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CONTENTIEUX ADMINISTRATIF ET JRISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

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Academic year: 2022

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CONTENTIEUX ADMINISTRATIF ET JRISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

Pr. Driss BOUZAFFOUR

Université Ibn Zohr -FSJES-Agadir

Année 2019-2020

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Le Droit du contentieux administratif est une matière centrale en droit public.

Elle est le complément inévitable d’une étude du droit administratif, général ou spécial, dont les principes fondamentaux proviennent, pour l’essentiel, de l’activité contentieuse des juridictions administratives. Elle est, par ailleurs, d’une importance pratique déterminante.

En tant que discipline, Le droit du contentieux administratif a pour objet d’étudier les conditions dans lesquelles se règlent les litiges qui peuvent s’élever au sujet de l’application des règles du droit administratif. Ces litiges opposent, le plus souvent, des administrés à leur administration – mais pas nécessairement, dans la mesure où certains de ces litiges opposent des personnes publiques entre elles, voire des personnes privées entre elles. En quelque sorte, le droit du contentieux administratif est l’équivalent, en droit public, du droit de la procédure civile. Le contentieux administratif possède néanmoins une originalité marquée par rapport au droit judiciaire privé. Les juridictions ne sont pas les mêmes, tout comme les règles qui s’appliquent devant elles.

Ce nom de « contentieux administratif », ainsi que tout ce qui précède, fait inévitablement penser aux formes juridictionnelles de ce contentieux, à savoir la figure d’un juge, chargé de trancher entre des prétentions contraires. Dans bien des cas, seul le pouvoir « de dernier mot » reconnu au juge permet de mettre un terme définitif aux contestations. Il est en effet inexact de penser que les litiges administratifs se traitent par le seul recours au juge. D’abord parce que l’administration elle-même peut être mise à contribution afin de résoudre le différend – et, parfois même, doit l’être pour que le juge puisse être valablement saisi par la suite. Elle assume ce rôle au travers, particulièrement, de ce que l’on nomme les recours administratifs. Il a bien été question de la longue période de justice administrative retenue. À cette époque, il n’y avait pas, à proprement parler, de procès administratifs ; il existait en revanche des recours administratifs, instruits et tranchés par l’administration dans les conditions que l’on sait. L’avènement d’une justice administrative déléguée entre les mains du juge n’a pas rendu sans objet ces recours administratifs. Il demeure loisible aux administrés, avant toute saisine du juge, de former recours entre les mains de l’administration.

Ces recours gracieux et hiérarchique sont donc le premier moyen d’éviter le recours au juge administratif :

– le recours gracieux permet ainsi à l’administré de demander à l’auteur d’une décision qui lui est préjudiciable de modifier cette décision, de l’abroger (c’est- à-dire de la faire disparaître sans effet rétroactif) ou de la retirer (c’est-à-dire de

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la faire disparaître de façon rétroactive, et de tirer les conséquences du fait qu’elle est donc réputée n’avoir jamais été prise) ;

– le recours hiérarchique, qui tend aux mêmes fins, est destiné à une instance supérieure à l’auteur de la décision contestée, qui dispose de plein droit d’un pouvoir de réformation et d’annulation des actes de ses subordonnés. En France, si le recours administratif est toujours possible, il est parfois aussi une obligation. Certaines dispositions imposent en effet un tel recours préalablement à toute action juridictionnelle, à peine d’irrecevabilité de ladite action. On parle alors de recours administratif préalable obligatoire.

Au Maroc, l’art.21 de la loi de 12 juillet 1991 stipule que la requête en annulation pour excès de pouvoir doit être accompagnée d'une copie de la décision administrative attaquée. Au cas où un recours administratif préalable a été formé, la requête doit être également accompagnée d'une copie de la décision rejetant ce recours ou, en cas de rejet implicite, d'une pièce justifiant son dépôt.

La grande ouverture, la variété et le régime juridique des recours administratifs en font le moyen principal d’une entente amiable entre les autorités administratives et les administrés. Et, de fait, leur efficacité est réelle lorsqu’il s’agit de dissiper un simple malentendu ou de corriger une méprise de l’administration. Mais le désaccord entre les parties est parfois plus profond, de sorte que l’exercice du droit de former un recours administratif est insuffisant à y mettre fin. Le recours au juge s’impose pour la résolution du conflit.

Ce cours vise à expliquer les mécanismes du procès administratif. Il propose une présentation des origines de la justice administrative, montre les conditions dans lesquelles sont organisées les tribunaux administratifs et a évolué le contentieux administratif. Il étudie ensuite le déroulement du procès qui a lieu devant le juge administratif, en exposant notamment en quoi consiste précisément le travail de ce juge.

Chapitre 1 : L’évolution de la juridiction compétente en matière administrative

I. Historique des juridictions à compétence administrative

Le contentieux administratif moderne est relativement récent ; son origine ne remonte pas au-delà des dahirs de 1913 qui ont donné naissance au système d'unité de juridiction et de séparation des contentieux. Mais c'est une histoire qui comporte déjà de nombreuses étapes, la dernière d'entre-elles, est constituée par la loi du 12 juillet 1991 qui a créé les tribunaux administratifs.

Avant le protectorat, la protection des administrés, dans le système de droit public musulman, repose sur le principe de la justice retenue dans les mains du chef de

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la communauté et sur la délégation du pouvoir de juger en son nom à diverses instances.

Les institutions chargées de la défense de l'intérêt public et des intérêts des particuliers sont constituées par le gouverneur, le mohtassib, et surtout celui que l'on appelle "le redresseur des torts", le Sahib Al Madhalim Wa chikayat

». Médiateur du Royaume. L'organisation judiciaire est complexe et multiforme. La juridiction islamique est assurée par le cadi.

La justice makhzen, qui est subsidiaire par rapport à celle du cadi mais joue un rôle important en matière pénale, relève des gouverneurs, pachas et caïds. La justice coutumière est assurée en tribu par la voie de l'arbitrage et par l’intermédiaire des jemaas en matière pénale.

Les juifs marocains possèdent leurs propres juridictions en matière civile et commerciale ; en revanche, au pénal, ils relèvent des mêmes juridictions que les musulmans.

Les réformes introduites par le protectorat vont naturellement s'inspirer du système juridique français, et réduire l'espace effectif ou virtuel du droit musulman et les institutions juridiques islamiques en mettant en place dans le cadre du traité de protectorat de nouvelles institutions juridictionnelles inspirées du droit français ; ce sont les juridictions issues du dahir sur l'organisation judiciaire (D.O.J.) et du dahir sur la procédure civile (D.P.C.) qui sont ainsi à la base du système de contrôle juridictionnel de l'administration. Ces réformes ont donc pour objectif, d'une part, de réorganiser les juridictions existantes et, d'autre part, de créer des juridictions nouvelles : "les tribunaux français".

L'indépendance a naturellement entraîné de nombreuses réformes qui ont cependant laissé subsister le principe de l'unité de juridiction :

La conservation du système mis en place en 1913 dans toute la mesure où cela était compatible avec la souveraineté nationale.

Le système juridictionnel de 1913 va être complété par le dahir de 1957.

Ce dahir est un texte capital pour trois raisons :

• En premier lieu, il dote le système juridictionnel marocain d'une juridiction nationale suprême unique ; ce faisant, il confirme l'unité de juridiction.

Désormais, les décisions rendues en dernier ressort peuvent faire l'objet d'un recours en cassation dont la chambre administrative de la Cour cassation

• La deuxième raison résulte de la création du recours en annulation pour excès de pouvoir.

