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La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France) : structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

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La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France) : structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

SESIANO, Jean

Abstract

Le vallon de Bise dans le Chablais haut-savoyard possède un drainage superficiel chétif, la majeure partie des eaux, provenant de plusieurs endroits, étant évacuée souterrainement.

Des traçages ont mis en évidence ces transits. L'un de ceux-ci provient de la grotte de la Mine qui s'est développée dans les calcaires du Malm des Préalpes médianes. Des datations U/Th ont permis de dater quelques concrétions. Le réseau s'avère ancien, comme l'atteste sa décapitation. La résurgence des eaux du vallon, partiellement captée, montre une très grande vulnérabilité aux contaminations tant animales qu'anthropiques. Un périmètre de protection est proposé.

SESIANO, Jean. La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France) : structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise. Karstologia , 2012, vol. 59, p. 45-54

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:31220

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1 / 1

(2)

Jean

SESIANO

Département de Minéralogie, Université de Genève, 13 rue des Maraîchers, CH-1205 Genève, jean.sesiano@unige.ch

RESUME: Le vallon de Bise dans le Chablais haut-savoyard est drainé par un exutoire de surface chétif, alors que la circulation hypogée apparaît robuste. Cette dernière revoit le jour aux sources des Ouvertures, dans le bas du vallon. Trois traçages effectués en 2012 à la mare de Chillon, au lac de lâ Léchère et dans la grotte de la Mine n'ont pas montré de rétention dans le système, mais le drainage souterrain est encore peu développé, comme le montre une vitesse de transit moyenne d'environ 150 m/h. Dans la partie gouttière synclinale, la circulation est sans doute noyée, alors que sur ses f lancs, elle est vadose.

Ce réseau souterrain est ancien, comme le

montre sa décapitation. La datation de sept concrétions de la partie accessible du drainage souterrain indique un âge de plus d'un demi-million d'années, compatible avec les observations géomorphologiques de la zone étudiée.

La grotte de la Mine

(Haute-Savoie, France) :

structuration et fonctionnement

hydrogéologique du vallon de Bise

Enfin, les traçages ont montré que les sources des Ouvertures sont vulnérables car certaines eaux les alimentant sont

contaminées par les alpages du vallon de Bise et de la Léchère. La mise en place d'un périmètre de protection est proposée.

Mors-ct És : hydrogéologie, traçage, datation, Bise, Chablais, Préalpes médianes,

Haute-5avoie, France.

ABSTRACT: TUI MIut CAVE AND THE HYDROLOGY oF vALLoN or Btsr (Fnu'tcu Nonru PntAtes):

Three dye-tracing experiments were performed in the Bise valley, in the Chablais region of Haute-Savoie, France. The first two, at sink holes where water from mountain lakes disappeared, and the third one, in an underground river, inside the Mine cave. The water came out at the multiple springs of the Ouvertures, some 3km away. The average velocity of the tracer, about 150 mlh, and the amount

of

dye recovered, show that the underground drainage system is not well developed, the water circulation being probably phreatic, although a vadose behavior, e.g. in the Mine cave, is active in some parts of the system.

The underground system is quite old, part of it having been beheaded, mainly through glacial erosion. Some speleothems from the accessible part of the underground drainage system give an age of more than half a

million of years. That number is in agreement with my geomorphological observations of the surrounding landscape.

The experiment showed also that the Ouvertures springs are contaminated by germs from the cattle pasturing in the valley meadows. Considering their future

captation, a safety perimeter is proposed.

Krv wonos: hydrogeology, dye tracing, dating, Bise, Chablais, Prealps medianes, Haute-Savoie, France.

Les travaux menés dans les années

l980-90 sur

les

plans

d'eau

naturels, lacs,

étangs

et gouilles, de la Haute-

Savoie lSesiano, 19931 m'avaient conduit à

parcourir la région

Bise-Darbon. En effet, on y trouve dans le haut du

vallon de

Bise

plusieurs plans d'eau

consé- quents, pérennes ou

non,

comme le lac de Bise,

le lac

de

la

Léchère,

le lac

de

Fontaine, la mare de Chillon et le

lac de Darbon

(figure

1). J'en avais mesuré

divers paramètres, dont la surface,

la

profondeur

et le

volume;

des analyses physico-chimiques des eaux avaient été effectuées par le laboratoire des Services

Industriels de Genève; et plusieurs

traÇages avaient été effectués au lac de Bise,

qui avaient mis en

évidence des

écoulements souterrains diffluents . une

partie de I'eau,

passant sous

le Mont

Chauffé,

rejoignait

Richebourg, dans la vallée d'Abondance, tandis qu'une autre

partie, au sud-ouest du lac,

traversait

souterrainement

1'éboulement

issu

de

la Pointe de Bénévent pour donner

naissance à la source de I'Eau Noire.

L'hydrogéologie

du

vallon

de Bise demandait donc à être précisée.

L Cadre géographique et géologique

Le

vallon

de Bise se

situe

dans le Chablais, au sud du lac Léman (Haute-

Savoie). Il

s'étage

entre 800 mètres

à

Vacheresse,

sur le cours

de

la

Dranse

d'Abondance, et un peu plus

de

2400 mètres aux Cornettes de

Bise, sommet sur la

frontière

entre la Haute- Savoie et le Valais, en Suisse

(figure l).

Géologiquement, il s'agit du

domaine des Préalpes

qui forment

Ia

bordure

SE du plateau moiassique suisse; elles repré- sentent I'ancienne

couverture

décollée mésozoique de la nappe du Grand Saint-

Bernard,

ayarrt

glissé par gravité sur I'avant-pays lors du soulèvement

des Alpes. Les reliefs sont donc formés

d'un

empilement de nappes, à savoir, de bas en

haut:

- les nappes à

matériel ultrahelvétique

(Préalpes externes et

internes)

,

- les nappes des Préalpes médianes et

de la Brèche, les premières faisant

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-5avoie, France):structuration etfonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

45

(3)

Figure 1 : Carte de situation et carte structurale de la zone étud iée.

Localization and structural map of the studied area.

Figure 2:

La tectonique des Préalpes médianes, d'après Badoux et Mercanton 11962), modifié.

