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L'intégration des Supply Chains au regard des théories inter organisationnelles

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L'intégration des Supply Chains au regard des théories inter organisationnelles

Auteur : Kenza IDRISSI Idrissi.kenza@uit.ac.ma

Laboratoire de recherche : Centre de Recherche en Management des organisations

Université Ibn Tofail – Kénitra (Maroc) Faculté d’Economie et de Gestion

Résumé

L’objet de cet article sera consacré à l’examen de la question de l’intégration des SCM au regard de principales théories inter-organisationnelles, à savoir les théories néo- institutionnelles, la théorie de l’échange social ainsi que son corollaire, la théorie de l’encastrement social et la théorie des jeux.

Ce tour d’horizon théorique que nous allons effectuer mettra en lumière les apports des auteurs les plus importants en matière de relations inter-organisationnelles en général et au sein des SCM en particulier a été pour nous d’un grand support pour cette première entrée au sujet du cadre théorique relatif aux comportements des acteurs au sein du SCM.

Mots clé : Supply chain management, Relations inter-organisationnelles, Théorie néo- institutionnelle, théorie de l’échange sociale, théorie des jeux

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390 Introduction

Cet article est consacré à la mise en lumière, au travers d’une revue de littérature, des champs théoriques sur l’intégration relationnelle des supply chains dans le contexte de mise en place d’une plateforme logistique digitale et collaborative. Pour ce faire, nous examinerons en premier lieu la question de l’intégration des supply chains au regard de la théorie néo institutionnelle.

Ensuite, nous allons mobiliser la théorie de l’échange social afin d’expliquer le phénomène de l’intégration relationnelle des Supply Chains, dans un approche dominée par la présence quasi-exclusive du courant néo institutionnel dans la lignée des travaux sur la théorie de l’échange social, qui expliqent certaines formes de collaboration inter organisationnelles.

Nous avons estimé important de présenter la notion de l’encastrement qui est étroitement liée à la théorie de l’échange social.

Le recours à ces théories nous permettra d’expliciter les liens entre les principales variables susceptibles de stabiliser et pérenniser les relations collaboratives entre les différentes parties prenantes.

Puis nous mettrons en lumière la théorie des jeux pour expliquer les performances globales de la solution digitale proposée due à la décentralisation de toutes les données des utilisateurs et qui impactent leurs décisions.

Nous montrons en outre que cette visibilité de l’information peut être compensée en adaptant les modalités et les paramètres des interactions liant les différents partenaires.

Notons que la théorie des jeux est une discipline scientifique basée sur un ensemble d’outils analytiques permettant la compréhension de certains phénomènes observés quand plusieurs centres de décision interagissent, particulièrement lorsqu’ils ont des intérêts hétérogènes.

Ces supports sont efficaces pour analyser les situations dans lesquelles la décision d’un acteur peut influencer la fonction d’utilité des autres acteurs du jeu.

La théorie des jeux propose deux hypothèses :

a) La rationalité des acteurs, c’est-à-dire que les décisions prises doivent avoir pour but de à maximiser leur propre satisfaction ;

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b) Les acteurs doivent prendre en compte la nature de l’information dont ils disposent sur les stratégies des autres acteurs.

1. L’Approche néo-institutionnelle

Depuis les travaux des pionniers que sont Meyer et Rowan (1977) et, dans leur sillage, Di Maggio et Powell (1983) les théories dites néo-institutionnelles ne cessent de cristalliser l’attention des chercheurs notamment en sciences de gestion qui ont vu en ces théories un cadre d’analyse nouveau permettant la compréhension d’un certain nombre de problématiques issues des nouvelles configurations des échanges économiques à l’heure de la mondialisation.

Ces théories permettent en effet d’étudier des systèmes organisationnels complexes comme celui de la SCM qui fait l’objet de notre préoccupation dans le cadre de ce travail où les questions de collaboration, de signification, de domination, de légitimation, entre autres notions aux imbrications diverses, sont encastrées dans des contextes sociaux et institutionnels plus larges.

L’intérêt de ce l’approche néo-institutionnelle réside globalement dans le fait qu’elle permet d’offrir un cadre conceptuel susceptible de donner à voir et à comprendre un certain nombre de considérations organisationnelles que les anciens courants de pensée tels que le positivisme traditionnel s’appuyant notamment sur les travaux de Watts & Zimmermann (1978) étaient incapable d’éclaircir.

Ainsi, ce nouvel courant de pensée s’est imposé progressivement au gré des travaux de chercheurs notamment en sciences de gestion qui ont consacré à la notion d’institution une attention toute particulière, tout en essayant d’y déceler différents aspects relatifs aux considérations organisationnelles, mais également celles qui incombent aux pratiques des acteurs ainsi que des relations qui unissent, de différentes manières, les organisations entre elles.

En effet, nombreux sont les chercheurs en sciences de gestion qui se sont penchés sur ce qu’il est communément admis d’appeler, les théories néo-institutionnelles. Il s’agit tout d’abord des précurseurs que sont Di Maggio et Powell (1983) ainsi que Meyer et Rowan

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(1977) qui ont consacré d’importants travaux à ces théories en démontrant le rôle crucial qu’elles sont appelées à jouer au sein des sciences de gestion.

La raison d’être de ces théories nouvellement ébauchées dans le cadre des travaux académiques portant sur les faits de gestion consiste à appréhender les outils de gestion en tant que processus global de légitimation, de prépondérance ainsi que de signification. Ces trois dimensions donnent de l’organisation l’image d’un corps social à part entière.