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Ce recours peut être porté devant la Cour cassation ; il peut être dirigé contre les décisions des autorités administratives et, dans ces conditions, l'interdiction faite aux juridictions ordinaires d'accueillir des recours tendant à faire annuler les actes administratifs trouve un fondement logique.

Au sein de la Cour cassation sont créées des chambres spécialisées, et notamment une chambre administrative qui est saisie des recours en cassation en matière administrative et des recours en annulation pour excès de pouvoir. Mais cette chambre, comme les autres d'ailleurs, malgré leur spécificité, ne constituent pas des juridictions ; le législateur a d'ailleurs pris le soin d'indiquer que

« toute chambre peut valablement statuer sur tous recours ».

• Enfin la troisième raison réside dans le fait que le dahir de 1957 laisse intact le dahir de 1913 et le principe de séparation des autorités judiciaire et administrative.

La Cour cassation ne va d'ailleurs pas tarder à consacrer l'autonomie du contentieux administratif.

C'est en effet ce qu'elle fait dans un arrêt (consorts Félix, 4 décembre 1958, R. p.

164), dans lequel elle rappelle que les juridictions doivent déterminer au début de l’instance, si elles se trouvent ou non en matière ordinaire ou en matière administrative.

C'est donc sur ces bases, à la fois confirmées et nouvelles, que le contentieux administratif va désormais poursuivre son développement dans le domaine ancien du contentieux indemnitaire de la pleine juridiction et dans celui, presque totalement nouveau, de l'annulation.

D’autres réformes ont été faites entre 1965 et 1974 il s’agit de l'unification, la marocanisation et l'arabisation de la justice.

II. Organisation des tribunaux à compétence administrative

L'article 1" de la loi 41-90 du 12 juillet 1991 dispose : « II est créé des tribunaux administratifs dont le siège et le ressort sont fixés par décret. » C'est le décret du 3 novembre 1993 (BO 1993, p. 644) qui a crée sept tribunaux administratifs dont le siège a été respectivement fixé au chef lieu des régions créées en 1971 : Rabat, Casablanca, Fès, Marrakech, Meknès, Agadir et Oujda. Cette loi a été modifiée et complétée par :

- Loi n° 80-03 du 14 février 2006, instituant des cours d'appel administratives -Dahir n° 1.11.170 du 27 kaada 1432 (25 octobre 2011) portant promulgation de la loi n° 58.11 relative à la Cour de cassation modifiant le dahir n° 1.57.223 du 2 rabii I 1377 (27 septembre 1957) relatif à la Cour cassation;

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- Dahir n° 1-09-23 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi n° 46-08 modifiant la loi n° 80-03 instituant des cours d’appel administratives.

La Cour de cassation est composé de plusieurs chambres dont la chambre administrative, demeure compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur certains contentieux administratif qu’on traitera ultérieurement.

1. Organisation :

Le tribunal administratif comporte un président, plusieurs magistrats, un ou plusieurs commissaires royaux à la loi et au droit désignés tous les deux ans par le président sur proposition de l'assemblée générale annuelle des magistrats et un greffier.

Article 5 : « Les audiences sont tenues et les jugements rendus par trois magistrats. » La collégialité, qui avait disparu en 1974 en première instance, est ainsi rétablie pour cette juridiction, ce qui est une décision satisfaisante dans la mesure où la collégialité est une garantie à tous égards de la qualité des décisions rendues par les juges.

Le tribunal administratif abrite une institution nouvelle commissaire royal à la loi et au droit. Cette innovation s'inspire directement de l'institution française du commissaire du gouvernement auprès des juridictions administratives.

C'est cette mission qui est confiée au commissaire royal dont l'article 6 définit les attributions :

- Il expose ses conclusions oralement en audience publique ; sa présence est donc obligatoire.

— Ces conclusions sont écrites et remises au tribunal.

-Ces conclusions peuvent être communiquées aux parties si elles en font la demande.

-Le commissaire royal ne prend pas part au jugement.

Les magistrats qui vont composer ces juridictions sont régis par les dispositions du dahir portant loi du 11 novembre 1974 modifié relatif au statut de la magistrature. Et ce, afin de conserver l'unité de la magistrature et d'éviter tout risque de concurrence et de surenchère corporatiste.

Les magistrats constituent un corps unique ce qui n'empêche nullement la prise en compte de la spécificité de leurs fonctions.

2. Compétence :

La compétence des nouvelles juridictions revêt deux aspects ou deux dimensions : c'est une compétence définie matériellement et c'est aussi une

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compétence définie territorialement. Naturellement, dès lors que l'on détermine une compétence et ses limites, il faut prévoir les mécanismes permettant de surmonter les difficultés que cela peut engendrer.

2.1. La compétence à raison de la matière

Les compétences générales des tribunaux administratifs sont :

- les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des autorités administratives ;

- Les litiges relatifs aux contrats administratifs ;

- Les actions en réparation des dommages causés par les actes ou les activités des personnes publiques.

Mais cette compétence comporte des exceptions.

En effet, l'article 9 conserve à la Cour cassation la compétence pour connaître :

-des recours en annulation dirigés contre les actes réglementaires et individuels du Chef du gouvernement ;

-des recours en annulation dirigés contre les décisions des autorités administratives dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort territorial d'un tribunal administratif.

La première exception se justifie par l'importance des décisions en cause et la seconde par la difficulté qu'il y a, dans ce cas, à déterminer le tribunal compétent.

L'article 11 prévoit que les recours relatifs à la situation individuelle des personnes nommées par dahir ou par décret sont portés devant le tribunal administratif de Rabat,

Enfin, l'article 8 premier alinéa in fine exclut de la compétence de ces juridictions les dommages causés sur la voie publique par un véhicule quelconque appartenant à une personne publique. Cette exclusion se justifie par la volonté du législateur de confier à un même juge la connaissance de l'ensemble du contentieux des accidents provoqués par la circulation automobile ; mais la limitation aux dommages causés sur la voie publique n'a pas de justification : elle risque d'engendrer des contradictions, selon que l'affaire mettant en cause un dommage causé en dehors de la voie publique sera dû à un véhicule appartenant à une personne publique (compétence du tribunal administratif), ou à une personne privée (compétence du tribunal ordinaire).

Outre sa compétence générale, la nouvelle juridiction administrative reçoit toute une série de compétences particulières qui constituent un contentieux administratif spécial -le contentieux de la situation individuelle des fonctionnaires et agents de l'Etat, des collectivités locales et des établissements publics ;

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-les litiges en matière de pension et capital-décès des agents de l'Etat, des collectivités locales, des établissements publics, du personnel de la Chambre des représentants, ainsi que celui de la Chambre des Conseillers en vertu d'une adjonction à la loi 41-90 réalisée par la loi 54-99 promulguée par le dahir du 25 août 1999;

- Le contentieux électoral ;

- Le contentieux de l'expropriation ;

- Le contentieux du recouvrement des créances du trésor public.

2.2. La compétence territoriale

En ce qui concerne la compétence territoriale, les règles posées par le code de procédure civile en matière de compétence territoriale ont pour finalité de simplifier la tâche du défendeur ; c'est pourquoi, dans de nombreux cas, la juridiction compétente sera celle du domicile du défendeur ; mais en matière administrative, le défendeur c'est, la plupart du temps, l'administration, notamment en matière d'excès de pouvoir.

