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Perspectives on Music

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Perspectives on Music

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Poetry, Music and Art

Band 11

hrsg. von

Hans-Christian Günther

Albert-Ludwigs-Universität Freiburg

Hubert Eiholzer

Conservatorio della Svizzera italiana, Lugano

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Perspectives on Music dedicated to

Étienne Barilier

on the occasion of his seventieth birthday

ed. by Hans-Christian Günther and Christophe Sirodeau

Verlag Traugott Bautz GmbH

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Bibliografische Information Der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind

im Internet über http://dnb.d-nb.de abrufbar.

Cover photo:

Francesco Borromini, Palazzo Barberini, Staircase.

.

Verlag Traugott Bautz GmbH 99734Nordhausen 2017 ISBN 978-3-95948-302-5

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Table of Contents

Preface by Christophe Sirodeau 7

Etienne Barilier et la musique

by Christophe Sirodeau 11

En résonnance à “Piano Chinois”

by Xavier Bouvier 39

«De la musique, la literature est le plus grand témoin»

Étienne Barilier répond aux questions

de Christophe Imperiali 63

« Ce qui de tout temps est, fut, sera »

(Romain Rolland et les Variations Diabelli de Beethoven)

by Étienne Barilier 93

Mahler and the Orient

by H.-C. Günther 123

Die Universalität Feruccio Busonis

by H.-C. Günther 179

The Master as Teacher: The extraordinary relationship between Ferruccio Busoni and Leo Kestenberg

by Wilfried Gruhn 191

Ode aux compositeurs oubliés:

by Christophe Sirodeau

Introduction 221

Feinberg 225

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Table of Contents

Skalkottas 231

Schulhoff et Laks 242

Suk et Kaprálová 247

Smit, Tyberg, Rathaus et Weinberg 252

Les musiciens de Theresienstadt 261

Winterberg 269

Ullmann 275

Bridge 291

Busoni 297

Conclusion (avec Villa-Lobos et Sorabji) 307

List of contributors 335

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Preface

par Christophe Sirodeau

Au seuil de ces pages consacrées à divers sujets musicaux, je souhaiterais tout d’abord au nom de tous les signataires féliciter chaleureusement Étienne Barilier à l’occasion de ses 70 ans le 11 octobre 2017.

En effet tous les articles présentés ici se veulent un hommage à l’un des écrivains francophones de notre époque les plus inspirés par la musique, et donc particulièrement inspirant pour nous tous. Étienne Barilier a en effet conçu dès ses débuts en 1971 une œuvre d’une cohérence et d’une puissance proprement symphonique, en résonance fondamentale avec les plus grandes musiques.

Nous tenons bien sûr à le remercier d’avoir accepté de participer lui-même à cette publication, et par ailleurs je lui suis très reconnaissant pour son aide et ses remarques concernant mes propres contributions. Je ne voudrais pas manquer non plus à ce sujet de remercier Erik Leborgne – grand mélomane, Maître de conférences à la Sorbonne, et par ailleurs éditeur réputé de Casanova, Marivaux et Rousseau parmi beaucoup d’autres.

Enfin il faut saluer le travail exceptionnel et l’énergie inépuisable

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Christophe Sirodeau

du Professeur Hans-Christian Günther sans lequel rien de cet ouvrage n’aurait été possible.

Montpellier, 14 septembre 2017

Preface by Christophe Sirodeau

At the beginning of these pages, dedicated to various musical topics. I want first of all to congratulate most warmly in the name of all contributors Étienne Barilier on the occasion of his 70th birthday on October 11th, 2017.

In fact the scope of all the articles presented in this volume is to honour a writer in the French language of our times who has been most eminently inspired by music and thus is most inspiring for us all. Étienne Barilier has in fact since his debut in 1971 conceived an œuvre of a coherence and power which one can truly call symphonic; it resonates profoundly the greatest pieces of music.

Of course, we would like to thank him for having accepted to participate himself in this publication, and furthermore I am myself very grateful for his help and his remarks on my own

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Preface

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contribution. I do not want to omit in this respect to thank Erik Leborge as well – a great musiclover, Maître de conférences at the Sorbonne, and also a highly esteemed editor of Casanova, Marivaux, Rousseau and many others. Last not least we have to thank Prof. Hans-Christian Günther for his extraordinary effort and the unfailing energy without which this work would not have been possible.