Geological section of medians PreAlps.

partie du domaine subbriançonnais

à

briançonnais, selon leur domaine

paléo- géographique originel. C'est dans ces nappes des Préalpes médianes que s'inscrit Ie

vallon

de Bise ;

-

les nappes des Préalpes supérieures,

ou nappe de la Simme,

d'origine

plus

méridio- nale ICharollais

et Badoux, 1990].

Schématiquement, on peut subdiviser

les Médianes en une partie septentrionale, les Médianes plastiques, et en une partie méridio- nale,

plus interne,

les Médianes

rigides.

Les qualificatifs plastiques et rigides

proviennent

des styles de

déformation

très

différents qui

les affectent, tels

qu'ils

apparaissent dans les paysages: des trains de

plis

souples

pour

les

premières, mais des écailles disjointes

et basculées

pour

les secondes. Ces déforma-

tions,

très dissemblables

et immédiatement

apparentes dans

le

paysage,

proviennent

de

la nature différente

des

roches qui consti-

tuent ces deux parties des Médianes. Pour les plastiques, des matériaux calcaires et marneux allant du Trias à I'Eocène, pratiquement sans

lacune stratigraphique; et pour

les rigides,

une série lacunaire caractéristique d'une plateforme

carbonatée,

typique du

domaine briançonnais.

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crête

anticlinal

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circulation

d,eau \

faille, fracture,

L' grotte souterraine \

oecrocnemen

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@

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NNO Mont Chouffé SSE

Mont de Chillon Pointe de Lochou 20P5 t 944

Vollon da I

D";h", I Vollon de

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Vollée d'Abondonce

1000 m 500 0

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0 | 2 3 4 sxm

Cr&oc&Eocàne Trior (Kcupcrl

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I

Ypréslcn - lutétl€n

Couches è Mytilus Dogger-Argovlcn Couches

ffi

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DoggGr ô Conccllophycus (lncluont le [los supétleur)

|

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lios supérlout

s: sillceux

c: spolhiquc è silex

llos moyon Dolomies blondes sr silic€uxor spothlqu6 rr Grèsàtoscoux

Couches,ougês :Crélocé supérieur Poléocène - Ypréslen lnférieur

ffi

Néocomien Eerrloslen - Borrémicn

ffi

siliceux e I spolhlquâ

ffi

Hctlonglcn

ffi

Jurossiquc

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Molm

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el morble delo Vernoz rs moyen cl supérlcur spothique

46

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France): structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

(4)

ll. Géologie et tectonique locales

Le

vallon

de Bise se situe très Près de

la limite entre

Médianes

rigides

et plastiques. En effet, alors que I'ubac du

vallon

de Bise

appartient typiquement aux

Préalpes rigides?

son adret, ou

ce

qu'il

en reste, I'apparente

aux

Préalpes plastiques

(figure

2).

Une étude paléogéographique Par Septfontaine [1995] a cependant montré

que

ce

concept n'est

pas

si simple,

et que des

trains

de

déformations

rigides se

placent au milieu des plastiques,

comme dans la région du Château et de

la Dent d'Oche,

quelques

km au nord

delazone étudiée. On y observe un léger déversement des

plis

vers le

NW, voire

même

un chevauchement

dans

le

cas

des vallons d'Oche et de Bise qui

encadrent le

vallon

de Darbon.

Le

Mont

de

Chillon, par

exemPle, se rattache par

le

faciès de ses roches à la partie interne des Médianes, alors que son style de plissement

le

place

plutÔt

dans

les Plastiques.

Sans

s'artêter

au

décrochement remarquable dextre

de La Chapelle d'Abondance, accompagné aussi d'un mouvement vertical, en

limite

de

la

zone

étudiée (figure l), on doit

relever

qu'un

coulissage dextre traverse aussi la région de Sémy, aux Places, avec une avancée d'une centaine de mètres du compartiment ouest

fTagini,

1951]. Cet

accident, orienté environ WB0.N,

est

oblique par rapport

à l'axe de

I'anticli- nal de Chillon, le recoupant

sous

un angle d'environ 60o. D'autre

Part,

plusieurs fractures secondaires, visibles dans les falaises

dominant

le

vallon

de Darbon ou dans celles au-dessus du lac de la Léchère, mais aussi sur les photos aériennes,

présentent

des

orientations

NNW-SSE, recoupant le décrochement sous

un

angle proche de 60". Elles sont presque orthogonales par rapport à I'axe du

pli.

Certaines sont sans doute encore actives comme le

montre une

observa-

tion

de néotectonique dans la grotte de la

Mine

(cf. inJra).

Enfin,le

pendage des couches, subhorizontal à I'emplacement

du Mont de Chillon,

de

i'entrée

de la grotte de la Mine, des Places ou de Sémy, ne tarde pas à s'accentuer pour atteindre celui du plan

structural,

soit

environ

70 à B0 o/o sur le versant orienté vers Ie sud

du vallon

de Bise, avec

une direction N

165'.

Quant aux terrains

présents dans

le

secteur,

on

observe de bas en

haut:

les

calcaires siiiceux, spathiques

et

oolithiques appartenant au

Lias

,

les couches à

Mytilus

formées de conglo- mérats, de calcaires saumâtres, parfois

fossilifères et bitumineux,

présentant

des niveaux de charbon qui ont

été relevés avec

soin par Chamot [1961].

Elles sont rattachées au

Dogger

(Bathonien), voire au Malm basal. Puis,

un

calcaire

clair,

massif

et oolithique,

périrécifal à récifal, typique d'une plate-

forme

carbonatée,

attribué

au

Malm. Il forme une falaise d'une centaine

de mètres de puissance, armant le paysage,

et sujette à karstification. Enfin,

les

calcaires marneux pélagiques

des

Couches rouges et grises à

gris-vert

du Crétacê supérieur

-

Eocène moyen,

un

marqueur

important

dans le paysage de pat sa couleur.

Mais, c'est l'interface Dogger-Malm

qui interpelle:

en effet, longtemps on a

vu

dans

cette formation

mésozoique, caractéris ée par

un

encorbellement des calcaires massifs sur des marnes, la

limite

entre le

Malm

et le Dogger. Les travaux de Baud et Septfontaine

[1980]

et ceux de Septfontaine

[1983]

ont

montré

que c'était une

vision simpliste

des choses,

en tout

cas dans cette

région.

