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La littérature koweïtienne contemporaine traduite en français : Le cas de Taleb Alrefai

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La littérature koweïtienne contemporaine traduite en français : Le cas de Taleb

Alrefai

Isabelle Bernard

Université de Jordanie

Canadian Review of Comparative Literature / Revue Canadienne de Littérature Comparée crcljune 2020 juinrclc

0319–051x/20/47.2/178 © Canadian Comparative Literature Association

Waël Rabadi

Université Al-Albayt

Au printemps 2020 est paru en français1 le troisième roman traduit de l’arabe de l’écrivain koweïtien Taleb Alrefai : Al-Najdi le marin,2 un récit biofictionnel sur un célèbre capitaine de la marine marchande, Ali Nasser Al-Najdi (1909-79), qui retrace sur près d’un siècle les grandes étapes de la constitution et de la construction de l’État du Koweït.

D’abord ingénieur dans le génie civil, le romancier, né en 1958, a débuté sa car- rière littéraire dans les années 1990 avec la publication d’un recueil de nouvelles.

Appartenant à l’élite intellectuelle de son pays dirigé par l’Émir Sabah, il a occupé pendant plusieurs années un poste de consultant au Conseil national de la culture, des arts et des lettres du Ministère de l’Information. Il enseigne désormais l’écriture créative à l’Université Américaine de Koweït. Ses recueils de nouvelles et ses romans abordent des sujets de société, Ra’ihat al-Bahri (Le parfum de la mer, 2002), Samar Kalimat (Les mots de Samar, 2006) ou Ici même (2014), s’interrogent sur la condition des femmes au sein de familles déchirées entre respect des traditions locales et appels de la modernité occidentale ou au sein du cadre conjugal, carcan dans lequel toutes les violences psychologiques et physiques sont possibles, tandis que L’Ombre du soleil, publié en Égypte en 1998 et vingt ans après en France d’après une version remaniée en 2012, ainsi que certaines nouvelles du recueil Tal Amrak Abu ‘Ujjaj (Que Dieu t’accorde une longue vie, Abou Ajaj !, 1992), s’insurgent contre le sort réservé aux émigrés venus chercher fortune au pays de l’or noir. Paru au printemps 2020, Haby,

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179 le dernier en date,3 prend le contrepied des conservatismes en traitant de la trans- sexualité : s’inspirant d’un cas réel, il retrace le parcours spirituel, social, émotionnel et médical d’une jeune femme désirant changer de sexe.

La littérature en provenance du Koweït est suffisamment rare pour qu’on s’y arrête d’autant plus quand elle traite d’épineuses thématiques. Nous proposons donc de scruter plus avant les œuvres d’Alrefai accessibles en français : Ici même (2016), L’Ombre du soleil4 (2018) et Al-Najdi le marin (2020) grâce auxquelles nous esquisserons d’abord quelques pistes pour un état des lieux de l’écriture romanesque koweïtienne contemporaine. Ensuite nous expliciterons la dimension du témoignage promue dans le corpus et aborderons enfin ses innovations narratives.

Le renouveau de la littérature koweïtienne d’aujourd’hui

Taleb Alrefai apparaît comme la voix la plus audible du monde littéraire koweïtien sur le marché actuel du livre en langue française.5 En dépit d’un flux de traduction de l’arabe vers les langues européennes toujours grandissant,6 rares sont effectivement ses compatriotes à bénéficier d’un lectorat francophone7 dont la conquête semble ne pouvoir se passer d’un intermédiaire anglophone.8 C’est le cas pour une majorité des grandes plumes à commencer par l’une des plus jeunes et des plus médiatiques : Saud al-Sanoussi. Né en 1981, il est l’auteur de Saq al-Bambu (La tige de bambou, 2012), lauréat en 2013 du Prix international de la fiction arabe.9 Malgré son succès dans le monde arabe, en librairie et à la télévision,10 et sa traduction dans plusieurs langues étrangères, dont l’anglais,11 le roman qui est une saga à l’atmosphère délétère n’est pas encore traduit en français. Procédant par saisie critique, il contient de nombreuses revendications sociales et s’apparente aux écritures du réel qui ne sauraient « revenir au réel sans se prononcer sur son état. C’est-à-dire sans manifester son opinion au- delà du simple constat descriptif » (Viart et Vercier). Né de l’union consentie entre un journaliste, fils d’une éminente famille koweïtienne, et une domestique philippine, José, le héros, est violemment rejeté par les siens, l’intégration des individus métis restant problématique dans les milieux conservateurs. À travers sa quête identitaire, cruelle et émouvante,12 retracée de 1985 à nos jours, Al-Sanoussi souhaite sensibi- liser ses concitoyens à la reconnaissance des droits des minorités et des binationaux dans l’État. Au fil des chapitres, les tabous de la société sont contestés les uns après les autres, en particulier ceux qui concernent les différents niveaux de citoyenneté13 avec le statut des Bédouins et des citoyens de souche, l’insoluble situation des « bidoons » (sans nationalité),14 l’homophobie. La nécessité de confronter ces positions à une société qui les ignore ou les refoule guide pareillement Taleb Alrefai15 : « Écrire, con- fie-t-il, c’est mettre de la lumière sur les lieux sordides et obscurs, sur ces gens cachés dont personne ne parle » (« Taleb Alrefai »). L’auteur « interpelle ses semblables sur

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des travers ou des dysfonctionnements, des orientations aléatoires ou des dérives potentielles, sans chercher à se dédouaner lui-même-ni procureur stigmatisant la décadence de ses pairs, ni avocat plaidant la cause des opprimés » (Blanckeman 168).

Roman de l’indignation face à l’exploitation sociale L’Ombre du soleil est interdit au Koweït pendant plus de dix ans. Il partage avec Saq al-Bambu la volonté de témoigner à travers un destin individuel d’un phénomène sociétal en éveillant dans les con- sciences un autre type d’appréhension de la main d’œuvre étrangère qui représente plus de 70% de la population vivant au Koweït16 : « Le Koweïtien ne travaille jamais comme ouvrier. La Société a recruté une armée d’hommes, une forêt de visages et de langues, un mélange d’Arabes, d’Indiens, de Sri-Lankais, d’Afghans, de Chinois, de Philippins, de Pakistanais » (135). Selon l’auteur, la nécessité pour un pays peu peuplé d’accueillir ces travailleurs (ouvriers dans la construction et le bâtiment, manuten- tionnaires, transporteurs, portiers, domestiques) ne saurait faire oublier l’obligation du respect des droits universels. À travers les mésaventures d’Hilmi,17 modeste professeur d’arabe, la fiction dénonce l’un des aspects occultés de la prospérité du Koweït : les conditions d’existence et de travail extrêmement dégradantes des plus pauvres et des moins qualifiés, victimes de trafics éhontés d’agences d’intérim ayant pignon sur rue, telle la Société Abou Ajaj (85, 93-95, 98, 119, 122) :

L’ouvrier est obligé d’attendre deux ou trois mois pour être payé. Une fois qu’il s’est engagé à travailler avec une société, qu’est-ce qu’il peut faire ? S’il se retire, il perd son argent, et s’il dépose plainte, il se perd dans les couloirs et les labyrinthes du Ministère des Affaires sociales. Et s’il décide de continuer à travailler, il doit attendre. (138)

