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Les dimensions économiques de la sécurité collective : quelques constats et des interrogations

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Les dimensions économiques de la sécurité collective : quelques constats et des interrogations

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. Les dimensions économiques de la sécurité collective : quelques constats et des interrogations. In: Les métamorphoses de la sécurité collective:

droit, pratique et enjeux stratégiques : journée franco-tunisienne . Paris : A. Pedone, 2005. p. 149-169

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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12917

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LES DIMENSIONS ÉCONOMIQUES DE LA SÉCURITÉ COLLECTIVE:

QUELQUES CONSTATS ET DES INTERROGATIONS

par

Laurence BOISSON de CHAZOURNES

Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève,

Directrice du Département de droit international et organisation internationale 1

La mise en place du régime de sécurité collective, tel que prévu par la Charte des Nations Unies en 1945, a constitué sans nul doute un tournant majeur dans la

gesti~n des crises internationales. Les Etats membres ont renoncé à l'usage de la force année, à l'exception de la légitime défense. La contrepartie de cette prohibition est un système institutionnel qui prévoit que le pouvoir de décision et d'exécution - pour certaines dés mesures - dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales est désormais dévolu à un organe politiqlJ.e de composition restreinte. Celui-ci peut adopter des décisions de portée obligatoire s'imposant à tous les Etats membres de l'Organisation. Le Conseil de sécurité agit alors au nom des Etats membres dans le cadre de sa responsabilité ~rincipaie

~l)sJe domaine du maintien de la pai" et de. la sécurité internationales. Dans la pari'6p~ie des mesuresqui peuvent être

Pt1ses

pour faire face à « l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de lapaix ou d'un acte d'agression »3, il Y a cel1es.q\li n'impliquent pas l'emploi de la force année et celles qui l'impliquent.

Dans la pratique, le Conseil de sécurité a fait œuvre de créativité lorsqu'il a eu recours à ces mesures, à la fois dans leur çontenu 4 et dans le régime juridique qui en encadre le recourS5.

Les instruments et mécanismes économiques occupent une place grandissante dans le domaine de la sécurité col1ective ; pourtant, l'analyse de ce fait n'a pour l'heure que peu retenu l'attention. En effet, le Conseil de sécurité fait application

1 L'auteUF tient à remercier M: Théo BOUTRUCHE, assistant au Département de droit international et organisation internationale de la Faculté de droit de Genève, pour son aide dans la préparation de cette contribution.

2 L'article 24, par. 1, de la Charte des Nations Unies précise que: «Afm d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres conferent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien.de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité-agit en leur nom ».

3 Cf. art. 39 de la Charte des Nations Unies.

4 On pensera, par exemple, à la création des tribunaux pénaux internationaux.

5 Il n'est que d'évoquer l'évolution qu'a connue le recours à des mesures' impliquant un emploi de la force année dans le cadre du Chapitre VII.

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de mesures non militaires comprenant nombre d'actions à coloration économique citées à l'article 416, ainsi que d'autres encore, pour enjoindre à un Etat fauteur de troubles, au sens de l'article 39 de la Charte des Nations Unies, de rétablir la paix et la sécurité internationales. Il participe également au rétablissement de la paix, en prônant notamment la reconstruction économique .de zones dévastées.

Les théâtres d'opérations sont variés, qu'il s'agisse de l'assistance apportée à un pays nouvellement indépendant, d'une région sous administration. territoriale internationale ou encore d'un Etat sous régime d'occupation militaire. Dans tous ces domaines, les décisions économiques occupent une. place importante.

Il est de ce fait intéressant de se demander si le corps des principes et règles du droit international économique, nqtamment du droit des échanges internationaux, trouve application en matière de sécurité collective. De prime abord, il faut constater que les deux ensembles que constituent le régime de la sécurité collective et le droit des relations économiques n'ont presque jamais été appréhendés de concert. Le système juridique conforte cette situation puisque, par exemple, la sécurité collective a été conçue en tennes d'exception dans le cadre du GATT/OMC, à savoir que les Etats membres de l'OMC sont autorisés à ne pas être assujettis aux principes et règles du commerce international quand ils appliquent des mesures prises dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (voir, par exemple, l'art. XXI c) du GATT)'. Cette approche s'est maintenue, alors même que l'extension du champ d'action du Conseil se renforçait pour dépasser la logique des sanctions économiques, et décider de mandats de reconstruction et d'administration d'un territoire 'ou d'un Etat. Le Conseil est de plus en plus impliqué directement ou indirectement dans des activités proprement éconotniques, ou dans des activités dont les effets économiques sont considérables. La situation présente est c~lle de l'absence d'un cadre juridique cohérent pour inscrire le maniement de l'instrument économique au sein du système de sécurité collective. La question n'est pas seulement de reconnaître l'impact proprement économique de certaines actions8, mais également d'appréhender les activités du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de 'la sécurité internationales, à la lumière notamÎnent des principes et règles du droit international économique. Cela permettrait de placer

6 L'article 41 dispose: « Le .Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions,' et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication,' ainsi que la rupture des relations diplomatiques. »)

j Voir infra.

g Dans l'Agenda pour la Paix, le Secrétaire général recommande, concernant le mécanisme de l'article 50 de la Charte des Nations Unies (que l'on analysera ultérieurement) et les Etats tiers lésés par l'application de sanctions économiques,« que.le Conseil de sécurité mette au point une série de mesures, faisant intervenir les institutions financières et d'autres éléments du système des Nations Unies, en vue de mettre les Etats à l'abri de tels dommages. Il y a là une question d'équité comme un moyen d'encourager les Etats à se confonner aux décisions du Conseil ;), Doc. A/47/277-S/24111, 17 juin 1992.

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les actions de sécurité collective dans le cadre d'une approche « économique») plus large, pour les appréhender sous toutes leurs facettes.