La base de la barre calcaire décrite comme appar-

tenant au Malm est en grande

Partie composée de calcaires néritiques appar-

tenant au Dogger supérieur, en parti- culier le

<

domaine

à

Mytilus

>,

dont l'âge va du Bajocien supérieur

au Callovien.

Ii

est séparé du Malm s.s. (qui s'étend de

I'Oxfordien

au

Portlandien)

par une

importante discontinuité

d'éro-

sion.

Les couches de

charbon exploi-

tées dans la mine de Darbon sont en

fait

situées

tout

à

la

base

du n domaine

à

Mytilus

o, dans ce

que

Septfontaine a

appelé

le

<

membre de

Chavanette >.

Plusieurs

lames

minces d'échantillons

de roches, prélevés sur les parois et au

plafond

de

la grotte

de

la Mine,

nous

indiquent un

emplacement

proche

de la

limite

Dogger-Malm, mais au-dessus des couches à

Mytilus (détermination

R. Wernli, Dépt. Géologie, Univ.

Genève), ce

qui confirme

ce

qui vient

d'être

dit. A partir

de là, nous écrirons

< Malm ) pour désigner ce qui

est

improprement décrit comme tel

dans I'usage.

lll. La grotte de la Mine

Découverte

parJ.

Sesiano en 1989 ISesiano

2013],

elle s'ouvre à

I'altitude de I650 mètres, au pied d'une paroi

calcaire de 50 à 100 m de hauteur, dans

un

angle dièdre du cirque

du

Creux du

Planay, I km au SW des chalets

de

Darbon (photo I et photo p. IV

de

couverture). comme elle

se

trouve

à

une cinquantaine

de mètres au sud de la

mine

de charbon de Darbon,

exploi-

tée

au

XIXe siècle, cela

lui

a

valu

son nom.

La haute

paroi du

dièdre

limitant au NW la grotte, orientée E-W,

est

parallèle au décrochement

des Places (cf".

supra), et

c'est

un miroir

de

faille qui

s'observe dans les premiers mètres de Ia cavité.

A I'aval, la grotte de la Mine

se

divise

en

deux

branches

(figure

3) : la

Les Places - Sémy

I

t-I 'l';

Photo 1: Le site de la grotte de la Mine, vu en direction de l'ouest-sud-ouest. A l'arrière-plan, l'anticlinal des Places et la région de Sémy.

At

the bottom

of

the cliff, the Mine cave; in the background, the anticline of the Places-Sémy.

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France):structuration etfonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

47

(5)

Photo 4

-\ o

Entrée (t 0 m)

partiel de a Mine.

rtial map of

''''.- Photo 2

Plan de la grotte de la Mine

(réseau des Genevois)

grande salle

du coulissage

--l--

\

\

\

\ \

direction du pendage

S VerS le réseau des Savoyards

orélèvement - de Mr, M., Jr et J2

<_ endroit du traçage et du prélèvement de J,

@

Photo 3 1

N

*

0 20 40m

terminus actuel '255 m

Figure 3: Plan schématique p

la grotte de la Schematic par the Mine cave

Photo 2 :

Excavé dans les calcaires massifs du Malm, la zone du ca nyo n.

Digged in the Malm limestones, the canyon of the first part of the cave (A-B-C-D on figure 3).

w première

(< réseau des Genevois >) est

ceile

de

la découverte, elle ne draine qu'une portion réduite de terrain,

car elle a été amputée de la presque

totalité

de son bassin versant comme on le verra

plus

bas.

Quant

à la seconde (u réseau des Savoyards >), sa découverte est plus

récente et son exploration n'est

pas

terminée. C'est

de 1à

que provient

la majeure

partie

de I'eau

circulant

dans

la partie aval

de

la grotte, son

bassin versant s'étendant sous

I'anticlinai

des Places.

La première partie

du

< réseau des Genevois > : entrée, méandre (canyon de

I

à 2

m

de largeur et

d'environ

10 m de

hauteur, photo 2) et

grande

salle,

est excavée dans les calcaires compétents

et massifs, mais ici diaclasés,

du

<

Malm

o, alors que

la

seconde partie,

là ou

s'écoule

I'actif, issu du (

réseau des Savoyards

),

est creusée dans les calcaires marneux,

bruns

à noirâtres et

de) à 3 m d'épaisseur, du

Dogger (galerie de 3 à 5

m

de

largeur

et de 2 à

3 m de hauteur). Le passage du < Malm >

Photo 3. Dans la seconde partie de la grotte, le ruisseau s'écoule dans les calcaires marneux du Dogger alors que le plafond est formé par les calcaires massifs du Malm. Beyond the "grande Salle", the underground river flows between the Malm limestone of the roof, and the Dogger marly limestone of the ground.

au Dogger se fait au point Z sur

la

figure

3. Ces roches sont imperméables

normalement, mais pénétrables par érosion

mécanique.

Quant

au

plafond du conduit,

dès le

point Z,ll

est formé

de u

Malm , (photo

3). L'eau

suit

donc le plan

structural, qui

est du reste aussi

celui

des

pentes du vallon de Bise

à

l'aplomb

de la cavité.

Si I'on considère le plan de la grotte

(figure 3), on

observe que les galeries

s'organisent seion deux directions

et passent brusquement de l'une à

l'autre:

les

premiers 30

à

40 m

de

la

cavité se

dirigent vers I'est, guidés par une fracture

de coulissage (figure

3

. A) ;

I'eau

abandonne ensuite cette

direction pour suivre une fracture dans le sens

du pendage sur environ B0

m

(B), puis une seconde

faille de

coulissage

prend

la

relève sur une quarantaine

de mètres (C), l'eau s'écoulant à nouveau vers l'est, avant que la galerie ne se remette à suiwe très

brièvement une fracture selon

le pendage

(D)

;

on

est alors à la

jonction

entre le < réseau des Genevois > et celui des Savoyards. La galerie fossile dite < de raccordement > est orientée à nouveau selon une faille décrochante, la troisième,

jusqu'à la

grande salle

qui voit la

suite de la grotte

jusqu'au terminus,

à 255 m

48

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France):structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

(6)

Photo 5: La mare de Chillon avec, derrière, le sommet éponyme. Au pied du verrou, la perte encore partiellement sous la neige. Le traçage a eu lieu ou I'eau disparaît sous le névé (23.05.2012).The pond of Chillon; in April 2012, the swallow hole is still covered by snow.

