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Quel avenir pour le logement social en Tunisie ?

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Sami Ben Fguira, Mongi Belarem

To cite this version:

Sami Ben Fguira, Mongi Belarem. Quel avenir pour le logement social en Tunisie ?. Confins

-Revue franco-brésilienne de géographie/Revista franco-brasileira de geografia, Hervé Théry, 2018,

�10.4000/confins.13450�. �hal-02006621�

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franco-brasilera de geografia

36 | 2018

Número 36

Quel avenir pour le logement social en Tunisie

?

Que futuro para a habitação social na Tunísia?

What future for social housing in Tunisia?

Sami Ben Fguira and Mongi Belarem

Electronic version URL: http://journals.openedition.org/confins/13450 DOI: 10.4000/confins.13450 ISSN: 1958-9212 Publisher Hervé Théry Electronic reference

Sami Ben Fguira et Mongi Belarem, « Quel avenir pour le logement social en Tunisie ? », Confins [En ligne], 36 | 2018, mis en ligne le 30 juin 2018, consulté le 27 juillet 2018. URL : http://

journals.openedition.org/confins/13450 ; DOI : 10.4000/confins.13450

This text was automatically generated on 27 July 2018.

Confins – Revue franco-brésilienne de géographie est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

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Quel avenir pour le logement

social en Tunisie ?

Que futuro para a habitação social na Tunísia?

What future for social housing in Tunisia?

Sami Ben Fguira and Mongi Belarem

1 Depuis l’indépendance du pays en 1956, le

logement social en Tunisie (carte 1 et encadré 1) constitue une dimension importante et un défi pour le maintien de la paix sociale. Ce secteur demeurait toujours une préoccupation majeure des

différentes politiques de développement adoptées. Toutefois, à partir des années 1990, l’État a réduit son assistance au logement social. Cette situation, dictée par les politiques d’ajustement structurel et l’agenda néolibéral portées conjointement par le gouvernement et les représentants des bailleurs de fonds internationaux, privait de larges couches de la population d’accéder à la propriété d’un logement social. En parallèle, l’insuffisance de l’offre de logements sociaux est rendue coupable des maux dont souffre la ville en Tunisie (prolifération de l’habitat spontané, étalement urbain, ségrégation socio-spatiale, etc….).

2 Aujourd’hui, les revendications sociales, économiques et politiques de la révolution 2011

relancent le débat sur le logement social. L’adoption d’un programme spécifique visant à offrir 30000 logements en 2012 et 2013, traduit un engagement original ainsi qu’une prise de conscience de l’importance de la question du logement social.

3 L’objectif de ce travail est traiter l’évolution des politiques d’habitat et particulièrement

le secteur du logement social à travers une analyse rétrospective des différentes périodes de l’histoire urbaine depuis l’indépendance, et d’ébaucher une perspective. En effet, dans un premier temps, l’évolution de la question du logement social sera analysée dans sa dimension historique, à travers l’étude des mutations successives des politiques d’habitat depuis l’indépendance. Dans un deuxième temps, on analyse les conséquences

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socio-spatiales du dysfonctionnement du secteur du logement social. Enfin, un regard prospectif permettra de proposer des solutions pour mieux gérer ce secteur et de résoudre ses problèmes récurrents.

I - Le logement social en Tunisie : état des lieux

4 Au départ de cette analyse, il paraît essentiel de clarifier ce que l’on entend par

« logement social » dans le contexte tunisien. Cette étude se limitera au logement produit par la filière étatique.

Carte 1- Localisation de la Tunisie et son découpage administratif par gouvernorat

Assise juridique et réglementaire

5 Le concept du logement social est, au sens commun, extrêmement englobant. Dans son

acception la plus banale, la plus réaliste, il est appréhendé comme un habitat subventionné, soumis à des règles particulières de financement et d’attribution.

6 En Tunisie, le logement social n’obéit pas à une définition stricte. Il est souvent assimilé à

celui promue par les acteurs publics destinés aux catégories sociales ne pouvant pas accéder au marché privé, vu la fragilité de leur statut économique (Durand, 1988). Cependant, le législateur n’a pas produit pas une définition juridique précise des populations visées par les programmes des logements sociaux. Le qualificatif « social » renvoie aux caractéristiques des logements ainsi qu’aux modalités de financement par le fonds de promotion des logements sociaux.

7 Les critères d'éligibilité à ces logements attestent que la clientèle visée est celle des

classes moyennes plutôt que les bas salariés (tableau 1). Les «logements sociaux» dont il est ici question peuvent se comparer aux logements sociaux produits dans les pays d’Amérique latine (Chili, Mexique, Brésil, Colombie, Venezuela) puisqu’il s’agit

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essentiellement de logements individuels en accession destinés à la classe moyenne ou moyenne inférieure.

8 Ces logements sont donc construits en vue de loger principalement des personnes à

revenu régulier ne pouvant pas trouver les logements convenant à leurs besoins sur le marché privé.

Tableau 1 - Prix de logements financés par le fonds de promotion du logement pour les salariés (FOPROLOS) et échéances de remboursement.

FOPROLOS 1 FOPROLOS 2 FOPROLOS 3

Revenu brut du

bénéficiaire entre 1 et 2 fois le SMIG entre 2 et 3 fois le SMIG

entre 3 et 4 fois et demi le SMIG

Type du logement

Logement individuel de 50m2

Logement semi collectif ne dépassant pas 65m2

Logement collectif de superficie couverte ne dépassant pas 75m2

La superficie du logement doit être comprise entre 80 et 100m2

Crédit maximum

110 fois le SMIG sans toutefois dépasser 90% du prix du logement.

165 fois le SMIG sans toutefois dépasser 90 % du prix du logement.

210 fois le SMIG sans toutefois dépasser 85 % du prix du logement Durée de remboursement 25 ans+ 3 années de grâce 25 ans+ 3 années de grâce 20 ans+ 1 année de grâce Source : JORT, N°188, 1998.