- La loi pose le principe selon lequel ce sont normalement les règles du code de procédure civile qui s'appliquent. Ces règles ne sont pas d'ordre public, elles ne concernent en effet que la répartition de compétences entre les tribunaux administratifs. Toutefois, le législateur a prévu quelques exceptions par rapport aux règles du code de procédure. La plus importante est posée par l'article 10-2° ; alors que le code de procédure prévoit dans son article 27 que le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur, la loi décide que le recours en annulation pour excès de pouvoir est porté devant le tribunal du domicile du demandeur ou devant celui dans le ressort duquel la décision, objet du recours, a été prise. Mais il est clair que le choix étant laissé au requérant, cette règle est posée dans son intérêt, et ceci est très favorable pour le rapprochement du justiciable et de son juge.

- En matière de contrat, ce sera le lieu de signature du contrat qui déterminera le tribunal compétent.

- En matière de responsabilité, le lieu de survenance du dommage ou le lieu du domicile du défendeur, au choix du demandeur ; en matière de travaux public, le lieu des travaux (article 28 du code de procédure civile).

- Il faut indiquer que le tribunal administratif de Rabat a reçu une compétence particulière à l'égard des recours contre les décisions des commissions d'appel en matière de régime collectif d'allocation de retraite (articles 42 et 43).

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- Enfin, l'article 11-2° in fine lui confie également le soin de statuer sur les recours relatifs à des affaires relevant de la compétence matérielle des tribunaux administratifs mais nées en dehors de leur ressort territorial ; ce sera par exemple le cas des litiges nés à l'étranger.

III. Les voies de recours

Les voies de recours sont de deux sortes : les voies tendant à la rétractation du jugement et les voies de recours tendant à sa réformation : ce sont les secondes qui sont les plus utilisées : l'appel et la cassation.

1. Les voies de rétractation

Elles sont tout d'abord l'opposition qui est ouverte à celui qui n'était pas présent à l'instance ; le jugement rendu par défaut peut faire "objet d'une opposition ; mais celle-ci n'est possible que si l'appel n'est pas ouvert ; l'opposition suspend l'exécution du jugement.

La tierce opposition est un recours qui permet à une personne, ni présente ni représentée dans une instance, de s'opposer à un jugement qui préjudicie à ses droits.

On mentionnera enfin le recours en rectification d'erreur matérielle devant la Cour cassation et le recours en rétractation (article 379 du C.P.C.) lorsque l'arrêt a été rendu sur pièce fausse, ou bien encore si la partie a été condamnée faute d'avoir pu présenter des pièces détenues par son adversaire, etc.

2. Les voies de réformation 2.1. L'appel

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 80-03 instituant des cours d'appel administratives en 11 février 2006, et sur la base de ce texte, les jugements des tribunaux administratifs sont portés en appel devant la Cour d’appel administratif selon les formes et délais prévus aux articles 134 à 139 du Code de procédure civile.

Les jugements rendus par les tribunaux administratifs sont susceptibles d'appel dans un délai de trente jours à compter de la date de notification du jugement conformément aux dispositions prévues aux articles 134 à 141 du code de procédure civile. Le même délai d'appel prévu par les articles 148 et 153 du code de procédure civile s'applique aux ordonnances rendues par les présidents

des tribunaux administratifs.

L'appel est présenté au greffe du tribunal administratif qui a rendu le jugement en appel par une requête écrite signée par un avocat, sauf lorsque l'appel est interjeté par l'Etat et les administrations publiques auquel cas le recours à l'avocat est facultatif. L’appel est dispensé du paiement de la taxe judiciaire.

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2.2. Le recours en cassation

Les décisions rendues par les cours d'appel administratives sont susceptibles de pourvoi en cassation devant la Cour cassation, sauf les décisions rendues en matière de contentieux électoral ainsi qu'en matière d'appréciation de la légalité des décisions administratives.

Le délai du pourvoi en cassation est fixé à 30 jours à compter de la date de notification de l'arrêt objet du recours. Sont applicables en matière de pourvoi en cassation les règles prévues par le code de procédure civile.

Chapitre 2 : La procédure administrative contentieuse

La juridiction administrative est saisie par une « requête » qui répond à un formalisme plus grand qu’en procédure civile, en lien avec la procédure administrative non contentieuse, déjà formaliste et écrite. Le requérant doit donc se plier à un ensemble de règles qui vont conditionner l’examen de la décision de justice à venir.

L’article7 de la loi qui pose le principe selon lequel, sauf dispositions contraires, ce sont les règles du Code de procédure civile de 1974 qui s'appliquent devant les tribunaux administratifs.

Mais, l'administration n'est pas traitée comme un plaideur ordinaire, et l'administré n'est pas, lui non plus, soumis aux mêmes règles que le requérant ordinaire. Ceci revient à dire que le procès administratif est marqué par une spécificité qui se traduit au plan de la procédure par quelques particularités.

Cependant spécificité ne veut pas dire différence complète ; c'est en ce sens que l'on peut affirmer que l'unité de juridiction, bien qu'elle soit battue en brèche par la création des tribunaux administratifs, conserve une certaine réalité qui se manifeste de trois façons :

- L'unité de la Cour suprême

- L'unité du corps de la magistrature

- L'unité, de la procédure qui n'exclut pas certaines particularités des règles qui régissent le procès administratif.

I. Originalités de la procédure administrative

Les traits caractéristiques de cette procédure sont : cette procédure est inégalitaire, écrite, inquisitoire et contradictoire.

1. Procédure inégalitaire

La procédure administrative diffère de la procédure civile, qui vise à garantir l’égalité entre les parties. En contentieux administratif, les intérêts du particulier

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sont respectés, mais restent à caractère individuel et s’affrontent à l’intérêt général que défend l’administration, ce pourquoi il n’y a pas égalité entre les adversaires.

Les règles de procédure traduisent cette inégalité.

2. Procédure écrite

Elle est écrite. Les parties ne peuvent en principe présenter leurs conclusions et leurs arguments que sous forme écrite. Ce principe rend la procédure administrative moins souple, mais présente une garantie de sérieux et de sécurité. Le caractère écrit de la procédure est renforcé dans le procès administratif par l'article 5-3° de la loi de 1991 relatif au commissaire royal à la loi et au droit. Ce dernier doit en effet communiquer ses conclusions écrites au tribunal auquel il les expose d'ailleurs également oralement ; on sait par ailleurs que ces conclusions peuvent être communiquées aux parties si elles le demandent ; il va de soi que cette communication suppose qu'elles soient écrites.

Les parties ont l'obligation de faire appel à un avocat pour signer la requête introductive d'instance qui est naturellement écrite.

L'administration est dispensée du recours à l'avocat, elle peut se faire représenter par un de ses agents, mais cela laisse intacte l'obligation qui pèse également sur elle de respecter le caractère écrit de la procédure dans la communication au juge de ses arguments.

Cette obligation existe également devant la Cour cassation à plus forte raison ; cependant, le requérant peut faire appel à un avocat non agréé.

3. Procédure inquisitoire

Le juge dirige la procédure afin de compenser le caractère inégalitaire de la procédure. Pour engager le procès, le plaideur s’adresse au juge, qui convoquera l’adversaire.

Au cours de l’instruction, le juge décide des mesures d’expertise, ordonne les mesures d’instruction, assure la transmission des pièces à l’adversaire. Les parties peuvent suggérer des mesures d’instruction, mais le juge refuse de les ordonner s’il s’estime suffisamment informé ou si la mesure lui apparaît aléatoire ou dilatoire.

Le juge décide seul du moment où l’affaire est en état, où il est suffisamment informé pour juger. Il détermine la durée de l’instruction, qu’il clôt, décide de ses mécanismes, admet ou rejette tel ou tel mode de preuve. Il fait montrer en général d’un grand libéralisme : la charge de la preuve pèse sur le demandeur, mais peut être renversée lorsqu’il apparaît que les allégations du requérant sont

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suffisamment fondées sans qu’il puisse en apporter la preuve formelle. Il fixe aux parties des délais pour la production des observations, mémoires et pièces.