Il faut aussi remarque~ à titre liminaire que, s'agisSant des situations pouvant entraîner une qualification au sens de l'article 39 de la Charte, une évolution notable s'est faite eu égard à l'emploi de la notion de menace contre la paix. Les violations graves des droits de l'homme, les actes de terrorisme, les changements de régime politique peuvent donner lieu à des qualifications de ce type. Les Conclusions de la réunion' du Conseil de sécurité au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, le 31 janvier 1992, sont 'même allées jusqu'à considérer que« la paix et la sécurité internationales ne découlent pas seulement de l'absence de guerres et de conflits armés. D'autres menaces de nature non militaire contre la paix et la sécurité internationales trouvent leur source dans l'instabilité qui existe dans les domaines économique, social, humanitaire ou écologique »'. Le Rapport du Panel de Haut Niveau mis en place par le Secrétaire général des Nations Unies à l'automne 2003 et rendu public en décembre 2004 va dans le même sens, en appréhendant les menaces économiques et sociales aux côtés des problèmes d'éclatement de conflits, d'actes de terrorisme ou des questions de prolifération d'annes de destruction massivelO En pratique toutefois, des situations de dégradation économique n'ont pas encore, pour l'heure, été constitutives à elles seules de menaces contre la paix dans le cadre du Chapitre VII ". La logique du maintien de la paix et de la sécurité internationales au sens politique, stratégique, et parfois humanitaire, a toujours prédominé.

1- L'ASPECT ECONOMIQUE « TRADITIONNEL »

DE LA SECURITE COLLECTIVE

Les mesures de nature économique adoptées en application de l'article 41 de la Charte des Nations Unies sont parmi les mesures de sécurité collective les plus usitées!l. Cependant, l'application de ces mesures a' souvent des effets secondaires ressentis de manière négative par les populations des Etats qui en sont la cible et par des Etats tiers. Le resjÎect des règles des droits de l'homme et du droit international humanitaire' dans le premier cas, et le recours à èertaines dispositions de la Charte dans le second cas,ont pu être invoqués pour demander que des mesures correctives soient adoptées. Dans ce contexte, l'argument économique a une place marginale.

9 SIPY.3046, 31 janvier 1992.

10 Un Irlonde plus sûr.' notre affaire à tous, Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, AJ59/565, 2 décembre 2004, disponible sur l'Internet, WWW.Ufl.org

Il Sur les liens entre securité et développement économique, voir J. BANNON et P. COLLIER (cds), NaturaJ Resourc/tS and VioJem Conflict: Options and Actions, Banque Mondiale, 2003 ; Breaking the ConfIict Trap : Civil War and Developmenl Policy, World Bank/ Oxford University Press, 2003.

Il Voir Moharned BENNOUNA, « Les sanctions économiques des Nations Unies, Recueil des cours, Académie de dtoil international de La Haye, Tome 300, 2002, pp. 14-77.

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A. Les mesures adoptées en application de l'article 41 de la Charte des Nations Unies

et la question de leurs effets secondaires

biins le cadre de sa responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la 'sécurité internationales, le Conse~l de sécurité des Nations Unies a eu recours depuis le début des années 1990 à une très vaste palette de mesures.

Panni celles-d, les actions à coloration économique occupent une place significative. Il esi'vrai que la Charte, ~ns Sa iiste non exhaustive des mesures de l'article 41, prévoit le recours à un grand nombre

d,

ccs mesures.

L'article 41 envisage « l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications' ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et. des autres moyens de communication». Le Conseil de sécurité a eu recours à ces actions, ainsi qu'à d'autres ,types de mesures telle gel des avoirs étatiques et privéSl3.

Leur contenu et application: n'ont jamais été discutés à l'aune du re~pect des principes et règles du droit international économique, notamment ceux favorisant le libre-échange et la non-discrimination. En revanche, la question des conSéquences politiques, humanitair:es . mais aussi économiques - ci-après dénommées effets secondaires - de ces mesures a été posée~' conduisant à débattre de la question de la compatibilité de ces sanctions avec les règles de droit international des droits de l'homme et de droit humanitaire. ' Si la question des effets secondaires s'est posée dès l'adoption de sanctions contre la Rhodésie et l'Afrique du Sud, c'est à l'occasion de l'imposition de sanctions contre l'Irak ~" sur une durée de 13 ans - que le problème a pris une ampleur considérable. Les effets secondaires affectent bien évidemment l'Etat cible, raisQo même de l'adoption de ces mesures, quoique pas forcément dans le sens voulu, puisque les conséquences les plus néfastes sont en général très largement ressenties par la population civile, sans que les responsables politiques en pâtissent de la même manière. Des Etats tiers peuvent également être lésés et cela est, notamment dû à l'interdépendance croissante des économies e,t des systèmes. ,Les conséquences les plus importantes sont évidemment tout d'abord pour l'Etat cible e;t sa populatlon. Les conséquences économiques et sociales des sanctions peuvent être désastreuses: en Irak et en Yougoslavie, les sanctÎons ont conduit à une érosion de la classe moyenne, une criminalisation de la société, des dommages économiques à long terme; ce qui a contribué à accroître l'insécurité et l'instabilitél4, L'embargo entraîne une raréfaction de l'offre des produits et par

Il Pour le cas de l'Afghanistan, voir les Résolutions 1267 du 15 octobre 1999 et 1333 du 19 décembre 2000 du Conseil de sécurité portant adoption de sanctions à l'encontre des Talibans.

Concernant J'Angola, les Résolutions 864 du 15 septembre 1993, 1127 du 28 août 1997 et 1173 du 12 juin 1998 du Conseil de sécurité prévoient un certain nombre de sanctions prises à l'encontre de l'UNITA.

14 Margaret DOXEY, «United Sanctions: lessons of Experience 'l, in

r

Interlaken Seminar on Targeting United Nations FinanciaJ SanclÎons. 29-31 March 1999, Swiss Federal Office for Foreign Economie Affairs. in cooperation with the United Nations Secretariat, pp. 207-219_

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conséquent l'augmentation des prix sur le marché interne. En Irak, les prix des biens de première:nécessité ont connu une augmentation d'environ 1000% entre 1990 et 1995. Les conséquences sont connues: les pauvres souffrent le plus et l'indépendance économique de la classe moyenne (source potentielle de résistance à un régime) est détruite. Les membres du régime et leurs alliés qui contrôlent le marché noir profitent de la situation!'. En Haïti, l'armée s'est saisie du contrôle du marché noir sur les biens prohibés par l'embargo, ce qui lui a permis de générer des profits considérables et de tout faire pour que les sanctions

~,ontinuent d'être appliquéesl6.