9 D’un point de vue architectural, il s’agit d’un habitat individuel de type évolutif en bande

continue, ou collectif conçu par les opérateurs publics. Les parcelles ne dépassent pas 100m2. La surface couverte au sol de 50m2 tend après transformations par les habitants, à

couvrir la presque totalité de la parcelle. L’acquisition même graduelle d’un logement dit social exige une capacité d’épargne et une stabilité qui ne sont possible que pour une population à salaire régulier. En somme, les couches les plus démunies sont exclus de l’offre de ce type de logement (Belhedi, 2005). La faiblesse et l’irrégularité de leurs revenus, généralement issus du travail informel, ne répondent pas aux exigences des systèmes formels de financement qui impliquent notamment des remboursements périodiques. Il s’agit des journaliers, des ouvriers non qualifiés, des salariés saisonniers, se distinguant par l’instabilité de l’emploi et souvent issus d’une immigration rurale récente. Ils travaillent surtout dans le bâtiment et dans le tertiaire marginal. Toutefois, la situation sociale s’aggrave de plus en plus avec la hausse des prix des logements, souvent non compensée par une augmentation des revenus des populations cibles.

10 L’offre de logements, en Tunisie, paraît en fait inadaptée à la demande (cartes 3 et 4) pour

deux raisons essentielles : d’un côté, les promoteurs publics et privés s’orientent vers les types de logements où la demande est faible. L’analyse des pratiques de ces acteurs confirme qu’il existe un excès d’offre pour les classes moyennes et une insuffisance de l’offre pour les segments de revenus les plus faibles. D’un autre côté, la forte variation des coûts, non compensée par une augmentation réelle des revenus des ménages, entraîne

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soit un glissement de l’attribution des logements vers les classes les plus solvables, soit une détérioration de la qualité de construction.

Encadré 1. Aperçu sur l’historique de la Tunisie

La Tunisie, situé au nord de l’Afrique, a acquis son indépendance le 20 Mars 1956, après 75 ans de protectorat français. En 1957, Habib Bourguiba est élu président après destitution du dernier bey et proclamation de la République. Après modification de la constitution en 1975, Habib Bourguiba devient président à vie. En 1987, Zine El Abidine Ben Ali, premier ministre de Bourguiba, prenait le pouvoir suite à un coup d’État. Pendant 23 ans, le président Ben Ali (1987-2011) cumule, sans restriction, pouvoir politique et pouvoir de l’argent, en instaurant un régime politique autoritaire.

Quant à la révolution tunisienne, elle a été déclenchée le 17 décembre 2010 par l’acte d’immolation du jeune marchand ambulant Mohamed Bouazizi, originaire de la ville de Sidi Bouzid, générant un mouvement de contestation, sans précédent. Ce mouvement enflamma le pays en entier et entraînant la chute du régime de Ben Ali le 14 janvier 2011. Après la révolution, la scène politique a été marquée par la montée du parti islamiste « Ennahdha » qui a formé un gouvernement de coalition avec le Congrès Pour la République (CPR) et le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL) en 2011 soumise au président Moncef Marzouki (https:// fr.wikipedia.org). L’année 2014 a connu l’organisation des élections législatives et présidentielles remportées successivement par le parti Nidaa Tounès et son leader Béji Caïd Essebsi président actuel du pays.

L’État bâtisseur : Une politique d'intervention directe de l'État

(1960-1990)

11 La production du logement social en Tunisie est assurée par l’État et divers organismes

paraétatiques. L’État a confié, dès 1957, le pilotage de ces politiques d’habitat à la Société Nationale Immobilière de la Tunisie (SNIT) (loi n° 57-19 du 10/9/1957). Son effort a été consolidé par la création de directions régionales dans les années 1970 (www.snit.tn.

12 À la veille de l’indépendance, la Tunisie connait une importante demande en logements

urbains, en raison de l’accélération de l’exode rural vers les principales villes régionales ainsi qu’un retard dans la construction. L’activité de la SNIT se caractérisait par l’écart entre les programmes et les réalisations. Ainsi, au cours de la première décennie de développement (1962-1971) l'État prévoyait la construction de 184000 logements alors que les besoins étaient estimés à 230000 (www.snit.tn). En parallèle, des actions spécifiques ont été engagées pour satisfaire les besoins des couches les plus démunies. L’offre a porté sur deux types de logements: le logement populaire, destiné aux catégories qualifiées d'économiquement faibles et regroupant les non-salariés, et le logement ouvrier destiné aux salariés (ouvriers et fonctionnaires). L’offre du logement « très social » abordable aux plus démunis, est appréhendée et menée par les autorités par des actions complémentaires et ponctuelles.

13 Dès les années 70, la nécessité de mettre en place une véritable politique de logement

exigea à l’État de disposer d’un cadre réglementaire sur les plans institutionnel, juridique et financier. Ainsi, plusieurs organismes ont vu le jour notamment : L’Agence Foncière d’habitat (AFH) en 1974, la Société de Promotion de Logements Sociaux (SPROLS) en 1977 (www.sprols.com.tn), la Caisse Nationale d’Epargne Logement (CNEL). Toutefois, la politique du logement social continue à se heurter à plusieurs difficultés. En fait, le

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système de production n’est pas adopté aux ressources des ménages et la SNIT livre donc des produits difficilement accessibles au plus grand nombre (Miossec, 1988). Cette situation a engendré la prolifération des logements rudimentaires en général qui représentaient 44% du parc en 1975 (Tayachi, 1988). Le principal acteur SNIT a réalisé 90 000 logements dont 70% de type social (rural et suburbain). Subventionnés par l’État, les programmes des logements ruraux ont représenté une offre accessible aux couches les plus démunies. Cependant, ces logements sont souvent édifiés à la périphérie des villes afin d’enrayer l’exode rural.

14 À partir des années 1980, parallèlement à l’adoption du libéralisme économique, l’État

octroya au logement le statut du produit commercial avec un désengagement progressif de financement. Ainsi, la décennie 1980 a été caractérisée principalement par une primauté du secteur privé qui participe pour les deux tiers à la production de logements à un rythme de l’ordre de près de 40000 logements par an (en 1985-1986) contre moins de 20000 pour le secteur public (Miossec, 1988). Cette nouvelle situation explique la prolifération des quartiers anarchiques autour des grandes et moyennes villes tunisiennes avec notamment Tunis, Sousse, Sfax (carte 2, graphique 1 et tableau 4) …

15 En réaction de la prolifération de l’auto-construction spontanée en milieu urbain et

l’inaccessibilité des logements produits par la SNIT pour les ménages non solvables, l’État a mis en place un nouveau programme d’habitat alternatif : le programme de Constructions Individuelles de Maisons Evolutives Rationalisées (CIMER) financé et piloté par la Banque Mondiale et s’est particulièrement développé en milieu urbain (Sfax, Béja, Tunis…) (DAT, 1977). La solution préconisée consiste à céder des terrains appartenant aux municipalités à prix réduits pour construire des logements qui devraient bénéficier aux ménages non solvables. Ainsi, un nouveau mode de production de l'habitat populaire urbain par l'auto construction évolutive assistée s’installe comme alternative à l'habitat spontané. Cependant, les parcelles attribuées via ces dispositifs spécifiques sont peu nombreuses par rapport relativement à la demande croissante des couches vulnérables.