Ainsi, comme DiMaggio et Powell (1991) le précisent quelques années plus tard, la raison d’être de la TNI s’est enrichie d’autres paramètres qui, en plus de l’efficience, ordonnancent les différents comportements organisationnels, tout en les légitimant.

Tous les chercheurs s’accordent pour penser que ce sont les aléas économiques, les turbulences des marchés ainsi que l’asséchement des ressources qui ont amené les entreprises à revoir leurs principes et modalités de fonctionnement de telle manière à se mettre sur les rails de la performance et ce en adoptant notamment tous les outils adéquats tels que la recherche de l’efficience et de la qualité.

1.1. Qu’est-ce que le courant néo-institutionnel ?

S’inscrivant dans leur continuité, mais ambitionnant, toutefois, de palier à leurs insuffisances, la théorie dite néo-institutionnelle constitue la toute dernière théorie qui a été mobilisée pour expliquer les raisons de l’adoption d’un certain nombre de pratiques vitales et salvatrices des organisations aussi bien privées que publiques.

Ainsi, de nombreux chercheurs sont parvenus à démontrer que la théorie néo- institutionnelle offre l’avantage de mettre en exergue les mécanismes de conformisme en vigueur dans la grande majorité des organisations. Ces mécanismes, nous expliquent les chercheurs, loin d’être motivés par des exigences d’ordre interne, ne sont plutôt au service d’un objectif de légitimité recherchée vis-à-vis des parties prenantes.

C’est justement en ce sens que de nombreux travaux portant sur la contingence, comme ceux de Lawrence et Lorsch (1967) sont devenus obsolètes au regard de l’approche développée par DiMaggio et Powell qui a contribué à la modification de la conception traditionnelle relative à ce sujet.

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1.1.1. La légitimité organisationnelle

De nombreux chercheurs se rejoignent pour considérer la légitimité comme étant le concept fondamental par excellence du courant néo-institutionnel, notamment en ce sens où il fonctionne comme paramètre accentuant les complexités et les incertitudes qui pèsent de plus en plus sur les organisations.

Selon Suchman (1995), la légitimité correspond à une « perception généralisée ou une supposition selon laquelle les actions d’une entité sont désirables, adaptées ou appropriées à l’intérieur d’un système construit socialement de normes, de valeurs, de croyances et de définitions ».

Prise dans ce sens, la légitimité ne peut qu’accroître pour les organisations, les difficultés liées à cette question de la légitimité, qui était auparavant appréhendée au niveau individuel. Ces dernières se doivent désormais d’accorder une attention toute particulière au processus de légitimation.

Meyer et Rowan (1977) abondent dans ce même sens et vont même jusqu’à affirmer que la légitimité est si importante qu’elle menace la survie des organisations, dans la mesure où l’adéquation au référentiel de normes et de croyances en vigueur est capitale pour le maintien de la légitimité. Et ces chercheurs de préciser que la légitimité est d’autant plus importante qu’elle favorise la pérennité organisationnelle notamment par le biais du rapprochement qu’elle permet entre les collaborateurs et l’organisation.

En effet, faciliter l’accès des collaborateurs aux différentes ressources de l’organisation est l’un des moyens les plus efficaces pour optimiser la compréhension des arcanes de l’organisation par les différents employés qui y évoluent ; ce qui ne peut que consolider la légitimité.

Il s’en suit que plus une organisation est respectueuse des attentes, des normes et des croyances, plus elle est perçue comme conforme, mais aussi et surtout dignes de confiance.

Or, un tel jugement est, à n’en point douter, l’un des facteurs principaux qui renforcent la pérennité et la crédibilité, comme de nombreux chercheurs l’ont prouvé, tels que Jepperson (1991).

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S’inscrivant dans le même ordre d’idée, Pfeffer et Salancik (1978), diront que la légitimité organisationnelle fonctionne comme le fruit de l’interprétation et de la compréhension des activités opérationnelles de l’organisation.

Suchman, quant à lui, introduit une distinction entre ce qu’il appelle un soutien actif, se déclinant souvent sous la forme d’un apport en ressources et nécessitant ainsi une légitimité reconnue, et un soutien passif, qui se décline sous la forme d’une simple acceptation des activités de l’organisation, ne générant qu’un degré faible de légitimation.

1.1.2. La question de la rationalité institutionnelle

En affirmant que les dispositifs de contrôle sont susceptibles de devenir des outils cérémoniels, et ce eu égard à leur capacité à connecter la dimension technique et les systèmes de croyance imposés par l’environnement institutionnel, Scott, (2003) aura rejoint Meyer et Rowan (1977) qui affirmaient globalement la même chose, trois décennies environ auparavant.

Ainsi, la quête de rationalité serait dans ce sens, sans fondement car elle est forcément inaccomplie. D’où l’intérêt pour les parties prenantes de centrer leurs efforts sur la conformité aux normes et aux valeurs prescrites par les institutions ; ce qui finira par donner l’illusion de rationalité.

Dans un travail précédent, Scott (2001) s’est également inspiré des travaux de Nelson et Winter (1982) ainsi que de Winter (1990) pour évoquer ce qu’il appela le rôle stabilisateur des routines organisationnelles qui, selon lui, se présentent sous la forme de « modèles d’activité répétitifs», appelant à la tentation du contrôle.