Photo 4: Néotectonique sur un conduit de la grotte, proche de I'entrée. Le déplacement vertical et le coulissage des deux compartiments se font sur quelques centimètres (échelle totale:

20 cm). Neotectonic shape in a gallery, near the entrance of the cave: few centimetres of sliding and vertical movement (Scale: 20 cm).

sous I'entrée, s'orienter selon le pendage.

On

a

donc

des

directions de fractura- tion presque orthogonales: trois

des

fractures sont parallèles et orientées WB0.N,

espacées de quelques dizaines de mètres, c'est-à-dire selon la

direction

du coulissage

majeur

dextre des Places

mentionné plus haut, quant aux trois autres, elles font partie

des

fractures visibles

dans

la

falaise, à I'entrée de la cavité.

Comme noté plus haut, les

coulis-

sages

sont peut-être

encore

actifs.

En effet, c'est dans les calcaires du <

Malm

>,

quelques mètres après I'entrée de

la grotte, que des traces de néotectonique ont été relevées.

Il

fait donc peu de doute

que, parmi les accidents importants

situés au voisinage de la grotte, certains ont pu rejouer entre Ie creusement de la grotte et la période actuelle. Dans ce cas

particulier,

en regardant vers I'est, c'est-

à-dire

dans I'axe de

la

galerie,

il

s'agit

d'un mouvement vertical ayant fait

coulisser

d'une

dizarne de cm et abaissé de 7 cm

le compartiment

de

droite

par

rapport

à

celui de gauche (photo 4);

c'est donc bien un décrochement dextre,

identique

à

celui

des Places. Plus

loin, on observe aussi le bris naturel

de concrétions ou le déséquilibre de stalag-

Photo 6: Traçage à la perte de la mare de Chillon (23.05.2012).

Dye-tracing in the pond of Chillon (2012, MaY 23th).

mites

massives

par minage du terrain sur

lequel elles reposaient.

Finalement, il rt'y

a actuellement dans la cavité plus que des retouches de

corrosion ou de dépôt, sauf dans

le

conduit actif qui suit le pendage,

ou

l'érosion

mécanique est assez active.

La grotte de la

Mine

est un

maillon important dans la mise en place

de I'hydrogéologie du

vallon

de Bise, avec

une vision in situ du phénomène

de

circulation

des eaux hypogées.

lV. Hydrogéologie actuelle du vallon de Bise: Ies traçages et leur interprétation

A.

Les

traçages

On a

vu

qu'une

partie

des eaux du lac de Bise résurge à la source de I'Eau

Noire.

Ce cours d'eau parcourt la partie aval du

vallon

sur

environ

3,5

km

sans

recevoir d'affluent notable puis,

150 à 200 m avant les

nombreux

exutoires de

la

source des

Ouvertures, il reçoit

sur sa gauche les eaux

du vallon

d'Ubine.

Puis il va se jeter dans la

Dranse

d'Abondance, peu avant Vacheresse. 11

représente donc

le

drainage de surface

du vallon de Bise, à I'aval du

lac

éponyme.

Pour les traÇages présentés ici,

j'ai

donc

privilégié trois

pistes:

la

mare de

Chillon

et le lac de la Léchère, tous deux sans émissaires aériens,

et la grotte

de

la Mine. J'ai utilisé

de

la

fluorescéine

(uranine)

en chacun de ces

lieux,

dans des

conditions qui peuvent

être quali- fiées de bonnes à très bonnes: en pleine fonte des neiges à I'altitude de la mare de

Chillon, soit 1820 m.,

Ie

23 mai

2012, avec

I'injection

de 1,3 kg de fluorescéine dans

un

debit de 5 à

l0

Us, alors que le plan d'eau et son verrou (calcaire lapiazé du

Malm)

étaient encore en partie sous la neige (photos 5 et 6). Puis, durant une période d'abondantes précipitations pour le lac de

la

Léchère

(altitude 1350 m), le

13

juin

2012, avec 0,9 kg de fluores-

céine injecté dans un débit estimé

à

moins

de

0,2

Us, au

pied d'une petite

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France): structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

49

(7)

paroi rocheuse de

Crétacé

supérieur,

fortement diaclasée (photo 7). Les condi- tions de traçage étaient donc bien moins favorables qu'à

la

mare

de Chillon.

La

grotte

de

la Mine

avatt

quant

à elle

vu

déjà

le déroulement de deux

traçages

par Marie-Laure Sesiano, I'un

le

21 décembre

l9B9 (photo

B), peu après sa découverte, et le second

le

7 octobre 1992.

La détection,

assez

fruste, avait montré un temps de

passage

jusqu'à l'émergence des Ouvertures de un

à

deux

jours. Il fallait donc préciser

ces chiffres. C'est pourquoi, I'opération a été rêpétée le 11 octobre2012 avec le déver- sement de 0,9 kg de fluorescéine diluée dans le ruisseau

circulant

dans la grotte, au

debit

de 2 à 3 Us, à

I'altitude

d'envi-

ron

1500

m. On était alors en

étiage d'automne, bien des sources karstiques préalpines et jurassiennes présentant

un

niveau très bas, ceci malgré quelques cm

de pluie tombés durant les

10

jours précédents. Le niveau du lac de

la Léchère

était du

reste

40 cm plus

bas que Ia perte.

En excluant

les

points

d'observa-

tion qui avaient été surveillés

néga-

tivement par fluocapteurs lors

des opérations de traçages de 1989 et 1990, I'essentiel de la surveillance s'est concen- tré aux

nombreux griffons

de la source des Ouvertures (photo 9), environ 3

km

en aval du lac Fontaine, avec

un fluori- mètre réglé sur un

pas

d'échantillon- nage de 4 minutes, et la pose

de

nombreux

fluocapteurs (charbon

actif)

aux divers exutoires (figure 1). Les eaux

quittent le royaume

de Hadès

par

des

éboulis et des roches très diaclasées gris- vert

du

Crétacê supérieur, en bordure de la route menant de Vacheresse à Bise, à

l'altitude d'environ

1020

m, leur

débit

total, difficile à juger à cause

des

nombreux

griffons

, a variê d'environ

B0 à 150 Vs au cours des opérations.