16 Le programme CIMER représente certaines similitudes avec quelques projets réalisés dans

les pays d’Amérique latine. Citons à titre d’exemple les programmes réalisés en Colombie entre 1960 et 1975 par l’organisme de financement populaire: l’Instituto de Credito Territorial (ICT) qui a opté pour le système du lotissement équipé, contenant ou non une construction initiale. Ainsi, la durée d’intervention de l’institut est-elle limitée, et l’habitant fait son affaire de l’édification de son logement ou de ses extensions. Ce sont les programmes de logements à développement progressif proposant de nombreuses variantes : parcelle équipée (trame sanitaire), parcelle équipée avec noyau minimal (15 à 40 m2 construits), solution de base (60 à 90 m2), etc. A cette sorte appartient la plupart des

programmes de logements populaires réalisés entre 1960 et 1975 (Bourdon ,1987).

Le retrait progressif de l’État de la production (1990-2010)

17 Contrairement aux promesses affichées, par le régime du président Ben Ali, arrivé au

pouvoir le 7 Novembre 1987, de hisser le secteur de l’habitat en général et du logement social au premier lieu des propriétés nationales, on a assisté à un désengagement progressif de l’État de la production .En effet, les constructions en matière de logements sociaux demeurent en dessous des besoins et ne permettent pas de rattraper le retard en la matière. En plus, les logements mis en chantier restent inaccessibles à une large part

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des ménages. Cette situation découle des nouveaux engagements néolibéraux de l’État qui ont eu des répercussions directes sur le secteur du logement social.

18 Dans la décennie 1990, la situation s’est aggravée car le principal promoteur public, la

SNIT va de moins en moins répondre à sa vocation sociale, elle n'a produit en moyenne que 3000 logements par an (10983 logements durant le 6ème plan de 1992 à 1996) soit 5%

de l’offre pour un coût de 40 à 45 milles de dinars (MEAT, 1996). Un logement produit par la SNIT dans un lotissement économique est d’un coût moyen de 20 à 25 milles de dinars pour une surface utile de 60m². Le même logement revient à 15000 dinars tunisiens (TND) dans l’habitat illégal. Ce désengagement s’inscrit dans un cadre plus global celui du secteur immobilier international soumis aux règles néolibérales dictées par le Fonds Monétaire International (FMI) et la banque mondiale qui imposent des restrictions aux politiques sociales et appelle à la privatisation du secteur immobilier. Au final, la SNIT n’a réalisé que 35696 logements durant la période 1992-2016, avec une moyenne de 1500 logements par an.

19 Cette situation confirme les nouvelles orientations de la politique de l’habitat en Tunisie

notamment la privatisation du secteur immobilier, engendrant ainsi un déséquilibre entre l’offre et la demande surtout en matière de logement social.

20 Les efforts de l’État seront plus cadrés sur les opérations de réhabilitation et d'intégration

de l'habitat spontané dans la ville. Ainsi, des programmes nationaux de réhabilitation des quartiers populaires ont été adoptés au cours de la période 1992/2007 totalisant 708 quartiers et 294100 logements (Malouche, 2007) (Tableau 2 et 3).

21 En somme, les politiques d’habitat menées depuis l’indépendance ont abandonné

progressivement la demande des couches populaires qui méritent d’être la cible première des politiques du logement social. En effet, la production des logements ruraux, abordables pour les couches les plus démunies, a été abandonnée dès la fin des années 1980 avant un détournement des programmes vers les logements urbains plus coûteux et plus ciblés. Les nouvelles opérations délaissent alors en grande partie la question du logement des couches défavorisées. Le désengagement de l’État de la production de l’habitat, dicté en partie par des acteurs d’autres niveaux comme les institutions internationales, est influencée par la hausse des prix et la pression foncière. Il se caractérise par un glissement progressif de son projet social vers un projet urbain. Les nouvelles opérations témoignent d’une logique de rentabilité et d’un souci de développer et de rendre attractif le paysage urbain, en procédant à de petites opérations de logements économiques ou parfois haut standing.

Graphique 1. Production des logements par la SNIT entre 1957 et 2016

Source des données : www.snit.tn et Chiha N, 2007.

Tableau 2. Production des logements par la SNIT entre 1957-2016

Période de 1957-à 1968 de 1969 à 1973 de 1974 à 1976 5ème plan de 1977 à 1981 6ème plan de 1982 à 1986 7ème plan de 1987 à 1991 8ème plan de 1992 à 1996 9ème plan de 1997 à 2001 10ème plan de 2002 à 2006 11ème plan de 2007 à 2010 12ème plan (2012-2016)

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Nombre de logements réalisés 1 990 33 663 41 689 71 000 60 620 19 089 6 625 12 533 8 415 6 463 1 660

Source des données : www.snit.tn et Chiha N, 2007.

22 La production des logements par le principal opérateur a connu une régression marquée

à partir des années 1990. Le rythme de production a diminué de 17750 log/an pendant le 5ème plan (1977-1981) à 415 log/an lors du dernier plan (2012-2016).