Pour ce qui est des effets des sanctions pour les Etats tiers, les pertes et coûts subis par ceux-ci dans l'application des sanctions peuvent être classés en trois grandes catégories: ceux ayant trait aux relations commerciales, ceux découlant des restrictions des relations finaricières, et les autres pertes et coûts provoqués par la rupture des relations sectorielles .ou autres relations spécifiques avec le pays visé!'. Parmi les coûts et pertes de caractère commercial, on peut distinguer les pertes sur les exportations et 'celles sur les importations. Quant aux difficultés financières découlant de la suspension des apports de capitaux, elles ont trait au non-rapatriement des bénéfices et autres recettes; la confiscation, le gel et la conversion de l'épargne et des avoirs; la suspension d'emprunts et de crédits à des taux subventionnés, les pertes et les difficultés au titre de l'interruption du

service de la dette U

. B. A propos d'actions économiques correctives

La Charte des Nations Unies avait envisagé dès l'origine le problème des effets des sanctions, mais de manière extrêmement Ij1arginale. En "effet, l'article 50 de la Charte précise qu'un Etat tiers, c'est·à-dire un Etat non visé par les sanctions,

« s'il se trouve en présence de difficU1t~s économiques part.iculières dues à l'exécutii)n desdites mesures, a I~ drQit

de

,consulter le Conseil de sécurité au sujet de la solution de ces difficultés». La Charte ne donne toutefois aUCune défmition de ces « difficultés économiques particulières », et n'offre aucune garantie de redressement. La question s'est posée de savoir si cette disposition prévoyait un simple droit de consultation pour les Etats ou s'il établissait un

15 Strategie Planning Unit, Executive Office of the Seeretary General, Nations Unies, New York, Mars 1999, «( UN Sanctions: How Effective? How Necessary? »), in 2"" Interlaken Seminar on Targeling United Nations Finoncial Sanctions. 29-31 March /999. Swiss Federal Office for Foreign Economie-Affairs, in cooperation with the United Nations Secretariat, p: l04.

16 Elizabeth GIBBONS, Sanctions jn Haïti: Human Rights and Democracy under Assaull, Center for Strategie and International StudieslPreager Press, 1999.

L7 Cette typologie se base sur le rapport du Secrétaire général deS Nations Unies concernant « les difficultés particulières que connaissent des Etats par suite des sanctions imposées en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies}) (N48/573 - S/26705 du 8 novembre 1993, pp. 24-28), cité par Djacoba TEHINDRAZANARlVELO, Les Effets secondaires des sanctions non militaires des Nations Unies - Aspectsjuridiques et influence S!lr le nouveau concept de SlJnction de l'ONU, Genève, 2003, Thèse n0662, p. 83.

1H Cf. Djacoba TEHINDRAZANARIVELO, Ibid.

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principe d'assistanceJ'. A, ce titre, il a été dit que <<la consultation avec le Conseil de sécurité n'est pas une fm en soi, L'article 50 a pour but de venir en aide aux Etats qui connaissent des difficultés du fait de l'application des sanctions des Nations Unies, et la consultation avec· le Conseil de sécurité a été instituée pour arriver à des solutions pratiques »20. C'est à propos de sanctions contre l'Irak que l'on a enregistré le plus de demandes d'assistance de la part des Etats touchés économiquement par l'application des sanctions,

L'article 50 a aussi pu être lu en conjonction avec l'article 49 de la Charte des Nations Unies2J, soulignant par là l'insuffisance du système prévu par l'article 50. Mais l'article 49 remplit, comme le fait remarquer Djacoba Tehindrazanarivelo, une « fonction distincte» en ce que l'assistance prévue concerne plutôt l'aide à apporter aux « Etats qui connaissent des difficultés pour appliquer sur le plan interne les mesures décidées par le Conseil de sécurité ,,22.

Par ailleurs, l'article 49 vise une assistance donnée par les Etats sur une base bilatérale ou régionale et entre Etats membres uniquement". L'article 50, quant à lui, s'inscrit dans le cadre d'un dialogue avec le Conseil de sécurité. En pratique, la gestion des conséquences des sanctions a très vite dépassé le cadre et la portée de l'article 50, disposition non apte à proposer un cadre approprié pour la résolution de ces questions.

Il importe enfin de souligner que les problèmes et inconvénients des sanctions économiques ont parfois conduit les Etats à ne plus respecter les prescriptions du Conseil de sécurité en raison de l'inadaptation d~s mécanismes visant à compenser les effets néfastes dè ces sanctions. Les sanCtions imposent souvent des coûts économiques très élevés aux partenaires économiques de l'Etat ciblé.

Des appels ont souvent 'été lancés

poUr

que ces coûts soient équitablement répartis; ils ont ra'rement été eniëndus. Les défaillances en matière 'd~assistance aux Etats désavantagés ont souvent été perçues par ces derniers comme inéquitables. Dans les cas où l'assistance est inexistante ou insuffisante, l'Etat tiers désavantagé' peut avoir tendance' à ne plus respecter les sanctions24Cette

)9 Sur cette question et d'une manière générale sur le régime de l'article 50 et son application par l'ONU, voir Djacoba TEHINnRAZANARlVELO, ibid. pp. 67 et s.

20 Ibid, p. 74.

21 L'article 49 dispose que « les Membres des Nations Unies s'associent pour se prêter mutuellement assistance dans l'exécution des mesures arrêtées par le Conseil de sécurité. »

21 Djacoba TEHfNDRAZANARIVELO, op. cit., p. 78.

23 Djacoba TEHlNDRAZANARIVELO note à ce propos que « l'assistance mutuelle de J'article 49 se fait en général sous fonne de collaboration inter étatique dans l'application des sanctions». Cel auteur prend l'exemple de l'Union européenne' qui a aidé certains Etats de la région des Balkans à mieux appliquer et coordonner les sanctions imposées contre l'ex-Yougoslavie. A partir d'octobre 1992, J'Union européenne et Ja Conférence sur la sécuritê et la coopération en Europe (CSCE) avaient envoyé des missions d'assistance pour J'application des sanctions dans sept Etats voisins de la RFY. Ces missions visaient à conseiller les autorités nationales pour qu'elles puissent mieux prévenir les violations des sanctions imposees contre la Yougoslavie et n'avaient donc pas de vocation strictement économique. Voir Djacoba TEHINDRAZANARNELO, op: cil., pp. 78 et 79.

