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Évolution des structures et dynamiques sociales. Avant-propos

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Academic year: 2021

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Évolution des structures e t dynamiques sociales

Avant-propos

Patrice Brun (UMR ArScAn - Protohistoire européenne)

et Pierre de Miroschedji (UMR ArScAn - Du village à l’État)

Notre thèm e traite d'a rchéologie sociale. Nous nous sommes fixés un program m e de réflexion sur quatre ans, a ve c pour o b je c tif de mieux com prendre les m odalités d'organisation des sociétés, par une dém arche com parative. Q uatre questions o n t é té sélectionnées :

- C om m ent les archéologues passent-ils d e l'observation des données brutes à la reconstitution sociale ? - Quel rôle joue le contrôle des ressources dans les stratégies d e pouvoir ?

- Le degré d e spécialisation des tâches est-il corrélé a v e c le degré d e com plexité sociale globale? - L'occupation e t l'am é nagem ent de l'espace constituent-ils un révélateur des formes d'organisation sociale ?

Poursuivant nos travaux sur la deuxièm e question, celle du contrôle des ressources, nous avons étudié six cas bien différents au cours d e l'a n n é e écoulée.

C 'est sur l'analyse d e Clive G am ble q u 'A n n e Bridault s'est appuyé e pour examiner les deux grands types de sociétés d e chasseurs-collecteurs distingués au cours d e la dernière décennie. Il s'agissait d'é valuer la pertinence d e la notion de contrôle des ressources pour les bandes nomades d 'u n e part, les sociétés de chasseurs-collecteurs plus com plexes d 'a u tre part. Pour les secondes, en to u t cas, une exploitation intensive des ressources, a v e c stockage éventuel, et une territorialité plus stable, peuvent être considérés com m e des facteurs c ré a n t les conditions d 'u n e différenciation é conom iqu e e t politique. Anne Bridault attire pourtant, fort justement, l'a tte n tio n sur la persistance, dans ces sociétés, d e facteurs limitant un tel contrôle des ressources e t les conséquences sociales induites. L'altruisme, la solidarité, le p a rta g e équitable constituent des parades socialem ent efficaces, lors des graves crises d'approvisionnem ent. C ette alternative n'est d'ailleurs sans doute pas une exclusivité de ces sociétés. M êm e les plus com plexes et hiérarchisées des formations sociales adoptées par l'hum anité o n t laissé un large c h a m p d'expression à diverses formes d e coopération.

Stéphanie Thiébault nous a présenté un cas inattendu d e gestion des ressources. Il s'agit de l'utilisation du fourrage d'a rbre, en particulier pour le béfail parqué dans les grottes et abris sous roche, surtout au Néolithique, dans le sud de la France. Ce com p lé m e n t alim entaire pour les anim aux domestiques est longtemps resté sous-estimé, d e m êm e que l'im p a c t d 'u n e telle pratique sur les paysages. Les données archéologiques disponibles aujourd'hui ne sont pas encore en mesure de nous informer sur le niveau de contrôle d e c e tte ressource a priori facile d 'a c c è s : celui d e la maisonnée, d 'u n village, d 'u n e catégorie sociale ? La réponse à c e tte question suppose que nous connaissions les réseaux dans lesquels s'inséraient ces grottes-bergeries e t les com plém entarités fonctionnelles auxquelles participaient ces établissements.

Le sel fu t historiquement l'une des ressources les plus contrôlées par le pouvoir politique. Il est ainsi em blém atique des bénéfices politiques permis par son contrôle. Olivier Weller a m ontré que l'exploitation de c e tte denrée vitale a fa it l'o b je t d e contrôles à des niveaux variés, p e n d a n t le Néolithique européen : un niveau très local, vraisem blablem ent insignifiant socialement, lorsque l'exploitation dem eurait occasionnelle, ou bien un niveau indirect, dans le c a d re d 'u n pouvoir territorial plus large, en cas d'e xploitation régulière. Il est intéressant d e noter que le contrôle s'effe ctue moins sur le gisement lui-même que sur la circulation du produit. Il a fallu, semble-t-il, a tte n d re la fin de l'â g e du Fer pour que cela change. En oufre, le contrôle en question a pu être exercé par des sociétés à faible niveau d'intégration, c'est-à-dire où le pouvoir pouvait être relativem ent diffus e t acépha le. D'autres variables é taient par conséquent impliquées dans les dynamiques sociales ; c e q u e notre program m e d e réunions a précisém ent pour ob je ctif de passer en revue.

La contribution d e Jean-Daniel Forest a couvert la période qui d é b u te au VIIe millénaire av. J.-C. a ve c

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Patrice Brun e t Pierre d e Miroschedji

la stabilisation des com m unautés villageoises du Néolithique e t s'ach ève au IIIe millénaire av. J.-C. a ve c l'é m e rg e n ce de sociétés quasi étatiques. Q uatre catégories d e témoins archéologiques d 'u n contrôle des ressources o n t é té envisagées successivement : les greniers, les scellements, les jetons e t les produits exotiques. L 'a uteur n'e n visa g e le c o n trô le des ressources alim entaires q u e c o m m e une c o n s é q u e n ce d e la hiérarchisation sociale. Le m oteur de c e tte dernière qui dem eurait, pour lui, fo n d é e sur la parenté, résiderait dans la croissance dém ographique. C ette opinion o m e t les éventuels effets en retour d 'u n e nouveauté. Les innovations sont, le plus souvent, adoptées d 'a b o rd par les leaders d 'u n e com m unauté, mais ces nouveautés p e rm e tte n t ensuite, aux mêmes ou à d'autres, de d évelop per un pouvoir n e ttem ent plus a cce n tu é . Loin d 'u n e naïveté ethnocentrique, selon Jean-Daniel Forest, l'utilisation du contrôle des ressources dans les stratégies de pouvoir est un fait bien attesté pa r les données textuelles anciennes, e t une probabilité très élevée, d'après les données plus strictem ent archéologiques.