Résurrection de la production après la révolution

23 Après la révolution tunisienne en 2011, face aux nouvelles revendications du peuple, la

question du logement social revient au cœur des préoccupations de l’État. Les premières mesures prises laissent augurer une prise de conscience ainsi qu’une réelle volonté à remédier les carences des politiques menées ces dernières années. Ainsi, l’État a lancé une opération d’envergure visant à offrir 30000 logements sociaux sur les deux années 2012 et 2013 (www.arru.nat.tn). Ce programme spécifique a pour but de remplacer 10000 logements rudimentaires et d’offrir un logement décent pour les couches non solvables, dans tous les gouvernorats. Le prix du logement est fixé à 35000 dinars tunisiens pour un remboursement mensuel qui oscillera entre 40 et 100 dinars sur une période de 25 ans (tableau 3). Le programme consiste, dans sa deuxième composante, à l’extension du domaine d’intervention du Fonds National d’Amélioration de l’Habitat (FNAH) par l’élargissement de la liste des bénéficiaires des subventions octroyés par le dit fonds aux occupants. Sur le plan financier, une première enveloppe de 100 millions de dinars a été allouée à ce projet pour l’année 2012 (tableau 3). Le programme est financé à partir des ressources affectées au budget de l’État, des montants provenant de la restitution du crédit, et des toutes autres ressources pouvant lui être affectées. Cependant, dans un contexte aussi fragile que celui de la transition démocratique marqué par une détérioration des indicateurs économiques, la mise en œuvre de ce programme reste tributaire des aides et des dons différents partenaires et notamment des institutions financières internationales et des pays riches. Dans ce cadre, la Tunisie a bénéficié d'un financement qatari de 29 millions de dinars dont 60% sous forme de don, pour la construction de logements à la cité « Omar El Mokhtar » à Séjoumi au sud de Tunis. Pour couvrir ses différents besoins de financement, L’État a opté pour l'emprunt d’un prêt auprès de l’Arabie saoudite, d’une somme de 230 millions de dinars remboursables en 20 ans, y compris un délai de grâce est estimé à 5 ans et un surplus ne dépasse pas 2% pour la réalisation de 4000 logements répartis sur sept gouvernorats: Ariana, Manouba, Ben Arous, Nabeul, Manouba, Sousse et Jendouba.

24 Des commissions régionales ont été mobilisées pour le suivi d’exécution du programme

spécifique des logements sociaux. Celles-ci ont indiqué la présence de 16800 habitations rudimentaires (y compris les 9100 primitives nécessitent la démolition et la reconstruction et 7700 logements d'extension peine ou la rénovation). Les opérations de démolition – construction ont été réalisées au cas par cas prenant en compte l’état social de chaque famille (Photos 1 et 2). Cette action a assuré aux ménages bénéficiaires un logement décent permettant de les stabiliser. Cependant, le programme présente maintes

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contraintes. En effet, sur le plan financier, il nécessite la mobilisation des ressources obligeant l’État à s’endetter davantage.

Tableau 3 - Prix de logements sociaux en 2012

Type de logement Type 1 Type 2 Type 3

prix du logement en milles de dinars tunisiens (TND)**

RBCB* ne

dépassant pas le SMIG

RBCB* oscillant entre le SMIG et moins 2 fois le SMIG

RBCB* oscillant entre 2 fois SMIG et 3 fois le SMIG 30 à 35 0 à 5000 35 à 40 40% du prix du logement 5000 à 7500 0 à 5000 40 à 45 7500 à 10000 5000 à 7500 45 à 50 10000 7500 à 10000 50 à 60 10000 10000

* Revenu brut du couple bénéficiaire. ** 1 dinar tunisien =0,335148 EUR =0,390701 USD (en 27-5-2018)

Source : http://www.equipement.tn

25 Malgré les efforts consentis, l’offre demeure toujours en deçà de la demande. À travers le

programme spécifique du logement social, l’action publique, a contribué à un meilleur accès au logement social, notamment pour les populations démunies (cartes 3 et 4). Le programme a bénéficié de moyens budgétaires et de soutiens politiques inédits, qui l’ont fait sortir du registre des anciens programmes. Cependant, ces évolutions récentes du secteur logement social soulèvent quelques interrogations.

26 Quelles sont les limites de cette opération dans le contexte du manque de ressources

adéquates pour le financement à long terme? Emane- t- elle d’une nouvelle conception de la politique du logement social ? Ou bien répond-t-elle à une situation spécifique celle de la révolution dépendant elle-même d’une circonstance socio-économique bien déterminée ?

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Photo 1. Logement primitif dans le gouvernorat de Zaghouan

Photo 2. Deux exemples de logement social (a- à Sfax ; b- à Zagwen)

Les limites des politiques du logement social et ses

conséquences socio-spatiales

27 L’insuffisance des logements sociaux en milieu urbain, conjuguée au fort mouvement

d’exode rural surtout pendant la première moitié du XXème siècle, a fait émerger de

nouvelles réalités socio-spatiales dans les villes tunisiennes. En effet, trois tendances lourdes et complémentaires ont pu être observées : la prolifération de l’habitat spontané, la montée de la pauvreté et l’accentuation des phénomènes de ségrégation socio-spatiale. Ceci a imposé de nouveaux enjeux pour la planification urbaine en Tunisie.

La prolifération de l’habitat spontané

28 Le fléchissement de la production des logements sociaux en milieu urbain par l’unique

opérateur et l'incapacité à répondre à la demande croissante des couches vulnérables ont eu pour conséquence la prolifération de l’habitat spontané autour des grandes villes tunisiennes. On distingue deux générations d’habitat spontané : un habitat spontané intra-urbain apparu dans les années 1940 et un habitat spontané péri-urbain développé à partir des années 1970. Les deux grandes villes tunisiennes (Tunis et Sfax) serviront

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d’exemple pour mieux décrypter le phénomène. Ces deux villes se caractérisent par une forte attractivité sur les populations des régions voisines et des campagnes.

L’habitat spontané intra-urbain

29 Les premiers noyaux d’habitat spontané intra-urbain sont apparus aux abords des

médinas et des interstices de la ville à partir des années 1940, formant ainsi une deuxième ceinture urbaine. L’aggravation du chômage en milieu rural suite à la mécanisation du travail agricole, associée à une série de sècheresses ont engendré un important exode rural vers les grandes villes tunisiennes notamment Sfax et Tunis. Cependant, cet habitat se caractérise par une diversité des aspects physiques et des situations foncières et des stratégies résidentielles entre les deux villes. A Tunis, il se caractérise par la précarité des matériaux de construction et l’illégalité de l’acquisition des terrains, d’où leur dénomination de gourbiville ou de bidonville. Les immigrés ont édifié leurs gourbis sur des terrains particuliers appartenant à des propriétaires privés ou sur des terrains « Habous ». La plupart des gourbivilles se sont installés à la périphérie dans des zones vulnérables : sur les terres marécageuses et insalubres des bordures des sebkhas et de lac, sur des versants escarpés. Les premiers noyaux étaient placés dans les faubourgs de la médina comme le gourbiville de Bab Sidi Abdessalem et celui de Bab Saadoun dans le faubourg Nord (Tayachi, 1988). A cette, époque Tunis, principal point d’ancrage des immigrants ruraux, a été marqué par la construction des grands gourbivilles tels que Melassine, Saida Manoubia et Jebel lahmar qui comptaient respectivement 20000, 17000 et 23100 habitants en 1956 (Tayachi, 1988). Progressivement, les gourbivilles de Tunis se densifient et deviennent de grandes entités urbaines. En 1956, la population de l’ensemble des gourbivilles de Tunis est évalué par Sebag P. à 100000 habitants soit 18% du total de la population de Tunis (BADUEL, 2011). En 1975, les gourbis représentaient 25.4% du parc logement du pays, soit 259700 unités (Tayachi, 1988). Sur le plan social, les habitants de ces quartiers étaient caractérisés par la précarité de leurs emplois. Il s’agit essentiellement de journaliers qui tirent leur subsistance de petits métiers.