2~ Strategie Planning Unit, Executive Office of the Secretary General, United Nations, New York, March 1999, «UN Sanctions; How Effective? How Nocessary? .>, in

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lnterlaken Seminar on Target/ng United Nations Financial Sanctions, 29-31 MtJrch 1999, Swiss'Federal Office for Foreign Economie Affairs, in cooperation with the United Nations Secretariat, p. 105. A titre d'exemple on

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attitude semble devoir se renforcer si l'approche n'est pas révisée pour prendre en compte de manière plus efficace les particularités des relations économiques .internationales et si subsiste l'idée que seul le système de sécurité collective est concerné, en dehors d'une prise en compte de l'environnement économique dans son ensemble. Les sanctions économiques sont certes un moyen privilégié d'action mais qui peut être inadéquat si on considère les inconvénients nés de l'interdépendance économique dans la communauté internationale.

La gestion des conséquences économiques des sanctions sur les Etats voisins de l'Etat sanctionné est un révélateur de cet état de fait. Les comités des sanctions ne peuvent faire plus que prendre acte des doléances et requêtes des Etats voisins et appeler les organisations internationales concernées à agir. Les conséquences négatives sur le commerce et la migration des travailleurs découlant des sanctions contre l'Irak et la Yougoslavie ont entraîné des réactions du Secrétaire général et de l'Assemblée générale, sans que celles-ci soient suivies d'effet pratique". Malgré les tentatives d'aménagement apportées par la Résolution 986

«Pétrole contre nourriture»26 donnant la possibilité à l'Irak de vendre une certaine quantité de pétrole, afin d'acheter de la nourriture et des médicaments, le bilan est plus que critiquable. En outre, l'aide à l'Égypte, la Jordanie, la Turquie, lors de la crise irakienne s'est faite sur une base bilatémle avec les Etats-Unis".

Dans le cas de la crise yougoslave, c'est l'OSCE et l'Union européenne (UE) qui sont intervenues pour soutenir les Etats tiers indirectement victimes des sanctions28

Des mesures correctives ont été envJsagées pour pallier les effets sur les populations civiles concernées". Il a été reconnu que l'article 103 de la Charte

peut'citer la prolongation des restrictions sur les vols aëriens à l'encontre de

la

Libye qui a conduit les Etats membres de l'QUA à ·cesser d'observer ces restrictions (Decision of the OAU summit in Burkina Faso, June 1998. Repon in the Guardian Weekl)'. 12 July J99~ ou le cas des Etats-Unis Qui importèrent du chrome de Rhodésie en violation des sanctIons imposées entre 1971-1977, Margaret Doxey, op. cit.

2J «( Mise en œuvre des dispositions de la Charte relatives à J'assistance à des Etats tiers touchés par l'application de sanctions». Rapport du Secrétaire genéral, 27 août J998. N531312.

26 Résolution 986, 14 avril 1995. Cene résolution a été suivie d'une série d'autres résolutions relatives à ce régime portant sur sa reconduction: Résolution 1111 du 4 juin 1997, Résolution '1143 du 12 novembre 1997, Resolution 1153 du 20 février 1998, Résolution 1472 du 28 mars 2003. Elles ont procédé pour certaines à des ajustements du programme ~~ Pétrole contre nourriture ». La Résolution 1483 du 22 mai 2003 a mis fin au régime des sanctions contre l'Irak.

!7 Voir Mohamed BENNOUNA, op. dt., p. 47.

21 A ce titre, on peut par exemple, citer la mise en place par l'OSCE en coordination avec l'UE des Missions d'assistance pour l'application des sanctions (MAS). Ces missions avaient pour but d'aider les EtalS voisins de la République fédérale de Yougoslavie dans le domaine de la mise en œuvre des sanctions. Voir notamment, OUCle les développements prêcédents relatifs à J'article 50, OSeE Report of the Copenhagen RQund Table on United Nations Sanctions in the Case of the Former YugoslavÎa, Copenhagen : 24-28 juin, 1996,24 septembre 1996, publié sous UN Document 81776/199, disponible

SUT l'Internet, \\-'WW.globalpolicy.org, ainsi que Rapport annuel sur les activités de l'OSeE, 30 novembre 1996, disponible sur l'fntemet, www.osce.org

29 Voir notamment sur ce point, Les Nations Unies el Je~ sanctions: quelle efficacité?, Colloque des 10 et t 1 décembre 1999, Huitièmes rencontres internationales d'Aix.·en-provcnce, Paris, Pedone, 2000, 246 p; LinOS-Alexandre SICILIANOS, ~(Bilan de recherches de la section de langue française ») in Les sal/ctions économique/j· en droit international, Centre d'étude et de recherche de

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des Nations Unies ne pouvait se dresser sur le chemin de ces nécessaires aménagements. Toutefois, ces mesures ont été cantonnées à des actions humanitaires, entendues de manière restrictive, recouvrant essentiellement des aspects d'assistance alimentaire, de santé ou d>éducation. En outre, le concept de sanctions ciblées30 - c'est·à-dire cantonnées à des domaines spécifiques - a progressivement été mis en œuvre, afin d'épargner la pOPJJ)ation civile. Dans ce contexte, les sanctions financières ont connu un certain essor. Le développement de ces sanctions s'explique également par le fait qu'elles sont plus e/ticaces que les sanctions commerciales. De telles sanctions semblent aussi diminuer les coûts pour les Etats tiers voisins des Etats sanctionnés: Les sanctions finandères étroitement ciblées (par exemple le gel des avoirs des chefs politiques et militaires placés à l'extérieur du pays) causent peu de dommages collatéraux, mais ont toutefois l'inconvénient d'être difficiles à appliquer et de ne pas créer suffisamment d'entraves aux responsables visés, si ceux·ci peuvent se procurer des ressources financières par des moyens détournés] 1

Un autre problème résulte des difficultés d'application et de mise en œuvre interne des sanctions". Lors de l'adoption de la Résolution 661 (1990), les législations mises en place par les Etats furent très variées et différemment appliquées dans les divers secteurs de l'économie. L'effet de ce « patchwork»

fut chaotique sur les marchés, spécialement sur les marchés financiers, puisque les banques luttaient péniblement pour découvrir ce qu'elles pouvaient ou ne pouvaient faire, La Résolution 661 demandait aux Etats de contrôler les activités de leurs naH,anaux ou les activités sises sur leur territoire. Par conséquent, quiconque souhait~it effectuer uné transaction devait considérer avec soin les effets et la légalité de cette transaction au regard des différentes législations nationales qui entraient en ligne de compte: celles de l'Etat d'où il était ressortissant, celles de l'Etat de résidence, celles des Etats des personnes. ou institutions impliquées dans la contrepartie de la transaction (banque, agent, brokers, assureurs, intermédiaires,. ,,). La diversité des législations nationales

droit international et de relations internationales de l'Académie de droit intemationaJ de La Haye, Martinus Nijboff Publishers, 2002, pp. 13-127, ainsi que le rapport de M. BOSSUYT.