- En cas de nécessité, le juge peut utiliser les pouvoirs que donne la procédure des référés. L'article 19 dispose que le président du tribunal administratif, ou celui qu'il désigne, en sa qualité de juge des référés statue sur les requêtes provisoires et conservatoires.

Le caractère inquisitorial de la procédure est justifié par le déséquilibre important qui existe entre les deux parties (administré/personne publique) dans un procès administratif

4. Procédure contradictoire

Le caractère contradictoire de la procédure est un principe fondamental de toute procédure juridictionnelle fondamentale. Le contradictoire constitue l’un des principes fondamentaux du contentieux administratif. Il traduit le principe général des droits de défense et se subdivise en plusieurs obligations qui s’imposent au juge.

L’obligation d’informer l’intéressé qu’une action est dirigée contre lui, notamment lorsque la juridiction se saisit d’office (cas de juridictions statuant en matière disciplinaire). Aucun document ne saurait être régulièrement soumis au juge sans que les parties aient été mises à même d’en prendre connaissance.

Le principe du contradictoire gouverne l'ensemble des phases : l’instruction des affaires, phase de constitution du dossier s’achevant par la clôture de l’instruction, est contradictoire.

Dans le débat juridictionnel, aucune partie ne doit être défavorisée par rapport aux autres. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence. Les parties doivent être informées de l’instance et des éléments du dossier.

II. L'instance

La présentation des caractères généraux de la procédure nous donne déjà une bonne idée de ce que sont les principaux moments du procès administratif.

Nous reprendrons ces différentes étapes en examinant l'introduction de l'instance, puis l'instruction et le jugement.

1. L'introduction de l'instance

L'introduction de l'instance dépend d'une requête introductive d'instance qui doit respecter certaines exigences de forme et de délai, le requérant doit par ailleurs avoir qualité pour agir.

1.1. Les conditions de forme

Ce sont celles qui sont posées par l'article 32 du C.P.C.

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La requête est écrite et signée par un avocat ; elle doit comporter l'indication du nom et du prénom du demandeur (et éventuellement ceux de son mandataire), son domicile, sa profession ; s'il s'agit d'une personne morale, il faut en indiquer la dénomination, la nature, le siège social. La requête doit préciser qui est le défendeur : l'Etat et l'administration mise en cause, telle collectivité publique, etc.

La requête est enregistrée et donne lieu à délivrance d'un récépissé qui prouve le dépôt de la requête et la date de celui-ci.

La requête doit naturellement contenir, au moins de façon sommaire, les conclusions du requérant.

Elle doit préciser :

- L'objet de la demande : annulation ou indemnité

- Les moyens, c'est-à-dire les arguments du requérant ; ceci est important car le juge ne peut statuer au-delà de la demande (ultra petita), sauf s'il se trouve en présence d'un moyen d'ordre public. L'exposé des moyens peut être la requête, un mémoire ampliatif peut les développer par la suite.

La requête doit être accompagnée des pièces invoquées : s'il s'agit d'un recours en annulation pour excès de pouvoir, la requête doit obligatoirement être accompagnée d'une copie de la décision attaquée, de la décision de rejet s'il y a eu recours administratif ou d'une pièce prouvant le dépôt du recours administratif ou de la demande si l'administration n'a pas répondu expressément.

1.2. Les conditions de délai

L'exigence d'un délai pour intenter le recours au juge se justifie par l'idée qu'il ne convient pas de laisser s'éterniser des situations litigieuses ; ceci existe également en droit privé où les actions en justice se prescrivent dans certains délais.

Mais en droit public, l'ordre public et l'intérêt général militent plus encore en faveur d'un apurement rapide des situations de conflit.

Toutefois, il faut distinguer le contentieux de la légalité et le contentieux de pleine juridiction.

En matière de légalité, ce qui est en cause, c'est la validité des décisions administratives. Certes, le privilège du préalable permet l'application immédiate de l'acte administratif, mais il n'est pas bon qu'un doute pèse trop longtemps sur sa validité. L'acte doit disparaître rapidement ou devenir incontestable.

Le recours au juge est donc enfermé dans des délais très brefs : 60 jours à compter de la publication ou de la notification de la décision ou de la date à laquelle est acquise la décision implicite de refus de la demande initiale, ou du rejet du recours administratif.

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En revanche, dans le contentieux de pleine juridiction, ce qui est en cause ce n'est qu'une somme d'argent dans la plupart des cas, que la cause du litige se trouve dans la violation d'un contrat ou dans un préjudice causé par tout acte de l'administration, toute activité ou tout acte matériel ou juridique.

Dans ce cas, le recours n'est enfermé dans aucun délai (en France, la situation est différente ; lorsque l'administration a fait connaître sa position par une décision, le délai court à partir de la date de cette décision, sauf en matière de travaux publics où ne sont exigés ni décision préalable, ni délai).

Mais l'absence de délai ne doit pas faire oublier l'existence de prescriptions particulières :

- la prescription de l'action prévue par l'article 106 du dahir sur les obligations et contrats qui est de cinq ans : C.S.A. n° 57 du 25/2/1977, Agent judiciaire du Maroc c/Ahmed Thami Ben Hamou

- la déchéance quadriennale des dettes de l'Etat prévue par l'article 134-3°du décret royal du 21 avril 1967 sur la comptabilité publique : « Sont prescrites définitivement éteintes au profit de l'Etat toutes les créances qui n'ont pu être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l'ouverture de l'exercice pour les créanciers domiciliés au Maroc, et de cinq années pour les créanciers résidant hors du territoire marocain. »

1.3. Conditions tenant à la qualité du requérant

Le requérant doit avoir la capacité d'agir en justice et justifier qu'il possède un intérêt à agir.

1.1.1. La capacité

Pour les personnes physiques, il s'agit de la capacité juridique qui dépend de l’âge et de la possession des droits civils ; le mandataire doit justifier l'existence du mandat.

Pour les personnes morales, la capacité découle des règles statutaires qui déterminent les organes capables de représenter valablement l'institution en justice.

Pour les personnes publiques, il faut distinguer l'Etat pour lequel l'article 515 du Code de procédure civile prévoit qu'il doit être assigné en la personne du chef du gouvernement ; celui-ci peut cependant se faire représenter par le ministre compétent.

1.1.2. L'intérêt à agir

Le grand principe en procédure, c'est que nul ne peut agir en justice s'il n'a pas intérêt à le faire ; "pas d'intérêt pas d'action". Mais cet intérêt n'est pas un intérêt abstrait ou idéal. Cet intérêt doit se rattacher à un fondement juridique que le juge apprécie plus ou moins rigoureusement selon le type de recours dont il est saisi.

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La définition de l'intérêt à agir peut ainsi être plus ou moins large, et, par voie de conséquence, le recours plus ou moins largement ouvert.

En résumé, on dira simplement ici que le recours en annulation est largement ouvert parce que le juge exige seulement du requérant la preuve qu'il possède un simple intérêt à agir, alors que dans le contentieux de pleine juridiction, le juge exige du requérant qu'il possède un droit lésé : droit lié à un contrat, droit de propriété, droit à l'intégrité physique, etc.

2. L'instruction et le jugement

L'évolution du procès se poursuit avec l'instruction dont la clôture s'accompagne de la fixation de la date de l'audience ; enfin le procès s'achève avec le jugement.

2.1. L'instruction

Nous savons déjà qu'elle est largement dominée par l'office du juge rapporteur qui dirige le procès.