Se penchant sur ce même sujet, Ribeiro et Scapens (2006) estiment pour leur part que les nouveaux changements induits par la TNI, ont surtout eu pour effet d’exhorter les entreprises à mettre en place des pratiques managériales inédites, et ce dans le but de s’inscrire dans le cadre des recommandations des cabinets de consulting qui ont surtout pu convaincre les équipes dirigeantes de ces entreprises, pour lesquels il semble important de ne pas être en reste d’une pratique à la mode en quelque sortes.

Et ces auteurs de préciser que ces entreprises ont été amenés à remodeler la configuration de leurs systèmes de contrôle non pas dans la perspective d’une recherche

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d’efficience mais plutôt pour être dans l’air du temps et répondre ainsi à des pressions sociales.

C’est cette idée selon laquelle les entreprises tendent plutôt dans l’air du temps qui, probablement, fera dire à Covaleski et Dirsmith (1991) que l’empressement des entreprises à adopter de nouvelles modalités de contrôle serait lié à un phénomène de mode observé dans le champ organisationnel, qui n’est pas forcément lié à une recherche de l’efficience.

Ainsi, des chercheurs comme Brignall, Modell (2000) ; Modell (2003); Siti-Nabiha et Scapens (2005) ou encore Chang (2006) affirment, de la même manière que cette contrainte est de nature à interroger la mise en œuvre des systèmes d’évaluation de l’efficience et de la performance, et ce partant du principe que ces questions dépendent fondamentalement de la manière dont les entreprises concilient entre les différents conflits d’intérêt.

Ces auteurs précisent qu’afin de départir des pressions institutionnelles contradictoires qui en alourdissent l’action, les entreprises découplent les systèmes de contrôle utilisés à différents niveaux de l’organisation.

1.1.3. La Théorie Néo Institutionnelle : une approche processuelle du changement

Parler d’environnement organisationnel permet d’aborder la question du rapport entre la TNI souligne et la question de l'environnement institutionnel (normatif, cognitif et coercitif) en vigueur au sein des entreprises.

A ce sujet, ce sont les travaux de Meyer & Rowan (1977) ainsi que ceux de DiMaggio

& Powell (1983) qui ont permis de faire une rupture avec l'approche structuro-fonctionnaliste qui prévalait auparavant, et ce en tentant d'expliquer notamment par le contexte social, la disposition des entreprises à adopter des structures formelles similaires.

Ces auteurs ont expliqué que cette pression de l'environnement institutionnel implique de la part des entreprises « une rationalité cognitive (qui consiste à) fournir des éléments qui permettent de rendre les actions passées compréhensibles et acceptables pour les autres et qui rendent l’organisation comptable de ses actions passées » (Scott W.R. & Meyer J.W., 1991, p.

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Une telle position est de nature à mettre en exergue l’importance de la question du champ institutionnel dans le cadre de la TNI. En effet, une entreprise n'est pas uniquement à

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appréhender en tant qu’organisme opérant uniquement dans un environnement économique.

L’environnement social au sein duquel cette entreprise opère est également à prendre en considération car il représente un faisceau d'acteurs divers qui s’activent au sein du même contexte institutionnel.

Nous en voulons pour preuve la définition proposée DiMaggio au sujet du champ institutionnel qui, pour cet auteur, correspond à « lieu d'interactions intenses entre certaines organisations, qui les conduisent à définir entre elles des règles et relations stables, par un échange d'information et une reconnaissance mutuelle » (DiMaggio P.J. & Powell W.W., 1983, p. 148).

1.1.4. Le concept d’entrepreneur institutionnel

C’est, en effet, DiMaggio (1988) qui, en s’inscrivant dans l’approche néo- institutionnelle, a été le premier à évoquer le concept « d’entrepreneur institutionnel », un concept qui suggère l’idée selon laquelle que les pratiques organisationnelles pouvaient parfois être le fruit d’actions individuelles, à savoir celles des entrepreneurs institutionnels.

Réfléchissant sur cette même notion, Huault (2008), affirmera que le concept d’entrepreneur institutionnel constitue une occasion de mettre l’élément humain au cœur de l’approche néo-institutionnelle.

Mais ce qui est à retenir est que plusieurs auteurs sont unanimes pour considérer que le courant noéo-institutionnel a permis de consolider un certain nombre d’idées maîtresses que nous pouvons synthétiser comme suit :

 Quelle qu’en soient leurs tailles ou leurs natures, les organisations ne sont pas uniquement dans l’obligation de tenir compte des aléas économiques ou techniques les concernant, mais elles doivent aussi tenir compte des phénomènes sociaux, cognitifs, politiques, etc. qui orientent, d’une manière ou d’une autre, leurs choix stratégiques ;

 Les organisations s’inscrivent au sein d’entités sociales circonscrites qui leur servent de cadres institutionnels dans lesquels des pratiques et des normes se déploient ;

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 Partant de là, les organisations arriment leur vécu organisationnel et leurs pratiques à leurs structures formelles légitimes.

A ce propos, Scott W.R. (2001) estime que les organisations sont à apprehender « comme des structures et des usages qui donnent du sens et de la stabilité au comportement social des agents ».

Boitier et Rivière (p.5) partage ce même avis en estimant que la vie des organisations se doit désormais d’être étudiée en tant que résultante d’un processus dynamique complexe.

Autrement dit, « en intégrant au modèle institutionnel une dimension processuelle, cela conduit en outre à passer d'une vision dans laquelle prédomine le déterminisme institutionnel à une représentation inscrivant le monde des institutions et celui de l'action dans une influence réciproque et récursive ».