L’habitat spontané périurbain

30 A partir des années 1970, une nouvelle génération d’habitat spontané apparait à la

périphérie des grandes villes tunisiennes. Les quartiers d’habitat spontané périurbain de Tunis ont permis aux couches populaires citadines d’accéder à la propriété. Ils sont développés par grignotage systématique des terres domaniales et privées par les lotisseurs clandestins. Ces quartiers abritent majoritairement des catégories de bas revenus : les ouvriers, les manœuvres, journaliers et chômeurs représentent plus de la moitié de la population (60.2%) (Chabbi, 1981). Cette nouvelle forme est le résultat d’une redistribution de la population dans le Grand Tunis. La densification de ces quartiers a donné naissance à de nouvelles agglomérations à la périphérie de la capitale comme Ettadhamen et Douar Hicher (Belhedi, 2005). En 2002, ces deux quartiers comptent respectivement 80000 et 60000 habitants, alors qu’ils ne dépassent pas 28000 habitants en 1979.

31 A Sfax, la prolifération de l’habitat spontané péri-urbain procède du rabattement des

ménages à faibles revenus sur le sol rural à faible valeur foncière et de coût abordable pour cette clientèle. Disséminés en auréole autour de la ville, les quartiers périurbains de Sfax occupent des sites marginalisés souvent vulnérables (carte 2, graphique 2). Leur

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impact démographique est faible (leur population ne présente que 4,6% de la population totale du Grand Sfax en 2001), par rapport à leur impact spatial qui est plus remarquable (Baklouti, 2004).

32 En somme, l’habitat spontané, avec ses deux types, a représenté une réponse à la

demande en logements des couches populaires. Cependant, il a renforcé les mécanismes de la ségrégation et l’exclusion au sein des villes dans la mesure où il opère un tri sélectif entre les différentes couches sociales.

Carte 2- Les quartiers périurbains à Sfax

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Graphique 2. Logements ruraux construits à Sfax par la SNIT entre 1978 et 1984

Source des données: Baklouti, 2004

Tableau 4. Répartition des logements ruraux construits à Sfax par la SNIT entre 1978 et 1984 et leurs localisations par rapport au centre ville

Quartier Sidi.Mansour Aouebed Khazzanet Bderna Sidi

Salah Thyna

Nombre de logements 292 201 264 57 293 340

Distance du centre-ville

(km) 13 16 14 16 17 9

Source des données: Baklouti, 2004.

33 Les chiffres du tableau 4 révèlent que La SNIT a réalisé une grande partie des programmes

de logements ruraux dans l’espace périurbain, rejetant de ce fait une population pauvre et a très faible solvabilité vers une périphérie éloignée de la ville.

La marginalisation socio-spatiale

34 Les quartiers d’habitat spontané, sous leurs diverses formes, ont longtemps été

appréhendés comme un problème majeur pour les opérateurs de la ville en Tunisie, non seulement parce qu’ils ont provoqué une croissance spatiale non anticipée dans certaines villes, mais aussi parce qu’ils abritent une population rurale pauvre souvent génératrice de problèmes sociaux et de l’insécurité dans la ville. Ainsi, ces quartiers ont fait l’objet de plusieurs politiques engendrant une rupture avec l’espace environnant et leur enfermement. L’intervention de l’État envers les quartiers d’habitat spontané varie d’une période à une autre, allant de l’exclusion et du refoulement des habitants vers leurs régions d’origine aux opérations de réhabilitation et d’intégration dans l’espace urbain.

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Ces opérations attestent de l’absence d’une démarche planifiée et concrète envers l’habitat spontané et la faiblesse des mécanismes d’intégration.

35 Depuis 1940, la régulation spatiale de l’habitat spontané passait par la mise en œuvre de

deux opérations complémentaires : l’État a entrepris au début le refoulement des catégories les plus marginales vers leurs régions d’origine enchainé par l’éradication des gourbivilles. Les cités de recasement à Tunis, destinées à reloger les habitants des gourbivilles démolis, ont profité plus aux couches moyennes comme c’était le cas dans la Cité Tahrir et Ibn Khaldoun (Tayachi ,1988). Les opérations de relogement des habitants des gourbis se sont inscrites dans la continuité des mesures de contrôle du phénomène d’habitat spontané.

36 Cependant, face à la consolidation et la densification des grands quartiers d’habitat

spontané, les opérations de démolition ont été abandonnées au profit de la réhabilitation à la fin des années 1970. Ces opérations, financées par la Banque mondiale et le gouvernement du Pays Bas, ont pour objectif l’intégration de l’habitat spontané au tissu urbain. Les quartiers ont été dotés des équipements nécessaires (eau potable, électricité, les égouts, écoles, dispensaires….) en plus des aides aux habitants afin qu’ils puissent améliorer leurs conditions d’habitat. Au début des années 1970, la réponse aux besoins des couches vulnérables fut satisfaite par la mise en place des programmes des logements ruraux autour des grandes villes. Cette opération ayant comme objectif d’endiguer l’exode rural, masque une volonté d’expulsion hors de la ville d’une population jugée parfois indésirable. Les quartiers sociaux édifiés finissent par devenir des quartiers dortoirs, mal équipés, mal desservis, et totalement marginalisés (Belhedi, 2005).