La notion d'é co n o m ie palatiale, que nous avions soumise à la critique lors d'une p ré cé d e n te réunion, est revenue dans nos préoccupations à l'occasion d e la com m unication d e Pierre d e Miroschedji, sur l'apparition d e structures palatiales au Proche-Orient, dès le milieu du IIIe millénaire av. J.-C. La définition retenue est celle d'une é conom ie gérée à partir d'un édifice m onum ental d e plan com plexe, lieu d e pouvoir politique et religieux, où se trouvent centralisées des richesses e t d'où sont distribuées à une population d é p e n d a n te des corvées e t des rations alimentaires. La définition initiale de Jean-Pierre Vernant supposait un m onopole presque exclusif du palais sur les activités économiques. Nous avions vu, dans le cas des exemples « canoniques » des économ ies palatiales du IIe millénaire, en particulier dans celui d e Mari, que pour des activités aussi importantes que la production m étallique, ou les échanges à longue distance d e ressources critiques, le contrôle palatial se révélait b e a u c o u p moins to ta l que prévu. Le c o n c e p t initial s'en trouve, de fait, pour le moins édulcoré, voire rendu inutilisable, puisque nous sommes dans l'in ca p a cité de définir un seuil q u a n fita tif du degré d e ce m onopole. L'architecture p a latiale s'avère nettem ent identifiable, dans les exemples palestiniens, co m m e le m ontre l'auteur. La fonction d e stockage d e ces palais et le contrôle territorial qu'ils induisent ne se discutent pas. Le problèm e dem eure pourtant de savoir si le contrôle des ressources e xcè d e b e auco up, dans c e cas, celui que p e u t exercer n'im porte quel pouvoir centralisé, dépourvu d'un siège monum ental, d o n c plus difficile à caractériser archéologiquem ent.

Dans le cas des États tardifs de l'Amérique centrale précolom bienne, Dominique M ichelet note que la question du contrôle des ressources n'a, jusqu'à présent, pas été véritablem ent explorée. Il rappelle que les élites sociales aztèques étaient les seules à posséder des terres agricoles e t que le fin a n ce m e n t du pouvoir politique reposait principalem ent sur les tributs. Pour les royaumes mayas classiques, du IVe au IXe siècle, l'iconographie exprime le rôle religieux, supposé déterm inant, des souverains dans l'obtention de belles récoltes. Leur éventuel contrôle co n cre t des ressources n'apparaît pas dans les données archéologiques actuelles. Un contrôle e ffe ctif apparaît, en revanche, sans am biguïté dans le dom aine des m atériaux rares e t des biens d e prestige ; mais son poids é conom iqu e dem eurait forcém ent limité. En l'état des connaissances, on pourrait alors être am ené à conclure que ces formations sociales complexes o n t ém ergé in d é pe ndam m ent d'un contrôle des produits cruciaux de l'économ ie. Il a p p e rt toutefois, qu'au moins chez les Aztèques, la propriété d e la ressource la plus vitale, la terre, d o n c ses fruits, éta it m onopolisée pa r les potentats. Il est ainsi du plus haut intérêt de reconnaître que l'archéologie se trouve ici largem ent dépourvue pour savoir si le contrôle des ressources alimentaires, c'est-à-dire les plus déterminantes, é ta it a va n t to u t « terre à terre », co m m e dans le cas aztèque, ou bien seulement « éthéré », purem ent symbolique, ou bien encore relevait de ces deux dimensions fondam entales à la fois : matérielles et idéelles.

Soumise à des auteurs intervenant sur des cas ponctuels, la question du contrôle des ressources dans les stratégies d e pouvoir ap p e la it presque inévitablem ent des réponses tranchées, voire q uelqu e peu binaires. Les raisonnements te n d e n t en e ffe t à s'ordonner en termes d e présence ou absences d e :

- contrôle des ressources par des leaders ; - m onopole des élites sur les ressources ;

- contrôle des ressources com m e fa cte u r unique de com plexification sociale ; - contrôle des ressources com m e cause ou conséquence d e ladite com plexification.

L'intérêt du travail d e com paraison d e cas différents, sur des sociétés différentes, en des lieux e t des tem ps différents réside justem ent dans c e qu'il fa it apparaître l'in a d é q u a tio n d 'u n e telle approche . L'élargissement du référenciel m ontre qu'il s'avère bien plus pertinent d e penser en termes d e gradients, c'est- à-dire d e variations progressivement croissantes, à partir d 'u n point minimal ; ici de contrôle. Si on se représente le gra d ie n t com m e une règle graduée, le curseur m arquant le niveau d e contrôle ne se situerait, en réalité, jamais sur l'une ou l'autre des tendances les plus extrêmes pour des problèmes sociaux d e c e tte ampleur. L'élargissement d e la perspective incite, d e plus, à concevoir les relations sociales d e manière dialectique. La dimension tem porelle p e u t ainsi être prise en com pte, perm ettant, par exemple, d'envisager q u 'u n e conséqu ence pe u t devenir une cause lors d 'u n e é ta p e ultérieure dans un processus d e ch a n g e m e n t sociétal.

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