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Enfance et vérité sociale

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L'EDUCATÊUR

pourrait bien faire, qu'on ne voyait même pas du tout. Et ce jour-là ça n'a pas donné grand chose, Nous avons repris le lendemain et v11ilà que le hasard bienveillant - ce dieu des ~ens de bonne volonté - nous est venu en aide.

On avait offert à Boby un cheval de bois sur lequei il pouvait monter et qui marchait par bonds imitant le galop ~'un vrai cheval. L'en- fant émerveillé nous raconte l'événement. J'ai entrevu une planche de salut, de quoi faire jaillir létincelle c11"1trice : - Tu nous amè- neras ton cheval, il aura peut-être des choses à nous dire 1 - Un cheval ça ne parle pas (une voix désabusée dans la class('). - Nous verrons, amène-le toujours.

Le soir laffairement et la curiosité sont grands. Personne ne se préoccupe de savoir ai le cheval parle, mais tout le monde veut savo'ir comment il marche, Boby fait une dé- monstration dans l'enthousiasme général. On n'avait jamais rien vu de pareil. Nous l'admi- rons beaucoup. Co!flme il est sage et comme il court ! il bondit 1 et qu'il a lair intelligent et doux. Voyez comme son œil brille quand on le caresse 1 Tout le monde est pris. - Ce soir, Boby, tu prendras· ton petit cheval à c;ôté de ton lit, tout près, tu éteindras la lampe et tu écouteras ... Qui sait s'il n'a pas été, avant d'être à toi, le petit cheval du Père Gi.'rard. » Boby est lui aussi, comme Anne-Marie, ima- ginatif et sensible ; j'ai confiance. Et notre histoire a démarré. Boby en a été le principal ouvrier mais cette fois les autres ont bien suivi, une fois l'élan donné. L'illustration s'est faite en même temps que se créait l'histoir~, sui- vant le; goût ou !'"inspiration de chacun. Boby a donné beaucoup de dessins, les autres en ont pas mal réussi aussi. J'ai eu même la très grande satisfaction de voir le plus déshérité, le plus maladroit, incapable d'avoir comme cahier autr!' chose qu'une loque informe, don- ner les très beaux dessins du cheval dans· sa a . grotte » et la si jolie, si fraîche guirlande de la dernière page. Ça a été pour moi un • émerveillement, une immense joie que cette élégance et cette harmonie aient pu sortir des grosses pattes de mon pauvre Dédé qui ne sa- vait que briser.

Les d('ssins qui décorent chaque page, en marge, ont en · grande partie été -pris dans l'illustration des cahiers de classe, Quelques unl'J seulement ont été faits pour l'album.

Henriette GA LIBER r.

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ENFANCE et VÉRITÉ SOCIALE En tournant les pages de l'album de Michu

Nous vivons dans un milieu terrien et ouvrier.

Les enfants à vrai dire ignorent les grands drames de la misère. Le travail d'usine et la culture des terres apportent dans chaque foyer

1.me aisance suffisante pour donner à l'enfant du peuple un sentiment total de sécurité, avec nourriture abondantç:, gâteries trop fréquentes, hélas 1 habillement confortable et jours de fêtes. souvent gastronomiques... Nos enfants, de ~. à 9 ans ne se posent donc pas les problemç:s 1m·

médiats de la question sociale bien que ces problèmes soient réels pour ·les parents parla·

gés entre le travail de lusine et ceux de la·

terre n1ènent une vie dure.

L'histoire de Michu n'est pas sortie de la vie sociale .actuelle mais elle est cependant au•

thentique, vécue par l'enfant déshérin~ qu} en est le héros. Quand nous l'avons racontée aux enfants elle les a tellement émus lors du stage de

Flohi~ont,

qu'aujourd'hui encore ils s ~en souviennent.