« Conséquences néfastes des sanctions économiques pour la jouissance des droits de J'homme ), Nations Unies, S<lus-COnmUssion"de la promotion et de la protection des droits de l'homme, ElCN.4/Sub.212000133, 21 juin 2000.

30 Cf. Linos-Alexandre SICILlANOS, op. cir., pp. 106 et suivantes.

JI Kirnberly Ann ELiOTT, «Analysing the Effects of Targeted Financial SanctÎons», in

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Interlaken Semina,. on Targeting United Na/ions Financial Sanctions, 29-31 March 1999, Swiss.Federal Office for Foreign Economie Affairs, in cooperation with the United Nations Secretariat, p. 189.

J211 existe deux moyens par lesquels un Etat peut mettre en œuvre les sanctions du Conseil de Sécurité: - la mise en place d'une législation l'autorisant à respecter et à mettre en œuvre les décisions du Conseil de Sécurité; - l'action au cas par cas. Dans ce dernier cas, le gouvernement donne suite aux décisions du Conseil de Sécurité le priant d'imposer des sanctions par un moyen ad hoc. C'est l'approche choisie par la majorité des Etats. Cf. Motohide YOSHIK.AWA,

«Implementation of Sanctions Imposed by the United Nations Security Council - Japan's Experience n, http://www.smartsanctions.ch/intl-papers.htm. Voir aussi Vera GOWLLAND- DEBBAS, ( Implementing sanctions resolutions in domestic law)), in National lmplemelUation of United NatiollS - A Comparative Sludy, Vera GOWLLAND-DEBBAS (ed), IUHEI • Nijhoff.

GenèveILeidenlBoston, 2004, pp. 33-7&.

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~.

potentiellement applicables a énonnément compliqué la tâche de la communauté bancaire internationale33.

Il ressort de ce bref panorama que les considérations de type économique ont pu être intégrées, mais seulement de manière incidente ou marginale. Il n'y a'pas, pour l'heure, de vision sur le court, moyen et long tenne dans le cadre d'une perspective de droit économique favorisant la prise en compte des avantages comparatifs des mesures choisies.

Il -LES NOUVELLES FORMES D'ACTIONS EN MATIERE DE SECURITE COLLECTIVE ET LA PLACE DES INSTRUMENTS ECONOMIQUES

Les mesures de sanction visant un Etat en particulier ne sont pas les seules qui peuvent revêtir un caractère économique. D'autres actions doivent être prises en compte dans le domaine de la séc'1rité collective.

A. Considérations sur les actions de reconstruction économ'ique

L'ONU s'est engagée dans des actions ou des missions de plus en plus larges, dépassant de loin le simple maintien ou rétablissement de la paix: notamment des mandats de reconstruction politique et économique (<< peace-consolidation»

et· « nation-building»)34. De telles opérations ont pu se réaLiser sous le couvert d'opérations d'administration internationale de territoires, Comme au Timor ou au Kosovo, trouvant place dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Urnes. Cette extension des missions s'est fondée sur une interprétation nouvelle, tant de la notion de menace contre la paix que de la nature des actions à entreprendre, afin de remplir la mission de l'ONU en matière de maintien de la paix et de

la

sécurité intem~tionales.

Ces irmovations ont immanquablement conduit l'ONU à intervenir dans des domaines économiques jusqu'ici inexplorés, en matière de sécurité collective.

Cela est notamment vrai dans le cas du KosOvo où la mission consiste en l'administration de ce territoire et inclut un mandat de reconstruction économique. A ce titre, la Résolution 1244 du Conseil de sécurité, qui potte création d'une administration intérimaire au Kosovo (dénommée Mission intérimaire des Nations Unies au K~sovo, ci·après la rvrrNUK.), contient plusieurs références à la dimension économique de cette action. Ainsi, par exemple, la résolution décide des principales responsabilités de la présence internationale civiJe dont J'une est de « facilîter la reconstruction des

II Jeremy P. CARVER, (i Making Financial Sanctions Work: Preconditions for Successful Implementation of Sanctions by the Implementing State ~), http://www.smartsanctions.

chlintl_papers.htm, p. 4.

14 Voir notamment SUT ce point, Yves DAUDET, « L'action des Nations Unies en matière d'administration territoriale », Cursos Euromediterrimeos Bancaja de Derecho lmernacional, Vol.

VI, 2002. pp. 459-542.

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infrastructures essentielles et le relèvement de l'économie »35 et {( encourage tous les États Membres et les organisations internationales à contribuer à la reconstruction économique et sociale, ainsi qu'au retour en toute sécurité des réfugiés et personnes déplacées et souligne, dans ce contexte, qu'il importe de convoquer, aux fms énoncées au paragraphe II g), notanunent, une conférence internationale de donateurs qui se tiendra à une date aussi rapprochée que

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passl e» .

De ce fait, la MrNUK s'est engagée sur la voie de la création d'une économie de marché viable et la mise eo place d'un programme .d'ensemble de stabilisation économique. Cette action s'est notamment faite par l'adoption, par le Représentant spécial du Secrétaire général, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Résolution 1244, d'une série de règlements, dont le Règlement n°

1999/1, en date du 25 juillet 1999, qui fixe les pouvoirs de l'Administration intérimaire au Kosovo. Un Conseil chargé de la politique économique a été créé, accompagné de la mise en place d'un cadre juridique par un réglemènt adopté par le Représentant spécial de l'ONU. Par ailleurs, le Règlement nO 1999/16 porte création d'une autorité budgétaire centrale du Kosovo qui est chargée, sous la tutelle du Représentant spécial du Secrétaire général, de l'administration financière générale du budget du Kosovo". On a pu observer que certaines de ces mesures mettaient en cause l'unité monétaire, flOancière et économique ,de la RFY" ..

