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A propos des dessins digitaux préhistoriques: note ethnographique
PITTARD, Eugène
Abstract Art préhistorique;
PITTARD, Eugène. A propos des dessins digitaux préhistoriques: note ethnographique. Revue anthropologique , 1921, vol. 31, no. 3-4, p. 89-91
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:107641
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ÎRENTE ET UNIÈME ANNÉE MARS-AVRIL 1921
· Revue
anthropologiqué
FONDÉE PAR ABEL HOVELACQUE
PUBL!h"b' PAR LES PROFESSEURS DES ÉCOLES D'ANTHROPOLOGIE DE PARIS ET DE LIEGE
ORGANE DE L'INSTITUT INTERNATIONAL D'ANTHROPOLOGIE
EXTRAIT
A PROPOS DES DESSINS DIGITAUX PRÉHISTORIQUES
parE, PITTARD
•,,
LIBRAIRIE ÈMILE NOURRY
62, RuE DES EcoLEs, PARIS, V•
A propos des dessins·digltaux préhistoriques
' NOTE ETHNOGRAPHIQUE
par M. Eugène PITT ARD
L'avant dernier numéro de la Reçue anthropologique contient pn intéressant article de M. le D• Eug. Stockis sur l'interprétation de certains dessins préhistoriques (le Dessin papillaire digital dans l'art préhistorique). L'auteur de cette note (1) rappelle l'in- certitude dans laquelle nous sommes au sujet, en particulier, des groupes ·curieux de motifs curvilignes i·elevés sur les dolmens bre- tons. Et il cite à juste titre, le plus intéres a.nt de ces monument , celui de Ga'V·•·'inis dans le 1golfe du Morbihan : ses dalles sculptées sont bien connues. La conClusion généralè de M. Stockis est que les dessins épidermiques des doigts et la paume de la main ont été reproduits pat· les artistes dolméniques sur les pierres dont il est question ici.
Je n'ai nullement la prétention de discuter les rapports établis par M. Stockis - je les crois légitimes - mais je voudrais intro- duire dans ce débat un petit fait ethnographique, car aussi bien ces documents sont susceptibles d'apporter quelque lumière dans nos interprétations des faits préhistoriques. Sans leur interven- tion en effet, comtnent discuter une foule de découvertes qui nous apparaitraient comme des· énigmes indéchiffrables ?
Il y a-une quinzaine d'années environ, au cours de mes randon- nées dans la Dobroudja, je me trouvais dans la petite ville de Medjidié. Après avok examiné et. photographié des Tsiganes turcs qui étaient campés sur la colHne, je redescendais vers le centre de la .bourgade, lorsqu'en passant dans une ruelle peuplée de Rou- mains, je fus arrêté par un spectacle peu banal: une femme qui
t. V. Eug. Stockis, le Dessin papillaire digital dans l'art préhisto1•ique (lif v.ue anthropologique. Paris, 1920, p. LlV).
!JO REVUE ANTHROPOLOGIQUE
crépissait le mur extérieur d'un enclos. Une femme accomplissant le travail d'un maçon, c'esl là un spectacle très commun dans la Péninsule des Balkans; il n'y :ivait là pas de quoi nous arrêter.
Mais ce qui était intéressant c'est aue cette femme, au fur et à
Photo Eug. Pittal'Ù.
A l\1n0Jm11i (Dobroudja). FEMME cnt\r1ssANT BT rilicoHANT UNR MUHAILLE D'HABITATION
(Les dessins de. Gavr'inis seraient-ils les représentations magiques de dessins sern- blabl 's qui auraient existé sur les murs de la maison?
Le sou venir éternel de cette dernière aurait ainsi été déposé Ù'\JlS la tombe? Passage de l'homme à la maison et de la maison à la tombe?)
mesure que son travail avançait, décorait le mur qu'elle venait de crépir.
Sur la couche de glaise demi-li11uide qu"elle appliquait sur le mur fait de paralléllipèdes de torchis, elle dessinait, du haut en bas
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Eugène PITTARD'.- A PROPOS DÈS DÈSSINS DIGITAUX 9f
du mur, par le trainage des doigts, une décoration assez élégante.
Immédiatement, je me rappelai les dessins des dalles sculptées de Gavr'inis. J'hésitai un instant- car il ne me restait que quelques plaques - à photographier ce travail; mais l'occasion d'un rappro- chement ethnographique était trop tentant et je braquai mon app~reil. .
J'aurais pu utiliser cette photographie depuis longtemps. Tant d'autres travaux ont accaparé mes jouri1ées que je renvoyais à un autre moment,chaquefois qu'une occasion me remetta:itenmémoire ce document. Aujourd'hui il me parait nécessaire de le sortir de · mes cartons pour l'apporter à notre collègue M. Stockis,' La boue jaunâtre dont se servait cette femme était prise à pleine main dans les récipients qui sont à côté d'elle et appliquée contre le mur de tol'chis. Après égouttement et un lisse.m'eut avec la paume qui don- nait une surface à peu près unie, f ouvrière, en écartant un peu leR doigts, traçait des demi-èercles dans la surface humide. ·Le mur entier a~ait été ainsi décoré, du haut en bas. On constate, dans la, photographie, trois registrés de ces signes superposés. La partie du mur rapprochée du sol ne permettait pas le libre jeu de la main; l'ouvrière a tracé des traits l;10rizontaux constituant un quatrième registre de ces marques digitales. A droite de la maison, le mur qui limite l'entrée dans l'enclos ne p0rte plus les mêmes
·dessins régulièrement tracés et régulièrement disposés.L'ouvrière, dans cette partie de son travail, a suivi sa fantaisie ; pourtant, au moment même où la photographie a été faite, ~lie traçait un des- sin semblable à ceux qui couvrent le mur à gauche.
En 19rn, Cartailhac et Breuil ont publié, dans l' Anthropologie, des photographies de dessins digitaux tracés sur l'argile des parois des grottes pyrénéennes par les populations préhistoriques. Cer- tains de ces dessins rappellent ceux que nous reproduisons ici (voir les fig. 7 et 8 de cette publication) (1).
Je n'insiste pas davantage car mon but n est pas d~écrire un mémoire. J'ai voulu simplement verser au ·débat s~ intéressant, ouvert par M. Stockis, uri document ethnographique. Et ce docu- ment est assez explicatif pour qué jè m'en tienne là.
1. Cartailhac et Breuil, Les peintures et gravures murales des cavernes py1·énéennes (L'Anthropologie, 1910, p. 140-141).