexte à la description de la nudité. Lorsque le héros l’interroge, la domestique relate en « petit nègre » comment, dès l’âge de sept ans, elle a été fouettée par le contremaître du domaine ainsi que par son maître, avant d’être forcée par les trois fils du patron : « Parfois, [...] elle était dans l’obligation de coucher avec un de ses maîtres et, encore toute saignante de coups, de se plier à toutes ses fantaisies. » Et, parce que le document prime, Mary dévoile les cicatrices que ces exactions ont laissé sur son postérieur : « La quarteronne semblait éprouver un certain plaisir à exposer ses charmes, et elle serait sans doute restée longtemps encore dans cette position si sa maîtresse ne l’avait invitée à laisser tomber ses jupons » (ÉF:10, 15-16). Dans le roman, la valorisation des « quarteronnes » (union de blanc-he et de mulâtre-sse) et des « mistis »

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(union de blanc-he et de quarteron-ne) repose sur un fantasme de blanchi-ment, ici intrinsèquement lié au désir sadomasochiste. Réputée plus fine que celle des noires, la peau des métisses est dite plus sensible à la douleur ; pour le sadique, qui accorde en effet une importance primordiale au témoi-gnage visuel de la souffrance, la flagellation acquiert tout son pouvoir fantasmatique lorsqu’elle laisse apparaître sur la peau des points d’impact, des rougeurs, des blessures ouvertes. Or plus une peau est claire, plus y tranchent les flétrissures. Cela explique, d’une part, que les esclaves femmes soient constamment « blanchies »19 — procédé d’ailleurs courant dans le

roman anti-esclavagiste du XIXe siècle20 — ; de l’autre, que la flagellation

des femmes blanches l’emporte définitivement dans la fiction.

Si la relation de maître à esclave se voit reproduite dans ce cas, la punition gagne en valeur. La violence légale cède d’abord la place à une forme de violence privée, qui s’exerce généralement face à face. Dans son expression la plus courante, la sexualité sadique exclut les intermédiaires — ces contremaîtres, ces commandeurs dont la fonction même signale qu’ils représentent le pouvoir ; ces policiers — noirs, le plus souvent —, qui évi-taient au maître de se salir. Cette fois, le bourreau maîtrise directement sa victime, et le plaisir qu’il en retire est d’autant plus intense qu’il se rap-proche de sa proie. Les préjugés racistes attisent le feu : on prétend que les Blancs supportent moins bien la souffrance, que l’humiliation attachée à la nudité leur est insupportable (EV:10, 15-16, 32-33, 24). Est-ce ce qui motive le sadique Georges Randolph, cette caricature de virilité qui, à la première apparition, sauve Dolly d’un taureau qui la poursuivait ? Riche propriétaire d’une plantation dont « toutes les femmes [...] lui [sont] passées par les mains », Randolph tire sa puissance d’une accumulation de pouvoirs. L’homme de bonne compagnie, au physique agréable, cache un despote qui « n’[a] sur les femmes qu’une opinion de négrier. Il entendait l’amour au point de vue de la suprématie du maître. C’est tout au plus s’il considérait les femmes blanches un peu supérieures à ses nègres » (EV:128, 42). Fatigué du badinage amoureux, il tente de violer l’héroïne, puis la contraint en lui révélant qu’il connaît ses activités abolitionnistes ; or le local où elle et sa bienfaitrice ont secrètement installé une station d’assistance aux esclaves marrons lui appartient. Ce chantage signale la volonté qu’a le maître de régler une situation de crise : rappeler à l’ordre les esclaves fuyards, mais aussi les femmes blanches qui oublient leur statut. En fondant un hôpital pour marrons, elles ont exprimé, avec le refus de la domination coloniale, un rejet de la domination patriarcale. Les châtiments sexuels infligés à ces

19. Ainsi, la jeune marronne que recueille Dolly est présentée comme « une fort jolie fille, très claire de peau » : « [e]lle pouvait avoir seize ans ; ses seins étaient déjà très développés. — Les femmes de couleur entrent très jeunes en état de nubilité. Elle n’avait jamais travaillé dans les plantations, car ses mains étaient fines et blanches. » On la fait déshabiller pour la coucher : elle ne porte « pas de panta-lon » et sa chemise est tout ensanglantée (ÉF : 32-33).

