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LA NAISSANCE NATIONALISME ALGÉRIEN

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LA NAISSANCE

DU

NATIONALISME ALGÉRIEN

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L'ÉDITION ORIGINALE DE CET OUVRAGE A ÉTÉ TIRÉE A 10 EXEMPLAIRES SUR ALFAMOUSSE, NUMÉROTÉS DE 1 A 10 PLUS CINQ EXEMPLAIRES HORS COMMERCE

NUMÉROTÉS DE H.-C. I A H.-C. V.

© 1962 by LES ÉDITIONS DE MINUIT 7, rue Bernard-Palissy - PARIS (6

Tous droits réservés pour tous pays

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ANDRÉ NOUSCHI

LA NAISSANCE NATIONALISME DU

ALGÉRIEN

LES ÉDITIONS DE MINUIT

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INTRODUCTION

Plusieurs domaines de la vie algérienne entre 1919 et 1954 ont déjà été explorés ; mais ils sont en nombre limité et ces travaux n'intéressent en général l'historien de l'Algé- rie contemporaine qu'indirectement, car ils émanent presque tous de géographes ou d'économistes. Nous avons tenté de compléter l'étude de certains problèmes à partir de recher- ches personnelles, mais certains domaines restent encore presque vierges. Par exemple nous connaissons très mal la vie rurale algérienne entre 1919 et 1954, nous ne savons presque rien sur la fiscalité, sur les mouvements ouvriers et syndicalistes, sur les développements des villes, sur les migrations, sur les mouvements des prix et des salaires.

Nous commençons seulement d'entrevoir les grands traits du problème démographique.

Les problèmes politiques n'ont guère été abordés non plus, en dehors du livre de Charles-André Julien, l'Afrique du Nord en marche (Paris, 1952), dans lequel trois chapitres sont consacrés à l'Algérie.

A partir de 1939, presque tout reste à faire, car nous ne possédons aucune étude d'ensemble sur la vie algérienne pendant la guerre, en dehors de quelques témoignages géné- ralement très partiels.

Et pourtant la note bibliographique suivante n'a pas la prétention d'être exhaustive. Elle veut seulement indiquer les quelques ouvrages susceptibles de fournir des détails dans les domaines sur lesquels nous sommes forcés ici de passer rapidement.

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NOTE BIBLIOGRAPHIQUE

Le guide bibliographique le plus commode est celui fourni por X. Yacono « L'Algérie depuis 1830 », in Revue Africaine, 1956, pages 145 à 190.

GÉNÉRALITÉS Estoublon-Lefébure, Code de l'Algérie annoté.

Annuaire statistique de l'Algérie (les derniers volumes sont moins détaillés que les premiers).

Bulletin du Comité de l'Afrique française (paru depuis 1892 jusqu'en 1939).

Bulletin économique et juridique de l'O.F.A.L.A.C.

Documents algériens, publiés annuellement depuis le 1 septembre 1945.

Tableaux de l'économie algérienne, Alger, 1958.

Ouvrages d'ensemble :

N. BARBOR, A survey of North Africa, Oxford University Press, 1960.

P. BIROT et J. DRESCH, La Méditerranée et les pays du Proche Orient, Paris.

L. CHEVALIER, Le problème démographique nord-africain, Paris, 1947.

J. DESPOIS, L'Afrique du Nord, Paris, 1960, 2' édition (abon- dante bibliographie).

H. ISNARD, La Vigne en Algérie, Etude géographique, Gap, 1951-1954.

G. LEDUC et divers, L'Industrialisation de l'Afrique du Nord, Paris, 1952 (dépasse les problèmes de l'industriali- sation).

L'Algérie surpeuplée ; orientation pour une politique de population, ibid., Alger, 1958.

Construire la Cité : l'Algérie et sa jeunesse, ibid., Alger, 1957.

Encyclopédie coloniale, Algérie et Sahara, 2 volumes, Paris (auteurs divers, abondante bibliographie).

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La lutte des Algériens contre la faim, Etudes du secrétariat social d'Alger, Alger, 1955.

La population en Algérie, Rapport du haut comité consul- tatif de la population et de la famille, tome 2, publié par la Documentation française, Paris, 1957.

Le sous-développement en Algérie, ibid., Alger, 1959.