Il est clair que la position de Boitier et Rivière s’inscrit pleinement dans le droit chemin de la pensée de Hamilton (1932, p.84) qui, se focalisant sur la question de la signification, estime que « l'institution est ainsi définie comme une façon de penser ou d'agir qui a une prévalence et une permanence, qui s'inscrit dans les habitudes d'un groupe ou de personnes »

1.1.5. TNI par une approche processuelle du changement

La communauté des chercheurs est unanime pour considérer que le principal apport des théories néo-institutionnelles consiste à dire que c’est l’environnement institutionnel (normatif, cognitif et coercitif) qui détermine la nature des structures organisationnelles formelles adoptées par les entreprises.

En tant que pionniers de ce courant de pensée, Meyer et Rowan (1977) ainsi que DiMaggio et Powell (1983) ont, en effet, initié une approche nouvelle se démarquant du structuro-fonctionnalisme qui prévalait jusqu’alors en postulant que les organisations optent pour des structures formelles eu égard aux contextes notamment sociaux au sein desquels ils évoluent.

Cela étant, la théorie néo-institutionnelle a, à ses débuts, fait l’objet de quelques critiques qui, comme des auteurs tels que Barley & Tolbert, 1997 ; Dacin & al. (2002) l’ont souligné ont porté notamment sur le caractère jugé statique de son approche ; ce qui était

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donné pour susceptible de ne pas permettre la compréhension optimale des entreprises de nos jours dont la caractéristique principale est le changement continuel.

C’est probablement pour cette raison que la perspective processuelle évoquée par Burns et Scapens (2000) ; Greenwood et al. 2002) soulignant la nécessité de prendre en compte l’évolution constante des organisations, a eu un écho favorable auprès des chercheurs.

En effet, Greenwood et al. (2002) s’inscrivent dans le cadre de cette approche dite « structurationniste » qui se distingue par le fait qu’elle permet de rendre compte des réalités sociales qui sont en constante évolution au sein des organisations.

Ainsi, Scott W.R. & Meyer J.W. (1991) ont démontré que l’environnement institutionnel au sein duquel l’organisation évolue, amène cette dernière à faire preuve d’une

« une rationalité cognitive (qui consiste à) fournir des éléments qui permettent de rendre les actions passées, compréhensibles et acceptables pour les autres et qui rendent l’organisation comptable de ses actions passées».

L’importance de cette même question a déjà été soulignée par Di Maggio & Powell, (1983, p.148) qui ont noté que toutes les entreprises sont ancrées dans un environnement économique, et ce parallèlement à un environnement social composé d'acteurs divers évoluant dans un même contexte institutionnel et qui leur tient de champ institutionnel, c’est-à-dire de :

« lieu d'interactions intenses entre certaines organisations, qui les conduisent à définir entre elles des règles et relations stables, par un échange d'information et une reconnaissance mutuelle »

A ce propos, l’apport de Scott (2001) mérite d’être souligné en ce sens où il permet de conclure au fait que le champ institutionnel représente un niveau médian entre l'organisation et la société. C’est ce qui fait dire à cet auteur que la construction sociale des attentes et des pratiques ainsi que leur élaboration et leur déploiement au sein du champ institutionnel constitue une question fort intéressante à étudier, car n’en observant les interactions des acteurs, les logiques qui président au fonctionnement du champ institutionnel s’avèrent pas uniquement de l’ordre de l’économique, mais également du social.

Scott (2001) résume cette idée en soulignant que « Les institutions sont définies comme des structures et des usages qui donnent du sens et de la stabilité au comportement social des agents ».

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A ce propos, Boitier et Rivières (p.5) soulignent que « la relation entre institutions et organisation mérite d'être étudiée désormais non plus dans une perspective statique en observant les structures à un moment donné, mais dans une perspective dynamique. En intégrant au modèle institutionnel une dimension processuelle, cela conduit en outre à passer d'une vision dans laquelle prédomine le déterminisme institutionnel à une représentation inscrivant le monde des institutions et celui de l'action dans une influence réciproque et récursive ».

2. La théorie de l’échange social

Si l’une des idées-maîtresses de la pensée néo-institutionnelle dans son volet économique consiste à procéder de la prémisse que la rationalité économique est l’unique élément qui oriente et justifie le comportement des individus, force est de constater que cette approche pragmatique qui écarte l’impact de la dimension sociale n’est plus de mise, de nos jours.

En effet, les fameuses notions du « marché » et de la « hiérarchie » qui étaient tenues pour les uniques ressorts des transactions inter-organisationnelles ont été détrônées par un autre courant de pensée dont les auteurs soutiennent que les relations inter-organisationnelles quelle qu’en soit la nature ne peuvent en aucune manière occulter les dimensions sociales qui sous-tendent ses relations à bien des égards.

Ainsi, nombreux sont les auteurs comme Granovetter (1985) ou Gulati, 1995) s’attèleront à l’analyse et à la conceptualisation des manières avec lesquelles les dimensions sociales interviennent dans la mise en place et la régulation des échanges entre les partenaires.

Ce qui favorise ainsi l’émergence de la théorie de l’échange social ou de son corollaire, la notion d’encastrement social qui, toutes les deux, ambitionnent de mettre en exergue le fait que l’environnement social ne saurait être escamoté lors de toute transaction et que les individus impliqués dans une transaction s’appuient, de différentes manières, sur différents aspects sociaux pour réguler leurs échanges.

Les nombreux travaux consacrés à cette question font ressortir l’important constat qui consiste à dire que c’est particulièrement au sein de l’économie industrielle que les dimensions sociales relatives aux échanges ont été relevées pour la première fois, favorisant ainsi l’émergence de la théorie de l’échange social.