37 L’opération des quartiers ruraux en Tunisie ressemble à quelques «réalisations» des

Compagnies d'Habitation Populaire (COHABs) au Brésil telque le projet Ceilândia, « un grand lotissement (23000 lots) mis en place à Brasilia pour évacuer du Plan Pilote des «favelas» qui s'y étaient formées. Des populations y ont été transférées alors que seul un minimum d'infrastructures existait (voirie à peine ébauchée, réseau électrique restreint aux voies principales, distribution d'eau extrêmement précaire, réseau d'égouts inexistant, pas de collecte des ordures) » (Montenegro, 1984)

38 Ainsi, la solution pour les populations les plus modestes pour accéder à la propriété

revient à convoiter les zones périurbaines non loties et à faible valeur foncière. La plupart des quartiers périphériques s’implantent souvent dans des sites vulnérables (berges du lac, lit des oueds, zones à nuisances….), c’est le cas du quartier « Sidi Hcine » dans la banlieue ouest de Tunis, qui s’est implanté sur des terrains bas et mal drainés aux abords du lac Essijoumi. Cette Cité appartient à la zone affectée directement par les inondations et surtout par les remontées des eaux de la sebkha. Des logements édifiés sur des terrains inondables ont été noyées d’eau contraignant les habitants à se réfugier (Dhaher, 2011).

39 La marginalisation spatiale des quartiers d’habitat spontané a été souvent renforcée par

une exclusion sociale. Les citadins appréhendent les habitants de ces quartiers comme des étrangers à la ville, dont la présence est odieuse.

40 Après la révolution, les quartiers populaires ont connu une série d’émeutes et d’actes de

violence. En octobre 2012, des affrontements ont eu lieu à « Douar Hicher » suite au décès de deux « salafistes » (photo3). Ces incidents manifestent l’incapacité des acteurs publics à contrôler ces quartiers qui deviennent de plus en plus un espace contestataire et potentiellement dangereux. Les quartiers populaires sont devenus un terrain propice au développement des problèmes et dangers sociaux telque le « salafisme ». Les

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confrontations, faisant l’objet d’une couverture médiatique nationale et internationale, vient raffermir cette image négative des quartiers populaires et participe largement à leur stigmatisation et leur marginalisation. En effet, ces événements viennent renforcer l’idée qu’il y’a une correspondance entre les difficultés sociales (la précarité et la pauvreté) qui règnent dans les quartiers populaires et les divers problèmes sociaux. Photo 3- Affrontements lors de l’évacuation des logements squattés

41 Avec l’irruption de la révolution, l’absence totale du contrôle technique municipal et la

perturbation de l’administration ont concouru à la prolifération des constructions anarchiques autour des grandes villes surtout la capitale (graphiques 3 et 4 et tableau 5). Plusieurs personnes ont profité de la situation, pour squatter des terrains publics afin d’ériger des constructions de façon illégale et sans permis de bâtir. D’autres ont occupé des habitations appartenant à des privés ou à l'État et à ses institutions. À cet effet, près de 500 logements relevant de la SNIT ont été squattés en 2012, par des habitants de gourbis, à savoir nombre de ces appartements et logements ont fait l'objet de contrats de vente entre la SNIT et leurs propriétaires qui ont déjà engagé les procédures pour l'obtention de prêts logements en vue de parachever les opérations d'acquisition. Les quartiers squattés (Nour Jaâfar à Raoued Tunis, Fouchana à Ben Arous) ont été évacués par la force, par l’armée et la police. Des affrontements violents ont eu lieu entre les squatters et les forces de l’ordre lors de l’évacuation des logements (photo 3). Ces événements ont révélé, au grand jour, le nombre élevé de familles mal logées ou en situation de précarité, ainsi que l’inadéquation entre l’offre et la demande en matière de logements sociaux (cartes 3 et 4). Dans ces conditions, il faut s’interroger sur l’effort que l’État est capable de consentir pour traiter les nouvelles marginalités socio-spatiales qui ne cessent de s’amplifier.

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Graphique 3- Part des logements formels et informels dans le parc des logements en Tunisie entre 2004 et 2013

Source ; DGH, 2014 et www.ins.tn

Graphique 4- Estimation de l’évolution du poids des logements informels** et du nombre d’autorisation de batir* dans le parc des logements en Tunisie entre 2004 et 2013

Source: INS, 2014

42 Tableau 5. Logements formels et informels dans le parc des logements en Tunisie

entre 2004 et 2013

Nombre de logements 63231 64647 66095 67576 69089 70637 72219 73837 75491 77182 Part des logements

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Part des logements

formels (en %) 66 73 75 65 68 71 88 52 54 55

Source: INS, 2014

43 Les chiffres du tableau 5 dévoilent une croissance progressive de la part des logements

informels dans l’ensemble du parc du logement, tandis que la part des logements formels recule. La part des logements informels atteint 48% en 2011 alors qu’elle ne représentait que 34% en 2004.en contrepartie, la part des logements formels a diminué de 66% à 52% durant la même période.

44 Au total, cette rétrospective met en évidence les limites des politiques du logement social

en général et les difficultés rencontrées pour l’insertion des couches populaires dans l’espace urbain. L’absence d’une politique ambitieuse en faveur de ces couches et des infrastructures sociales assurant leur intégration dans la vie urbaine, menace d’amplifier les tensions sociales et d’aggraver la ségrégation.

Perspectives

45 A l’instar de la plupart des pays en développement, le secteur du logement social en

Tunisie, est confronté à plusieurs difficultés qui entravent son développement. En effet, le recul généralisé de l’État dans ce secteur a été entrepris dans un contexte économique marqué par les exigences des politiques d’ajustement structurel et largement dominé par l’agenda néolibéral. Aujourd’hui, le contexte tunisien post révolutionnaire remet au goût du jour le débat sur la régulation du logement social. L’intervention publique doit répondre aux nouvelles exigences dictées par cette nouvelle conjoncture. Il importe de mener une nouvelle approche en matière d’habitat social visant d’accélérer le processus de construction pour couvrir les besoins additionnels en logements.

46 Actuellement, la politique du logement social est confrontée à de nouveaux défis en

matière de production et de gestion. Sur un plan quantitatif, la demande en logements sociaux (35000 chaque année) dépasse de loin l’offre (10000 annuellement dont 1500 réalisés par les promoteurs immobiliers publics). Les besoins sont estimés à 100000 logements sociaux qu’il convient de combler dans les 6 ou 7 années prochaines (cartes 3 et 4) (Houidi, 2012).