Montpellier, 14 septembre 2017

Vorwort von Christophe Sirodeau

Am Anfang dieser Seiten zu verschidenen Themen der Musik möchte ich im Namen aller Beteiligten Étienne Barilier sehr herzlich zu seinem 70. Geburtstag am 11. Okober 2017 gratulieren.

Alle Beiträge in diesem Band haben den Zweck, einen frankophonen Schriftsteller unserer Zeit zu ehren, der in besonders hohem Maße von der Musik inspiriert ist und somit uns alle in ebenso hohem Maße inspiriert. Étienne Barilier hat in der Tat seit seinem Debut 1971 ein Werk von einer Kohärenz und Gewalt

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Christophe Sirodeau

geschaffen, die man symphonisch nennen kann und die mit den großen Werke der Musik in tiefster Weise im Einklang steht.

Selbstverständlich möchten wir auch ihm danken, dass er sich bereit erklärt hat, auch selbst zu diesem Band beizutragen, und darüber hinaus bin ich ihm auch dankbar für seine Hilfe und seine Bemerkungen zu meinem eigenen Beitrag. Hier möchte ich auch Erik Leborge nicht unerwähnt lassen – ein großer Musikliebhaber, Maître de conferences an der Sorbonne und hochgeschätzter Herausgeber von Casanova, Marivaux, Rousseau und vielen anderen. Zuletzt müssen wir Prof. Hans-Christian Günther danken, ohne dessen ungeheuren Arbeitseinsatz und unermüdliche Energie dieses Werk niemals hätte zustande kommen können.

Montpellier, 14.9. 2017

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Christophe Sirodeau Etienne Barilier et la musique

(Pour célébrer Etienne Barilier à l’occasion de ses 70 ans) 1. Introduction

C’est avec joie et émotion que j’ai accepté la proposition du Professeur Hans-Christian Günther de contribuer à ce volume dédié à Etienne Barilier par un texte autour de ses liens à la musique, mais quand on sait combien celle-ci joue un rôle central dans l’œuvre de l’écrivain suisse, il n’est guère surprenant qu’un musicien souhaite en parler. Pourtant ma vive admiration me disqualifie sans doute pour un commentaire objectif et dépassionné, de nature encyclopédique. D’autres l’ont fait et le feront encore : je ne serais en rien qualifié techniquement pour ce faire, et par ailleurs il existe déjà un travail universitaire important datant de 1998 concernant spécifiquement la musique dans l’œuvre romanesque de Barilier (voir les références à la fin de cet article1). Je ne prétends à rien d’autre qu’à offrir une sorte d’introduction invitant à la lecture qui ne saurait donner qu’un bref aperçu d’une œuvre gigantesque (plus de cinquante livres dont une trentaine de romans ou récits de fiction). C’est donc bien en une

1Je n’ai pu me procurer cet ouvrage de Sylvie Jeanneret pour cet article.

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Christophe Sirodeau

« apostrophe » amicale que j’ai souhaité m’exprimer, à l’orée d’un volume d’essais qui se veut tout entier un hommage à ce grand artiste.

Car il s’agit bien d’art, cherché avec ferveur et je dirais presque une religieuse sacralité ; pas le moins du monde par fétichisme du beau, mais tout bonnement parce que l’art et la vie sont intimement liés. Pourtant mon premier contact avec un livre signé « Barilier » se fit par un ouvrage musicologique consacré à l’histoire du nom de Bach dans la musique (par les notes que ces lettres représentent en allemand), rapidement suivi par la lecture d’un autre consacré à Alban Berg. Et je confesse piteusement avoir pendant longtemps ignoré que le brillant musicologue était d’abord romancier, et par ailleurs essayiste et philosophe. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir remarqué le soin extrême apporté à l’aspect littéraire tout autant que les réflexions si profondes sur des aspects plus humains que ceux liés à la technique ou aux questions strictement musicales soulevées dans ces deux ouvrages cités ci- dessus. Mais après tout il y a peut-être un temps spécifique où l’on est mûr pour découvrir telle ou telle œuvre. Quoi qu’il en soit, j’évoquerai tout de même d’abord mes lectures de ces deux livres sur la musique (qui seront rejoints sous peu par un troisième ouvrage sur le thème de l’exil en musique) avant d’aborder quelques-uns de ses romans. On trouvera à la fin de ces lignes une

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Étienne Barilier et la musique

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liste bibliographique des œuvres d’Etienne Barilier et quelques informations supplémentaires.