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Cette théorie dont le principal mérite est de mettre en exergue l’incapacité de l’approche strictement économique à rendre compte et à analyser les relations d’échange dans leur globalité, a permis le développement d’un cadre d’analyse plus étendue destiné à observer les différentes manifestations et implications de l’échange, notamment sociales, d’où sa désignation « théorie de l’échange social ».

La première ébauche de cette théorie remonte à l’étude réalisée par Thibault et Kelley (1959), et ce même si théorisation la plus sérieuse revient plutôt à Homans (1974) qui a explicité le fait que toute interaction commerciale entre des individus se décline forcément en deux volets : l’un matériel et l’autre immatériel.

Ainsi, c’est à la faveur du travail de Homans (1974) que les notions d’échange social et échange de service ont commencé à émerger en tant que dimensions revêtant un intérêt crucial au sein des transactions que l’on se doit désormais d’appréhender dans une globalité alliant l’immatériel au matériel. C’est pour cette raison qu’un important courant de pensée en matière de relations inter-organisationnelles s’est développé autour des multiples imbrications entre le niveau économique et le niveau social de l’échange.

Et pour pouvoir opérationnaliser l’analyse des interactions entre ces deux niveaux dans le cadre de la théorie de l’échange social, un certain nombre de concepts ont été convoqués par les chercheurs afin de mettre en exergue cette question de l’échange social. Il s’agit principalement de la notion de confiance (à laquelle nous consacrerons d’importants développements lors du deuxième chapitre de la présente thèse) que l’on retrouve dans la plupart des études ayant comme cadre théorique la question de l’échange social.

Aussi, la confiance a-t-elle été perçue comme étant l’un des concepts incontournables de l’échange social en tant que dimension importante des relations inter-organisationnelles et facteur-clé expliquant la propension d’une entreprise donnée à nouer des relations privilégiées avec ses partenaires et à mettre en place des dispositifs d’intégration avec ces derniers.

Par conséquent, la tendance qui a prévalu jusqu’au début des années 1980 en matière de recherche sur les relations inter-organisationnelle et qui consistait à axer les travaux sur les aspects strictement économiques, sera contrebalancée avec des travaux inédits dont le principal apport est de souligner les limites des seules dimensions économiques à rendre compte des multiples enchevêtrements sociaux qui rentrent en ligne. De compte dès lors qu’il

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s’agit de transactions inter-organisationnels au sein desquelles les individus jouent des rôles cruciaux (Das et Teng, 1998, 2001).

C’est justement dans cet esprit que les travaux de Morgan et Hunt (1994) et de Ganesan (1994) ont servi de fondement conceptuel pour l’approche relationnelle en vertu de laquelle les interactions organisationnelles ne sauraient être analysées sans la prise en compte de la dimension sociale et de ses variables.

Cette dimension sociale s’est avérée, à la suite des différents travaux qui s’y sont penchés, comme étant le tremplin le plus important pour un déploiement consolidé des relations entre partenaires, notamment en ce qui concerne le SCM, eu égard au fait que ce sont les variables de la dimension sociale qui contribuent efficacement à l’affermissement des liens entre partenaires.

A ce sujet, Ganesan (1994), souligne que l’échange social, notamment par le biais de ses variables participe à la consolidation des relations à long terme entre les partenaires de la Supply Chain, et ce en diminuant les risques potentiels des comportements nuisibles à la stabilité des relations entre partenaires tels que les comportements opportunistes ou les conflits.

Ce même résultat a été corroboré par de très nombreuses études telles que celles de Billington (1992) ; Kumar, (1996) ; Spekman et al. (1998) ; Bachmann, (2001) ; Handfiel et Bechtel (2002) ; Chen et Paulraj (2003) ; Gunsekaran et Ngai (2003) ; Baratt, (2004) ; Lee et Yeung et al. (2004) ; Chen et Paulaj, (2004) ; Kwon et Suh, (2005) ou encore de Baofeng (2007) entre autres travaux qui ont confirmé que la dimension sociale joue un rôle de premier plan en matière de régulation des relations entre partenaires au sein de la SCM, et ce à travers une série d’indicateurs et da variables facilitant la mesure des formes d’intégration mises en œuvre via la mobilisation des aspects de la dimension sociale.

2.1. La notion de l’encastrement social

Si la communauté des chercheurs reconnait la parenté de la notion d’encastrement (embeddedness) à Karl Polanyi, c’est Granovetter (1985) qui, dans le cadre de sa Nouvelle sociologie économique, a été à l’origine du renouvellement et de l’essor de cette notion qui se fonde essentiellement sur une idée selon laquelle l’économie demeure tributaire de la société, tout comme l’économique est encastré dans le social, d’où l’expression d’encastrement social.

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L’ambition de cette notion est d’éclaircir les multiples enchevêtrements qui lient les faits économiques aux faits sociaux. Ainsi, les auteurs qui s’y sont appuyés sont parti du principe que les relations personnelles ne peuvent pas ne pas interférer au niveau des relations marchandes, car il est évident que les interactions d’ordre personnel interviennent, de différentes manières, au niveau des échanges marchands et que ces échanges marchands ne sauraient en aucune manière être scindés des relations sociales dans leur globalité.

Aussi, le cliché relatif au marché en tant que « sphère autorégulée » apparaît plus que jamais une niaiserie car « l’encastrement structurel » dont parle Granovetter (1985) correspond à la contextualisation des relations marchandes via des relations interpersonnelles.