C'est à l'Union européenne, en coopération avec, la Banque mondiale et d'autres organisations, qu'est revenue la responsabilité d'élaborer et conduire les activités de reconstruction' économique du Kosovo et de la région' .environnante, notamment par la mise en œuvre d'un pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, avec Wle large participation internationale, pour' promouvoir la démocratie, la prospérité économique, la stabilité et la coopération régionale",

L'encadrement institutionnel de cette reconstruction économique bériefide d'une collaboration active entre les organisations internationales ayant compétence dans le domaine économique. S'agissant du droit applicable, celui-ci repose,

15 Résolution 1244, IOjuin 1999,par.IOg).

J6 Resolution 1244,IOjuin 1999; par.l'3.

37 On peut aussi citer d'autres exemples d'actions menées dans lecadrc de l'administration du territoire et qui concernent le domaine. économique : Règlement n° 1999/9 sur l'importation, le transport, la distribution et la vente des hydrocarbures au Kosovo ainsi que le Règlement nO 1999120 sur l'Office des services bancaires et des paiements du Kosovo, adopté par le Représentant spécial du Secrétaire général «aux fins du renforcement de l'économie du Kosovo par· la mise en place d'un système de paiements efficace et d'un système bancaire solide grâce à la creation de l'Office des services bancaires et des paiemen[S du Kosovo. )~ . .

38 Règlement nO \ 999/4 sur les devÎses ayant cours au Kosovo. En effet, dans le secteur des paiements et des servÎces bancaires, ce règlement autorise la libre utilisation de devises, parallèlement au dinar yougoslave. ·En realité cet acte faisait pratiquement du Deutsche mark: la monnaie officielle du Kosovo. Cf. Ruxandra BORDEA, La Mission inrérimaire d'administration des Nations Unies au Kosovo, Mémoire DEA, Université Paris 1, septembre 2000, p. 47.

39 Voir les Principes de Petersberg pour un règlemenr politique de la crise du Kosovo, Declaration publiée par le President de la réunion des ministres des affaÎres ètnngères du 0·8 tenue au Centre de Petersberg, le 6 mai 1999. déclaration annexée à la Résolution 1244.

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comme pour les activités d'administration territoriale et de reconstruction menées par le Conseil de sécurité, sur la Charte des Nations Unies, sur les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité qui prévoient II-élaboration et l'adoption d'actes· juridiques, tels les règlements adoptés . par les autorités internationales auxquelles a été dévolu ce pouvoir, et sur Je droit local applicable"'. S'agissant des normes et principes de droit international, une mention expliCite de l'application des principes du droit internatiorial des droits de l'homme est généralement incluse dans les résolutions du Conseil de sécurité ou dans les acies adoptés par les autorités responsables des activités d'administration territoriale et de reconstruction. S'agissanfplus particulièrement du volet économique des activités, il est intéressant de remarquer qu'aucune mention n'est faite des principes et règles de droit international économique. Or,

i!

faut bien constater 'que si les principes du droit des droits de l'homme peuvent encadrer certaines des activités économiques, ils ne les couvrent certainement pas toutes.

On peut penser que les organisations ayant compétence dans le domaine de la reconstruction économique prônent l'application des principes généraux de droit intémational économique qu'elles· contribuent elles-mémes à forger par leur pratique. Mais ne serait-il toutefois pas nécessaire de rappeler l'importance du respect de la règle de droit dans le domaine des échanges internationaux, des marchés publicS41 ou encore de la concurrence en matière de reconstruction ééonomique? Le prmcipe de non-discrimination trouve application dans d'autres domaines que ceux des droits de l'homme et des droits des minorités. Un rappel de son application en droit éconoinique contribuerait sans nul doute au respect de la règle de < {Jn;>it42. Les procédures .suivies en ~tière de reconsti'uction économique bénéficieraient ~'une référe:n~ explicite à des paramètres de légalité.

B. La situation de l'Irak ·

au lendemain de l'adoption de la Résolution 1483

La situation de l'Irak à la suite de l'adoption par le Conseil de sécurité de la Résolution 1483, le "22 mai 2003, a rappelé, si besoin en était, l'importance des questions économiques, et notamment celles relatives à l'exploitation des ressources naturelles, dans le cadre d'activités de sécurité collective. La résolution précisait que le régime juridique alors en vigueur en Irak était celui de

~ Cf. Yves DAUDET, op. cit., pp-. 521 et s.

4J Cet . aspect a de l'importance si on pense à l'implication de nombres d'acteurs non gouvernementaux, privés et publics, parmi eux les organisations non gouvernementales (ONGs), dans la gestion des afTaire~ et services publics. Voir Cartsen STAHN, NGO's and InJernational Peacekeeping - lssues, prospects and ùssons Leanred, Zeitschrift fùr auslandisches offentliches Recht und Vôlkerrecht, 200 l ,Vol. 61 (2001), p. 397.

'2 Cela est notamment vrai si on prend en compte que la MINUK, comme la KFOR d'ailleurs, bénéficient d'immunités au regard-des juridictions locales. Voir Ombudsperson Institution in Kosovo, Special Report No 1 on the Compalibility with recognized international srondo.rds of UNMIK Regulation No. 1000/47 on Jhe SJatus, Privilcges and ImmuniJies of KFOR and UNM/K and .

Thei, Personnel in Kosovo (18 August 2000). 26 avril 2001.

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l'occupation militaire tel que prévu par les Conventions de la Haye et de Genève et que l'Autorité provisoire (composée des Etats-Unis et du Royaume-Uni) était la puissance occupante. Cette résolution prévoyait également un rôle pour les Nations Unies et d'autres organisations internationales, sans que soit précisé le droit applicable à leurs activités.

L'équilibre des fo!!,es à l'époque a conduit à ce 'que la Résolution 1483 proclame que la responsabili,té premihc en matière de reconstruction politique et économique de l'Irak était aux mains de l'Autorité provisoire. De ce fait, la communauté internationale avalisait le système géré et mis en place par les Etals qui composent l'Autorité provisoire. L'implication de l'ONU dans le processus s'est réalisée sur la base d'un mandat très étroit, en ruprure avec la pratique développée au sein des Nations Unies, en matière de reconstruction politique et économique dans les années précédentes43.