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femmes soupçonnées de virilisation, parce qu’elles s’engagent21,

s’appa-rentent à des représailles. Randolph commande ainsi à des aventuriers de lyncher l’héroïne et sa bienfaitrice : « mises à cheval sur le coupant d’une palissade » (EV: 57), en partie nues, elles sont fustigées avec une baguette.

C’est sous la torture que Randolph extorque à Dolly, la plus jeune des deux femmes, la plus malléable aussi (sa fragilité sociale, son tempérament — elle résiste moins bien à la douleur — accentuent sa vulnérabilité) la promesse qu’elle se donnera à lui.

Aux scènes de flagellation publique, qui incluaient souvent le voyeu-risme, succèdent alors des scènes domestiques. Contrairement aux Noires de la plantation, Dolly est une « esclave » qui ne travaille pas : installée chez son bourreau, guérie des sévices qu’il lui a infligés pour l’assujettir, elle devient la prisonnière d’un homme qui dit l’aimer. Passée la première horreur, Dolly s’accommode des caprices de son compagnon : elle assiste par exemple à un repas très « fin-de-siècle » où les familiers de Randolph — des hommes, exclusivement — sont servis par des « esclaves nues ». Des extravagances qui la mèneront à réfléchir à la condition des femmes esclaves, puisque, devenue maîtresse de maison, elle est elle-même en mesure d’exploiter les Noires mises à son service. En l’absence du maître, mobilisé pendant la guerre civile, Dolly exige que ces dernières (et elles seules), ne soient plus fouettées. Rien moins qu’un geste émancipateur, cependant. Quoi qu’elle tente, la femme apparaît toujours passive dans ce roman où le sadomasochisme se restreint finalement au seul sadisme. Parce que les partenaires ne sont pas égaux, nul renversement n’est possible. Et si la fin du texte scelle l’acceptation des rapports de force, une ambivalence perdure dans le consentement. Ayant conquis de nouvelles maîtresses, Randolph laisse à Dolly une maison meublée avant de s’embarquer pour l’Europe. Mais, en gage de leur ancien attachement, il lui demande une ultime faveur : le laisser la fouetter « sérieusement » avant leur séparation, car « il est peu probable qu’à l’avenir [il] puisse [se] payer cette agréable fantaisie en Europe ». Sur quoi, il l’attache et lui donne la « fessée » comme à « une petite fille » (EV: 139, 183). À elle seule, cette fessée symbolise

la domestication de la violence, désormais intégrée à une intimité, une proximité physique entre bourreau et victime. Le rapport de domination se trouve certes en partie aboli dans cette scène ultime, où la victime se prête aux caprices de son partenaire. Rien n’est dit, pourtant, des sensations qu’éprouve Dolly. Pur fantasme masculin, le sadomasochisme n’exploite pas ici le renversement des rapports de pouvoir qui avait pourtant fait son succès en littérature avec La Vénus à la fourrure (1870) de Sacher-Masoch. Même si le bourreau y est l’esclave de son propre désir de violence, En

Virginieconfirme somme toute l’ordre social. Finalement, ce volume qu’on croyait placé sous le signe du libéralisme (l’abolitionnisme, l’athéisme,

21. Les mercenaires qui les lynchent déclarent : « Vous agissez comme des hommes ; ne vous en prenez qu’à vous-mêmes si nous vous traitons en hommes » (EV : 58).

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le sadomasochisme) brade son pouvoir de transgression et entérine les inégalités.

Équivoque à tous points de vue, En Virginie joue à merveille des ambi-guïtés du littéraire. Tout en s’érigeant en document, le texte suggère cons-tamment les travestissements à l’œuvre. Ainsi, dans le roman, lorsqu’une « belle mulâtresse de vingt-six ans » (EV: 157) est publiquement châtiée à la batte de lavage par son maître, l’épisode évoque inévitablement le début de L’Assommoir, où Gervaise et la nommée Virginie bataillent au lavoir22.