Il est évident qu’eu égard aux développements auxquels nous avons procédé au sujet de la SCM et plus particulièrement ce qui concerne l’intégration relationnelle et les dimensions qu’elle implique en terme de communication, de coopération, de confiance, etc., la notion d’encastrement social s’avère porteuse d’importantes pistes pour la compréhension des arcanes de l’intégration relationnelle au sein des SCM qui fait l’objet de notre analyse dans le cadre du présent exercice doctoral.

3. La théorie des jeux

La question du supply chain management implique de nombreux travaux de recherche, visant une analyse empirique des situations concrètes et leurs potentiels problématiques, afin proposer des actions de consolidation et d’amélioration efficaces et performantes, grâce à des formulations et à des procédés et méthodes conformes et adaptés.

Au niveau mondial, de nombreux projets et programmes de recherche ont été entamés, à l’instar de l’action européenne « CO-DESNET » (Collaborative Demand and Supply Networks), dans le but de mieux asservir les différents aléas de la gestion informationnelle et logistique des réseaux d’entreprises.

Les évolutions mondiales vers une plus grande spécialisation géographique et industrielle des activités économiques et vers une meilleure intégration informationnelle au sein de chaque filière, concourent à l’émergence de nouveaux paradigmes organisationnels, comme les réseaux de décisions distribuées, et de nouveaux modes de coordination, par la négociation stratégique et opérationnelle, et les contrats interentreprises

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La communauté des chercheurs est quasi-unanime pour estimer que la gestion efficace et proactive des relations de partenariat qui unissent les différents acteurs au sein de la chaîne logistique, passe essentiellement par l’échange d’information qui se trouve être l’un des vecteurs les plus importants du processus de décision qui concerne, d’une part, chaque partenaire de manière individuelle, et, de l’autre, l’ensemble des partenaires, de manière collective.

C’est dans cet ordre d’idées que Bonet-Fernandez (2006) estiment que ce sont les jeux des acteurs au sein d’une chaine logistique qui fondent les relations de pouvoir entre ces derniers. Ces relations se déclinent de différentes manières : récompense, sanction, etc. Ces éléments sont efficaces pour analyser les situations dans lesquelles la décision d’un acteur peut influencer la fonction d’utilité des autres acteurs du jeu.

La théorie des jeux propose donc deux hypothèses :

(a) La rationalité des acteurs, c’est-à-dire que les décisions prises doivent avoir pour but de à maximiser leur propre satisfaction ;

b) Les acteurs doivent prendre en compte la nature de l’information dont ils disposent sur les stratégies des autres acteurs

Mais ce qui nous semble important à signaler relativement à cette question du pouvoir, c’est son lien direct avec la question de l’information. En effet, de nombreux auteurs tels que Stern et al. (1996), Lambert et Cooper (2000), Hingley (2005) ont souligné le fait que le degré de pouvoir d’un partenaire donné se mesure à l’aune de son degré de proximité avec le client final qui est le distributeur, car cette proximité lui assure un accès privilégié à l’information.

Mais comme nous avons tenté de l’expliquer plus haut à travers un panorama succinct (et certainement un peu cavalier pour des considérations liées à la nature du présent papier), l’échange d’information n’a de valeur que dès lors où contribue à la performance de la chaîne dans sa globalité (Chen, 2003), d’abaisser les coûts de la chaîne (Swaminathan et al., 1997), ou encore de diminuer l’effet « coup de fouet » (Lee et al., 1997) ; (Cachon et Fisher, 2000).

La théorie des jeux n’est parvenue à occuper les devants de la scène que très tardivement par rapport à ces premiers balbutiements qui remontent aux années 1830 grâce aux travaux de Cournot (1838) et de Bertrand (1883).

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Cela dit, la communauté scientifique doit les développements modernes de la théorie des jeux, principalement Von Neumann et Morgenstern (1944) qui ont jeté les bases d’une théorie devenue célèbre notamment en raison de sa capacité à expliquer les tenants et les aboutissants de ce que l’on appelle l’optimisation interactive au sein d’un groupe dont les partenaires interagissent en prenant des décisions réciproques les unes aux autres.

Ainsi, pour modéliser la coordination entre les partenaires au sein de la chaine logistique notamment via le partage de l’information, de nombreux auteurs se sont appuyé sur la théorie des jeux.

En effet, Cachon et Larivière (2001), Chen, (2003), Corbett et al. (2004), entre autres auteurs, ont tiré profit de la théorie des jeux pour analyser les effets bénéfiques des jeux de coordination entre partenaires de la chaine logistique sur la performance de cette dernière.

Ainsi, ces différents auteurs se sont penchés, chacun à sa manière, sur l’étude des modalités qui caractérisent les différentes interactions décisionnelles au sein de la chaîne, en prenant en compte notamment le fait que chaque partenaire poursuit naturellement des objectifs de performance individuelle qui pourrait être susceptible de gêner la performance de l’ensemble de la chaîne.

La théorie des jeux s’avère donc d’une utilité notoire pour l’analyse des interactions décisionnelles relatives aux différents partenaires, et ce particulièrement dans la mesure où elle permet de donner à prévoir et à comprendre les comportements rationnels des acteurs engagés dans divers contextes de partage de l’information.

L’étude des relations inter-organisationnelles appartenant à une même supply chain a considérablement évolué durant ces vingt dernières années, impliquant les entreprises à une nécessité de renforcer la nature des relations avec leurs partenaires stratégiques, ce qui a poussé de nombreux auteurs à évoquer la notion « d’entreprise Etendue» pour caractériser la notion de la Supply Chain. Par ailleurs, ces firmes conservent leur indépendance malgré leurs liens étroits, et restent dotées d'une autonomie stratégique et ayant leurs objectifs propres.