La procédure est ici commune au procès administratif et au procès qui se déroule devant le juge ordinaire dans certaines matières énumérées par l'article 45 du C.P.C.

Les parties présentent leurs arguments dans les délais fixés par le juge rapporteur et sous forme écrite.

Le juge prescrit d'office, ou à la demande des parties, les mesures d'instruction qu'il estime de nature à éclairer le tribunal. A l'issue des délais qu'il a fixés, le silence des parties vaut acquiescement aux arguments de l'adversaire.

Enfin, à l'issue des délais qu'il a également fixés, le juge prononce par ordonnance la clôture de l'instruction, c'est-à-dire son dessaisissement ; il rédige son rapport et transmet le dossier au tribunal ; il fixe la date de l'audience.

2.2. L'audience

Le tribunal de 1ere instance statue à juge unique, à la différence du tribunal administratif qui comporte trois membres dans sa formation de jugement. Il siège publiquement, sauf exception prévue à l'article 43 ; le tribunal peut en effet décider le huis-clos « si l'ordre public ou les bonnes mœurs l'exigent ».

Le tribunal procède à l'audition du rapporteur, du commissaire royal, des avocats et des représentants de l'administration.

Dans les instances tendant à faire déclarer débitrices les administrations publiques, un office ou un établissement public, l'article 514 du C.P.C. prescrit l'audition de l'agent judiciaire du Maroc qui est chargé de la défense des intérêts financiers de l'Etat ; sa mise en cause est obligatoire.

2.3. Le jugement

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Le jugement doit comporter un certain nombre d'énonciations prévues par l'article 50 du C.P.C.

Il est rendu au nom de Sa Majesté le Roi - Royaume du Maroc.

Il doit rappeler les indications relatives aux parties et comporter la mention des auditions diverses : parties, rapporteur, commissaire royal.

Il mentionne la mise en cause de l'agent judiciaire du Maroc. Il rappelle les conclusions des parties, l'analyse sommaire de leurs moyens, les pièces produites et les textes dont il est fait application. Le jugement est daté et signé parle président et le greffier. Le jugement ainsi rendu doit être notifié aux parties ; mention est faite de la possibilité de faire appel et du délai (30 jours).

C'est seulement à l'expiration de ce délai que le jugement acquiert autorité relative de chose jugée et qu'il peut être exécuté. Après expiration du délai du recours en cassation, il passe en force de chose jugée

2.4. Le jugé de référé

Le juge des référés est le juge administratif de l’urgence. Le juge des référés est, au sein de chaque tribunal, un juge qui statue seul. Il peut s’agir du président du tribunal administratif, ou d’un magistrat qu’il désigne. Dès qu’il est saisi d’une requête en urgence, il fixe la date de l’audience. Le délai peut varier, en fonction du degré d’urgence, de quelques heures à quelques jours. Dès la fin de l’audience, ou un peu plus tard s’il l’estime nécessaire, le juge annonce le sens de sa décision. Il ne juge pas du principal (ex : il ne prononce pas l’annulation d’une décision) mais permet d’obtenir des mesures provisoires, conservatoires et rapides, destinées à sauvegarder les droits et libertés des administrés. Il se prononce par ordonnances. Le juge administratif de référé utilise les procédures d’urgence prévues par les articles 149 et 153 du CPC exactement comme le référé civil.

L'article 19 de la loi 1991 dispose que le président du tribunal administratif, ou celui qu'il désigne, en sa qualité de juge des référés statue sur les requêtes provisoires et conservatoires.

Le juge peut ordonner toute mesure qui lui paraît nécessaire à titre conservatoire, par exemple pour constater des faits qui risquent de disparaître, pour enregistrer des témoignages, pour relever l'existence de documents, etc.

Le juge saisi par une requête en référé peut ainsi agir même en l'absence de toute affaire engagée devant le tribunal à la condition que la mesure soit utile et urgente.

Par ailleurs, et c'est là une innovation de la jurisprudence des tribunaux administratifs finalement entérinée par le Cour cassation, c'est par un recours

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en référé que l'administré, victime d'une voie de fait peut demander au juge administratif d'enjoindre à l'administration de cesser son action constitutive d'une voie de fait.

On indiquera enfin, que, par exception au principe du préalable et au caractère non suspensif du recours en annulation pour excès de pouvoir, l'article 24 de la loi permet au tribunal administratif d'ordonner, exceptionnellement, le sursis à exécution des actes administratifs ; mais cette possibilité n'existe que sur demande expresse du requérant et à la double condition que la décision entreprise soit d'une illégalité à peu près certaine et que son exécution entraîne des conséquences difficilement réversibles. Ces deux dernières conditions ne figurent pas dans la loi, mais elles sont exigées par le juge.

2.5. La voie de fait

La voie de fait peut être définie comme un acte de l'autorité administrative qui est si gravement irrégulier qu'il n'apparaît pas possible de le rattacher à un pouvoir appartenant à l'administration et qui a reçu, ou est sur le point de recevoir, une exécution matérielle mettant en cause la liberté ou la propriété : cet acte se trouve ainsi dénaturé en quelque sorte ; il ne constitue plus un acte administratif bénéficiant des privilèges de l'acte administratif ; mais il constitue une simple voie de fait.

Quelle est l'origine de la théorie, quel est le régime actuel de la voie de fait et quel peut en être le devenir sont les trois questions qu'il convient d'examiner.

Les tribunaux de 1913 sont ainsi parvenus, malgré la prohibition des alinéas 4 et 5 de l'article 8 du D.O.J., à censurer les plus graves irrégularités commises par l'administration.

Après 1957 La Cour suprême consacre l'existence de la voie de fait dans un arrêt du 4 décembre 1958, Consorts Félix, R. 164.

L'intérêt de la voie de fait demeure intégralement malgré l'existence du recours en annulation pour excès de pouvoir, car la règle de séparation demeure ; la théorie de la voie de fait, permet ainsi de demander au juge des référés de prendre les mesures d'urgence qu'impose la situation à la seule condition de ne pas « préjudicier au principal » (article 148 du C.P.C).

Avec la création des tribunaux administratifs le problème s'est posé du devenir de la voie de fait et surtout de son traitement contentieux.

Naturellement, l'utilité de la notion de voie de fait demeure intégralement puisqu'il s'agit de renforcer la protection de l'administré face aux agressions les plus graves de l'administration.

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En revanche, il paraissait souhaitable de modifier son régime contentieux pour éviter les complications de compétence que l'on rencontre en France, et qui n'ont aucune raison d'être au Maroc.

En France, la constatation de la voie de fait peut-être effectuée indifféremment par le juge administratif ou le juge judiciaire. En revanche, le juge judiciaire est exclusivement compétent pour "faire cesser et réparer" les conséquences dommageables de la voie de fait. Or au Maroc, le juge administratif créé en 1991, est tout aussi qualifié pour qu’il puisse statuer en cas de voie de fait sur tous les aspects de la cause.

Il lui appartiendrait de :

- Constater l'existence de la voie de fait ;

- Enjoindre l'administration de faire cesser la voie de fait ; - Condamner l'administration à en réparer les conséquences.

C'est dans cette voie que s'est d'ailleurs orienté le juge des référés du tribunal administratif de Casablanca dans sa décision du 26 avril 1994, Kadalia Rachel et consorts c/Commune urbaine de Sidi Belyout.

Il faut noter que du fait des dispositions de l'article 19 de la loi 41-90, le tribunal administratif comporte un juge des référés qui doit donc, en cette qualité, « exercer les mêmes pouvoirs que ceux dont disposait le juge ordinaire... parmi lesquels celui de statuer sur la demande tendant à faire cesser une voie de fait ».