Mais auparavant, quelques constatations : ce qui frappe dans la plupart des ouvrages de Barilier, c’est leur densité de réflexion, densité philosophique pourrait-on dire, sans pour autant que certains romans perdent leur caractère ludique dans le plaisir de raconter ou de mettre en scène. On peut observer d’ailleurs souvent une très grande virtuosité de la langue et du récit dans certaines scènes, généralement intervenant à des moments stratégiques du point de vue de la dramaturgie. On remarque aussi partout l’importance et même l’intransigeance d’une quête de la vérité ou des vérités possibles, d’une honnêteté absolue. Et l’on ressent souvent aussi la compassion de l’auteur pour les personnages solitaires ou intérieurement en marge de la société, tendant même parfois à une fascination presque morbide, sans pour autant perdre la solide ironie qui caractérise nombre de pages de notre artiste. Barilier ne recule pas même devant le récit de certaines atrocités s’il est persuadé que c’est le seul moyen de saisir ou de comprendre par exemple les motivations d’un personnage ou les implications de telle situation, et l’on sent sa révolte devant la cruauté, la violence, le cynisme. À l’inverse il sait si nécessaire user de la litote et suggérer plutôt qu’appuyer. On est aussi frappé par sa compréhension intime et si juste du monde

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Christophe Sirodeau

des adolescents (et tout autant de celui de l’enfance) ; c’est un des motifs les plus récurrents dans l’ensemble de son œuvre. De fait, se dévoile très vite une capacité d’analyse franchement hors du commun jusqu’aux plus infimes détails de la vie, mettant en œuvre, notamment dans les romans, un sens aigu de l’observation, aboutissant dans tous les genres utilisés à cette faculté de réflexion qui laisse souvent pantois, vous ouvre des portes et des mondes. À cette rare acuité de perception conjuguée au talent d’évocation et de transmission s’ajoute enfin une gourmandise de la langue et des mots qui ne « gâche » rien selon l’expression usuelle, en un mot tout ce qui fait le style.

2. Essais sur la musique

Abordons à présent ces deux ouvrages consacrés entièrement à la musique ; le livre sur Alban Berg, terminé en septembre 1978, fut publié une première fois à la fin de cette même année, et fut à cette date le premier livre consacré à Berg en français (une seconde édition révisée parut en 1992). Il s’agissait alors de son second essai après celui sur Albert Camus, et comme dans ce dernier cas, d’un travail poussé par une passion palpable (on peut voir du reste dans un film documentaire datant de ces années, Etienne Barilier lui-même jouer la Sonate op.1 de Berg dans les salons de l’Institut Suisse de Rome). Cet ouvrage est un modèle du genre car il montre magistralement comment parler de la musique d’un

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Étienne Barilier et la musique

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compositeur complexe sans sacrifier rien des enjeux essentiels ni des questions de fond, sans éluder certains aspects techniques ni verser dans des simplifications outrancières, tout en se voulant le guide bienveillant d’un lecteur qui ne serait pas forcément un spécialiste pas plus qu’un musicien professionnel. Et cela sans trop user de l’anecdote biographique comme éclairage de l’œuvre : Berg fait partie en effet de ces compositeurs pour lesquels ce piège est facilement tentant ; justement Etienne Barilier pointe ce danger dès le début, et montre bien au sujet notamment de la Suite Lyrique combien l’aventure amoureuse de Berg dont on pense bien trouver trace jusque dans le choix des notes (en l’occurrence les initiales de sa maîtresse puisqu’en allemand les notes sont les premières lettres de l’alphabet) n’a pu en réalité avoir qu’une influence symbolique voire psychologique sur les motivations de l’auteur mais ne saurait en définitive s’entendre ni « expliquer » grand- chose à l’intérieur de cette musique pour l’auditeur. Cet ouvrage sur Alban Berg a le mérite insigne de relier l’œuvre du compositeur viennois à toutes les sciences humaines et tous les arts de l’époque, et de tisser avec précision le réseau créatif conduisant le compositeur sur la voie qu’il a choisie. Je me souviens avoir été au départ presque pris de vertige devant tout ce que cette analyse ouvrait de portes et de compréhension intime de cette musique exceptionnelle. Et comme c’est le cas par ailleurs pour la plupart