Pour estimer le débit d'étiage, une

visite

a eu

lieu

Ie27

janvier

2013, après une période froide:

il

se monte à environ

20

I/s.

J'ai

aussi observé

que tous

les

griffons amont, donc

les

plus

élevés, étaient taris et que

plus on

descendait, plus ils étaient

(

en eau >. Ceux du haut ne sont ainsi que des exutoires de

trop- plein,

de crue.

Le traceur

est

ressorti

à

la

source des

Ouvertures

avec,

pour la mare

de

Chillon, un premier signal

de passage 22

h

après

I'injection;

de 23

h pour

le

lac

de

la

Léchère,

et

de 36,5

h pour

la grotte de la Mine. La lecture des courbes de

restitution

du traceur (figure 4) peut

surprendre, surtout la première et

la dernière. En effet, leurs environnements

Photo 9; Un des nombreux griffons des sources des Ouvertures; le débit est ici moyen.

The O uve rtu res sp ri n gs.

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Photo 7:Traçage à la perte du lac de la Léchère (13.06.2012). Dye-tracing in the swallow-hole of the Léchère lake (2012, June 13th).

Photo B. Traçage du 21 décembre 1989 dans la grotte de la Mine, au,, siphon >. Dye-tracing in the final sump of Mine cave (1989, December 21st).

:

i -' j.'f-:' ,t.'di ;-.i ..r.g

l##,*

50

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France): structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

(8)

33.80- 14,80-

30 27

Ezz.so-

o-c20.00-

_ot 17,50- f;rs.oo-

fi r z.so-- ot0.00- 7.50-- 5.0û- 2.50-- 0_20-*

300.o-

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8

300.G 240.1- 180_l- 120.2- 60.2-

0.3- 35 40 45

5 1015202530

Hours

C A B

Figure 4: Les (ourbes de restitution des trois traçages de 2012, soit: A) à la mare de Chillon; B) au lac de la Léchère; C) dans la grotte de lâ Mine La courbe inférieure est celle de la turbidité. Pratiquement nulle, elle montre une eau limpide et calme (dépourvue de bulles d'air). Restitution curves

of the thrce dye-tracings: A) from the pond of Chitton; B) frcm the Léchère lake; C) lrom the Mine cave. The lower curve shows the turbidity: the water is clear and without air bubbles.

stratigraphique et tectonique sont

similaires, alors que le temps de passage est de 60 o/o supérieur

pour

la

grotte

de

la Mine. Il faut y voir, à la mare

de Chillon,l'effet du débit élevé de fonte des neiges, alors qu'on est en étiage autom- nal à la grotte de la Mine. Mais le bassin versant en cuvette de la mare de

Chillon

joue aussi un rôle avec une grande varra-

tion

de

debit

crue/étiage,

alors

qu'à la

grotte

de la

Mine,

en

plan structural, il

est

bien plus faible et régulier. Enfin,

cette dernière présente à sa terminaison

aval,à-255

m, un gros éboulement

qui

a empêché la poursuite de I'exploration.

II retarde probablement le

passage de I'eau.

Ces courbes

permettent

de déter- miner le taux de restitution de la fluores- céine, c'est-à-dire d'estimer

la quantité

de

colorant qui

a étê

fixée ou

retenue

Iors

de

I'injection, puis lors du trajet souterrain, en quantifiant ce qui

est ressorti aux sources. Pour que ce calcul

soit pertinent, on doit

supposer que le débit est resté constant

durant

la durée de I'expérience.

Dans

le

cas de la mare de

Chillon (figure 4A),

avec

un debit de

150 Vs,

cela correspond à 0,3 kg de traceur resti- tué,

soit environ

20 o/o. Pour le lac de la

Léchère (figure 48),

avec

un débit

de

100 l/s, car de bonnes pluies étaient

tombées et

tombaient sur la région,

ce qui compensait la fonte de la neige termi- née,

on obtient 0,1 kg

de fluorescéine restituée,

donc l0

o/o de ce

qui

avait été

injecté. Ce rendement, trop faible, traduit les dlfficultés rencontrées

à I'endroit de

I'injection,

dans un environ- nement vaseux et argileux, et un écoule-

ment

à la perte très faible, d'ou risques de

fixation.

Quant à la grotte de la

Mine (figure 4C),

on observe une

restitution

de 85 gr, correspondant àI0o/o de I'injec-

tion.

Somme

toute, une forte fixation

dans

un

environnement marneux, avec

même

des

retenues temporaires

dans des bassins marneux.

Cependant, si

l'on

observe bien les courbes du

fluorimètre,

on constate que le

retour

à 0

ppb

ne s'est pas

fait

entre les

trois

traçages. La cause est à recher-

cher

à

la

mare de

Chillon.

La

solution

de fluorescéine concentrée a été versée

environ l0 mètres

avarrt

la perte,

à la

limite

entre l'eau et le névé. Une partie de cette

solution

dense est restée sur le

fond vaseux recouvert de végétaux,

s'écoulant très lentement vers la perte au cours des semaines et mois suivants. Et c'est ainsi qu'un

bruit

de fond de moins de

I

ppb au mois de

juin

s'est

poursuivi jusqu'au

mois d'octobre. La

quantifica- tion

de ce signal donne, avec

un débit total très conservateur de

B0

l/s aux

Ouvertures, une valeur de 800 grammes de traceur sur la période considérée, et même plus car nous n'étions pas encore à 0

ppb

Le taux de restitution s'en trouve

donc amélioré

avec

environ 50

o/o du colorant total injecté. Mais

il

est probable que la surveillance du ffaçage de la grotte

de la Mine a étê interrompue l0

à 15 heures trop tôt, car nous avions prél'u

un

temps de passage un peu plus court.

D'ou I'incertitude sur le taux

de

restitution.