Hilmi vit sous le toit de ses parents dans une seule pièce qu’il partage avec son épouse Saniya et leur fils de trois ans, dans une bourgade de Haute-Égypte. Son maigre salaire ne lui offre aucune perspective d’évolution ni d’indépendance. Comme des milliers de jeunes diplômés, il est condamné à une vie misérable. Son seul récon- fort, il le trouve dans les bras de Naâma, la femme du vieux Hagg Metwalli, qui est sa maîtresse depuis deux ans. Pour fuir tout à la fois l’autoritarisme de son père, les intrusions continues de sa mère querelleuse dans sa vie privée qu’il tolère par tendresse et respect, les lamentations de son épouse et la honte de ne pouvoir sub- venir à ses besoins les plus rudimentaires, il décide d’émigrer au Koweït : « “Il y a du travail en pagaille au Koweït et l’argent se ramasse à la pelle.” Ainsi parla Hagg Metwalli » (59). Une fois sur place, Hilmi ne voit de l’Eldorado dépeint par son cupide passeur (45, 55, 59, 76, 84) que les quatre murs d’une chambre insalubre qu’il par- tage avec deux autres ouvriers dans le quartier réservé aux travailleurs célibataires de Khaïtan (71, 73-74, 102-103, 112, 114) : « Au Koweït, il y a des quartiers qui sont réservés aux personnes mariées et d’autres aux travailleurs célibataires » (71). Dans ces arrondissements excentrés, les ouvriers se regroupent par nationalité et, jour après jour, s’aigrissent18 du manque de leur famille et de leur terre natale : « Quel sens donner à la misère qu’endure un être pour assurer une vie meilleure à sa femme et à ses enfants ? » (33). Le climat, les humiliations, la solitude, l’ambition brisée et la

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181 précarité sexuelle pèsent plus encore que les perversions du système de migration (81, 88) dont Hilmi et ses compatriotes subissent sans discontinuer les tracasseries répé- tées. Derrière ces obstacles insolubles, il y a la kafala19 (parrainage), jamais nommée mais précisément décrite par Hilmi (77, 93, 144), qui entrave les libertés des ouvriers les empêchant de quitter leur poste, de postuler dans une autre entreprise que celle qui les a recrutés dans leur pays d’origine et de recourir aux procédures juridiques existantes. En prêtant cette voix intime, vulnérable et révoltée à son personnage, notamment dans le chapitre « Tempête dans un crâne » (63-128), Alrefai fait entendre la souffrance de la migration économique : « L’argent ici est un fruit empoisonné. Il sent l’aridité, le malheur, l’humiliation et l’avilissement » (99). En outre, les paysages de ce pays au climat20 étouffant (70, 74, 77, 102, 112-13, 140, 156) sur lequel le touz, ce vent poussiéreux du désert, souffle été comme hiver, sont dessinés par touches expressionnistes qui rendent compte de cet accablement invivable :

C’est un soleil bien différent de celui que je connaissais. Un soleil obstiné qui restait sus- pendu sur la tête des hommes nuit et jour, le soleil d’un désert cruel, qui versait du plomb fondu sur les crânes humains. C’était le soleil brûlant du mois d’août, un soleil qui brûle son ombre et qui laisse des braises incandescentes pour toute la nuit. (112)

Au terme de lassantes démarches, endetté et exténué, Hilmi finit par obtenir sa carte d’identité civile et trouve un emploi d’ouvrier sur un immense chantier de construc- tion aux cadences infernales (137). L’illustration choisie par l’éditeur qui reproduit un détail de La construction d’un pont d’Armando Pizzinato donne à peine une idée du travail harassant et continu, sans repos ni congés (136), que doivent effectuer pour quelques dinars par mois les milliers d’hommes, jeunes ou plus âgés, démunis et corvéables à merci, entassés sur les immenses chantiers de l’État, à l’instar de celui d’Al-Grine (129-72). Les propos de son père resté au pays et hostile à son projet ne cesseront de hanter l’esprit tourmenté d’Hilmi soumis à cette sorte d’esclavage mo- derne: « L’exil est une humiliation, mon fils » (39). Après un an à tenter de survivre dans ces conditions indicibles, sans avoir encore perçu un seul dinar de salaire, Hilmi sombrera définitivement : accusé de viol par une Koweïtienne sans scrupules, con- sentante autant que tentatrice, il sera condamné à quinze ans de prison : « “Pourquoi étais-tu si pressé de venir ?” Je suis venu, Dsouqui, parce que mon pays s’est montré cruel avec moi. Je suis venu parce que j’aspirais au salut, mais… » (183).

En évoquant dans Ici même la question du mariage entre Sunnites et Chiites, et plus globalement de la liberté sexuelle des femmes, Alrefai œuvre aux côtés d’auteurs dénonçant depuis longtemps les préjugés majeurs des sociétés traditionnelles à l’instar de Laïla Al-Othman21 (née en 1943), qui, dans ses romans comme dans sa biographie Anfodh Anni Al-Ghobar (Je me débarrasse de la poussière), évoque ses combats de femmes22 qui furent ses combats d’écrivaine.23 Ses révoltes contre le patriarcat avec en ligne de mire les violences corporelles, le mariage forcé ou encore l’union d’adolescentes avec des hommes âgés, sont célèbres, notamment celles nar- rées dans Samt Al-Farachat (Le Silence des papillons, 2007) dans lequel Al-Othman

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refuse de voir sa société cantonner les femmes à n’être que des individus silencieux, faibles et fragiles comme des papillons.

À son tour, Alrefai, conscient de l’évolution rapide de la condition féminine, s’interroge sur la condition des musulmanes en décrivant les crispations identitaires et religieuses causées par le passage à la modernité et à la richesse due à la manne pétrolière qui a entraîné l’adoption d’un modèle de vie cosmopolite, par ailleurs facteur d’innovation : « Que le prix à payer est cher pour une fille !, me suis-je dit, combien il peut être ravageur pour elle d’enjamber les obstacles et les limites impi- toyables érigées par une société qui s’acharne à les défendre et qui broie tous ceux qui osent les défier ou les transgresser » (48). Le roman Ici même se compose de treize chapitres partagés entre des notations autofictionnelles et l’intériorité de l’héroïne décrite comme dans un journal intime retraçant de façon discontinue les épisodes les plus marquants des quatre années d’une idylle. L’écrivain se met en scène en tant que témoin, prudent et philosophe, de la passion de son amie Kawthar, de confes- sion chiite, pour Machârî, un séduisant haut fonctionnaire sunnite, marié, père de trois enfants, dans un hic et nunc qui désigne le pays d’aujourd’hui : « Ici, la société brise et réprime le désir féminin, l’empêche de déclarer sa flamme et d’exprimer sa souffrance » (114). Grande, blonde, sophistiquée, d’une beauté que ses collègues ja- lousent, Kawthar vit entourée d’objets de luxe, porte des robes en soie, une montre Chopard et un sac Hermès (46), conduit « une Porsche dernier cri » (147). Elle incarne la femme moderne, tournée vers les mœurs, la mode et le mode de vie occidentaux, qui doit se bâtir un destin. Offrant à son cri de souffrance de s’articuler en une parole, Alrefai l’inscrit sur le mode allusif dans la lignée de Shéhérazade car, si son héroïne est bien victime de traditions qu’elle juge totalement arriérées et inacceptables, elle les pointe maintes fois du doigt, refusant obstinément de s’y soumettre. Ainsi en est-il, par exemple, de l’intrusion, typique des sociétés conservatrices, des membres de la famille dans la vie intime des femmes (141, 144). Au cœur de sa famille, l’amoureuse qui connaît la peur et l’amertume de celles qui militent au péril de leur vie pour les droits de leur sexe, lutte seule : « Mon crime suprême était d’exercer mon droit à choisir où j’allais vivre » (126). Lorsqu’elle s’installe avec une domestique philip- pine dans un appartement indépendant, Kawthar est reniée par sa mère et ses sœurs, plus haineuses à son égard les unes que les autres (22, 32, 55, 58-61, 111-12) : « Si tu étais un homme, je te tuerais […] Que Dieu vienne te prendre » (112-13), vocifère sa mère.24 « Une fille bien éduquée qui quitte la maison familiale pour habiter seule, c’est la honte sur la famille [...] Nous te tuerons » (112, 132), assène son oncle. Révoltée, la jeune femme ne discerne plus de son pays qu’« une société patriarcale arriérée, qui voit en l’homme le seul dépositaire de la force et du droit » (61). Les relents misogynes qu’elle révèle dans les coutumes la révulsent tant ils offrent un accablant témoignage sur les relations sociales, la ségrégation entre les hommes et les femmes apparaissant fort pesante (67). Par son âpreté, l’unique scène d’amour (98) laisse finalement enten- dre qu’il n’y a pas encore de place pour dire le plaisir féminin. Même si elle suscite beaucoup de controverses et que certains pays musulmans ont pris des mesures pour