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Christophe Sirodeau

des livres de Barilier, on revient constamment à ces pages avec une compréhension renouvelée. Barilier semble également fasciné par le passage d’une œuvre à l’autre, par la constance du compositeur, par la cohérence de son cheminement d’une partition vers la suivante, comme s’il ne s’agissait plus que d’une seule œuvre gigantesque (et justement il semble lui-même enclin à construire un seul grand livre dont chaque ouvrage serait une des phrases). Il met en relief combien l’œuvre de Berg « entretient une relation consciente, douloureuse et vivante avec le passé ».2 Il note aussi à la fin de son livre avec tant de justesse combien cette musique a l’honneur d’être irrécupérable par quelque pouvoir politique que ce soit et montre par ailleurs toute la sensibilité de Berg aux questions des liens entre l’esthétique et l’éthique. Dès l’introduction se pose d’ailleurs la question de savoir si la musique exprime quoi que ce soit, la musique de Berg symbolisant bien cette question : « l’art est-il, ou doit-il être ‘expression’ de quelque chose ; et si oui, de quoi ? ».3

L’ouvrage consacré à l’histoire du nom de Bach dans la musique date lui de 1995. Il fut publié en 1997 avant une seconde

2Par exemple dans le chapitre concernant les Frühe lieder, voir page 58 où se trouve cette citation. In Alban Berg, Essai d’interprétation, Edition L’Age d’Homme 1978 (première édition).

3Remarque située dans l’introduction (idem, page 13).

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Étienne Barilier et la musique

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édition en 2003 qui ajoute notamment une postface parlant de l’ultime sonate d’Ullmann où les quatre notes symboliques, revendiquées par le compositeur dans les circonstances dramatiques du camp de Theresienstadt jouent un rôle décisif (voir plus loin dans ce volume). L’auteur y montre à nouveau toute sa faculté d’aller chercher au-delà des apparences, de faire ressortir le caractère précis, le sens même de telle ou telle œuvre par rapport à un ensemble, ou au sein d’une thématique. Dans ce livre, le fameux tétragramme (B.A.C.H – c’est-à-dire l’équivalent en allemand des notes si bémol, la, do, si) devient une sorte de

« sésame ouvre-toi » pour toute une série de portraits musicaux, certains de ceux-ci apparaissant d’ailleurs rapidement comme fort intrigants ou parfois inquiétants. Cela concerne par exemple le chapitre consacré à Busoni ou celui sur Sorabji. Dans ce dernier cas d’ailleurs je peux encore repenser à ma sidération de découvrir alors un texte en français sur ce musicien si méprisé ou ignoré selon les cas, et cela même dans son propre pays (la Grande- Bretagne4). L’intérêt, sinon l’admiration de l’auteur ne

4 À l’exception notamment du compositeur Alistair Hinton devenu son ami et exécuteur testamentaire, qui créa les Archives Sorabji, et du label de disques Altarus, ce dernier ayant toutefois migré depuis longtemps aux U.S.A. ; et n’oublions pas à ce propos le pianiste John Ogdon premier interprète de l’Opus Clavicembalisticum complet en Grande-Bretagne après l’auteur – et second au

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l’empêchent nullement d’exercer une nette ironie concernant certaines caractéristiques presque monstrueuses de l’un des compositeurs les plus misanthropes du 20ème siècle. Barilier nous accompagne donc dans un pèlerinage musical et à la découverte de nouveaux mondes sonores tous marqués du sceau prestigieux, ce nom propre devenu presque un acronyme de la musique occidentale. L’une des pierres de touches de ce panorama se trouve être justement le chapitre sur Busoni où il développe le concept ambigu de « chef-d’œuvre inconnu » à propos de la Fantasia Contrappuntistica. Combien saisissante est l’image qu’il propose de la musique de Busoni et de son Doktor Faust : celle d’un

« voyage immobile », et d’un navire rejeté sans cesse au port, d’une musique « surchargée de passé, fascinée par l’avenir, [qui]

témoigne d’un présent impossible ».5 Pour Barilier, la Fantasia de Busoni « couronne une réflexion douloureuse et vertigineuse sur la transcription, qui semble entériner l’impossibilité de la création ex nihilo ».6

L’autre sommet c’est évidemment le chapitre consacré à la

disque, justement pour Altarus (voir également bibliographie des ‘compositeurs oubliés’ plus loin dans ce volume).