PROBLÈMES PARTICULIERS ASPECTS POLITIQUES :

Témoignages et documents : O. DEPONT, L'Algérie du centenaire.

M. Azziz KESSOUS, la vérité sur le malaise algérien, Bône, 1935.

R. ZENATI, Le problème algérien vu par un indigène, Paris, 1938.

Ouvrages généraux :

C. et F. JEANSON, L'Algérie hors la loi, Paris, 1955, 2 éd.

C.-A. JULIEN, L'Afrique du Nord en marche, Paris, 1952, 2 édition (importante bibliographie).

Y. LACOSTE, A. NOUSCHI, A. PRENANT, L'Algérie, passé et présent, Paris, 1960.

LOEW et d'ORIENT, La question algérienne, Bureau d'éditions, Paris, 1936.

J. MÉLIA. Le triste sort des indigènes musulmans d'Algé- rie, Paris, 1935.

M. VIOLETTE, L'Algérie vivra-t-elle ?, Paris.

Dans l'importante production que le conflit né en 1954 a suscitée, nous retiendrons spécialement :

E. BEHR, The algerian problem, Penguin Books, Harmonds- worth, 1961.

L. HAHN, North Africa, nationalism to nationhood, Public affairs press, Washington, DC, 1960.

A. SAVARY, Nationalisme algérien et grandeur française, Paris, 1960.

G. TILLION, Les ennemis complémentaires, Paris, 1960.

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Articles et études :

C. R. AGERON, « De l'Islam à la Révolution », in Revue socialiste, 1956.

« La politique de réformes en Algérie et la loi du 4 février 1919 (1912-1919) », in Revue d'histoire moderne et contemporaine, 1958.

R. BARBE « Vérités sur l'Algérie », in Economie et Poli- tique, 1955, n° 9.

H. BENCHETRIT, J. VOGT et J. TRICART « Algérie et Porto Rico », in La Pensée, 1954, n° 54 et 5 6 . O. DEPONT, L'insurrection de l'Aurès, rapport confidentiel,

ronéotypé.

G. ESQUER, 8 Novembre 1942, jour premier de la libération, Alger, 1946.

R. FARGIER « Racines de la crise algérienne », in Cahiers internationaux, 1954, n° 61.

H. ISNARD « Aux origines du nationalisme algérien », An- nales, E.S.C., 1949.

A. P. LENTIN « L'Algérie sous le signe des ultras », in Cahiers internationaux, 1956 et 1957, n° 77 à 88.

G. PÉRI « Ombres sur l'Afrique du Nord », collection d'ar- ticles parus dans l'Humanité, Editions du comité popu- laire de propagande, Paris, 1936.

ASPECTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX :

Il est difficile de faire une distinction nette entre l'éco- nomique et le social, car certaines études touchent autant à l'un qu'à l'autre ; nous nous contentons donc de classer les articles et études par ordre alphabétique.

Textes et documents :

Note concernant les dépenses à prévoir pour la réalisation d'un plan de réformes sociales et économiques en faveur des musulmans algériens et considérations sur son financement, Alger, 1944.

Note résumant les travaux de la commission chargée d'éta- blir un programme de réformes politiques, sociales et économiques en faveur des musulmans français d'Al- gérie, Alger, 1944.

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Documents et textes concernant la commission chargée d'établir un programme de réformes politiques, so- ciales et économiques en faveur des musulmans fran- çais d'Algérie, Alger, 1944.

Visite de M. Houdet, ministre de l'agriculture (12 et 13 mars 1954) (Etudes diverses rédigées par la préfecture de Constantine ; font le point de la situation de la vie rurale constantinoise à cette date.)

Articles et études :

P. ANANOU « Les populations musulmanes du Sahel d'Al- ger », in Revue africaine, 1953 et 1954.

ANSKY, Les Juifs d'Algérie, du décret Crémieux à la libé- ration, Paris, 1950.

R. BARBÉ « La question de la terre en Algérie », in Econo- mie et politique, 1955, n° 17.

« La France et le marché algérien », in Economie et poli- tique, 1956, n° 21.