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183 restreindre cette pratique, la polygamie, légale et autorisée par la loi au Koweït, ne fait l’objet d’aucune interdiction formelle dans le Coran.25 La voix de Kawthar porte donc des interrogations plus fines sur des enjeux ethno-confessionnels régionaux :

Certains chiites pratiquent ce que l’on appelle le mariage mut’a, un mariage de plaisir, mais je ne me satisferai jamais d’être un plaisir généreusement offert à un homme médio- cre auquel j’aurai plu au point qu’il contracte avec moi un mariage factice et misérable, pour un mois ou deux, histoire de se distraire et de satisfaire son caprice. (32-33)

Briser des tabous touchant à la religion, aux femmes et à la sexualité entre égale- ment au cahier des charges de Butheina Al-Issa (née en 1982) qui s’inscrit dans la lignée de sa flamboyante et audacieuse aînée, Laïla Al-Othman. Auteure d’une dou- zaine d’ouvrages dont plusieurs ont été interdits dans l’État, Al-Issa, par ailleurs à la tête de la librairie26 Takween, Creative Writing Platform, dans laquelle elle anime ateliers d’écriture et diffuse des œuvres inédites, dénonce les travers et les menaces de la société et se bat pour obtenir plus de liberté d’action et d’expression pour les Koweïtiennes. L’un de ses romans les plus audacieux, viscéralement féminin et fémi- niste, paru en 2013,27 Kabart Wa Nasait An Ansa (J’ai grandi et j’ai oublié d’oublier), est le journal intime en soixante-six séquences d’une jeune sunnite révoltée qui prend la littérature pour refuge, défense et arme. Avec une langue âpre, familière et métaphorique, la romancière qui se place sous l’égide de la poétesse féministe Soua’ad al-Sabah dessine la transformation douloureuse d’une adolescente tombée sous la coupe de son frère fanatique après le décès accidentel de ses parents. Femme gelée, empêchée, complètement rétive au plaisir des sens, l’héroïne est mariée avec un homme qu’elle n’a pas choisi mais qu’elle a accepté d’épouser pour fuir l’emprise fraternelle. Dans les états de femmes qu’ils appréhendent, les écrivains dressent tous de cruciaux constats sur la vulnérabilité des corps féminins, soumis à la violence physique (boulimie, dépression, tentatives de suicide, coups) et verbale (insultes, humiliations et bâillonnements psychologiques) ainsi que sur la totale dépendance spirituelle, éducationnelle et sociale des femmes.

Si avec L’Ombre du soleil et Ici même, Alrefai parlait en faveur d’individus injuste- ment dominés, en raison de leur sexe, de leur origine sociale et raciale,28 avec Al-Najdi le marin, il travaille une autre dimension du témoignage en questionnant la dispari- tion effrénée du patrimoine national.

Dimensions du témoignage dans le modus scribendi d’Alrefai

Dans l’imaginaire occidental contemporain, et malgré ses trois cents kilomètres de côtes sur le Golfe persique, le Koweït est associé au pétrole et à ses vastes étendues désertiques urbanisées à outrance depuis le milieu du XXe siècle. Dans Al-Najdi le marin, le romancier accomplit donc un devoir de mémoire concernant l’histoire

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maritime de sa patrie : pendant près d’un an, il a entrepris un travail d’historien, variant ses sources d’informations. Il aime rappeler qu’il a retrouvé des documents intéressants dans les archives de la presse nationale29 et lu avec intérêt la biographie du capitaine rédigée par l’un de ses cinq fils. Alrefai a particulièrement tiré bénéfice du témoignage des fils, des petits-fils et des amis d’Al-Najdi d’après lesquels il a recréé les souvenirs de son personnage en multipliant les promenades solitaires en bord de mer, un lieu qu’il aime et le renvoie à son passé. Il a, par exemple, reconstitué des moments-clefs de l’enfance d’Al-Najdi au sein d’une famille unie dans l’ancien cœur de la ville. Il a mis en lumière son irrésistible passion pour la navigation qui le fit embarquer très jeune et découvrir la corporation des marins-pêcheurs. L’écrivain a surtout vanté les mérites du marin qui était très populaire au Koweït en tant que com- mandant d’un boutre (voilier arabe traditionnel en bois) de transport de bois, qui aimait plus que tout les parties de pêche entre amis.30 L’existence d’Al-Najdi pourrait symboliser l’histoire maritime méconnue du Koweït et montrer la grande aventure qu’a été la vie de ce marin jusqu’à la fin de ses jours. Sous prétexte d’évoquer heure par heure, la journée du 12 février 1979, jour fatal du naufrage du yacht et de la noyade de son héros, dont le corps n’a jamais été retrouvé, l’écrivain retrace grâce à un jeu de flash-back, les liens des Koweïtiens avec la mer. Le capitaine Al-Najdi lui-même ne cesse depuis l’enfance de répéter : « La mer est mon amie » (13, 35, 49, 131), « la mer, c’est ma maison » (18), « Je suis ton fils, ô mer » (142). Cet intérêt pour le passé maritime s’inscrit dans un effort plus vaste pour faire revivre ces pêches tradition- nelles dans une société qui se modernise et qui s’en éloigne chaque jour davantage, au risque de perdre ses racines. Du fort des fondations au petit port de pêche, Koweït s’est muée en une mégalopole fortement urbanisée :

La ville, ce monstre, a tout dévoré: les maisons, les petits terrains vagues terreux, la plage, les bateaux et le chant des marins [...] Je me suis arrêté devant l’étang de Chamlan et de-là j’ai contemplé la mer. Comme que je l’ai sentie triste ! Je me suis mis à lui parler. Quelle étrangère es-tu, ô mer ! Pareil à toi, je suis devenu un étranger ! En regagnant la maison, j’entendais l’appel de la mer. Ne me quitte pas ! (34)