Dans le domaine économique, la Résolution 1483 envisage le rôle de l'ONU et de la communauté internationale _ au moyen de procédures complexes, qui ne peuvent cacher le fait que ne leur est reconnu qu'un droit d'être informées, l'aspect décisionnel restant entre les mains de l'Autorité Provisoire. Cela reste vrai, même si pour la première fois on a assisté à la mise en place d'un régime dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité axée de martière prépondérante sur les aspects économiques. Il n'est que d'évoquer la délicate question de la gestion et de l'exploitation des ressources naturelles. L'Autorité provisoire s'est vue reconnaître compétence

_sur (

les ventes ,à l'exporta.tion de pétrole, de produits pétroli.~rs et de gaz narurel prove?,~nt' d'Irak »44. Ces

prérog~tives doivent être. èxercées sous certaines conditioQs sujettes à des procédures de contrôle et . d'auOit, condtÙte~ so~s

la '

responsabilite d'organisations internationales. Toûtefois, la question de la nature et de l'étendue de ces procédures reste posée.

La résolution prend acte de la création du Fonds de .. iléveloppement pour l'Irak, alimenté notamment par les subsides restants du régime « pétrole contre nourriture» et par les revenus liés à l'exportation de pétrole et de gaz. Ce fonds est placé sous l'égide de la Banque centrale d'Irak et son utilisation est du ressort de l'Autorité provisoire. Il est précisé que ce fonds doit être « utilisé dans la transparence pour répondre aux besoins humanitaires du peuple irakien, pour la reconstruction économique et la remise en état de l'infrastructure de l'Irak, la poursuite du désarmement de l'Irak, les dépenses de l'adrrtirtistration civile irakienne et à d'autres fins servant les intérêts du peuple irakien ».'. La communauté internationale peut exercer un droit de regard au travers -d'un système d'audit et de contrôle. Il revient au Conseil international consultatif et de contrôle, créé en octobre 2003 - impliquantnotarnment l'ONU; la Banque mondiale, le FMI et le Fonds aràbe pour le développement économique et social

41 Voir sur ce point, Laurence BOISSON de CHAZOURNES, «The United Nations on Shifting Sands: About the RebuHding of ùaq », Forum du droit international, 2003. Vol. 5, nO 4, pp. 254-261 . ... Résolution 1483 (2003), par. 20.

45 Ibid, par. 14.

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• de s'assurer que les fonds sont utilisés en respectant les principes de transparence et les pratiques en vigueur dans le domaine de la vente du pétrole et du gaz46En plus du régime spécial en matière d'exportations de gaz et de pétrole, l'ONU s'est vue confier un rôle de coordination, en partenariat avec d'autres organisations internationales, pour « favoriser le relèvement économique et l'instauration de conditions propices au développement durable » et pour « faciliter la reconstruction des infrastructures clefs »47.

Malgré le fait que la Résolution 1483 organise un encadrement des compétences et pouvoirs de l'Autorité provisoire, elle ne saurait cacher la place secondaire du rôle tenu par j'ONU dans le domaine économique, face aux prérogatives véritablement décisionnelles de l'Autorité provisoire. La résolution du Conseil de sécurité avalise en effet en grande partie le système mis en place par la Coalition. La contrepartie obtenue de cette dernière a été la reconnaissance de l'application du droit de l'occupation militaire. Or, celui-ci est laconique, c'est le moins que l'on puisse dire, pour ce qui a trait à la gestion des affaires économiques, en situation d'occupation militaire. Son application dans le domaine de l'exploitation du pétrole a été limitée jusqu'à maintenant à des questions liées au conflit du Proche-Orient4'. L'article 55 du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de la Convention (IV) de 1907" adoptée à la Haye, est peu explicite. Comment inteI]lréter la dernière phrase de cet article relative. à l'administration conforméinent aux règles de l'usufruit? Comment apprécier ce qui relève des coûts de l'occupation et ce qui va au-delàso ? La restauration d'un système économique fait partie des responsabilités d'une puissance occupante, mals quèls sont les principes d'encadrement de cette activité? L'article 43 du même Règlement de 1907 quant à lui, précise que « rautorité du pouvoir légal ayant passé de fait entre les mains

46 La Résolution 1483 ~(souligne que le Fonds de développement pour l'Iraq sera utilisé dans la transparence pour répondre aux besoins humanitaires du peuple iraqien, pour la reconstruction économique et la remise en état de l'infrastructure de l'Iraq, la poursuite du desannement de l'Iraq, les dépenses de l'administration civile iraquienne et à d'autres fins servant les intérêts du peuple iraquien» (par. 14) et ( décide que toutes les ventes à l'exportation de pétrole, de produits pétroliers et de gaz naturel provenant d'Iraq effectuées après la date d'adoption de la présente résolution seront mises en conformité avec les pratiques optimales en vigueur sur le marché international » (par. 20).

Ces objectifs ont été repris pour fixer le cadre de l'action du Conseil international consultatif et de contrôle, voir, www.iamb.info/tor.htm

47 Résolution 1483 (2003), par. 8 e) et d).

4~ On peut notanunent consulter sur cette question, Brice M. CLAGETT et O. Thomas JOHNSON, ( May Israel as a Belligerent Occupant Lawfully Exploit Previously Unexploited Qil Resources of the Gulf of Suez », AJ./.L., 1978, vol. 72, pp. 558·585, ainsi que Monroe LEIGH, Department of State Legal Advisel", "Memorandum of Law on Israel's Right to De\l'elop New Oil Fields in Sinaï and the Gulf or Suez'" 1 octobre 1976, in InternOljonal Legal Malerjals, 1977, Vol. XVI, pp. 733·753.

4 '

L'article 55 de du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur telTe de la Convention (IV) de 1907 dispose que« l'Etat occupant ne se considérera que comme administrateur et usufruitier des édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l'Etat ennemi et se trouvant dans le pays occupé. 11 devra sauvegarder le fonds de ces propriétés et les admjnistrer confonnément aux règles de l'usufruit. )}

so Voir sur ce point R. Dabie LANGENKAM:P et Rex J. ZEDALIS, ( What Happens ta the Iraqi Oil?: Thoughts on Some Significant, Unexamined International Legal Questions Regarding ()çcupation ofOii Fields ~~, E.J.I.L., Vol. 14,2003, nO 3, pp. 417-435.

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de l'occupant, celui-ci prendra toutes les mesures qui dépendent de lui en vue de rétablir et d'assurer, autant qu'il' est possible, l'ordre et la vie publics, en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays ». Si la stabilisation d'une économie fait partie du maintien de l'ordre et de la vie publics, la question est de se demander quelles en sont les limites? Le problème se pose quant à l'étendue des actions législatives entreprises dans les domaines monétaires, commerciaux et relatifs aux investissements.