M. BARBUT « Quelques données sur le problème algérien », in L'Activité moderne, Congrès d'Alger, 1954.

A. BERQUE, Le fellah algérien, Alger, 1944.

J. BERQUE « Médinas, villeneuves et bidonvilles », in Les cahiers de Tunisie, 1958.

P. BEYSSADE « Monographie de la commune-mixte des Ma'adid », Alger, 1948.

P. BOYER « L'évolution démographique des populations musulmanes du département d'Alger de 1830-66 à 1948 », in Revue africaine, 1954.

R. CAPOT-REY « L'industrialisation de l'Afrique du Nord », in Annales, E.S.C., 1953.

A. CHOURAQUI, Les Juifs d'Afrique du Nord, Paris, 1952.

H. COTE « Le commerce dans les départements algériens », in L'activité moderne, congrès d'Alger, 1954.

J. DESPOIS « La répartition de la population en Algérie », in Annales, E.S.C., 1960, n° 5.

R. DUMOULIN, La structure asymétrique de l'économie algé- rienne d'après une analyse de la région de Bône, Paris, 1959.

M. DOUEL, Un siècle de finances coloniales, Paris, 1930.

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L. FARIGOULE « L'équipement industriel de l'Algérie », in L'Activité moderne, Congrès d'Alger, 1954.

M. KADDACHE « Alger de nos jours »), in Documents algé- riens, 1951.

Y. LACOSTE « La misère du peuple algérien », in La Pensée, 1958, n° 78.

J. PELLETIER, Alger 1955, Essai d 'une géographie sociale, Paris, 1959.

M. PLAULT, L'émigration des travailleurs de la C.M. du Guergour, mémoire de stage E.N.A., Archives départe- mentales de Constantine.

A. PRENANT « Questions de structure urbaine dans trois faubourgs de Sidi-Bel-Abbès », in Bulletin de l'asso- ciation des géographes français, 1956, n° 257-258.

A. PRENANT « Afrique du Nord et Moyen-Orient », in La Pensée, 1956, n° 70.

A. PRENANT « Note à propos de la communication de R.

Dugrand », in Bulletin de l'association des géographes français, 1957, n° 263-264.

J.-J. RAGER, Les musulmans algériens en France et dans les pays islamiques, Paris, 1950.

RAYNAUD, SOULIÉ et PICARD, Hygiène et pathologie nord- africaine, Paris, 1932.

G. TILLION « Dans l'Aurès, le drame des civilisations ar- chaïque », in Annales, E.S.C., 1957.

X. YACONO, La colonisation dans les plaines du Chéliff, Alger, 1955-1956.

Monographies de communes mixtes du département de Constantine, Archives départementales de Constantine.

« Les Trusts français aux colonies », in Economie et Poli- tique, 1954, n° 5 et 6.

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CHAPITRE PREMIER

LES RESISTANCES A LA COLONISATION (1871-1919)

Lorsque l'insurrection algérienne éclata le 1 novembre 1954, elle provoqua une surprise quasi-générale. Quelques semaines auparavant, le ministre de l'intérieur, François Mitterand, avait parcouru l'Algérie de part en part sans rencontrer d'autre hostilité que celle des tenants les plus acharnés de la colonisation traditionnelle qui avait trouvé jusqu'ici de puissants protecteurs dans les gouvernements français. Il semblait invraisemblable que dans cette « Algé- rie à jamais française » pussent se lever des hommes pour lutter contre la France. L'étonnement eût été moindre si l'on avait bien voulu se pencher sur l'histoire algérienne du siècle précédent.

Depuis la fin de la première guerre mondiale, la mode a été de peindre la vie des différentes populations algériennes sous des couleurs pacifiques. L'administration française, à entendre les hommes politiques et certains universitaires (A. Bernard, E.F. Gautier, pour ne citer que les plus connus), parvenait admirablement à faire coexister dans la paix et l'harmonie des populations très diverses. Seuls quelques mauvais bergers pensaient à remettre en question cette réussite trop claire aux yeux du monde. Et il était de l'intérêt de la France comme de l'Algérie de faire taire ces voix discordantes : c'est ainsi qu'on justifiait les mesures de police et de répression prises par les gouverneurs et défendues devant le Parlement par les ministres de l'inté- rieur. On ne manquait pas d'autre part d'exalter le sacrifice des milliers de combattants algériens tombés pour la France au cours des deux guerres mondiales.

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Cette vue des choses en remplaçait une autre qui avait animé jusqu'en 1914 les hommes politiques algériens et les colons défenseurs de la « souveraineté française » en Algérie.