Pendant que je la racontais, Régine, la plus sensible de tous, avait su trouver avec une

divination extraordinaire qui était, dans la

~aile, le vrai' petit pauvre, celui qui pâtit de la misère et à qui un hasard miraculeux apporta un ours magnifique et inespéré, lç fameux Michu. Michu, c'est à vrai dire le compagnon de misère mais aussi l'ami des joies secrètes que le rêve ('nfantin construit comme une de·

meure nécessaire. Les malheurs de la pauvreté et le joyeux épanouissemç:nt des songes -de- vaient en principe se faire équilibre comme dans la réalité où jamais l'enfance déshéritée n'est vouée au désespoir. Sur ce canevas de· vérité nous avons raconté l'histoire dont la dominante rç:stait cependant la pitié.

Or, quand les enfants s'emparèrent à leur tour de l'aventure, la peine du tout petit s'al.

légea de toute la joie de lenfance qui ins- tinctivement apportait une compensation .à la dure~~ de la vie. Cet événement nous fit com- prendre si toutefois nous n'étions pas· convain- cus que le contenu apporté de l'extérieur, même dans les conditions les plus favorables, n'a chez nos enfants de 5 ·à 8 ans, aucune va- leur démonstrative. L'inégalité sociale, la mi- sère, l'injustice, le travail forcené, l'exploita- tion sous tous ses aspects ne sont pas de

r

ex- périence enfantine · surtout si cette · expérience n'est qu'intelectuelle. Ce ne sera qu'àTin·stant où l'adolescent meurtrira ses mains· aux durs travaux de l'usine, quand il. subira l'injustice réelle ·qui s'.inscrira dans son être physique er moral que le contenu sera une réalité ineffa- çable.

Mais revenons à Michu.

Si le texte, par lui-mêm~ a attén~ étrange·

(2)

L"E°DûC.ÀTEûlf un

m·ent fes donné.es d.e 1;;- I'utte de classe si pa- ' thétiquemeht inscrites dans le récit d'origine

(qui a fait couler de vraies larmes), les belles illustrations qui laccompagnent quittent réso- iument la: grisaille sociale pour chanter les joies de la :vie. Examinons ces ~Ëssins 1.m à un.

PREMIER TABLEAU. - li est de Jean.Pierre, 10 ans, asthmatique, souffreteux et qui n'a com- mencé sa vie scolaire qu'à 8 ans. li a donc choisi d'illustrer la première scène, où l'on apporte· Michu au petit garçon. C'est dans le cadre d'un paysage qu'on voit Jean brandis- sant une botte dont /'ours sort vainqueur, /es bras écartés. Les personnages se situont dans un ensemble qui est surtout une re.cherche d' harmoni:! de couleurs et pe formes : arbres aux branchages élégants, buissons décoratifs,

. qui se détachent sur des fo.nps aux nuances

très douces. ·

Comment la tristesse trouverait-elle place dans ce paysage radieux où chaque détail est triomphant et qui dit si bien que ce paysage est un état d'âme ?

ÜEUXIÈ~IE TABLEAU. - Régine n'y réussira. pas davantage. La scène se passe dans la ·cui- sine. a Au repas, il· /'asseyait au bord de la table et lui offrait à manger. » Là, c'est da- vantage encore le triomphe de la couleur : la maman a une très jolie robe, le papa une che, mise à carreaux.· Au ccrrtre du tableau, Jean et l'ours, a_ttablés, règnent dans une cuisine digne de la Maison de /'Enfant. Le carrelage, la tapisserie, les rideaux, les meubles et la cui- sinière mSme chantent la joie édatante de la be/le couleur.

-. Régine est pourtant une sensible petite fille,

attentive à. toute misère des gens et des b8tes.

Depuis son plus jeune élge, dans ses histoires passe e:t repasse la peur de la mort et de la violence,

Mais le fait est là : Régine a écarté la mi- sère grise, elle a peint une cuisin~ idéale, plus belle encore que la sfonne, car chez elle tout reluit, comme dans tout intérieur wallon.