Sous ses traits rétro du milieu du XXe siècle, la ville-état passerait presque pour une cousine provinciale de l’ultra-citadine Dubaï, effrontée et outrancière, qui s’est si vite métamorphosée en entrant dans le XXIe siècle. De fait, l’émotion d’Al-Najdi d’être à la charnière entre deux mondes est particulièrement scrutée (94-95). Le désir d’Alrefai de préserver le souvenir de ce Koweït qu’il affectionne et qu’il a connu enfant rend l’ensemble sensible, d’autant que l’on retrouve son locus amoenus31 : la maison paternelle à Sharq, un quartier qui appartient au cœur de l’ancienne ville entièrement réhabilitée au cours de successifs plans de développement urbain. La mer fait com- plètement partie de la personnalité et de la formation de l’écrivain qui, enfant, a été imprégné par les histoires et les aventures des marins qui ont passé (et parfois perdu) leur vie en mer à une époque où le Koweït était un petit État qui n’avait de lien avec le monde que grâce au Golfe. Lors de la modernisation de Koweït-City, l’espace bâti et routier a été largement étendu tout autour du vieux centre portuaire mais jusqu’aux

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185 années 1930 et la découverte des champs pétrolifères, c’est vers le Golfe que les habi- tants se tournaient pour leurs activités économiques. Depuis sa création,32 le pays vivait de la pêche perlière33 et plus de 800 bateaux étaient engagés dans ce commerce qui assura sa subsistance jusqu’au début du XXe siècle. Aujourd’hui, les traces de cet imaginaire de l’eau typiquement golfiote sont rares ; elles se retrouvent, par exemple, dans le roman d’un écrivain qatari d’origine koweitienne, Abdulaziz al-Mahmoud. Al Qursan34 (Le Corsaire) met en scène le fameux pirate Rahmam Ibn Jabir al-Jalahimah face à la marine britannique et rappelle que les échanges commerciaux n’étaient pas toujours paisibles au cours du XIXe siècle sur la « côte des Pirates ». L’intrigue d’Al- Najdi le marin, au cadre spatio-temporel disloqué et a-chronologique, est, quant à elle, composée de tendres souvenirs et de terreurs jamais oubliées d’un amoureux de la mer. Si elle évoque les valeurs et les savoirs des hommes qui sont en mer (66-67, 80), elle retrace aussi les moments majeurs de l’histoire du Koweït moderne.35 À la naissance d’Ali Al-Najdi, le pays est encore le centre de construction navale du Golfe:

ses bateaux, boutres, bhum et autres dhaw, sont réputés dans tout l’Océan indien et transportent la plus grande partie des marchandises transitant entre l’Inde, l’Afrique de l’Est et la Mer Rouge. Cependant, vers 1946, l’exploitation du pétrole à peu près contemporaine de la découverte des perles de culture par les Japonais allait complète- ment modifier les pratiques et les ressources économiques de ce pays : « Nakhuda, vendeurs de perles, plongeurs, ravitailleurs, calfats et marins: tous s’étaient détournés de la mer » (91). Pour le marin, « voué à la mer et à ses dangers » (49), devenu un célè- bre capitaine de la marine marchande surnommé « le tigre des mers » (131), l’appel de la mer était resté incessant malgré les bouleversements sociétaux, ce qu’illustrent les moments descriptifs, mélancoliques et quasi-contemplatifs. Le miroitement des eaux, le clapotis des vagues, l’infinie splendeur des éléments hantent encore le vieux marin pensif depuis la passerelle de son yacht : « Mes amis viennent pour la pêche;

moi, je viens pour revivre les plus beaux souvenirs de ma vie » (93). L’étonnant con- traste entre les circonstances de la disparition du grand marin lors d’une partie de pêche à quelques encablures des côtes du Koweït et les péripéties nombreuses de sa vie passée à affronter les mers du monde a décuplé l’empathie de l’écrivain pour son héros. Le célèbre capitaine est officiellement toujours porté disparu en mer, et, pour l’écrivain, cette absence est porteuse de signification: pour l’éternité, Al-Najdi restera uni à la mer qu’il aima tant. À travers cet homme mûr en tête-à-tête avec lui-même, qui s’évade en égrenant ses souvenirs, Alrefai signe donc une ode à la mer, rendant ainsi un délicat hommage à la passion de tout un peuple pour les eaux du Golfe.

Il était temps que cette relation intime et familière qui a tendance à s’effacer des mémoires des générations nées après l’exploitation du pétrole entre en littérature.36

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Réalisme social et innovation littéraire

Nouvelles et romans de Taleb Alrefai traitent de problèmes à l’origine de polémiques et débats sociétaux. Tous se situent dans une veine réaliste. Ce sont toutefois les innovations narratives qui fondent la plus grande originalité de l’œuvre : autofic- tion, métafiction et fiction s’y mêlent en effet. Généralement, Alrefai se met en scène dans son récit et joue un rôle auprès des personnages fictifs, dont il écrit l’histoire.

Ce parti-pris lui permet indirectement de porter un regard discret sur la place et l’influence de l’artiste dans la société. Ainsi n’est-il jamais aussi touchant que dans Ici même, lorsqu’il s’autoportraitise dans une pièce aux allures de tour d’ivoire impren- able, emplie d’un silence monacal : « Seul, ici même, dans le bureau n°33 du premier étage de l’école communale, propriété du Conseil national des arts et des lettres dans le quartier de Moubârakiya près des vieux souks de la ville » (9). Décrivant les affres du travail d’écriture (76-78), il retrace son ascension sociale,37 il dit son insondable solitude, son imperturbable discipline, ses habitudes : regarder sa page Facebook et Twitter, déguster un sandwich préparé par son épouse. L’ancrage territorial38 réclamé dès le titre désigne plusieurs lieux du pays au fil du roman, mais renvoie surtout à ce bureau d’une élégante sobriété (43, 45, 114, 153, 154, 157) :

[…] debout, derrière la fenêtre de mon bureau qui donne sur le quartier Moubârakiya.

La circulation sur la rue Ali Salem est fluide, au loin apparaît la coupole de la mosquée Dawla et, à côté, le nouveau bâtiment élevé de la banque centrale dans sa dernière phase de construction.

Mon bureau est petit, un canapé en coin couleur taupe, des murs blancs apaisants, une table marron, un ordinateur, des livres et des encyclopédies. (44)

Cette description place d’emblée le lecteur au centre du quartier emblématique de Koweït City, le plus ancien, qui concentre la haute administration du pays. L’unique fenêtre est un tableau sur la ville que le romancier observe au quotidien s’animer et se modifier d’un point de vue urbanistique et architectural. C’est ainsi qu’il évoque des lieux disparus, surgissant du passé grâce à ses rêveries; le silence propice à la créa- tion n’est alors interrompu que par une seule voix, celle du chanteur de Mahmoud Al-Koweïti qu’il admire et qui fait advenir des images fantasmatiques d’une immé- moriale Shéhérazade, qui aurait désormais la silhouette de Kawthar :

Peut-être parce que j’aime la chanson samâri qui me rappelle ma mère et ses amies, me ramène à mon adolescence dans la partie orientale de Farij al-Quodayi, puis plus tard de Farij Borsali [...] J’ai imaginé Kawthar vacillant de toute sa hauteur vêtue de l’habit brodé d’or, ployant la branche de son grand corps et dansant avec lenteur le samâri. (114) Cette autobiographie en forme de relecture de soi et de son parcours expose des données essentielles au lectorat francophone qui cerne au miroir la personnalité charismatique, publique et reconnue qu’est dans son pays Taleb Alrefai.39

La large part autofictionnelle à l’œuvre dans Ici même n’est pas une caractéris- tique inédite du romanesque d’Alrefai : L’Ombre du soleil contient également un jeu

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187 narratif complexe. D’abord, le romancier apparaît dans son propre rôle dès le pre- mier chapitre (17, 29), où semblant reconnaître Hilmi et, composant une sorte de clin d’œil intratextuel, il lui offre son premier recueil de nouvelles, Que Dieu t’accorde une longue vie, Abou Ajaj !, alors qu’il travaille déjà à la rédaction d’un premier roman précisément intitulé L’Ombre du soleil (58-59). C’est son protagoniste qui le décrit brièvement (31). Dans le cours de l’intrigue, la pratique suivie de l’autoréférentialité oblige l’écrivain à maintenir son personnage principal dans l’ignorance de son dessein :

Voici la petite feuille sur laquelle il notait ses observations: « Dhil al-Shams » (L’Ombre du soleil). Projet de roman : Hilmi, Saniya, Naâma, l’ingénieur Rajaï, Manal. Le nom de Saniya, de Naâma, et le mien ! Est-ce possible ?