Il était courant alors de lire ou d'entendre le récit d'actes qui dénotaient une hostilité quasi-permanente des Algé- riens à l'égard de la France. La moindre affaire devenait une manifestation anti-française : il était du devoir et de l'intérêt de la France comme de l'Algérie de prendre les mesures de sécurité les plus rigoureuses pour réduire ces résistances.

La guerre de 1914-1918 n'avait certes pas subitement transformé le climat politique au point d'opérer une telle révolution psychologique dans les esprits des populations de l'Algérie. On n'avait pu passer d'un seul coup de l'hosti- lité à l'harmonie. Cette simple constatation suffit pour obliger à reprendre le déroulement des événements dans leur ensemble.

On sait les difficultés de la lutte menée par la France à partir de l'occupation d'Alger. La reddition d'Abd el Kader en 1847 ne marque nullement la fin des expéditions militaires dans le périmètre tellien. Lorsque Napoléon III prend le pouvoir, d'importantes zones restent insoumises : les Kabylies, qui commencent aux portes d'Alger et s'éten- dent en gros jusqu'à Philippeville.

Sans doute ces régions s'ouvrent-elles aux voyageurs ou aux enquêteurs militaires ; mais les colonnes militaires n'ont pas encore réussi à conquérir les blocs montagneux.

L'expédition de Saint-Arnaud en 1851 dans les Kabylies dure un peu moins de trois mois et, malgré des succès apparents, ne résout rien. Les tribus, à peine soumises, se révoltent et tout est à reprendre. Randon envisage alors la conquête militaire de la région ; en réalité, il ne réalise que partiellement ses objectifs. Le soulèvement de la grande Kabylie à l'appel de Bou Baghla (l'Homme à la Mule) et l'insoumission des Kabylies orientales imposent de nouvelles expéditions militaires ; celles-ci ont pour objectif premier la Kabylie orientale, entre Mila et Djid- jelli (campagne de Mac-Mahon en 1852). La victoire des armes françaises provoque la soumission momentanée des tribus. Mais simultanément, des tribus de la région de Guelma se révoltent contre les refoulements engendrés par la colonisation. Dans les Kabylies d'ailleurs, la situation reste précaire et Randon envisage, en janvier 1853, une campagne du Djurdjura qui devrait avoir pour résultat la

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soumission définitive des tribus. Remis à cause de la rivalité qui oppose Randon à Saint-Arnaud, le projet se transforme en une expédition de Kabylie orientale dont les résultats se révèlent aussi fragiles que les précédents.

En fait, et sans entrer dans un détail fastidieux, l'affaire sera encore reprise plusieurs fois. La grande Kabylie ne fera sa soumission qu'en 1857, après que les troupes fran- çaises auront razzié le massif du Djurdjura de part en part.

Quant à la petite Kabylie, il faut attendre 1864 pour que les derniers soubresauts de révolte s'y éteignent provisoi- rement.

Pourquoi cette lutte n'en finit-elle pas ? Sans doute a-t-on pu arguer des difficultés inhérentes au pays : les troupes françaises ont à fournir un gros effort dans un temps très limité : de la fin du printemps au début de l'automne, elles doivent se battre dans des régions monta- gneuses, qu'elles connaissent mal et qui sont encore plus boisées qu'aujourd'hui (1). Mais ces difficultés n'expliquent pas tout. L'obstacle principal vient des hommes, qui se battent avec d'autant plus d'acharnement que l'envahis- seur ravage tout sur son passage ; la terre leur est d'autant plus chère qu'ils ont plus de mal à en tirer leur subsis- tance. Les témoignages ne manquent pas sur ces dévas- tations : « Tous les villages des Ourzellaguen ont été pillés ou brûlés ; la leçon a été si sévère que pas un coup de fusil n'a même été tiré sur l'arrière-garde, lorsque nos troupes ont regagné le camp. Cependant, on quittait des villages en feu, par des sentiers semés de cadavres d'hom- mes et de chevaux tués à l'ennemi » (2).