TnoiSIÈME TABLEAU. - Elle va peindre de mBme une classe d~ rBve à la page suivante : l'ours, à l'école avec le petit Jean, est assis à une table violine. Le fond est d'un beau rose saumon. Seul le tableau noir a gardé son visage réel sillonné de lignes blanches, (Si elle avait vu nos tableaux verts tout neufs pe cette année /)

QUATRIÈME TABLEAU, - Nous retrouvons Jean- Pierre. li aurait pu choisir la scène du petit garçon malade obligé de rester à la maison.

En C!ffet, il fut souvent /ç> pauvre enfant cal- ff!lltré. li a préféré au contraire la page du jeudi ; les gamins s'amusent avec /'ours dans le bois avec des arcs et des flèches. Là, c'est évidemment la revanche de< la vie triomphante dans le jeu en plei.n air, Son choix est bien

compréhensible et la véritable aventure de l'enfant se sub !itue tout naturellement à l'aven- ture imaginative.

SEPTIÈME TABLEAU. - 1/ représente le mariag., de Jean. Régine a senti que là, toutes les auda- ces étaient légitimes, e!f elle a chargé sa palette de plus de joie et pe fantaisie. ·Par exemple, elle a peint deux arbres exotiques de chaque côté du couple, et quels arbres I Gauguin en aurait été envieux.

/'en arrive main:Lenant à deux i/luatrations (6Q et lie) très significatives se rapportant to~tes deux à la guerre : la première (guerre de 14) est vue pa Régine. Elle n'a pas pu changer ea palette, ni la douceur de sa composition, tou- jours bien équilibrée : le· soleil brille; dans le ciel bleu, les avions meurtriers semblent deu:11:

oiseaux verts décoratifs. Seule, la maman, en bas de la page, a bien l'air de pleurer en quittant la maison, mais ~·ncore faut-il 11 reflar.

der de près. Tou;t est bien assis, serein, Iran·

quille, mesuré.

Quelle différence avec le dessin de Robert / Celui-ci illustre l'exode de 40 où il a choisi ce passage : « Les avions l8chen·t des bombea, il faut se coucher dans les fossés ou entrer dans les caves,.. " lei, il est inutile de lire I•

tate pour savoir qu'il s'agit de guerre. Noua sommes dans un monde oscillant en perdition : les maisons semblent se pencher sous un sou/·

fie effrayant ; la terre est rouge, donnant l'im- pression d'un reflet p'incendi&; rouge aussi le feu craché par les avions .méchants qui filent dans un cid bleu brouillé où on sent passer d~s nuées. Une maison, solitaire, flambe. Se8 vo/e.ts et ses portes sont prBts à se détacher.

Beaucoup moins doué que ses camarades, Ro- bert parvient cependant, ici, avec des moyena primitifs : quelques traits rouges obliques sur un fond jaune, à évoqUc'r puissamment la vio- lence de l'incendie.

Mais, fait très curieux, ce n'est pas le thème m8me de la guerre qui a touché Robert et qui lui a inspiré son tableau. li a seulement retrou-dans ce sujet son propre thème : Robert (11 ans), .;st un fJauvre garçon épileptique, pan.

tin disloqué, dont presque tous /es dessins tra- duisent la hantise du sang et du feu. Ce pau- vre esprrt malade est retombé dans son do- maine : celui de la peur et de /'angoisse, et il a oublié l'enfant pauvre et Michu pour. ne sui- vre que son propre penchant.

©®©

Les enfants dont nous avons parlé, dont l'i1ge mental ne dépasse pas dix ans, appartiennEttt tous les tro'is à un milieu ouvrier très modeste Ils ont sous les yeux une nature de colline~

boisées, la grosse usine, et des cités monotone~

aux briques plus noires que rouges. Intérieurs faits de simplicité coquette. Dans le ciel, des passages fréquents d' avioris à réaotion, hurlant

et sifflant. ' (Suite I>· 182),

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