Enfin,la

quantité de traceur déversé dans

la grotte

de Ia

Mine

a été exces- sive: le signal visuel a été si intense que

la Dranse d'Abondance était colorée

jusqu'à sa

jonction

avec celle de Morzine,

t

heures après sa

détection

à

I'ceil nu

aux sources des Ouvertures.

B.

L'apport à la compréhension

des

circulations

La coupe géologique de Badoux et

al. (figure 2) permet

de comprendre le

trajet souterrain

des

eaux dans

cette

région.

La

circulation

se

fait

au niveau des calcaires

du

<

Malm

>,

pâr corro- sion karstique,

mais

parfois

aussi dans

la partie supérieure du Dogger, par

érosion mécanique, ce dernier

pouvant

être considéré en général dans la région

comme le niveau imperméable.

L'eau issue du lac de la Léchère disparaît dans le calcaire du Crétacé supérieur et

rejoint

le < Malm ) au niveau du plan

de chevauchement

du

versant gauche du vallon de Bise sur son versant

droit, tout

en suivant l'abaissement de I'axe du

pli

en

direction du

SW.

L'eau provenant de la mare

de

Chillon

ainsi que I'eau

circulant

dans la grotte de la Mine suivent le pendage des couches, à la

limite

entre Ie Dogger et le

<

Malm

>, jusque dans le fond du syncli- nal, dont I'axe est légèrement décalé vers le

NW

par

rapport

à I'axe

du vallon

de I'Eau

Noire.

Elles s'écoulent au sein des

calcaires du < Malm > et sous

les Couches rouges des calcaires de I'Albien, passant ainsi sous le drainage de surface, I'Eau Noire. A la hauteur des Ouvertures,

une famille de fractures importantes, bien visibles dans les falaises

sus-

jacentes, probablement

décrochantes, de

direction

NW-SE, et passant environ

f

500 m. au NE de Vacheresse, recoupe cette

circulation

souterraine. Les eaux

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France):structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

51

(9)

viennent donc probablement buter

contre l'écran imperméable de ce

miroir

de

faille,

ce

qui les oblige

à

remonter

vers la surface,

donnant

naissance aux sources des Ouvertures. En outre, f inter-

prétation

des courbes de

détection

du

fluorimètre

permet de

dire

qu'avec une vitesse moyenne

d'environ

150

m/h,

le

système voit cohabiter deux

types

d'écoulement: un écoulement

vadose dans la

grotte

de la

Mine,

mais avec de

nombreux obstacles (éboulements,

bassins, etc.) et aussi à I'aval de la mare

de Chillon (même cadre structural),

et

un

écoulement noyé, donc plus lent, lorsque les eaux atteignent la

gouttière synclinale.

Dans cette seconde

partie, le système est sans doute

encore

peu développé au vu de la durée

du transit.

Accessoirement, les pics de détec-

tion, très nets, indiquent un chenal unique, non

tressé.

Il vaut la peine

de

relever une situation particulière

observée au lac de

Fontaine:

en août et septembre 1990, période de sécheresse,

le débit I'alimentant (provenant du

lac de

Bise, comme établi plus haut),

se

montait

à 2,

puis I

Vs, alors que l'émis- saire

était

à sec. Le

niveau du lac

était alors de 50 à 60 cm plus bas que le seuil du déversoir. L'évaporation ne

pouvant

être mise en cause

pour un tel déficit,

c'est

donc qu'il y

a des

pertes

dans le fond de la cuvette lacustre,

qui dirigent

les eaux vers

le

réseau

souterrain

que

j'ai

proposé. Cela a du reste été confirmé par une visite ie 23 août 2013:

I'affluent débitait environ 2Us,

alors que le

debit

de l'émissaire était de 0,1 Vs.

On peut

encore

tenter de faire

le

bilan hydrologique du vallon. La

carte régionale des précipitations tombant sur

la région [Uttinger, 19491 et l'Atlas climatique

de la Haute-Savoie IDebray et

Bravard, f9911 et celui

de

la

Suisse IMeteoSchweiz, f

984]

nous

indiquent, en tenant compte de l'éventail

des altitudes, une lame d'eau de 155 cmlan répartie sur un bassin versant

d'environ

500 ha. Avec une

proportion

classique de 50 o/o

pour I'infiltration

des

précipi-

tations dans les lapraz et les pâturages,

et de l0

à

20

o/o

pour l'écoulement

de surface, très dispersé du reste car I'Eau Noire n'a pas d'affluent notable en amont des sources des

Ouvertures,

à

part

le

torrent d'Ubine (l'Eau Noire était

du

reste totalement à sec le

2l

août 2013),

le reste s'évaporant, on obtient un module annuel de

f

00 l/s

aux

Ouvertures, valeur

qui

me semble bien

refléter

la réalité, c'est-à-dire les débits donnés

plus haut.

Le

modèle

proposé

prend donc en considération tous

les écoulements souterrains, et

je

ne pense pas

qu'il

y ait diffluence vers les vallées voisines, compte tenu de I'emplacement des fluocapteurs placés

tout autour

du massif lors des premiers traçages dans la

région (figure

1).

C.

Conséquences sur l'utilisation

des

eaux

Le module annuel

important

de ces sources,

ainsi que la faible amplitude thermique

annuelle, entre 5,5 et 6,5"C,

compatible avec un bassin versant

d'altitude moyenne 1500 m, et I'absence

de turbidité, ont fait naître

des désirs

d'exploitation. Les sources

des Ouvertures

sont du

reste captées

pour

les installations sportives de Vacheresse (écriteau à la fontaine: eau non-potable),

à la confluence des vallons de Darbon et de Bise. Or,les risques de contamination sont évidents, vu les provenances variées de ces

eaux: en

été,

une forte

densité humaine autour des chalets de Bise, ainsi que les

nombreux

bestiaux y

pâturant;

il

en va de même

pour

les abords du lac

de la Léchère et, dans une moindre

mesure, pour les alentours de la mare de

Chillon

et les pâturages à l'aplomb de ia

grotte

de la Mine.

Afin

de contrôler ces faits, un prélè- vement a été

réaliseIe2I

août 2013 aux sources des

Ouvertures pour

analyse

bactériologique (D.