La soumission militaire ne signifie pas que les tribus vaincues aient abandonné tout espoir de recouvrer leur indépendance. Dès 1861, le docteur Vital, de Constantine, n'hésite pas à écrire à son ami Urbain que les militaires sont de plus en plus convaincus que « notre domination finira comme celle des Espagnols et des Portugais », et le 8 avril 1864 : « Il y a encore des mots magiques qui le [ce pays] font tressaillir et chaque fois qu'on lui parlera

(1) M. Zurcher, La pacification et l'organisation de la Kabylie orientale de 1838 à 1870, Paris, 1948.

(2) Le Moniteur algérien, cité par C.-A. Julien, Histoire de l'Afrique du Nord, p. 612.

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de nationalité, d'Islam, de terre sainte à purger de la présence des infidèles, on le trouvera prêt à marcher » (1).

Cette volonté de résistance apparaît par exemple dans un incident significatif lors de l'insurrection de 1864 dans le Ferdjiouah, et que rapporte Vital :

« Même parmi les tribus qui font ces coups de main pour notre compte, il s'en faut que les sympathies una- nimes nous soient acquises. Un shek parti de son territoire avec soixante cavaliers pour prendre part à une razzia est arrivé tout seul au rendez-vous. En rendant compte de cette défection, il faisait connaître que, tout le long de la route, les moissonneurs faisaient honte à son goum de la guerre fratricide qu'il allait faire à de bons musulmans.

C'était tantôt un cavalier et tantôt un autre qui, ébranlé par ces prédicateurs inattendus, se détachait du groupe et s'en retournait chez lui. » (Lettre du 15 juillet 1864.)

L'insurrection des Ouled Sidi Cheikh de 1864 relaie celles du Ferdjiouah et du Zouagha ; malgré les renforts expédiés, les soubresauts de la révolte se prolongent jus- qu'en 1870, jusqu'à la veille de l'insurrection de Moqrani.

Ainsi, le bilan des quarante premières années d'occu- pation française en Algérie ne comporte qu'un très petit nombre d'années de paix, entre 1 859 et 1864. Paix relative d'ailleurs : en 1861, par exemple, des tribus entières du Constantinois émigrent ou forment le projet d'émigrer en terre d'Islam (Tunisie, Syrie) afin de ne pas subir les déplacements imposés par le développement de la coloni- sation. Les marabouts poussent vigoureusement au départ;

ce qui ne manque pas d'inquiéter les autorités françaises.

Il est clair que ce genre de manifestation est à mettre au compte de la résistance des populations algériennes à l'implantation française.

La durée de la résistance s'explique par différentes raisons : d'abord, on l'a vu, les obstacles géographiques (terrain et climat) qui rendent difficile la pénétration militaire ; ensuite, le chiffre relativement peu élevé des troupes engagées, qui ne peuvent agir partout à la fois ; en troisième lieu, l'insuffisance du réseau des voies de communication : seuls les environs des grands centres (Alger, Oran, Bône, Constantine, etc.), possèdent quelques tronçons de routes. Souvent celles-ci deviennent imprati-

(1) Correspondance de Vital avec Urbain, publiée par A. Nouschi, Alger, 1958.

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cables en hiver : c'est le cas de la route « impériale » Philippeville-Constantine-Biskra ; la voie Bône-Guelma ne constitue une véritable route que dans les environs im- médiats de ces deux centres : au-delà, c'est une piste. De ce fait, la « présence française » est purement nominale dans l'intérieur du pays et ne se manifeste que par les levées d'impôts, les visites des officiers des bureaux arabes ou quelques établissements de colons français ou européens.

A ces raisons, il faut ajouter l'encadrement fourni par les confréries religieuses musulmanes, qui couvrent l'en- semble de l'Algérie. Les plus importants de ces ordres sont d'abord les Rahmanyia, puis, loin derrière, et groupant probablement presque le même nombre de membres, les Taibya, les Qadrya, les Chadelya-Derqaoua et les Tid- janyia. Le Constantinois est de loin la zone qui recrute le plus d'adhérents ; ensuite viendrait l'Algérois ; et en troisième lieu l'Oranais.