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La Théorie des Jeux, retenue comme outil de modélisation des comportements des acteurs, a dans ce sens pour principal objectif l’analyse des situations où les individus peuvent interagir entre eux de manière stratégique, où le devenir de chaque acteur dépend et des décisions qu'il entreprend mais également des décisions engagées par les autres. Ceci est expliqué par la rareté des ressources, mais également par le fait que chaque acteur de la Supply Chain ne détient pas totalement le monopole sur les décisions.

La théorie des Jeux intervient dans ce sens pour déterminer les décisions optimales de chacun dans les situations où un environnement conflictuel se présente, y compris dans les activités ou persiste une forme coopération avancée. En se basant sur la combinaison des stratégies possibles de chaque acteur, la théorie des Jeux va rechercher la solution d'équilibre (désignée l'équilibre de Nash), c'est-à-dire l’analyse de l’ensemble des stratégies de chacun, faisant en sorte que chaque acteur (joueur) dispose du résultat le plus optimal selon sa position dans le jeu. En d'autres termes, chaque stratégie de l'équilibre donne à celui qui l'utilise le meilleur gain possible, étant donné les stratégies des autres joueurs, aucun des acteurs n'ayant ainsi intérêt à modifier son propre choix unilatéralement.

3.1. Les jeux coopératifs vs non coopératifs

Les travaux relatifs à la théorie des jeux se sont avérés d’un grand apport pour l’étude de cette question centrale du partage de l’information dans la chaine logistique.

Un jeu peut prendre plusieurs formes, il peut être soit coopératif soit non coopératif, jeu répété ou non-répété, jeu à somme nulle associé à des décisions individuelles des acteurs, ou à somme non nulle dans lesquels un consentement de tous les acteurs est sollicité. C’est dans cette perspective que la « coopération » apparaît comme élément paradoxal.

L’équilibre de Nash (qui porte le nom de son inventeur) a permis de développer de nombreuses utilisations de la théorie des jeux. Nash a mis en place un critère de choix des stratégies plus spécifiques et plus strictes. « Chaque joueur à la possibilité de prendre plusieurs décisions appelées actions, et le résultat du jeu qui représente la valeur de la variable objectif de chaque joueurs, dépend des décisions issues des actions menées par tous les joueurs. Un ensemble d’actions (une pour chaque joueur) forme un équilibre de Nash si

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l’action de chaque joueur est la meilleure pour ce joueur, étant données les actions des autres joueurs » [Tirole, 1983].

Autrement dit, cette coopération entre les acteurs est mise en lumière au niveau de l’équilibre de Nash chaque joueur choisit la stratégie la plus optimale (parmi les stratégies possibles) en prenant en compte les choix et les stratégies adoptées par les autres joueurs prédécesseurs.

En effet, nombreux sont les auteurs qui ont proposé une typologie des jeux auxquels les partenaires de la chaîne logistique s’adonnent tout au long de leur partenariat et ce principalement dans la perspective d’optimiser, autant que faire se peut, leurs gains propres.

Ces agissements sont révélateurs des types de stratégies pour lesquelles ces derniers optent. Ainsi, la typologie la plus répandue est celle qui distingue entre jeux coopératifs et jeux non-coopératifs.

Hartman et al. (2000), Muller et al. (2002), Hartman et Dror (2003) ou encore Ling et Feiqi (2007) font partie des auteurs qui ont précisé que les jeux coopératifs correspondent aux actions non spécifiées que les acteurs de la chaîne prennent de manière concertée, alors que les jeux non-coopératifs correspondent, quant à eux, à des actions spécifiques qui se présentent sous la forme de décisions individuelles prises de manière unilatérale par l’un des partenaires.

Pour leur part, Brandenburge et Stuart (2007) évoquent le « jeu biforme » comme étant une forme mixte alliant des aspects coopératifs à d’autres aspects non-coopératifs. A ce propos, des auteurs comme Chatain et Zemsky (2007) ou Wong et al. (2007) précisent que bien qu’apparaissant comme un jeu non-coopératif, le jeu biforme peut occasionner des jeux de type coopératif. Et ces auteurs de préciser que c’est justement ce type de jeu qui s’arroge une part importante de la production éditoriale relative à l’analyse de la chaîne logistique sous cet angle.

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3.2. Le contrat en tant que jeu coopératif

Par ailleurs, il est à noter que la coordination en vertu d’un contrat établi entre les partenaires pourrait s’apparenter à un jeu de type coopératif. En effet, Comme de nombreux auteurs le précisent, il arrive aussi que la coordination entre les partenaires au sein de la chaîne logistique soit le fruit de contrats établis de commun accord entre les parties désireuses d’optimiser la performance de la chaine. Ces contrats s’appliquent à des situations dites mono ou multi-périodes.

Ainsi, parce qu’ils mentionnent avec précision les engagements des différentes parties (tant au niveau des flux de marchandises qu’à celui des flux informationnels) et exhortent ces dernières à les respecter, les contrats ne peuvent, en effet, que favoriser le jeu coopératif, à défaut de quoi, la partie défaillante s’exposerait aux sanctions prévues.

C’est justement pour cette raison que la plupart des études consacrées à ce sujet précisent, que les comportements des différents partenaires au sein d’une chaîne logistique (coopératifs ou non) ainsi que le degré d’efficacité de leurs relations, sont tributaires aussi bien des conditions économiques mais également des termes précis de ces contrats. (Cachon, (2002) ; (Giannoccaro et Pontrandolfo (2004) ; (Cachon et Lariviere, 2005).