Letenneur, INRA).

Tous les griffons amont et ceux

en bordure de route étaient à sec; seul celui du trop-plein du captage donnait de I'eau.

Le débit total a été estimé à une trentaine de Vs, à une température de 6oC.

L'analyse a donné le résultat suivant:

12 CFU

/

100mL (méthode par

filtration

sur membrane selon la norme

AFNOR: NFEN

ISO

9308-1).

Une eau de

boisson doit être

à

0 CFU/I00mL, alors que dans la partie SW du

lac

de

Bise,

la plus éloignée

des chalets,

on compte de 0 à l0 CFU/100 mL

après

atténuation des bactéries par effet tampon. L'eau de la source

des

Ouvertures

est

donc bien

contaminée, même si elle ne va pas mettre un cheval raide

mort

après

dégustation...

Au

cas ou les eaux de cette résur- gence

viendraient

à

être

captées

pour I'alimentation en

eau de

boisson

des localités voisines, le périmètre de protec-

tion

de ces sources devrait donc

inclure

une bonne partie du vallon

de Bise.

Il faudrait alors mettre

dans

la

balance l'agropastoralisme traditionnel du vallon et les besoins de

la population

en eau.

Relevons

qu'une

étude

sur la

contami-

nation

des eaux du

vallon

de Bise est en cours au centre de

I'INRA,

à Corzent.

V. Paléohydrologie

du versant nord du vallon de Bise et âge du réseau souterrain

L'histoire

de

la grotte

de

la Mine

est ancienne, car elle n'est que le reliquat d'un système antérieurement plus vaste.

En effet, le bassin d'alimentation

du

< réseau des Genevois > s'étendait autre- fois en direction du nord, du nord-ouest, mais aussi du nord-est, car I'axe de I'anti-

clinal

passait

environ

500 m au

NW

du

Mont de Chillon, à l'apiomb de

la

branche

de gauche

du haut du vallon

de

Darbon:

cette branche n'est en

fait qu'une combe anticlinale. Cet

axe se

dirigeait

vers le SW, passant à quelques centaines de mètres devant I'entrée de la grotte de la

Mine.

Le bassin d'alimenta-

tion

de

la grotte, atteint

actuellement

environ l5

hectares. En reconstruisant la

partie

érodée de

I'anticlinal,

on peut estimer la surface perdue à une vingtaine d'hectares, et c'est donc un torrent d'une

dizaine de l/s (aux conditions clima- tiques actuelies) qui devait

dévaler le

méandre et

cascader dans les salles à

une époque que des datations, données

plus

bas,

ont permis

de cerner

un

peu mieux.

Les facteurs

ayant fait

disparaître

tout le

sommet de

l'anticlinal,

décapi- tant le réseau, sont au nombre de trois.

D'abord, une corrosion sur

les calcaires des u Couches rouges > et sur ceux

du

<

Malm

>, très sensibles à l'éro-

sion karstique, pouvant atteindre l0

à 15

mm/millénaire

[Maire, 1990, p. 384].

Ensuite, une érosion

mécanique sur les calcaires marneux et les marnes.

due

à

l'eau circulant sur la

carapace

faillée du sommet

de

la voûte anticli-

nale, avec

un

écoulement dans

le

sens de I'actuel, l'axe du

pli

étant plongeant vers le SW.

Enfin, durant le

Quaternaire, une érosion glaciaire

qui

a

élargi

et appro-

fondi

la vallée amorcée par les eaux de surface et souterraines, et qui se poursuit aujourd'hui grâce au cryoclastisme, avec ses alternances de gel et de dégel. Cette abrasion a été estimée à

environ

150 à

52

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France):structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

(10)

200 m par million

d'années en

milieu montagnard [Audra, 1997, p. 338;

Maire,

19901. Comme le réseau n'a pu se mettre en place qu'avant et

durant

le démantèlement de

la partie

sommitale de

I'anticlinal,

cela atteste

bien

de son ancienneté.

La régression

lente

mais

continue du bassin d'alimentation de la grotte

s'est accompagnée d'une baisse du débit d'un facteur 5 à

l0

dans la cavité et d'un

ennoiement progressif par le

concré- tionnement,

surtout

dans la < galerie de raccordement D, entre la

fin

du méandre et la grande salle, abandonnêepar enfon- cement de

la circulation.

Cela permet

d'expliquer la

genèse

de cette

grande

salle:

alors

que ( la

galerie de raccor- dement > suit

un

décrochement et reste

dans les calcaires du

<

Malm ),

une

proportion

croissante de i'écoulement a trouvé une autre issue, guidée par une fracture, probablemen[

moins

ouverte, qui suit approximativement le pendage.

C'est elle qui mène au < réseau

des Savoyards

>.

Ces

deux itinéraires ont

dû cohabiter un certain temps,

le

premier voyant I'eau

cascader

d'une vingtaine

de mètres avec créa[ion de la salle, pour rattraper son retard sur I'autre et

venir

s'y

raccorder. La

décapitation de I'amont du réseau a

fait

le reste avec le presqu'abandon des deux itinéraires.

Peut-on

essayer

d'estimer l'évolu- tion

et l'âge du réseau souterrain mis en évidence ci-dessus ? La différence

d'alti-

tude entre

la

crête

dominant

au SSE le vallon de Darbon et le réseau est d'envi- ron 200 m. C'est proche du chiffre donné ci-dessus

pour l'érosion glaciaire.

Or,

durant ie dernier million

d'années, ce

sont quatre voire six périodes glaciaires qui ont affecté notre région, séparées par des interglaciaires. Ne subsistent mainle- nant que les traces de la dernière période,

le Wùrm et, très localement,

comme dans la gorge de Ia Dranse en amont de

Thonon,

quelques

témoins

de I'avant- dernière, le Riss [Burri, 1963], les ultimes

glaciations ayant

en général effacé les traces des précédentes. A chacune de ces avancées correspond un approfondisse-

ment du vallon. Il serait donc tentant

d'assigner

un

âge

d'un million

d'années à la combe anticlinale de Darbon, et elle serait donc quaternaire.