5Dans le chapitre IX sur Busoni, page 142 in B-A-C-H, Histoire d’un nom dans la musique, Editions Zoé, (première édition).

6(idem, chapitre XVIII, page 283 /première édition).

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Étienne Barilier et la musique

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Grande Fugue de Beethoven, dans laquelle le fameux motif est surinvesti dans toute la trame à un point tel… que pratiquement personne ne s’en était avisé – on pense à cette Lettre volée d’Edgar Poe que tous cherchent alors qu’elle est visible sur le dessus du bureau.7 Barilier montre que « B-A-C-H a suscité l’œuvre la plus audacieuse du 19ème siècle […] dans le heurt fulminant entre le monisme et le dualisme de la forme, entre l’univers de la réconciliation et celui du combat ; entre le règne de la lumière étale et celui des éclairs et des ombres ».8 Il nous rappelle que Beethoven n’en était pas à son coup d’essai puisque dès la Première Symphonie on peut retrouver le motif, et qu’il esquissa plus tard une Ouverture sur le nom de Bach finalement abandonnée, sans compter les utilisations humoristiques qu’il en fait dans sa correspondance privée.

Partant bien sûr de Bach lui-même et de ses fils, le voyage nous conduit donc chez Mozart, Beethoven, les Mendelssohn frère

7 « D’éminents critiques ont écrit des livres entiers sur les quatuors de Beethoven en mentionnant à peine le nom de Bach, et sans nous avertir un seul instant de la toute présence de B-A-C-H dans la Grande Fugue, ce qui revient, toutes proportions gardées, à commenter les variations de Picasso sur les Ménines sans mentionner le nom de Vélasquez. » (idem, page 59 /première édition).

8(idem, chapitre XVIII, page 281 /première édition).

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et sœur, Schumann, Liszt, mais aussi Boëly, Alkan, et même Brahms avant d’aborder le mystère Busoni. Suivront l’évocation de nombreux maîtres du 20ème siècle, jusqu’à Boulez et…Nino Rota !

Là encore, dans cet ouvrage virtuose Barilier résiste avec succès aux nombreux délires interprétatifs qui peuvent parfois entourer le motif talisman. Il s’agit une fois de plus « d’un dialogue avec le sens, un débat avec la forme, une aventure créatrice, dont les quatre lettres de Bach sont à la fois la matière et l’Idée, le stimulant et la pierre de touche, la cause et la fin. Ce qu’on appelle le sens, musical ou non, est toujours à construire.

La formule B-A-C-H, d’abord arbitraire, deviendra sensée et nécessaire par la force même des créations qu’elle aura suscitées. »9 On ne peut mieux conclure qu’en citant encore l’auteur qui ajoute à la fin de son chapitre introductif : « B-A-C-H cristallise la relation créatrice de l’homme moderne à son passé.

B-A-C-H accompagne et réfracte l’histoire de la modernité musicale, notre histoire. »

3. Roman musicaux

En apparence une plus grande légèreté semble de mise dans Piano chinois (2011) que dans nombre de ses autres œuvres de fiction

9(idem, chapitre I, page 15 /première édition).