La Cour suprême a Infirmé une décision du tribunal administratif d'Agadir qui s'était déclaré incompétent pour connaître du litige né d'une voie de fait, ou motif qu'il n'y avait pas acte administratif, la Cour suprême décide que la loi 41-90 a transféré aux tribunaux administratifs la compétence en matière de réparation des dommages causés par les actes et activités des personnes de droit public, y compris la réparation des dommages résultant d'une voie de fait, et qu'elle a également transféré au président de ces juridictions les attributions du président du tribunal de première instance en matière de référé et donc la compétence pour statuer sur les demandes incidentes, telle la demande de levée de la voie de fait ; la Cour en déduit que l'article 8 de la loi

« peut couvrir ledit cas et autres formes de voie de fait tant en ce qui concerne l'indemnisation, qu'en ce qui concerne la levée de cette atteinte... »

Ainsi la voie de fait est "rapatriée" dans l’ordre juridictionnel administratif tant en ce qui concerne sa constatation et sa cessation, qu'en ce qui concerne la responsabilité et la réparation des dommages qui peuvent en résulter : CSA.

20 mai 1996, Ammouri Hafid, RJPIC, précité.

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Chapitre 3 : Les branches de contentieux administratif

Le juge administratif a pour mission de faire respecter la règle de droit par les personnes chargées de missions d’intérêt général. Les recours contentieux qui peuvent être exercés devant lui se répartissent en quatre catégories, toujours d’actualité, dégagées par Édouard Laferrière dans le Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux (1887).

Ces différentes voies de recours sont ouvertes devant la juridiction administrative ; elles se distinguent notamment par la question posée au juge et les pouvoirs dont celui-ci dispose. Les recours en annulation et de plein contentieux sont les plus fréquents de ces différentes branches de contentieux.

I. Le recours pour excès de pouvoir A. Définition

Le recours pour excès de pouvoir est un recours par lequel le requérant demande au juge administratif de contrôler la légalité d’une décision administrative et d’en prononcer l’annulation si elle est illégale. C’est le recours le plus connu, le plus important, le plus original du droit administratif.

Le recours pour excès de pouvoir n'existait pas sous le protectorat ; on avait seulement admis en 1928 que les agents des administrations néo-chérifiennes pourraient porter devant le Conseil d'Etat français les litiges relatifs à l'application de leurs statuts. C'est le dahir du 27 septembre 1957 créant la Cour suprême qui lui donne naissance ; ses dispositions seront reprises par l'article 353-2° du C.P.C. de 1974.

Le recours en annulation pour excès de pouvoir est, par excellence, le moyen de faire respecter la légalité. Mais en l'absence d'un code administratif, c'est le juge de l'excès de pouvoir qui, progressivement, a dégagé un ensemble de règles et de principes qui explicitent ce qui est conforme à la règle de droit et ce qui lui est contraire.

C'est ce qui explique l'importance de la jurisprudence comme source du droit.

Le recours pour excès de pouvoir apparaît comme un recours qui existe de plein droit, en effet l’art. du dahir du 27 septembre 1957 stipule que : II est institué une Cour suprême « chargée de statuer, sauf si un texte l'exclut expressément, sur : - Les pourvois en cassation ;

- Les recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions émanant des autorités administratives... ».

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19

L’article 8 de la loi du 12 juillet 1991, dispose simplement que les tribunaux administratifs sont chargés de juger « les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des autorités administratives ».

- Les requêtes en annulation sont dispensées du paiement de la taxe judiciaire.

- Pour ce qui des détails, le texte de 1991 a précisé un certain nombre de règles dont la violation entraîne le rejet du REP, parmi ces règles:

• Le recours en annulation pour REP contre les décisions des autorités doit être introduit dans le délai de 60 jours à compter de la publication de la décision attaquée.

• Toutefois, les intéressés ont la faculté de saisir avant l’expiration de ce délai.

• Le silence gardé plus de 60 jours par l’autorité admin. sur recours gracieux ou hiérarchique vaut rejet

B. Les caractères généraux

1. Le recours pour excès de pouvoir est un recours contentieux

Certes le recours pour excès de pouvoir est issu du recours hiérarchique ; mais il est devenu peu à peu et surtout depuis 1872 un véritable recours juridictionnel ; il garde cependant certaines traces de son ancien caractère hiérarchique.

2. Le recours pour excès de pouvoir est un recours de droit commun

Le recours peut être exercé en absence de tout texte. De plus le Conseil d’État a estimé que lorsqu’un texte exclut « tout recours » il n’exclut pas par là le recours pour excès de pouvoir (CE 17 févr. 1950, Dame Lamotte, Lebon 110). Il ne pourrait être supprimé que par un texte de loi l’excluant expressément. Dans la suite de cette jurisprudence, le Conseil d’État a estimé que le Gouvernement ne peut ni dans l’exercice du pouvoir réglementaire autonome de l’art. 37 de la Constitution, ni dans celui qu’il pourrait détenir par voie d’ordonnance, de l’art. 38, soustraire certains actes au contrôle juridictionnel, soit en prononçant la validation de certaines décisions, soit en excluant le recours pour excès de pouvoir (CE 24nov.1961, Féd. nat. synd. police, D. 1962, 44).

3. Le recours pour excès de pouvoir fait partie du contentieux de la légalité Le recours pour excès de pouvoir est fondé sur la violation de la règle de droit. Ce qui est mis en cause devant le juge, c’est la légalité même de l’acte dont le requérant prétend qu’il est illégal. Certes, on a parfois l’impression que le juge se conduit plutôt en supérieur hiérarchique contrôlant la « moralité administrative » et l’opportunité des décisions prises par l’administration : en réalité, il faut donner à la notion de légalité une extension très large, le juge administratif créant lui même dans certains cas des règles de droit.

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4. Le recours pour excès de pouvoir fait partie du contentieux objectif

Le recours pour excès de pouvoir est un procès fait à un acte et non à une personne

; il tend à la sanction d’une règle de droit et non à la reconnaissance d’un droit subjectif (Hauriou : « Le recours pour excès de pouvoir est un moyen de nullité objectif organisé dans un but de bonne administration. »). Par ailleurs, l’annulation d’un acte produit des effets erga omnes. Enfin il suffit d’un simple intérêt lésé pour faire un recours. Toutefois ce caractère objectif du recours a été fortement critiqué : le recours pour excès de pouvoir apparaît fréquemment comme un instrument de défense de droits patrimoniaux. Par ailleurs, la possibilité d’une tierce opposition, la possibilité d’acquiescement, la nécessité de justifier d’un intérêt pour faire un recours, ne sont guère compatibles avec le caractère objectif du recours.

5. Le recours pour excès de pouvoir constitue un recours en annulation Le recours se définit par le fait que le particulier demande l’annulation de la décision. L’importance que le juge attache à cet élément est telle qu’il entraîne fréquemment la possibilité de se servir du recours pour excès de pouvoir même lorsque le requérant se trouve dans une situation juridique subjective en défendant par exemple de simples intérêts patrimoniaux. J. Arrêt Lafage (1912) : alors que normalement le fonctionnaire qui réclame son traitement ou une indemnité se trouve dans une situation qui ne lui permet d’exercer que le recours de pleine juridiction, le juge a admis que ce fonctionnaire peut demander au juge, par la voie de l’excès de pouvoir, d’annuler le refus de paiement dans la mesure où il viole le texte instituant la rémunération (CE8 mars 1912, S.1912.III. 7).