On voit poindre la nécessité de réfléchir à ce régime juridique et à l'interprétation qui doit en être faite à la lumière de l:évolution des relations économiques contemporaines. La question de l'octroi et de la négociation de contrats d'investissemenrl devrait être posée, tant au regard du droit des conflits annés qu'au regard du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles: le droit de l'occupation militaire pennet sans doute la négociation de contrats commerciaux, mais dans quelles limites"? Si ce droit pennet des modifications du cadre juridique, permet-il d'aller jusqu'à une libéralisation complète du régime des investissements? Cela semble douteux".

Le droit applicable aux activités des organisations internationales dans le domaine ~conomique devrait aussi retenir l'attention. Bien que non précisé, on peut penser qu'il dépasse les confins du droit de l'occupation, puisque les institutions ont été investies d'un véritable rôle dans le domaine de la reconstruction d'Wl Etat, QU, en d'autres circonstances, d'une partie d'un territoire étatique, à la suite d'un conflit, par le biais d'une résolution du Conseil de sécurité adoptée dans le cadre du Chapitre VIf de la Charte des Nations Unies".

Si la situation qui prévalait en Irak à la suite de l'adoption de la Résolution 1483 pouvait être considérée à la lumière des principes et règles du droit de l'occupation militaire, la question est celle de savoir s'il a été mis fin au régime d'occupation militaire conséquemment à l'adoption de la Résolution 1546 -le 8

SI Il faut souligner, avec le Professeur Jean-Michel Jacquet, la diversité des contrats de reconstruction considérés en Irak et dont le régime peut s'avérer très complexe. Trois catégories de contrats sont identifies: « les contrats publics irakiens », les ({ contrats conclus par l'Autorité provisoire de la Coalition avec des sociétés privées irakiennes ou étrangères » et les « les contrats conclus par un organisme public des Etats-Unis ). Voir sur cette question et 3"Ur la problématique du droit encadrant ces différents contrats, Jean-Michel JACQUET, «Les contrats de reconstruction de 1'1Iak », Communication faite devant la Branche française de l'Association de Droit International, Réunion du 28 juin 2004.

SI Voir les réflexions de Philippe SANDS à propos de l'Avis juridique de l'Attorney General du Royaume-Uni, lord Goldsmilh. sur l'administration de l'Irak, « l'exploitation des ressources naturelles en Irak », in L'intervention en Irak et le droit internoüooo/, K. BANNELtER, Th.

CHRlSTAKlS, O. CORTEN et P. KLEIN (dir.), coll. Cahiers internationaux N°19, Paris, Pedone, 2004, pp. 319-324.

53 Voir Marco SASSOLl, {( Article 43 of the Hague Regulations and Peace Operations in the Twenty- frrst Century », Background Poper prepared for Infornwl fligh-LeveJ Expert Meeting on Currem Cha/Jenges to International Humanitarian Law, Cambridge, June 25-27, 2004, InternatÎonal Humanitarian Law Research Initiative, p. 15, dÎsponible sur l'Lnternet: www.ihlresearch.org

54 Toulefois, pour certains, ces acti"ites seraient aussi régies par le droit international humanitaire de l'occupation. En ce sens, Marco SASSO li, Ibid, p. l.

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juin 2004 - et à la mise en place d'un gouvernement intérimaire en Irak. La question du droit applicable est là encore en filigrane. La Résolution 1546 :

« Note que, une fois dissoute l'Autorité provisoire de la Coalition, les ressources du Fonds de développement pour l'Irak seront dépensées sous la seule autorité du Gouvernement intérimaire de l'Irak, et décide que le Fonds de développement pour l'Irak sera utilisé de manière transparente ei équitable et dans le cadre du budget irakien, notamment pour ·ho~orer les obligations qui n'ont pas encore été réglées, que les arrangements concernant le versement des produits de la vente à l'exportation de pétrole, de produits pétroliers et de gaz riaturel, visés au paragraphe 20 de la résolution 1483 (2003), continueront de. s'appliquer, que le Conseil international consul.tatif et de contrôle poursuivra ses actiyités de contrôle du Fonds de développement pour l'Irak et comprendra comme membre supplémentaire doté du droit de vote plein et entier une petsonne dûment qualifiée désignée par le Gouvernement de l'Irak, et que des mesures appropriées seront prises pour que se poursuive le versement des produits visés au paragraphe 21 de la résolution 1483 (2003) ,,".

Même si l'onco;'sidère la situation de l'Irak comme celle d'un Etat

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sein duquel le droitde l'occupation militaire ne trouve plus a priori application, il est intéressant de remarquer qu'une fois encore, le Conseil de sécurité a décidé de questions économiques d'importance pour l'Irak. Il impose à l'Irak le respect des critères de transparence et d'équité dans l'utilisation du Fonds de développement pour l'Irak, ainsi que le fait selon lequel le Conseil intemationàl cODS)1ltalif et de contrôle continuera d'exercer ses activités de contrôle. La composition de ce dernier sera élargie, puisque doit y siéger «une personne dûment qualifiée désignée par le Gouvernement de l'Irak )}56. Le Conseil de sécurité fait ainsi œuvre de créativité, en prévoyant un mode de contrôle international à l'égard d'un« gouvernement intérimaire entièrement souverain et indépendant »57:

Les contours de la normativité à laquelle le Conseil de sécurité renvoie, tant dans la Résolution 1483 que dans la Résolution 1546, doivent aussi être soulignés.

Les deux instruments font référence à des pratiques, critères et standards, marquant là la diversité des espaces de normativité dans l'ordre juridique contemporainSR. Il est intéressant, en outre, de noter l'accent mis sUr les conditions de transparence et d'équité, soulignant là peut'être J'émergence de la reconnaissance de principes de nature éconoinique trouvant place dans les actions post-conflit décidées par le Conseil de sécurité.

55 Résolution 1546,8 juin 2004, par. 24.

St. Ibid.

57 [bM, Préambule, 1er §.

sa Voir sur ce point Laurence BOISSON de CHAZOURNES, « Qu'est ce que la pratique en droit international? )), in La pratique et le droit international, Colloque de Genève de la S.F.n.L, Paris, Pedone, 2004, pp. 43-46.

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