3.3. L’asymétrie d’information

Il va sans dire que le principal apport de la théorie des jeux dans l’étude des différents aspects managériaux de la chaîne logistique est qu’elle fournit des instruments et un cadre conceptuel adéquat pour l’analyse des aspects liés à la coordination entre les partenaires, en prenant notamment en compte tous les problèmes liés à la dissymétrie de l’information.

Corbett et al. (2004) ont mis en exergue deux types de jeux (jeux avec information complète et jeux avec information incomplète) au sein d’une chaîne logistique composée d’un producteur et d’un fournisseur. Ainsi, ces derniers précisent que la coordination entre les deux partenaires est tributaire de l’échange d’information au sujet du coût de production.

Un rapport relativement similaire est évoqué par Viswanathan et Piplani (2001) qui ont mis au point un modèle destiné à l’analyse de la coordination, au sein d’une chaîne logistique, en ce qui concerne la constitution des stocks.

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Ainsi, ces auteurs précisent que le vendeur accorde des remises de prix à condition que les acheteurs acceptent de s’engager dans un jeu stratégique dit Stackelberg game, notamment par la constitution d’un niveau donné de leurs stocks dans des délais précis.

Pour sa part, Chen (2003) a présenté un panorama des travaux portant sur la question du partage de l’information en tant que manifestation de la coordination entre les partenaires de la chaîne logistique, et ce sous ce même angle des jeux.

Ainsi, ce dernier distingue le signaling et le screning, comme deux types de jeux non- coopératifs. Cachon et Larivière (2001) font partie des auteurs ayant analysé ce type de jeux en en mettant en exergue les différentes variantes via la distinction entre demande hausse et basse de la part du donneur d’ordre au sein de la chaîne logistique.

3.4. Jeux répétés

Comme son nom l’indique, le jeu répété est un jeu dans lequel les décisions présentes et futures prises par les acteurs sont déterminées par des décisions antérieures. (Cachon et Lariviere, 2001) ; (Ren et al. 2006). Ces auteurs soulignent que dans ce cas de figure, cette forme de continuité qui est assurée par la répétition des mêmes décisions serait de nature à favoriser des comportements de type coopératif.

Ren et al. (2006) ont analysé les jeux dits répétés. Il s’agit de jeux de coopération qui peuvent avoir lieu entre deux partenaires de manière si intense jusqu’à la réalisation d’une coopération optimale. Mais ce qui est à noter, c’est que ces deux auteurs distinguent à ce sujet deux stratégies différentes : la Trigger Strategy et la Review Strategy.

La première consiste pour chaque joueur à coopérer pleinement tant que le partenaire agit de la même manière. Mais dès qu’un signe patent d’infidélité est avéré, le joueur victime opère des représailles en cessant de coopérer pendant un certain temps, avant de reprendre une coopération soutenue, jusqu’à la prochaine infidélité.

Quant à la seconde (la review strategy), ces deux auteurs soulignent qu’elle rentre en jeu lorsque les deux partenaires n’arrivent pas distinguent clairement le positionnement mutuel qu’ils ont l’un vers l’autre (coopération ou infidélité).

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409 Conclusion

Cet article a été consacré à l’examen de la question de l’intégration des SCM au regard de principales théories inter-organisationnelles, à savoir les théories néo-institutionnelles, la théorie de l’échange social ainsi que son corollaire, la théorie de l’encastrement social et la théorie des jeux.

Ce tour d’horizon théorique que nous avons effectué en présentant les apports des auteurs les plus importants en matière de relations inter-organisationnelles en général et au sein des SCM en particulier a été pour nous d’un grand support pour cette première entrée au sujet du cadre théorique relatif aux comportements des acteurs au sein du SCM.

Ces comportements qui, comme nous avons pu l’approcher grâce aux éclairages des auteurs convoqués, se fondement sur un certain nombre de considérations et de variables aux multiples enchevêtrements que notre deuxième chapitre ambitionne de démêler, facilitant ainsi la compréhension des formes de régulation des relations entre les acteurs qui se tissent au sein des SCM ainsi que des modalités de gouvernance de la relation inter-organisationnelle au sein de ce même domaine.

Gulati (1995) fait partie des auteurs qui ont expliqué à ce sujet, que l’environnement social au sein duquel les acteurs évoluent fonctionne comme un régulateur véritable des échanges.

Cela étant, la prise en considération de la dimension sociale dans le cadre des interactions professionnelles remonte à la fin des années 1950, avec comme recherche pionnière, l’étude de Thibault et Kelley (1959) qui mettra en exergue l’importance de la dimension sociale dans l’interaction entre les acteurs dans le domaine du marketing industriel, prouvant ainsi les limites de l’analyse strictement économique.

S’inscrivant dans le prolongement de ce travail, Homans (1974) introduira les notions d’échange de biens matériels et immatériels, comme étant deux composantes inaliénables de l’interaction. C’est ce qui permettra dès lors de commencer à appréhender les échanges inter- organisationnels sous un angle plus global qui associe la dimension sociale aux aspects économiques.

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Les développements qui suivent s’assigne comme objectif principal de présenter et de discuter un certain nombre de concepts tels que la confiance, l’engagement et de la collaboration, qui font partie intégrante de cette dimension sociale de l’échange et qui favorisent la mise en place et la consolidation de l’intégration relationnelle.

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