Peut-être est-il policier ? [...] Comment se fait-il qu’il connaisse le nom de ma femme ? Est-il au courant de ma relation avec Naâma ? Qui est l’ingénieur Rajaï ? [...] Et que veut-il dire par l’expression: projet de roman ? (58)

La mise en abyme du roman est reprise tout au long de l’intrigue et repose sur une sorte de demi-suspens, tout entier porté par Hilmi : « Qu’écrivait-il ? » s’interroge-t-il (54). « Que compte faire de moi Taleb Alrefai ? » poursuit-il (153). Ayant lu la nouvelle, ses questions se font plus denses : « Je me suis interrogé : Quel rapport y a-t-il entre la société Abou Ajaj dans laquelle je vais travailler, et les nouvelles de Taleb Alrefai ? Est-ce que Abou Ajaj dans la fiction est le même que celui qui possède cette société dans la réalité  ?  » (74). Après des mois de lassitude et d’avilissement, la présence de l’écrivain lui devient une ombre obsédante et, à chaque fois qu’il rencontre une personne dont le prénom se trouve sur la liste, Hilmi ressent un sentiment funeste :

« “Manal !”, me suis-je dit. La boucle est bouclée. Manal est le dernier personnage dont le nom figurait sur le feuillet manuscrit de Taleb Alrefai. J’eus un léger frisson » (105). Le lecteur est éclairé : Rajaï est l’ingénieur qui dérobera l’équivalent de cinq mois de salaire aux ouvriers dont il a la charge sur le chantier et Manal, la sœur de l’assistante du président de la société Abou Ajaj, est l’étudiante qui, par ses avances répétées et sans équivoque, sera la cause de l’arrestation d’Hilmi. Tout est donc écrit ainsi que le veut la pensée musulmane. En outre, Alrefai intervient plusieurs fois en tant qu’ingénieur en chef du chantier d’Al-Grine pour aider le jeune Égyptien dans ses démarches administratives puis comme un ultime recours, mandaté par les ouvriers, pour obtenir des compensations face à la perte de leurs salaires dérobés (124, 163, 170-71). L’ingénieur intime à Hilmi de rentrer en Égypte, ce que l’ouvrier endetté et plein de honte, ne peut agréer: le personnage semble alors échapper à son créateur qui fait mine de le laisser libre de choisir sa destinée. Sans doute aurait-il pu l’aider et le sauver. Toujours est-il que rester au Koweït condamne le jeune enseignant qui, à partir de son arrestation, n’opposera plus ni résistance ni protestation. Dans le dernier chapitre aux inspirations camusiennes, Hilmi, humilié et condamné, con- vaincu de l’absurdité de son existence, croira encore reconnaître l’ingénieur sous les traits du chauffeur du fourgon qui le conduit à la prison (189).

Le principal intertexte de L’Ombre du soleil est constitué des œuvres de Naguib

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188

Mahfouz (1911-2006), qui, influencé par les Réalistes français, aima peindre des fresques et animer des personnages dont les destins oscillent entre splendeur et misère.

Sont cités La Trilogie du Caire (1956-57), Le Nouveau Caire (1945), et Les voleurs et les chiens (1961) dont les héros (Si Essayed ou Mahjoub Abd-Edayem) étoffent la personnalité d’Hilmi, faisant de lui un lecteur du Prix Nobel (34, 37, 90, 92). Il est fait mention aux œuvres d’un autre romancier égyptien (109), Ihssan Abdelkaddous (1929-1990), ainsi qu’à la revue Al-arabi40 (89). Comment le jeune fonctionnaire pourrait-il sans souffrir et sans se révolter accepter d’incarner cette cruelle sentence sur le déclassement de tout migrant économique : « l’enseignant d’arabe en Égypte devient ouvrier au Koweït »41 (64) ? Une autre référence littéraire appuyée se résume à un vers attribué au poète irakien Saadi Youssef et revient comme un leitmotiv :

« Qu’as-tu fait de toi-même ? » (63, 72, 87, 98, 117, 125, 127...). Le témoignage aux mul- tiples sources littéraires d’Alrefai sur la dureté implacable de la condition d’ouvriers renvoie aussi à l’appel à un regain de conscience politique du Palestinien Ghassan Kanafani42 qui pourrait tout aussi bien se lire comme un cri de rage face au manque d’humanité de nos sociétés, la détresse d’Hilmi faisant écho à celle des trois héros sans voix, protagonistes de la nouvelle Des hommes dans le soleil.

Au premier abord, Al-Najdi le marin paraît moins complexe que les romans précé- dents. Le récit fictif reconstitué à partir de témoignages de la vie du marin qui se compose de huit chapitres dévolus à des allers retours entre le présent et les souve- nirs du Je place le roman entre la biographie et la fiction. Dans ce récit de voyage, le romancier serait-il un double de ce capitaine irrésistiblement appelé par la mer dès son plus jeune âge ? L’on pourrait aisément suivre cette piste de lecture méta- phorique43 et cerner bien des correspondances entre la vie de l’écrivain solitaire et celle du marin qui endure chaque jour vents et marées. La poésie n’est effectivement jamais absente du regard du marin, enfant ou adulte, lorsqu’il scrute les vagues :

« Qu’est-ce que la mer fait donc des grands bateaux pour qu’ils deviennent si petits à l’horizon ? » (11, 51). Et c’est bien souvent le regard d’un enfant de 14 ans embarqué sur un boutre traditionnel en bois pour sa première saison de pêche qui fait découvrir au lecteur l’éprouvant travail des pêcheurs d’antan (42-44). Dans le Golfe persique de la première moitié du XXe siècle, les saisons de la pêche aux huîtres perlières effec- tuées par des plongeurs en apnée duraient en général quatre mois avec des prises de risque et des accidents au quotidien. Six autres mois de l’année étaient ensuite con- sacrés à la vente des perles et les pêcheurs laissaient de nouveau les femmes (mères, épouses, sœurs) gérer leurs biens et veiller à l’éducation des enfants. Du reste, Ali Al-Najdi préférera le transport de matériaux à la pêche, le voyage sur les flots aux longs mois d’astreinte des pêcheurs dans les zones de plongée. La langue très soi- gnée d’Alrefai se pare de lyrisme lorsqu’elle dépeint la foi, la ténacité, le courage et la passion obsessionnelle de la communauté maritime : « Plonger est une habitude et prier est une adoration » (44). Le dialecte koweïtien sonne juste44 et confère au roman son unicité, ajoutant ça-et-là à la prose poétique un cachet de vérité. C’est également le cas des citations du Coran et plus certainement encore celles des chants

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189 de marins et de pêcheurs rythmés par l’oud et les tambourins qui émaillent ce récit à visée patrimoniale :

Lorsque j’écoute les nahhâm45 et le chant de la mer, un élan de vie ranime mon cœur. Je me souviens alors des maisons de boue de notre quartier [...] La grève d’alors comme une épée posée au ras des vagues, se présente à moi. Des centaines de bateaux y sont amarrés.