Mais la jurisprudence n’est guère uniforme. Dans la plupart des cas où le juge est susceptible d’exercer de tels pouvoirs, il a tendance à considérer qu’il ne peut être valablement saisi qu’en tant que juge de plein contentieux (concl. Genevois sur CE, sect. , 8 janv. 1982, Aldana Barrena, GAJA, 19e éd. , p. 139).

C. Les conditions de recevabilité

Les conditions de recevabilité de l’acte ont une importance fondamentale. Quels actes administratifs peuvent faire l’objet d’un recours ? Qui peut faire un recours (problème de l’intérêt à agir) ? Il y a enfin la fin de non recevoir résultant de l’existence d’un recours préalable

1. Les conditions relatives à l’acte

Les conditions relatives à l’acte ne présentent pas de particularités très spécifiques en ce qui concerne le recours pour excès de pouvoir : il est bien évident que seuls peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir les actes qui sont de la compétence du juge administratif. Par ailleurs une décision

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administrative n’est attaquable que si elle est susceptible de faire « grief ». Selon l’art. 32 de l’ordonnance du 31 juillet 1945 « le Conseil d’État statue souverainement sur les demandes d’annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administratives ». Mais cette formule ne rend pas exactement compte de la jurisprudence.

1.2. Il faut qu’il s’agisse d’un acte administratif

Cette exigence conduit à exclure les actes législatifs, les actes royaux, les actes juridictionnels et les actes de gouvernement.

1.2.1. Exclusion des actes législatifs

II ne s'agit pas de la loi naturellement, qui est parfaitement identifiable et que l'on ne peut confondre avec un acte administratif. Mais le problème est plus délicat dans les périodes où le parlement cesse de fonctionner, et à plus forte raison en a-t-il été ainsi avant qu'il ne soit créé.

- Avant 1962, le pouvoir législatif a été exercé par le Roi. Il en a été de même sur la base des mesures transitoires prévues par les diverses constitutions en attendant la réunion du parlement.

La constitution a prévu également en période d'état d'exception que le Souverain pourrait exercer le pouvoir législatif, et c'est encore le Chef de l'Etal

Qui a exercé le pouvoir législatif sur la base de l'article 19 de la constitution entre octobre 1983, date de l'expiration de la législature, et octobre 1984, date de l'élection de la nouvelle assemblée ; dans ces diverses situations, les décisions législatives du Roi ont reçu des appellations diverses : dahir avant 1962, décret royal portant loi, puis dahir portant loi, ce qui est la terminologie actuelle.

Il faut par ailleurs rappeler l'existence :

- De l'article 70 de la constitution et des décrets-lois sur habilitation ;

- De l'article 81 de la constitution qui permet au gouvernement de prendre par décret, pendant l'intervalle des sessions et avec l'accord de la commission intéressée, des mesures relevant normalement de la loi.

Dans les deux cas, il y a ratification ultérieure. Mais on peut se poser la question de la nature de ces décisions avant qu'elles n'aient fait l'objet d'une ratification. Il n'y a pas de décision juridictionnelle relative à cette question ; on peut seulement indiquer que, dans des cas de ce type, le Conseil d'Etat français a décidé qu'il s'agissait d'actes administratifs jusqu'à la ratification.

1.2.2. Les actes du Roi en matière administrative

Sous le protectorat, le pouvoir normatif était aux mains du Sultan qui pouvait également prendre un certain nombre de décisions individuelles. Une tentative

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avait été faite de distinguer dans les actes du Sultan les dahirs-lois et les dahirs- décrets, ces derniers ayant une nature administrative.

Cette distinction fut condamnée par la Cour suprême dans un arrêt du 18/6/1960 Abdelhamid Ronda, R. 136, relatif à la révocation d'un cadi. Cette solution fut confirmée par une décision du 15/7/1963 Bensouda Abdallah, R. 173 : le recours pour excès de pouvoir est irrecevable contre les décisions individuelles « émanant du Souverain et prises en forme de dahir ».

Par la suite, la Haute juridiction devait formuler sa position de façon plus radicale encore dans l'affaire Sté propriété agricole Abdelaziz 20/3/1970 : l'irrecevabilité est générale, quelle que soit la forme que peut prendre la décision : décret royal, décret, arrêté ou décision et à plus forte raison dahir.

« Attendu que... S.M. le Roi exerce ses pouvoirs constitutionnels en qualité d'Iman des croyants conformément à l'article 19 de la constitution et qu'à cet égard Elle ne peut être considérée comme une simple autorité administrative au sens de l'article Ier du dahir du 27 septembre 1957. »

1.2.3. Les actes juridictionnels

Cette exclusion va de soi pour les décisions constitutives de jugements qui font l'objet de recours spécifiques en appel ou en cassation. Celui-ci existe d'ailleurs de plein droit sauf si un texte législatif l'exclut expressément : C.S.A. n° 62, 18/3/1977, Kadiri Abdelhafidfl).

Mais il peut y avoir difficulté lorsque l'on ne se trouve pas en présence d'une juridiction intégrée dans la hiérarchie normale des tribunaux ; certains organismes ont une nature qui n'est pas évidente : juridiction spéciale ou organisme administratif, le problème peut se poser.

Tel est le cas :

• De la commission chargée de donner son avis sur les autorisations de transports routiers : 19/12/1959, Jacob Hamouth, R. 83 ;

• Du conseil de la pharmacie statuant en matière disciplinaire : 18/5/1961, Israël, R. 123, avec les conclusions du procureur général Zarrouck ;

• La Cour suprême utilise, pour déterminer la nature de ces organismes, la méthode du faisceau d'indices :

• Acte de création : les catégories de juridiction doivent être créées par la loi : article 46 de la constitution.

• La composition de l'organisme : comprend-il des magistrats, quel est leur nombre et leur rôle ?

• L'organisme est-il indépendant ?

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• Quels sont ses pouvoirs ? A-t-il un pouvoir de décision, et ses décisions doivent-elles être motivées ?

• La procédure est-elle contradictoire ?

• Y a-t-il des recours contre ses décisions ? Quel type de recours ?

C'est en fonction des réponses que l'on peut apporter à ces diverses questions que le jugement pourra conclure dans un sens ou dans l'autre sur la question de la nature juridictionnelle ou administrative de l'organisme.

1.2.4. L’exclusion de certains actes administratifs

-Exclusion des actes de gouvernement : Ce sont des actes qui émanent d'autorités administratives ou exécutives mais qui ne peuvent faire l'objet du recours en annulation, parfois même qui sont insusceptibles de recours juridictionnel.

Les actes peuvent être des actes pris par le gouvernement dans les rapports avec le parlement : par exemple décision ou refus de déposer un projet de loi ou un amendement à un tel projet, acceptation par le gouvernement ou refus d'un amendement parlementaire, etc. Ce peut être aussi la décision (décret) de clôture d'une session ordinaire ou de convocation d'une session extraordinaire.

- Exclusion de décisions relatives au domaine des relations internationales et diplomatiques, les autorités responsables peuvent prendre des décisions dont le juge refusera de connaître : décisions d'engager des relations diplomatiques ou de les rompre, ordres et instructions donnés aux diplomates, interprétation des traités.

– Exclusion de décisions relatives au domaine privé à condition qu’elles aient un caractère purement individuel.

– Exclusion de certains actes relatifs au fonctionnement du service public de la justice.

– Les contrats administratifs sauf les actes détachables (jurisprudence traditionnelle, CE 4 août 1905, Martin, S., 1906. 3. 48).

1.3. Il faut que la mesure fasse grief

Seules peuvent faire l’objet d’un recours les décisions susceptibles de léser le requérant dans ses intérêts, c’est-à-dire une décision susceptible de faire grief.