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dont nous parlerons plus loin. Ce bref roman épistolaire est fait d'un échange de courriels de plus en plus agressifs entre deux critiques musicaux imaginaires concernant une jeune pianiste chinoise, étoile montante. En toile de fond, « le mystère du jugement esthétique, et le mystère non moins fascinant du dialogue entre les cultures »;10 l’inspiratrice en étant Yuja Wang, qui à l’époque était loin d’être la star planétaire qu’elle est devenue. Ce livre est à vrai dire à cheval entre le roman et l’essai ; la part de fiction y est plus réduite que dans les autres romans, et la réflexion philosophique prépondérante. Mais on ressent rapidement par-delà l’effet euphorisant de ce « champagne littéraire » l’angoisse existentielle sous-jacente, symbolisée d’ailleurs par le retrait d’un des personnages. Et la question clé qui s’y trouve posée est bien celle de l’avenir de la musique occidentale dite « classique », et du sens réel de son prestige en Extrême-Orient.

Bien des années auparavant, en 1977, le sens du ridicule et du comique brillait déjà dans Le chien Tristan tout autant que la brillance du pastiche de roman policier. C’était alors non deux critiques mais toute une brochette de musicologues qui venaient à Rome en provenance d’Helvétie, en résidence à l’Institut Suisse, équivalent de la Villa Médicis pour les français. Chacun d’eux est

10Remarque d’E. Barilier, dans sa correspondance privée avec l’auteur.

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tellement obsédé de son objet d’étude – Schumann pour l’un, Chopin pour l’autre, Wagner, Nietzsche, etc. – qu’ils en sont même personnalisés par ces illustres noms du Romantisme. Et tous semblent fascinés par une même femme, avec pour seul rival véritable, le chien de cette dernière, nommé Tristan. L’intrigue, qui n’est pas qu’un simple prétexte, fort bien menée, permet toutefois de nombreuses fenêtres offrant les joutes esthétiques que l’on pourrait rêver d’entendre entre les modèles de ces musicologues.

Du chien on passe onze ans plus tard assez facilement au chat (ou plus exactement à une chatte), qui cette fois se nomme tout simplement « Musique », et qui donne son titre au roman lui- même, Musique donc. Avec cette fois la présence autant du pianiste que du critique. Bien entendu, on ne peut guère oublier l’existence d’un « grand » chat de la littérature romantique, le Chat Murr d’E.T.A. Hoffmann auquel il est ainsi discrètement rendu hommage. Mais le pianiste et son critique restent les personnages principaux, avec derrière eux l’ombre d’un mort qui se profile, un compositeur imaginaire, mort peu de temps auparavant, dont le style serait proche de Jean Barraqué. Comme ce sera le cas bien plus tard dans Ruiz doit mourir, le questionnement entre le talent et le génie s’y fait aigu, la crise existentielle pousse à l’extrême les caractères et les amertumes sur fond de paysages portugais.

Pourtant le rythme général semble irréel, le pianiste narrateur

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s’adressant constamment à la chatte qui l’accompagne, et le récit devient presque une épopée poétique. Une étrange scène de séduction reste accrochée au souvenir : la veuve du compositeur demande au pianiste, lors d’une nuit sur la plage, de lui répondre avec des répliques d’Hamlet pour Ophélie à celles de Juliette pour Roméo qu’elle lui récite (créant presque ainsi une nouvelle pièce, tout comme le compositeur disparu aimait faire des collages de diverses musiques).

Si dans tant de livres de Barilier la musique semble omniprésente, sa sœur la danse n’est pas complètement oubliée, et se trouve même en position déterminante dans Passion (1974) et au centre même de Ma seule étoile est morte (2006). Dans ce dernier, l’auteur s’y révèle le maître des émotions adolescentes autant qu’enfantine alors que l’autre, bien antérieur, frappe par sa violence, autour d’un personnage effrayant de voyeur froid, entomologiste des amours de son voisin pianiste. Les activités de ce dernier personnage nous offrent l’occasion d’autres pages parfois très détaillées sur la musique et particulièrement sur le Roméo et Juliette de Prokofiev. Mais l’exploration de l’univers d’une danseuse de ballet, quoique extérieure, se veut minutieuse jusqu’au mal de mer, puisque c’est là le caractère du personnage principal alors qu’elle semble plus être au premier abord une séduisante toile de fond dans le roman plus récent. Celui-ci se

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place d’emblée par son titre sous le signe des Chimères de Gérard de Nerval, tout en accédant peut-être finalement à l’acmé de ce que cet art peut inspirer. Barilier regarde aussi du côté de chez Proust, celui de Balbec, c’est-à-dire Cabourg, pour l’initiation du jeune héros à l’amour et à la beauté.11 Musicalement le récit sera amené à nous transporter de Tchaïkovski et sa Belle au bois dormant à Gesualdo dont un chorégraphe utilise les madrigaux torturés.