J’entends à nouveau le vacarme typique des ateliers de construction. Le bruit des scies des menuisiers, les martèlements des menuisiers clouant les planches [...] Ah, le Koweït dans les années trente et quarante, c’était vraiment la mer, les plongées et les voyages ! (31) Les références directes ou indirectes à des faits historiques, aux mœurs locales (vie quotidienne au port et demande en mariage (53-55), par exemple), aux grades et fonctions en usage dans la marine marchande, au matériel de pêche et aux noms des poissons locaux, sont transfigurées par l’énergie de l’imagination. Les notules descriptives dédiées au paysage maritime traduisent l’attention qu’Alrefai a portée à la nature. Tout à fait remarquables dans la notations des nuances de tons et de cou- leurs des vagues, elles sont celles du véritable marin qui sait aussi bien écouter le vent que lire le climat dans ces vagues (66). Aussi, dans les passages qui correspondent au présent du narrateur, le ton se charge-t-il de tentations nostalgiques, de réflexions existentielles, mais aussi de constats avisés sur l’urbanisation massive et sur la dis- parition du vieux Koweït. Sans doute cette « égogéographie »46 est-elle l’empreinte la plus visible de l’auteur dans cette biographie. S’il ne s’y met pas en scène lui-même, Alrefai utilise différentes références littéraires tel Alan Villiers (1903-82) dont il fait un personnage à part entière (68-74). Le nostalgique capitaine relit aujourd’hui sa propre histoire rédigée par l’aventurier australien qui, après avoir effectué plusieurs voyages sur la Mer Rouge, sur les côtes de la Péninsule Arabique, autour de Zanzibar et du Tanganyika à bord de boutres arabes entre 1938 et 1939, avait accompli une traversée auprès de l’équipage d’Al-Najdi : « Alan m’avait accompagné durant six mois. Nous avions commencé notre voyage à Aden à la fin de l’année 1938 et nous l’avions achevé en débarquant à Koweït au milieu de l’année suivante  » (73). La présence de Villiers47 confère une dimension internationale à un récit régional dont l’exergue est une esquisse du port du Koweït en 1939 extraite du récit de voyage Sons of Sindbad48 (Les fils de Sindbad) que le personnage feuillète ensuite avec ferveur. Le roman s’enrichit d’un intertexte foisonnant mais discret. Pointent ici et là des sou- venirs de plusieurs chefs d’œuvre de la littérature voyageuse (d’Homère à Melville et Conrad49 en passant par Hemingway), mais aussi de classiques des Belles-Lettres arabes, des Mille et une Nuits avec les aventures de Sindbad aux œuvres du Syrien Hanna Mina (1924-2018), comme La voile et la tempête (1966). Al-Najdi le marin repose sur une pratique scripturale mobile et panoptique qui, derrière un projet biofictionnel, consacre ses plus belles pages au patrimoine culturel et linguistique koweïtien; il dévoile Alrefai entre engagement et creusement de la mémoire, au faîte de sa maturité littéraire.

Souvent bien documentés, dotés d’une valeur probatoire et inscrits dans une mémoire historique précise, les romans koweïtiens présentés ici font la preuve

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190

qu’attachés au plaisir d’écrire et de transmettre, ils peuvent agir en faveur de la défense de valeurs communes reposant sur la liberté d’expression et l’égalité des droits entre individus de sexes ou d’origines différentes. Les écrivains et écrivaines ont un rôle important à jouer dans le débat politique contemporain. Se heurtant régulièrement à la censure50 et militant pour développer les prises de consciences citoyennes, ils se sont organisés en Association littéraire. Depuis 2012, ils se réunissent dans un cercle littéraire fondé et animé par Alrefai. Régulièrement, artistes et écri- vains échangent, débattent et se fédèrent autour de projets de publication. L’empathie nouée avec les personnages précaires, la concomitante des thèmes de réflexion et des sujets d’indignation, le choix des lieux et des référents culturels renforcent l’idée selon laquelle les productions d’Alrefai peuvent pour une part se constituer en corpus représentatif d’une sensibilité littéraire acerbe et vraie, pleinement engagée.

Notes

1. Un compte-rendu signale cette parution (Jacob 15).

2. Le roman a été traduit en anglais par Russell Harris, The Mariner (Banipal Books, 2020).

3. Paru au Koweït chez dar al-Salasel et en Égypte chez Dar Shorouq, Haby n’est pas encore traduit en français. Le titre fait référence à la personnification divine du Nil, Hâpi, qui, dans l’Égypte ancienne, était représenté sous une forme androgyne.

4. En 2018, le roman a été en lice pour le Prix de la littérature arabe, seule récompense française distin- guant la création littéraire arabe.

5. Soutenu par le directeur de la collection Sindbad aux éditons Actes Sud, Farouk Mardam-Bey, Taleb Alrefai a été l’un des premiers invités du rendez-vous littéraire proposé par l’IMA de Paris, « Une heure avec… » qui consiste en une séance d’entretien avec un auteur suivi d’une lecture d’extraits d’une œuvre. Alrefai a été accueilli par Leïla Kaddour en avril 2018 à l’occasion de la sortie de L’Ombre du soleil. Des extraits du roman ont été lus par la comédienne Farida Rahouadj. Il a participé au Salon « Maghreb-Orient des livres » à l’Hôtel de Ville de Paris en février 2020 pour la promotion d’Al-Najdi le marin.

6. C’est particulièrement vrai pour le français puisque la France est, après la Turquie, le pays qui traduit le plus de l’arabe (littérature contemporaine et publications religieuses), mais cette domination est toute relative puisque l’arabe comme langue source représente moins de 1% des œuvres traduites en français, selon les données fournies en 2012 par l’équipe des Transeuropéennes (www.transeu- ropeennes.eu).

7. Deux entretiens avec l’auteur sont parus récemment dans la presse française. Voir Arlandis,

« L’écrivain koweïtien Taleb Alrefai : “La mer était notre seul lien à la nature” » et « Taleb Alrefai :

“Avec la découverte du pétrole, la mer a cessé d’être source d’inspiration” ». Nous renvoyons aussi à notre entretien dans Bernard et Rabadi, « Taleb Alrefai : “Ma quête, c’est la vérité du présent” ».

8. En 2013, la revue anglaise Banipal spécialiste de la promotion et de la diffusion de la littérature arabe a consacré un numéro spécial au Koweït. Intitulé « Fiction from Kuwait », il a proposé un panorama de la littérature actuelle en 20 auteurs parmi lesquels Butheina al-Issa, Thuraya Al-Baqsami, Youssef Khalifa, Waleed al-Rajeeb, Saud al-Sanoussi et Taleb Alrefai.

9. Créé en 2007 sur le modèle du Man Booker Prize britannique et financé par les Émirats arabes unis, ce Prix vise à encourager la production littéraire en arabe.

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191 10. En 2016, l’œuvre a fait l’objet d’une adaptation en feuilleton réalisée par Muhammad al-Qaffas et

produit par la Sabbah Pictures Company avec dans les rôles principaux Suad Abdullah et Abdul- mohsen Alnemr. Le gouvernement a interdit au tournage d’avoir lieu au Koweït.