47 Outre la pénurie, la plupart des politiques adoptées se caractérisent par l’inadéquation

entre l’offre et la demande (cartes 3 et 4). La faible part des logements attribuée aux populations à bas revenus. Hormis quelques initiatives, l’État n’a pas conçu une offre accessible à ces couches. Cette situation est largement due à l’inadaptation des systèmes de financement aux caractéristiques des ménages à bas revenus. En outre, l’offre devrait s’adapter à une nouvelle conjoncture socio-économique marquée par la hausse du taux de chômage (touchant 20% de la population active totale du pays) et l’augmentation de la pauvreté qui frappe environ 37% de la population totale. Une réforme structurelle se révèle nécessaire surtout en termes du financement qui demeure inadapté aux conditions des nouveaux demandeurs.

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Carte 3- Demande de logements dans le programme spécifique en 2012

Source des données : www.snit.tn

Carte 4- Offre en logements dans le programme spécifique en 2012

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48 Sans prétendre ici tisser la trame complète de cette problématique, on peut poser

quelques recommandations :

49 Aujourd’hui, des mesures correctrices décisives et soutenues se justifient dans le secteur

du logement social pour maintenir du logement pour les plus démunies. De nouvelles formules du logement social adapté aux conditions des couches vulnérables dont les revenus moyens ne leur permettent pas d’être éligibles aux logements sociaux. La révolution a dévoilé les tensions existantes et l’ampleur des besoins des demandeurs prioritaires non satisfaits. En effet, l’établissement d’une solution financière pour les couches défavorisées, leur permettant d’accéder à la propriété, émane de très sérieuses études de viabilité et de faisabilité, c'est-à-dire à un examen en profondeur de la demande réelle de la population cible. Ces études devraient impliquer à la fois les décideurs administratifs, les chercheurs, différentes catégories de professionnels et de techniciens (financiers, fonciers, matériaux, aménageurs, etc). En Tunisie, hormis quelques études de faisabilité telque CIMER, aucune étude sérieuse n’a été faite sur l’amplitude des budgets que les ménages à bas revenus peuvent mettre à disposition pour acquérir un logement social. Toutes ces dimensions ont tendance à esquiver l’inadéquation entre l’offre et la demande et le glissement des logements vers les couches non visées par les programmes des logements sociaux. Souvent, l’habitat social destiné théoriquement à des populations défavorisées, était pour une grande partie récupéré par les classes moyennes.

50 En outre, les autorités publiques sont recommandées à appliquer fidèlement les critères

d’attribution des logements. Aujourd’hui, des commissions régionales, composées de membres de la constituante et de collectivités locales sous tutelle du gouverneur, sont désignées afin de contrôler et suivre les opérations d’attribution des nouveaux programmes de logements sociaux. En outre, les listes des bénéficiaires du nouveau programme de logements sociaux ont été établies et affichées aux sièges des délégations concernées pour recueillir toute sorte d'opposition et contestation.

51 En matière de production de logements sociaux, la grande partie de l’offre est souvent

assurée par les opérateurs publics. Écartelés entre une logique de rentabilisation et la vocation sociale des logements produits, la place occupée par les promoteurs privés apparait singulièrement restreinte. A titre d’exemple, au cours de la période 2009 – 2013, la contribution des promoteurs immobiliers privés (PIP) à la production de logements sociaux était d’environ 419 logements /an alors qu’elle avoisine 4000 logements sociaux au début des années 90 (MEAT, 1996).

52 Au regard du défi à relever en matière de construction, la mise en œuvre des nouveaux

projets exige la mobilisation des nouvelles techniques et matériaux permettant d’abaisser le coût du logement, avec la préservation d’une densité élevée de constructibilité par parcelle de terrain. L’État est contraint de trouver des terrains à prix abordables pour construire ces logements. Il s'agira de "mobiliser les lois nécessaires notamment la loi de préemption pour acquérir les terrains nécessaires surtout dans les grandes villes caractérisées par une pression foncière. En effet, à l’image de la plupart des pays en développement, l’accès au sol demeure le principal obstacle à dépasser pour les projets d’habitat en Tunisie, et constitue en cela un facteur majeur d’exclusion des pauvres.

53 Au niveau des instruments, le partage et l’échange des savoirs acquis dans les projets et

les expériences réussies au niveau national ainsi qu’international en matière du logement social, est indispensable. Citons par exemple l’opération CIMER. Cette opération représente une offre compatible aux revenus des couches vulnérables, assurant ainsi leur

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intégration au sein de la ville. Elle représente des atouts : elle encadre à la fois le processus d’auto construction déployé hors de la ville et conçoit ainsi un espace appropriable par ses résidents. Cependant, ces opérations sont confrontées à plusieurs difficultés : plus particulièrement les difficultés de financement et la forte pression foncière que subissent les grandes villes, les techniques foncières, fiscales, constructives, les analyses de coût et d’organisation, les modalités de financement, le partenariat entre les acteurs, la participation.

54 En outre, toute politique de logement social suppose qu’on dépasse la seule question

d’offre du logement pour la conception d’un plan d’action sociale visant l’intégration des groupes sociaux les plus vulnérables à la ville. Cet objectif pourrait être atteint à travers l’instauration de tout un package de commodités et de services devant comporter, outre l’alimentation en services et en équipements collectifs (dispensaires, écoles…), la création des zones d’activités et d'emploi capables de réduire la pauvreté des couches populaires et d’assurer leur intégration sociale dans la ville. Plus qu’un concept véhiculé par les pouvoirs publics, les politiques du logement social devraient réconcilier la ville avec ses couches populaires en luttant contre les inégalités, les discriminations, de réduire les écarts entre les quartiers populaires et les autres secteurs de la ville.

Conclusion

55 Aux termes de différentes évaluations, la question du logement social a constitué une

préoccupation majeure des différents plans de développement économique et social adoptés en Tunisie depuis l’indépendance. Toutefois, les actions menées ont été souvent détournées au profit des classes moyennes et au détriment des couches défavorisées. Ceci ne pouvait que renforcer les mécanismes de ségrégation et d’exclusion. L’extension considérable de l’habitat anarchique remarquée ces dernières décennies autour des grandes agglomérations urbaines illustre bien l’insuffisance des programmes de logements sociaux ainsi que leur sélectivité.

56 Cependant, la Tunisie à l’instar des pays en développement est confrontée à une nouvelle

circonstance contradictoire : d’une part, la mondialisation et son agenda néolibéral impliquant d’abandonner un certain nombre de terrains de l’action sociale ; d’autre part, la nécessité de faire face aux demandes sociales excessives induites par la révolution à travers des politiques volontaristes notamment en matière du logement.