On

relève

qu'au cours

de ce laps de temps, les Préalpes ont pu poursuivre leur soulèvement, sans incidence sur les phénomènes décrits ci-dessus, si ce n'est peut-être une légère augmentation des précipitations,la forme générale du relief étant déjà acquise.

En effet, avec une surrection maximale d'environ I mm/an

dans la

région du Gotthard

(Suisse centrale), mais plus faible de

moitié

à une quaran-

taine de km de la culmination de

la

chaîne au nord et au sud [Schaer

et

Jeanrichard, I9741,

e[ avec une valeur similaire pour ies massifs du Mont-Blanc et de Belledonne [Le Coeur et

a\.,2008],

cela signifie que cette région se

trouvait

à

l'époque la plus ancienne plusieurs

centaines de mètres plus bas en altitude, d'ou une couverture végétale plus dense que celle observée actuellement, à savoir

une pelouse sur un lapiaz

en

voie

de dénudation, ses formes arrondies témoi-

gnant d'une exhumation par impact anthropique évident: la pâture.

La compresse

humide

et corrosive de cette

végétation

ne pouvait

que

favoriser

le

concrétionnement,

avec une charge en

calcaire plus

élevée dans

les eaux

de percolation.

Il

est donc certain que l'écoulement, d'abord subséquent sur

un relief

formé d'anticlinaux (as1,rné triqu es ) e t de slmcli-

naux,

a

vu peu

à

peu l'établissement d'une circulation

sou[erraine avec une

proportion

toujours croissante des eaux de surface s'enfouissant, cela au

détri-

ment de l'écoulement au fond du syrrcli-

nal

de

plus

en

plus chétif (l'Eau Noire

et le ruisseau de Darbon, actuellement).

Le concrétionnement, abondant

dans certaines parties du réseau souterrain, a

pris naissance durant les interglaciaires, lorsque les eaux n'étaient

plus

figées et

que la végétation, libérant

des acides humiques,

repartait

à I'assaut du relief.

Avec I'enfoncement du réseau et

la

succession des périodes chaudes

et froides, les galeries supérieures

ont

été abandonnées,

voire colmatées par

le

concrétionnement,

ce

dernier pouvant

même

être

à

nouveau corrodé par

les eaux de percolation résiduelles, comme observé en de

nombreux

endroits.

Enfin, un ennoiement partiel

du réseau a

pu

se

produire lors

de I'avan- cée de masses de glace ayant

forcé

du matériel morainique dans les entrées du réseau

ou

les fentes

du

Iapraz.

Mais ii

s'agit

d'un

glaciaire local, des moraines

à éléments cristallins n'ayant

pas été observées au-dessus de

I000

m dans Ie

vallon de Darbon.

Ces

dépôts ont

été évacués depuis. Le squelette d'un lièvre

variable (détermination L. Chaix du

Muséum

d'Histoire naturelle,

Genève),

trouvé

à l'embranchement

du

< réseau

:"îh dating

'esuhs. The error is 2o error.

Number (ppb) (ppt) lafnmic x,t o-6t (measured) (activity) (uncorrected) {corrected) (corrected) (corrected )

JI

J2 J3

57.6 +0.1 10856 a2l8 40.2 +0.1 56995 *l 143 120.0 +0.1 454 alO

138 +3 14.4 +0.3 6368 +136

446.0 +2.2 1.5735 +0.0066 110474 #11### 408178 +13990 l4ll +56 ,l08l16 +13990

149.9 +3.5 1"2423 *0.0105 323.5 +2.1 1"4600 +0.0043

Very old 695295 ##### 695236 +113593 2302 +823 695174 +1t3593

MI M2 M3 M4

80,6 +0,1 10628 +213 35,8 +0,1 1786 +36

40,j r0,t 5760 r I t6 34,3 +0,1 l'1563 +232

180 +4 460 +10 190 +4

60 ,11

338 +3 1,4390 +0,0044 1849 +9 1.3917 +0,0088 15'73 +6 1,65 14 +0,0077 156 +3 t,2 156 +0,0080

434692 +15503 432889 +15339 67452 +614 67003 +689 98525 +'757 97162 +1221 594640 +l8l7l8 589127 +r65759

|l47 +51 132827 115339 2234 +l I 66941 +689 2069 r10 97100 +1221

822 #### 589065 +16s759

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*as

calculated based on 2rrhh

age (T), i.e., ô2!ui,,nior = ô2su,"",u.,r x ei2rr*r.

Correcte<l 2rolh

ages assume the

initial

230Th/2r2Th

atomic ratio of

4.4 !2.2 xlo6.

Those are the values tbr a material at s€cular equilibrium, with the bulk eanh 2r2Th/2r8U

value of

3.8.

The errors are arbitrarily assumed to be 5070.

***8.P.

stands fbr "Before Present" where the "Prcsent" is defined as the year 1950 A,D.

Tableau . Âges de sept concrétions de la grotte de la Mine. Dating of seven speleothemes from the Mine cave.

J. SESIANO, La grotte de la Mine (Haute-Savoie, France):structuration et fonctionnement hydrogéologique du vallon de Bise

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TXH QRXV DYRQV SUpFLVpPHQW VLJQDOp DX )D\HW S ,O VDJLW ELHQ GDQV FHWWH ODPH KRXLOOqUH GX 3UDULRQ GXQH HVTXLOOH GXQH ODPH GH FKDUULDJH HQWUDvQpH j OD EDVH GXQH QDSSH HQ PRXYHPHQW 2Q

TXH © GDQV FHWWH ]RQH ERUGXUH GHV $OSHV QDSSDUDLVVHQW QL OH JDXOW QL OD FUDLH ª 1RXV GpVLURQV PRQWUHU TXH OH SOL OH SOXV H[WHUQH GH OD YLUJDWLRQ GX *HQHYRLV HVW SOXV FRPSOLTXp TXH QH

GDQV OH SD\VDJH FDU VD FRXFKH R[IRUGLHQQH IRUPH OH VRPPHW HW WRXWH OD FUrWH GHV $QFDUQHV /DQWLFOLQDO SpQqWUH GDQV OH PDVVLI G+LUPHQWH DYHF XQH VHQVLEOH GpYLDWLRQ j O2 HW XQH

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