11. Saq al-Bambu était traduit en anglais par Jonathan Wright, The Bamboo Stalk (US/Bloomsbury Qatar Foundation, 2015). En 2016, la traduction a reçu le Saif Ghobash Banipal Prize for Arabic-English translation.

12. Le titre est éloquent puisque le bambou est un arbuste persistant, sans racines qui accepte tout type de sol.

13. Aujourd’hui encore, la légitimité de l’appartenance à la communauté nationale ne cesse de se poser au sein de la société koweïtienne : la citoyenneté dépend du degré d’appartenance des ascendants d’un individu à l’Etat qui distingue les citoyens par origine de ceux par naturalisation. Le droit de vote et de concourir aux élections est, par exemple, réservé aux premiers. Les seconds ne l’obtiennent qu’après une période de vingt ans. Sur la Loi sur la Nationalité, voir Beaugrand, « Émergence de la

“nationalité” et institutionnalisation des clivages sociaux au Koweït et au Bahreïn ».

14. Le terme arabe signifie « sans », sous-entendu sans nationalité, et désigne des apatrides, une franche de migrants (et leurs descendants jusqu’à aujourd’hui) originaires des pays arabes voisins les moins avantagés (Jordanie, Palestine, Égypte, Syrie, Yéménites) qui, étrangers aux pratiques administra- tives, «ne se sont pas enregistrés auprès des comités de nationalité créés à l’indépendance, en 1961, et sont devenus des sans-papiers». Alain Gresh relaie leur colère dans « Sans-papiers koweïtiens au Koweït ». Beaugrand analyse en détails la situation de ces Bidoons qui représente 10% de la popula- tion dans sa thèse intitulée Stateless in the Gulf : Migration, Nationality and Society in Kuwait.

15. Claire Beaugrand apporte une précision importante qui explique l’investissement de l’auteur dans la défense des droits civils : « Koweïtien, Taleb Alrefai a été bidun (apatride, sans papier) avant d’être naturalisé-une dimension de sa vie occultée de son œuvre. Ayant eu la chance d’être éduqué avant le décret de 1986 qui déniera à des générations entières de bidun le droit à l’éducation, il est le symbole de l’extrême richesse de la littérature bidun » (« Tribulations d’un Égyptien englouti dans les mirages koweïtiens »).

16. Il n’existe pas de statistiques officielles. Vincent Piolet estime à 83% la part des immigrés dans la population active et à 50% la part des étrangers dans la population d’après des données de 2008.

17. Le prénom signifie dans son origine la description d’une personne patiente, mais peut être lu comme le mot « rêve » avec le suffixe de possession « mon rêve » (Hilmi).

18. L’on suit aussi les mésaventures d’Akram qui se suicide sur le chantier faute de n’avoir pu rembourser à temps l’hypothèque signée sur sa femme et ses enfants à un propriétaire de son village natal (158- 59, 162).

19. « Tout travailleur étranger mais aussi toute entreprise étrangère est ainsi sous tutelle [...] La kafala permet aux citoyens nationaux de jouir des gains d’une entreprise implantée sur son sol [...] ou d’exercer un pouvoir sur les travailleurs immigrés (en confisquant les passeports). Ce système, souvent désigné par un euphémisme, le parrainage (sponsorship) en constituant un passage obligé de la vie économique, fournit un revenu et une sécurité aux citoyens, une véritable rente », explique Vincent Piolet (141-42).

20. Une note du traducteur signale que titre du roman renvoie à la température de 50°C à l’ombre au-delà de laquelle il est impossible de faire couler le béton sur les chantiers (136).

21. Forte de sa renommée, Laïla Al-Othman a créé un prix littéraire en 2004: doté d’environ 1 000 dinars koweïtiens, il porte son nom et est décerné tous les deux ans à un jeune romancier ou poète de son pays. Parmi les lauréats figure Al-Sanoussi récompensé en 2010 pour Saguine Al-Maraya (Le Prison- nier des miroirs).

22. En 1996, l’écrivaine fut conduite en justice par quatre salafistes l’accusant de porter atteinte à la

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religion et à la morale par ses écrits, ainsi qu’elle le narre dans Al-Mohakama (Le Procès) : elle a payé une amende en lieu et place d’une condamnation à deux années d’emprisonnement. Ce roman a été interdit au Koweït.

23. Un seul ouvrage d’Al-Othman est paru en français: Carnets de Femme, traduit de l’arabe (Koweït) par Odette Petit et Wanda Voisin (Publisud/Unesco, 1997).

24. كتلتقل لاجر تنك ول (« si j’étais un homme, je te tuerais »). Une telle phrase est ambiguë : en effet, « si j’étais un homme, je te tuerais » et « si tu étais un homme, je te tuerais » s’écrivent exactement de la même manière en l’absence d’accents qui seuls font la différence. Le contexte permet néanmoins de pencher pour la première formulation.

25. Dans le Coran, il est écrit : « Si vous craignez de n’être pas équitables en matière d’orphelins […] alors épousez ce qui vous plaira d’entre les femmes, par deux, par trois, ou quatre. Mais si vous craignez de n’être pas justes, alors seulement une, ou contentez-vous de votre droite propriété, plus sûr moyen d’échapper à la partialité » (Berque 95).

26. L’écrivaine nous y a accueillis en 2007 dans le quartier de Schweikh et s’est confiée sur son quotidien d’écrivaine polémique qui ressemble fort à celui qu’Al-Othman décrit.

27. Kabart Wa Nasait An Ansa (Arab Scientific Publishers, 2013) a été traduit en anglais en 2015 : I Grew Up and Forgot to Forget.

28. Les tarifs des prestations et les salaires de certaines professions sont déterminés en fonction de la nationalité (178).

29. Alrefai a également trouvé une vidéo de trois minutes, dans laquelle le seul survivant des trois marins, Slaimane, relate le naufrage.

30. La dernière sera entreprise avec deux frères, fidèles complices d’Al-Najdi, Slaimane et Abdelwahhab, qui sont les deux autres personnages principaux du roman.

31. Dans Ici même, l’omission de l’expression « près du quartier de Sharq », un quartier qui existe tou- jours et qui se situe à l’est de Koweït City, ainsi que l’ajout de la mention « dans la partie orientale » ne permettent pas au lecteur de situer précisément le territoire hantant les souvenirs du Je lorsqu’il se remémore la maison familiale (114). En fait, avant sa modernisation, l’arrondissement de Sharq était composé de plusieurs quartiers qui portaient le nom d’anciennes familles éminentes, comme « Farij al-Quodayi ou Farij Borsali », littéralement le pâté de maison Al-Qodayi ou pâté de maison Borsali.

Ces références à l’histoire de la croissance et de la planification de Koweït City, ainsi qu’à la nouvelle dynamique urbaine des décennies 1980 et 2000 requièrent la consultation d’archives nationales ras- semblant les études locales et étrangères comme celle de Philippe Cadène (« Koweït City: planifica- tion urbaine et stratégie régionale »). Très avisé sur l’histoire urbaine de son pays, l’écrivain ayant lui-même participé en tant qu’ingénieur à l’édification d’une urbanité nouvelle, est également une ressource vive irremplaçable.

32. Au XVIIe siècle, lors de sa création, la ville de Koweït était un gros bourg de pêche dont l’importance s’accrut un siècle plus tard avec l’arrivée de compagnies commerciales étrangères (hollandaises, françaises et surtout anglaises) qui contribuèrent à le transformer en principal centre de commerce entre l’Inde et l’Arabie.