4. La musique dans les autres romans

Dans cet itinéraire musical des œuvres de Barilier, qu’il débuta en 1971 avec Orphée, titre emblématique (voir plus loin à ce propos l’entretien avec l’auteur), j’ai jusqu’ici évoqué les livres directement liés à la musique (ou à la danse). L’aspect musical n’est pas pour autant absent des autres, mais surtout perceptible à d’autres niveaux : ou bien cela concerne la beauté de la langue elle-même qui se rapproche parfois de ce que l’on attend d’ordinaire de la poésie (il faut signaler ici les travaux de Barilier comme traducteur, notamment le fameux Intermezzo de H. Heine), ou bien cela influence ou affecte son travail de dramaturge, donc

11 Erik Leborgne – lecteur de ce texte pour cette édition – me fait remarquer d’ailleurs que l’apparition des jeunes filles en fleurs s’apparente à une chorégraphie répétée.

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avant tout la dimension structurelle et la construction de ses romans. Il faut noter à ce propos qu’il est bien possible que ceci soit parfois le fait de l’instinct et pas seulement le fruit d’une pratique consciente ; en effet l’auteur avoue dans une émission de radio récente12 écrire plutôt d’une seule coulée comme une plante se développe, suivant la logique de destin que les personnages génèrent presque d’eux-mêmes. Ceci est d’ailleurs vrai de beaucoup de grands compositeurs dont après coup l’ont peut analyser avec pertinence telle œuvre complexe, mais qui souvent créaient plus instinctivement qu’on ne le pense, au moins à partir d’un certain degré d’expérience.

Concernant la forme et l’articulation des œuvres, ce sens musical est peut-être aussi ce qui l’aide à produire tout autant une œuvre de longue haleine comme L’énigme (sûrement l’un de sommets de son œuvre) que de bâtir un roman bien plus court mais dense comme Les cheveux de Lucrèce en une fugue éperdue se clôturant par une strette frénétique, une course à l’abîme effrayante. Ce très impressionnant thriller qui brille comme une pierre noire au sein de sa production (et qui est à ce jour son plus récent roman publié) est également révélateur de ce rythme très

12 Emission de la RTS du 26 août 2015 consacrée au roman Les cheveux de Lucrèce, disponible sur internet.

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particulier, souvent présent chez Barilier, qui permet à l’auteur de jongler souvent entre la relation objective, la 3ème personne, en alternance parfois avec la 1ère, ce « je » qui nous fait rentrer un moment dans les pensées de tel ou tel personnage. Dans Prague on atteint à la souveraine virtuosité d’une polyphonie épistolaire adressée à un personnage principal dont on n’entendra jamais directement la voix : présence en creux et en ombre de tout le livre, personnage qui est en recherche obsessionnelle de vérité.

Enfin dans beaucoup d’autres de ses romans on retrouve presque toujours une allusion à un musicien, ou un piano dans un coin, comme c’est le cas par exemple dans Le duel, œuvre placée sous le signe de Nietzsche et de Sils-Maria, par ailleurs rythmée comme un roman épistolaire, mais dont chaque correspondant ne parviendrait pas à parler à l’autre, puisqu’on y découvre en fait deux carnets intimes qui se font face en alternance, rythmant là aussi très précisément le récit. On peut ici se remémorer du point de formel, les variations qui charpentent l’adagio de la 4ème Symphonie de Mahler, alternant régulièrement deux types de discours musical, l’un apaisé, l’autre mélancolique.

D’autres vertigineux prismes en miroirs s’offrent dans d’autres romans, miroirs de la vie elle-même ; dans l’un, Journal d’une mort, c’est le multiple dédoublement d’un personnage qui relit ses carnets intimes à divers âges et dans le désordre, observant

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sa réalité mouvante s’adapter dans le temps ; dans l’autre, Une seule vie, qui semble un pendant (en fait la publication précédente), ce sont les multiples variantes possibles d’une même séquence, mais avec ces différences de décisions du personnage qui peuvent faire basculer sa vie, tout du moins son chemin extérieur. Barilier joue donc là des miroirs de la vie en toute liberté comme un compositeur le ferait de son matériau musical, le livrant à toutes les métamorphoses possibles, à l’instar de Beethoven avec la jolie petite valse de Diabelli – dont on s’avise trop rarement, que selon le titre de Beethoven lui-même, elle ne fait pas l’objet de Variations mais bien de « Transmutations » (« 33 Veränderungen »13).