Chacune des zones semble dominée par un ordre particulier : ainsi, dans le Constantinois, les Rahmanyia constituent la confrérie la plus nombreuse ; très loin derrière viennent les Tidjanyia et les Qadrya ; enfin, les Taibya, les Hansalya et les Derqaoua-Chadelya. En re- vanche, dans l'Oranais, les Taibya viennent en tête, suivis par les Qadrya, et, en troisième lieu, presque sur le même plan, les Derqaoua-Chadelya, les Rahmanyia, les Zianya et les Kerzazya. Dans l'Algérois, les Rahmanyia constituent la majorité, suivis de très loin par les Tidjanyia et les Derqaoua-Chadelya, puis par les Qadrya et les Taibya.

Ces différences géographiques correspondent à l'his- toire. Les Rahmanyia sont nés en Kabylie dans la seconde moitié du XVIII siècle ; de là, le mouvement a gagné les massifs montagneux particulièrement peuplés situés de part et d'autre de la vallée de la Soummam, puis les régions du Hodna et la zone des hautes plaines. Les Derqaoua- Chadelya et les Qadrya, venus du Maroc, sont profondé- ment enracinés en Oranie et de là ont débordé sur l'Algé- rois. Enfin, les Tidjanya, nés dans le Sud algérois, ont diffusé leur doctrine dans l'Algérois et le Constantinois (1).

Chaque confrérie est organisée : les khouan (frères) dépendent d'un moqaddem (étymologiquement : celui qui est devant, le guide) dont l'autorité est surtout religieuse

(1) Nous n'avons pas parlé des célèbres Aissaoua, car leur nombre est relativement insignifiant.

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et morale. Certaines confréries exigent un certain rite initiatique avant l'admission des khouan. Quel fut le rôle politique des confréries entre 1830 et 1870 ? Il est très difficile de l'apprécier dans le détail des événements. Nous savons pourtant qu'un 'Abd el Qader était moqaddem des Qadrya et qu'il a de ce fait tenté d'entraîner derrière lui toutes les congrégations algériennes de cet ordre. On peut aussi noter qu'en 1861, ce sont des motifs religieux, s'ajou- tant à ceux strictement économiques, qui incitent certaines tribus menacées de dépossession à abandonner l'Algérie.

Ce départ pour une terre d'Islam (Dar el Islam) donne parfois lieu à une véritable purification rituelle, comme le prouve l'exemple des Ouled Ferrada (cercle de Constan- tine) qui, avant de passer la frontière tunisienne, brûlent les montants de leurs tentes, en secouant la poussière ainsi que celle de leur bernous et divorcent d'avec leurs femmes;

puis après trois jours de jeûne et de prière, ils se rema- rient avec elles et entrent alors en terre d'Islam.

De même en 1867, lors de la crise économique qui secoue l'Algérie, certains khouan laisseront entendre qu'il s'agit d'une punition de Dieu. Les ordres religieux feront encore sentir leur action dans la révolte des Ouled Sidi Cheikh ; tout comme dans l'insurrection de Moqrani (1).

L'administration française comprit vite quelle influ- ence les différents ordres religieux pouvaient avoir sur le pays et chercha à se gagner certains de leurs chefs, chez les Tidjanyia par exemple ; mais, comme le note L. Rinn, une telle politique atteignit rarement son but : les clients des Français tombaient du même coup dans le discrédit auprès de leurs coreligionnaires. Cela explique la relative liberté dont on laissa finalement jouir les confréries.

Ainsi, l'Algérie demeure, malgré l'occupation française, liée au reste du monde islamique. D'autant plus liée que la surveillance des frontières sahariennes est difficile et que le pèlerinage à la Mecque constitue un moyen supplémen- taire de garder le contact avec l'Orient arabe. Cependant, pour réduire la diffusion des mots d'ordre ou de propos hostiles à la France, l'administration surveille de son

(1) Mais, à la différence de Rinn, nous ne pensons pas que le rôle des confréries ait été la cause déterminante de cette révolte.

Les raisons économiques ne manquaient pas : nous les avons indi- quées dans notre livre, l'Algérie, passé et présent. Le rôle du cheikh El Haddad et de son fils fut surtout de diffuser des mots d'ordre.

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CET OUVRAGE A ÉTÉ ACHEVÉ D'IMPRIMER LE 25 MAI 1962, SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE JACQUES ET DEMONTROND A BESANÇON ET INSCRIT DANS LES REGISTRES DE L'ÉDITEUR SOUS LE

NUMÉRO 470.

Dépôt légal 2 trimestre 1962 : n° 6788.

Imprimé en France

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