33. Cette activité est attestée dès le IIIe millénaire par une inscription assyrienne et a été décrite par les géographes arabes du Moyen-Âge. Sur ce sujet, l’on consultera avec intérêt l’ouvrage de Brigitte Dumortier, Géographie de l’Orient arabe.

34. Paru en 2011, le roman a bénéficié d’une traduction en anglais : The Corsair (Bloomsbury Qatar Foundation Publishing, 2012).

35. Sous Protectorat britannique depuis 1899, le Koweït accède à son indépendance en 1961.

36. Notons que la nostalgie d’Alrefai pour le vieux Koweït est n’enraye nullement son combat pour la

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193 défense des droits des femmes d’aujourd’hui ainsi qu’il l’explique dans Bernard et Rabadi, « Taleb

Alrefai : “Ma quête, c’est la vérité du présent” ».

37. Lors de ses entretiens et de ses conférences publiques, Taleb Alrefai rappelle ses origines modestes (il est le fils d’un iman et d’une femme au foyer) et sa découverte de la littérature grâce à La Mère de Gorki. Son oncle, Ismail Fahd Ismail (1940-2018), célèbre écrivain et critique littéraire, a été une figure-phare dans son parcours, le soutenant et lui prédisant dès l’âge de 12 ans un avenir dans l’écriture.

38. En anglais, le titre Here and Now rend l’ancrage à la fois temporel et spatial.

39. Afin d’enclencher parfaitement le jeu de miroir autobiographique souhaité par l’écrivain et auquel le lectorat francophone aurait adhéré, habitué au phénomène par sa propre tradition littéraire, l’harmonisation de l’orthographe du nom de l’auteur (noté Alrefai sur la couverture selon la pronon- ciation anglaise) qui est transcrit « al-Rifâ’î » (45) aurait été pertinente.

40. Diffusée à grande échelle dans les pays arabes, la revue culturelle Al-Arabi a fait du Koweït un centre actif pour l’édition au cours des années 1970-1990.

41. La version originale est bien plus explicite pour une phrase comme « l’enseignant d’arabe en Égypte devient ouvrier au Koweït » (“تيوكلا يف ةيحص يراجم لماع ريصي رصم يف ةيبرعلا ةغللا سردم”) ou « Qu’as-tu fait de toi-même ? » (“؟ كسفنب تعنص دق يذلا ام”).

42. Rijal fil-Shams, la nouvelle de Ghassan Kanafani (1936-72), a été traduite par Michel Seurat : Des hommes dans le soleil, suivi de L’Horloge et le désert et Oum-Saad, la matrice (Actes Sud, 1977).

43. Initiée par Alrefai, cette piste est suivie par Ichrak Krouna dans son essai La Mer dans la littérature arabe. De l’ancre à l’encre (2019). Les points communs seraient nombreux à lister entre l’auteur et son personnage: initié au métier de l’océan par son père, Al-Najdi a entendu l’appel de la mer (11) vers 5 ans de même que l’écrivain a suivi l’appel de l’écriture encouragé par son oncle…

44. Un glossaire (145-47) permet d’en apprécier les variantes.

45. Le nahhâm est le chanteur enrôlé sur les bateaux de pêche pour la saison avec pour mission d’encourager les travailleurs de la mer.

46. Le terme appartient à Jacques Lévy, cité par Michel Collot, « Pour une géographie littéraire ».

47. Les éditeurs anglais et français ont puisé dans le fonds photographique d’Alan Villiers pour la couverture du roman. L’édition originale comporte elle aussi une photographie à valeur patrimoniale puisqu’il s’agit d’un portrait en noir et blanc d’Al-Najdi.

48. Paru en 1940, l’album a été réédité en 2006 par le Musée national de la Marine de Londres. L’ouvrage L’histoire de la pêche aux perles de Saïf Marzouk al-Chamlan est également cité (Alrefai, Al-Najdi le marin 64).

49. Clin d’œil de marins, Alan Villiers entreprit son tour du monde à bord d’un navire baptisé le Conrad (90).

50. Benjamin Barthe estime que le pays « se distingue désormais par l’ardeur de ses censeurs » dans un article au titre édifiant : « La censure, invitée d’honneur du prochain Salon du livre de Koweït ».

Ouvrages cités

Al-Issa, Butheina. Kabart Wa Nasait An Ansa. Arab Scientific Publishers, 2013.

Al-Mahmoud, Abdul-Aziz. Al Qursan. Bloomsbury Qatar Foundation Publishing,

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194

2012.

---. Le Corsair. Bloomsbury Qatar Foundation Publishing, 2012.

Al-Othman, Laïla. Anfodh Anni Al-Ghobar. Al-Aïn, 2017.

---. Carnets de Femme. Traduit par Odette Petit et Wanda Voisin, Publisud/Unesco, 1997.

---. Samt Al-Farachat. Dār-Al-ādāb, 2007.

Al-Sanoussi, Saud. The Bamboo Stalk. Traduit par Jonathan Wright, US/

Bloomsbury Qatar Foundation, 2015.

---. Saq al-Bambu. Arab Scientific Publishers, 2012.

Alrefai, Taleb. Al-Najdi le marin. Actes Sud, 2020.

---. The Mariner. Traduit par Russell Harris, Bamipal Books, 2020.

---. L’Ombre du soleil. Actes Sud, 2018.

---. Ici même. Actes Sud, 2016.

Arlandis, Fanny. « L’écrivain koweïtien Taleb Alrefai : “La mer était notre seul lien à la nature” ». Télérama, 20 fév. 2020, www.telerama.fr/livre/lecrivain-koweitien- taleb-alrefai-la-mer-etait-notre-seul-lien-a-la-nature,n6605165.php. Consulté le 22 mars 2020.

Barthe, Benjamin. « La censure, invitée d’honneur du prochain Salon du livre de Koweït ». Le Monde, 1er oct. 2018, www.lemonde.fr/proche-orient/

article/2018/10/01/la-censure-invitee-d-honneur-du-prochain-salon-du-livre-de- koweit_5362505_3218.html. Consulté le 10 déc. 2018.

Beaugrand, Claire. « Émergence de la “nationalité” et institutionnalisation des clivages sociaux au Koweït et au Bahreïn ». Arabian Humanities, vol. 14, 2017, pp.

89-107, journals.openedition.org/cy/1466. Consulté le 4 juin 2020.

---. Stateless in the Gulf : Migration, Nationality, and Society in Kuwait. I.B. Tauris, 2017.

---. « Tribulations d’un Égyptien englouti dans les mirages koweïtiens ». Orient XXI, oct. 2018, orientxxi.info/lu-vu-entendu/tribulations-d-un-egyptien-englouti- dans-les-mirages-koweitiens,2680. Consulté le 4 juin 2020.

Bernard, Isabelle, et Waël Rabadi. « Taleb Alrefai : “Ma quête, c’est la vérité du présent” ». Post-Scriptum, vol. 22, 2017, www.post-scriptum.org/parutions/

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Berque, Jacques. Le Coran. Essai de traduction. Albin Michel, 1995.

Blanckeman, Bruno. « De l’écrivain engagé à l’écrivain impliqué : figures de la responsabilité littéraire au tournant du XXIe siècle ». Des écritures engagées aux écritures impliquées, dirigé par Catherine Brun et Alain Schaffner, Éditions uni- versitaires de Dijon, 2015, pp. 165-80.

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