Seules peuvent faire grief les dispositions même d’une décision mais non pas les motifs. Le problème de la décision faisant grief est distinct de celui de la décision créatrice de droits. Une décision peut ne pas être créatrice de droits mais faire grief (CE 3 mars 1967, Min. de la Construction c/ Sté BehrManning,

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Lebon 105). Un refus de modifier un acte n’ayant pas d’effet juridique peut faire grief (CE 11 janv. 1985, Raymond Camus, AJDA 1985. 161). Les refus d’agir constituent souvent des actes faisant grief. Le juge s’attache au contenu de l’acte et non à sa présentation. La décision de sélection d’un sportif en équipe nationale est un acte administratif (CE 8 avr. 2013, Féd. fr. sports de glace, AJDA 2013. 1555) (plutôt compétence). La distinction des décisions faisant grief et des décisions ne faisant pas grief est extrêmement délicate.

Cette exigence « faisant grief » signifie que l'acte doit avoir une valeur juridique suffisante pour s'imposer au requérant. Cette condition exclut donc l es actes de l'administration qui sont simplement préparatoires d'une décision :

• Les circulaires qui n’ont pas un caractère réglementaire ou impératif

• Proposition de sanction : 15/12/1960, Ingarao Plinio, R. 24.

• Mise en demeure préalable à un retrait d'autorisation : 22/2/1961, Société coopérative agricole vinicole d'Oujda, R. 34.

• Rappel de la réglementation en vigueur, 19/6/1962 ; R. 59, Ali Ou Mimoun.

• Cependant, l'avis notifié à l'intéressé a le caractère d'une décision, 30 mais 1963, Roubinet, R. 46.

• Les mesures préparatoires ne constituent pas en principe, des mesures faisant grief : la prescription d’une enquête, CE 11 juill. 1947, Dewavrin, une mesure d’information (CE 20 mars 1991, Assoc. Boulogne FM, RD publ. 1991.

• Les mesures d’organisation d’ordre intérieur (CE, ass., 28 oct. 1956, Assoc.

gén. , Administrateurs civils, Lebon 391) considérées comme de minimes importances ou des mesures individuelles de caractère personnel ayant un aspect disciplinaire (pouvoir disciplinaire sur certains usagers des services publics).

Seront également considérés comme des actes ne faisant pas grief les mesures d'ordre intérieur : notes de service, circulaires, instructions.

Un problème se pose cependant pour les circulaires et autres directives.

Normalement, elles ne font pas grief car elles n'ajoutent rien à la réglementation existante ; les ministres n'ont pas en effet de pouvoir réglementaire, et ils ne peuvent pas ajouter quoi que ce soit à l'ordre juridique par voie de circulaire ou de directive ; ceci explique l'irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir contre de tels actes.

Cependant si, outrepassant ses pouvoirs, le ministre rédige une circulaire qui n'est pas seulement interprétative mais qui ajoute une obligation à celles qui résultent de l'ordre juridique existant, le recours sera possible.

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C'est ce qu'admet la Cour suprême dans une décision a contrario : 9/7/1960, Mohamed Alem, le recours aurait été possible contre les opérations d'un concours organisé par une circulaire illégale.

2. Les conditions relatives au requérant

Le recours n’est recevable que si le requérant a capacité pour agir en justice. Il suffit d’appliquer les règles générales relatives à la capacité d’agir en justice.

Mais la procédure exigeait du requérant la démonstration d'un intérêt à l'action ; ce principe, connu par l'adage "pas d'intérêt, pas d'action", signifie dans le contentieux de la pleine juridiction : pas de droit pas d'action.

En revanche, la notion d'intérêt à agir dans le contentieux de la légalité présente une spécificité.

Il convient tout d'abord d'indiquer que le juge distingue le droit de l'intérêt ; il n'exige du requérant que la preuve qu'il a intérêt à contester la décision administrative ; il est évident que cette exigence est moindre que celle d'un droit et qu'ainsi le cercle de ceux qui peuvent intenter le recours s'en trouve considérablement élargi.

Toutefois, cet intérêt n'est pas un intérêt purement abstrait et théorique que tout individu peut avoir à savoir que la loi est respectée.

En effet, il doit être un intérêt que le requérant éprouve concrètement dans sa situation matérielle ou morale qui se trouve menacée par la décision administrative et qui le pousse à utiliser le recours pour excès de pouvoir ; ce dernier est un moyen de se défendre, de défendre ce à quoi l’on est concrètement attaché.

Il faut donc que le requérant fasse la preuve qu'il est concerné directement par l'acte attaqué et que le recours va ainsi lui permettre de défendre sa situation menacée.

L'intérêt du requérant s'apprécie à la date de la requête ; si l'intérêt vient à disparaître du fait du retrait de la décision contestée postérieurement à l'introduction de la requête, le juge décidera qu'il n'y pas lieu à statuer.

L'intérêt s'apprécie au regard du dispositif de la décision et non pas au regard de ses motifs ; ceci explique qu'il ne soit pas possible de contester une décision qui donne satisfaction à son destinataire.

L'intérêt pour agir présente un certain nombre de caractéristiques ; ce peut être un intérêt matériel ou moral (I), il doit être un intérêt individualise (2) mais il peut être aussi un intérêt collectif (3).

2.1. L'intérêt matériel ou moral

Les exemples d'intérêt matériel sont très nombreux et faciles à imaginer :

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26

• La fermeture d'un garage en raison du bruit qu'il occasionne ;

• Le retrait de l'autorisation d'exercer une profession ;

• Le refus d'un permis de construire ou l'ordre d'interruption des travaux, etc.

L'intérêt moral est moins bien représenté en jurisprudence, bien qu'il puisse être étroitement imbriqué avec l'intérêt matériel ; tel est le cas en matière de sanction où la décision comporte un aspect moral incontestable qui se cumule avec ses conséquences matérielles.

• Une décision portait atteinte à la réputation de l'Ecole de la magistrature : CE. 13 juillet 1948,

• Un intérêt moral justifie ou pourrait justifier la recevabilité du recours.

2.2. L'intérêt doit être suffisamment individualisé

Le juge exige que le requérant fasse la preuve q u ' i l possède un intérêt individuel, mais cela ne signifie pas qu'il doive être le seul à pouvoir faire état de cet intérêt

L'habitant d'un quartier pourra critiquer un permis de construire délivré pour un projet de construction dans le quartier. L'usager d'un service public pourra critiquer les décisions qui concernent le fonctionnement du service : fermeture d'une ligne ou déplacement d'un itinéraire. L'enseignant du supérieur pourra critiquer les décisions organisant l'universi té (conseil d'université) ou les élections universitaires, etc.

2.3. L'intérêt collectif

Si les individus sont largement admis à défendre un intérêt, collectif, l'intérêt d'une catégorie, le problème est plus délicat lorsqu'il s'agit d'apprécier si un groupement a un intérêt à agir.

Une association, un syndicat, un organisme professionnel (ordre des médecins, des architectes, etc.) peut agir sans difficulté pour la défense des intérêts moraux ou matériels qui sont communs à l'ensemble de ses membres. Exemples : la Fédération nationale des transporteurs routiers, la Société hippique et des courses marocaines, la Fédération nationale des agents généraux d'assurances, etc.

Dans ces différents cas, l'organisme collectif utilise ce que l'on appelle l'action corporative pour défendre un intérêt Toutefois, il peut être difficile de distinguer entre l'intérêt collectif et l'intérêt individuel, sans oublier que, parfois, il existe des intérêts individuels à répercussion collective.

D. Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir

Définition : on appelle cas d’ouverture ou moyens d’ouverture (ou d’annulation) les différentes catégories d’irrégularités dont la constatation entraînera

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