Comme Le duel, Une Atlantide (1989) est un autre de ses romans construit sur l’opposition entre deux récits, mais cette fois radicalement sans rapport l’un avec l’autre en apparence, ce qui ne peut que nous remémorer la structure du Chat Murr d’E.T.A Hoffmann déjà évoqué à propos de Musique. Une partie du récit nous décrit à nouveau le développement d’une enfance puis d’une adolescence avec une véracité du détail très impressionnante, que

13 Littéralement « Mutations », mais on peut aussi traduire par « Métamorphoses » justement, quoique ce titre soit en musique celui d’un chef- d’œuvre douloureux de Richard Strauss et en littérature celui de Kafka.

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l’on retrouvera encore dans Les cheveux de Lucrèce (et comme je l’ai déjà évoqué aussi dans Ma seule étoile est morte). Le plus impressionnant dans ce grand livre qu’est Une Atlantide, outre les pages poignantes, dans le récit alternatif d’une civilisation imaginaire et de sa chute, sur l’esprit même de la dictature et de la torture (faisant écho entre autres à quelques pages de Passion ou de Prague), c’est le dénouement, qui, idée étonnante, a lieu au- delà de l’ultime page, réservé finalement à l’imaginaire du lecteur.

Mais parfois la musique surgit après une longue absence, jouant un rôle de révélateur du drame près d’éclater : c’est le cas dans La fête des lumières, offrant la terrifiante beauté d’une trajectoire tragique et fatale, et cette fois ce n’est pas le piano mais le violon qui est convoqué, d’abord dans Mozart, puis, comme une ultime suspension lumineuse avant la déflagration, par l’évocation subtile d’une Sarabande de Bach dont on nous dit qu’il s’agit d’une transcription provenant d’une Suite pour violoncelle : on peut aussi saisir ce passage du violoncelle au violon comme métaphore du récit, où l’un des personnages transfère sa folie amoureuse d’une mère vers sa fille. Ce roman-là qui date de 2008 semble d’ailleurs annonciateur de la terrible fatalité des Cheveux de Lucrèce, quoique dans des proportions architecturales très différentes, que l’on pourrait peut-être qualifier de brucknérienne.

Je m’en voudrais de ne pas signaler, en dehors de tous ces

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Étienne Barilier et la musique

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aspects musicaux, les magnifiques portraits de femmes de certains romans qui m’ont tant touchés comme c’est le cas du personnage de Sophie justement dans La fête des lumières, ou des deux héroïnes de Prague, et la compassion (non ironique cette fois) dont l’auteur fait montre à leur sujet. Ce sentiment apparaît dès Laura l’un de ses premiers livres, ou dans La créature (inspirée de L’Eve future de Villiers de L’Isle-Adam, et comme dans Laura et dans Un Véronèse se passant à Venise) qui est un peu postérieur, ou plus encore dans Un Véronèse ou Les Cheveux de Lucrèce déjà évoqués, notamment une compassion pour les femmes vues comme victimes de la folie et des lâchetés masculines.

Si la musique est omniprésente dans l’œuvre de Barilier, il ne faudrait pas sous-estimer la présence des beaux-arts et singulièrement de la peinture, bien sûr dans Un Véronèse, et dans Laura, mais surtout comme thème central de Ruiz doit mourir, au- delà du retour de Rome, ville si présente (comme Venise) dans l’œuvre de Barilier, où il vécut plusieurs années. Dans ce roman, c’est de Ruiz-Picasso qu’il s’agit, mais aussi d’un autre peintre resté obscur, et de l’affrontement désespéré entre le talent et le génie.

Si dans Une énigme la musique est moins directement présente, alors même que cette œuvre semble par ailleurs une conjonction de nombreux thèmes privilégiés par l’auteur, c’est

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