On voit tout ce que la littérature, certes moins apte que les sciences humaines et sociales à offrir une base empirique de réflexion comme à informer les pratiques militantes, peut apporter à l’analyse des dominations croisées de sexe/classe/race. Bien qu’assise sur des approches disciplinaires variées, la « généalogie critique du pouvoir » (Dorlin 2009 : 6) resserrée autour de ces oppressions se fonde pourtant rarement sur des supports litté-raires antérieurs à la Grande Guerre. Envisagé en termes de réception et non de croyances, de production des phénomènes plutôt que de représentation, le discours littéraire s’avère toutefois une source fructueuse. En Virginie, publié dans la France républicaine et coloniale par des auteurs que leurs engagements politiques opposent, le prouve : dénonçant les abus publics pour légaliser les abus privés, l’ouvrage légitime ainsi le sadomasochisme sous couvert d’abolitionnisme. Le réquisitoire contre l’esclavage cache donc une apologie de la domination. Un détournement éditorial — faire passer pour savant un objet qui mobilise en partie les clichés de la littérature popu-laire — permet de normaliser la « déviation ». L’artifice n’est pas nouveau. Mais, par la place qu’il confère à l’esclavage des femmes — notamment des femmes blanches — Carrington institue une industrie qui fera florès jusqu’aux années 1950. Apollinaire, Mac Orlan, dévoreront son catalogue23.

De leur côté, les éditeurs n’abandonneront pas le filon. En 1917, Jean Fort rééditera ainsi, dans sa célèbre collection des Orties blanches (Kipps 1917), les mémoires de Dolly Morton, qu’il fera passer pour un texte traduit de l’anglais.

Université Lyon 2, EA Passages XX-XXI.

22. Hypothèse d’autant plus plausible que l’Étude sur la Flagellation à travers le

monde publiée par Carrington fait bonne place à l’épisode zolien (ÉF : 175). Rebell, qui avait exprimé son aversion pour Zola dans des articles polémiques, possédait en outre une reproduction en terre de la dispute de L’Assommoir. Ce fut l’un des seuls objets que, réduit à la misère, il conserva à sa dernière adresse ; voir Marius BOISSON (1930 : 39-40).

23. Apollinaire fréquentait les collections Carrington, comme le signale l’une des fiches bibliographiques qu’il constituait (BNF f. no137) : « La flagellation des femmes en Allemagne par[illisible] du Villiot 8oTb71. 196 (A) Jacques Desroix, Carrington (1902)» ; sous les pseudonymes de Pierre de Jusange, Pierre Dumar-chey ou P. du Bourdel, Mac Orlan conçut de nombreux récits de flagellation. L’un des plus célèbres, Petite dactylo (1914), met en scène une nommée Dolly, à laquelle sa patronne fait tâter du fouet.

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RÉSUMÉ

En Virginie (1901) confirme que, tel qu’il a été institué dans le sud des États-Unis

autour de la guerre civile, le système esclavagiste offre un observatoire privilégié de l’intrication des oppressions de sexe/race/classe. Cet article montre que la littérature, envisagée en termes de réception et non de croyances, offre un support fructueux à la généalogie des dominations croisées. Publié dans la France républicaine et colo-niale par des auteurs que leurs engagements politiques opposent, En Virginie légitime le sadomasochisme sous couvert d’abolitionnisme. L’éditeur de curiosa Charles Carrington évite ainsi le procès. L’artifice n’est pas nouveau. Mais, par la place qu’il confère à l’esclavage des femmes — spécialement des femmes blanches —, Carrington institue une industrie qui s’avérera florissante.

ABSTRACT

When Abolitionism Was Used as an Alibi by Porns Fans. Crossed Relationships of Domination in En Virginie (1901) by Jean de Villiot. — En Virginie (1901) confirms

that the slavery system, as it was put in place in the Southern U. S. during the Civil war, provides an advantageous standpoint for the interstice of different simultaneous oppressions (gender/race/class). This article shows that the literature, understood as a reception device rather than a belief system, provides a suitable framework for a genealogy of domination’s crossed arenas. Published in France—when this country was both a Republican and colonial country—by authors with opposing political perspectives. En Virginie justifies sadomasochism under the cover of the abolitionist movement. Although far from new at the time, such strategy allowed the editor of

curiosa Charles Carrington to avoid any legal prosecution. Nonetheless, Carrington

institutes an industry that will prove successful since he offers a literary space for women’s slavery, particularly of white women.

Mots-clés/Keywords : Charles Carrington, abolitionnisme, classe, esclavage, littéra-ture, pornographie, race, sadomasochisme, sexe/Charles Carrington, abolitionism,

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