57 Quel serait le rôle spécifique de l’État, via les nouveaux enjeux imposés par la

mondialisation, dans le secteur du logement social ? Pourra-t-il mobiliser de nouveau ses moyens pour engager des politiques volontaristes capables de combler les déficits et d’offrir un logement décent aux ménages les plus démunis ?

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BIBLIOGRAPHY

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Webographie http://ins.tn/

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http://www.snit.tn http://www.sprols.com.tn

https://fr.wikipedia.org/wiki/Elections_Législatives_tunisiennes_de_2014

ABSTRACTS

Since independence, social housing has constituted an important dimension in Tunisia and a challenge for the maintenance of social peace. As a result, this sector remained a major concern of the various development policies adopted. However, this offer has often been aimed at the solvent and ignorant population classes. The inadequacy of housing for the lower classes in urban areas has led to urban dysfunctions in Tunisian cities. There was a proliferation of spontaneous habitat, a rise in poverty and an accentuation of the phenomena of socio-spatial segregation. This has imposed new challenges for urban planning in Tunisia.

Today, urban development implies in the first place the recognition of the rights of the working classes in the city. It is a matter of placing the needs and interests of the vulnerable layers at the same level as those of the solvent layers in terms of housing policies and legislation.

However, like other developing countries, Tunisia is confronted with a new contradictory circumstance: on the one hand, globalization and its neo-liberal agenda implying the abandonment of a certain number of fields of social action, and on the other hand, the need to cope with the excessive social demands induced by the revolution through voluntarist housing policies aimed in particular the working classes.

It is a matter of placing the needs and interests of the vulnerable classes at the same level as those of the solvent ones in terms of housing policies and legislation.

Depuis l’indépendance, le logement social constitue en Tunisie une dimension importante et un défi pour le maintien de la paix sociale. De ce fait, ce secteur demeurait toujours une préoccupation majeure des différentes politiques de développement adoptées. Toutefois, cette offre a été souvent destinée aux couches solvables et ignorantes la demande des couches populaires non solvables. L’insuffisance des logements pour les couches populaires en milieu urbain a fait émerger des dysfonctionnements urbains dans les villes tunisiennes. On assistait à la prolifération de l’habitat spontané, la montée de la pauvreté et l’accentuation des phénomènes de ségrégation socio-spatiale. Ceci a imposé de nouveaux défis pour la planification urbaine en Tunisie.

Aujourd'hui, le développement urbain implique en premier lieu la reconnaissance des droits des couches populaires à la ville. Il s’agit de placer les besoins et les intérêts des couches vulnérables au même niveau que ceux des couches solvables au niveau des politiques d’habitat et des législations. Cependant, la Tunisie, à l’instar des pays en développement, est confrontée à une nouvelle circonstance contradictoire : d’une part, la mondialisation et son agenda néolibéral impliquant d’abandonner un certain nombre de terrains de l’action sociale, et d’autre part, la nécessité de faire face aux demandes sociales excessives induites par la révolution à travers des politiques de logement volontaristes visant notamment les couches populaires.

Desde a independência, a habitação social tem sido uma dimensão importante na Tunísia e um desafio para a manutenção da paz social. Como resultado, este setor continuou sendo uma grande preocupação para as várias políticas de desenvolvimento adotadas. No entanto, esta oferta tem sido freqüentemente direcionada a camadas de demanda solvente e ignorou as camadas de demanda não solventes. Habitação insuficiente para as classes trabalhadoras nas áreas urbanas levou à disfunção urbana nas cidades tunisianas. Houve uma proliferação de habitações

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espontâneas, aumento da pobreza e a acentuação dos fenómenos de segregação socioespacial. Isso impôs novos desafios para o planejamento urbano na Tunísia.

Hoje, o desenvolvimento urbano implica, em primeiro lugar, o reconhecimento dos direitos à cidade da classe trabalhadora. É uma questão de colocar as necessidades e interesses das camadas vulneráveis no mesmo nível que as camadas de solventes em termos de políticas de habitação e legislação. No entanto, a Tunísia, como todos os países em desenvolvimento, é confrontada com uma nova circunstância contraditória: por um lado, a globalização e sua agenda neoliberal implicando o abandono de um certo número de áreas de ação social, e por outro lado, a necessidade de lidar com as demandas sociais excessivas induzidas pela revolução por meio de políticas habitacionais voluntaristas voltadas especialmente para as classes trabalhadoras.

INDEX

Geographical index: Tunisie Keywords: social housing, Tunisia Palavras-chave: logement social, Tunisie

AUTHORS

SAMI BEN FGUIRA

Laboratoire SYFACTE, Université de Sfax, samibelfguira@gmail.com MONGI BELAREM

King Abdulaziz University - Laboratoire SYFACTE, Université de Sfax – ATCIG, aremmongi@yahoo.fr

Figure

Tableau 1 - Prix de logements financés par le fonds de promotion du logement pour les salariés (FOPROLOS) et échéances de remboursement.
Graphique 1. Production des logements par la SNIT entre 1957 et 2016 Source des données : www.snit.tn et Chiha N, 2007.
Tableau 3 - Prix de logements sociaux en 2012
Graphique 2. Logements ruraux construits à Sfax par la SNIT entre 1978 et 1984
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Références

Documents relatifs

Geo, Cerfise, Lab’Urba,, Diversification de l’habitat et mixité sociale dans les quartiers en rénovation urbaine, Rapport pour le CES de l'Anru, 2009 ; Avide E., Danel B.,

Dans l’une des seules occurrences de ce thème, le ministère du Logement explique que le public housing se trouve « concentré dans des quartiers très pauvres » à cause

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– C’est par la voie d’une subvention accordée dans le cadre du programme complémentaire de la Ville au programme Accès Logis Québec de la Société

La programmation du logement

Afin de garantir a minima la poursuite de l'activité de relogement durant l'état d'urgence sanitaire tout en protégeant les publics les plus fragiles, plusieurs ordonnances ont

Exponential turnpike properties have been established in [18, 29, 30, 36, 37] for the optimal triple resulting of the application of Pontryagin’s maximum principle, ensuring that

Outre vous-même, ce sont celles que vous indiquerez aux rubriques : « le conjoint ou le futur co-titulaire de bail » et « Personnes fiscalement à votre charge ou à la charge de