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De la médecine et de la démographie (1)

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point de vue

1298 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 juin 2012

La démographie aurait beaucoup à faire avec la médecine. Or ces deux mondes ne se cô- toient guère. Officiellement du moins. Si ce n’est via le plus petit commun dénomina- teur et un curieux effet de langage qui met régulièrement sur la place publique contem- poraine la question de la démo gra phie médi­

cale. Pour le reste, bien peu à partager sem ble- t-il. La vérité est radicalement diffé rente, comme nous le savons tous. Le dernier nu- méro de Population & Sociétés, une publica- tion mensuelle de l’Institut national français d’études démographiques (Ined) vient mettre le fait en évidence ; et soulever à cet égard quelques questions existentiel les.1 Ce bulle- tin d’information est consacré à la «politique de population» : existe-t-il ou pas des moyens de peser sur la démographie mondiale ? Le sujet sera débattu lors de la

Conférence mon diale des Na- tions unies sur le développe- ment durable qui se tiendra du 20 au 22 juin à Rio de Ja-

neiro. Il est ici abordé par le démographe Jacques Vallin qui avait analysé cette vaste question dans un chapitre du «Dic tionnaire de démographie et des scien ces de la popu- lation» (Editions Armand Colin, 2011).

«Politique de population» ? Evoquer cette notion sous-entend qu’il existe un effectif humain optimal, lié aux quantités de res- sources disponibles, effectif d’autant plus élevé que les techniques de production le permettent. En pratique, ces questions éco- nomiques sont indissociables de la structure par âge de la population, de l’évolution de l’espérance de vie et de l’amélioration des conditions sanitaires. On pourrait aussi ajou- ter les programmes de limitation des nais- sances (et ceux de soutien à la fécondité) comme outils essentiels pour qui entend ne pas tenir la démographie pour une forme de la fatalité. Or, pour M. Vallin, ces outils ont aujourd’hui «montré leurs limites» tout comme les outils «ayant pour objectif de maîtriser les flux migratoires».

Les velléités politiques d’influer sur la taille ou la composition de la population ne sont pas choses véritablement nouvel les. Définir le nombre idéal des membres de la cité, leur effectif optimum est un objectif passionnant et qui a durablement pas sionné les prédéces- seurs de ceux qui nous gouvernent. L’affaire n’est pas finie qui prend aujourd’hui de nou- velles formes. «L’existence d’un optimum de peuplement sur un territoire donné a long- temps fait débat chez les économistes, au- jourd’hui relayés par les écologistes, résume

M. Vallin. Imaginons des premiers arrivants sur un territoire où l’homme n’a encore ja- mais pris pied. Dans un premier temps, ils auront tout intérêt à croître en nombre. Plus la population augmente, mieux elle peut s’or- ganiser, économiquement et socialement, et les rendements croissent. Plus tard, cepen- dant, le processus va s’inverser, les ren de- ments décroîtront et les conditions de vie ris- queront de se détériorer au point de réduire l’espérance de vie.» Sauf, bien évidemment, à imaginer d’autres dispositions permettant de parvenir à une croissance zéro de la popu- lation (émigration, réduction de la fécondité).

On peut imaginer que durant des millions d’années les termes de l’équation furent in- variables. Avec de mêmes causes et de mê- mes effets : colonisation de nouveaux terri-

toires par de nouveaux arrivants aux dépens des populations préexistantes ; politique po- pulationniste au bénéfice quasi exclusif des nouveaux arrivants ; épidémies meurtrières poussant à des politiques incitatrices visant au repeuplement de zones dévastées, etc.

Puis Thomas Robert Malthus (1766-1834) vit le jour en Angleterre, dans le Surrey. Aurait-il échafaudé les théories qui portent son nom s’il n’était pas né sur une île ? Pour lui, la pro- duction économi que, en progression arith- métique, ne pouvait suffire à pourvoir aux besoins d’une population qui, elle, augmen- tait exponentiellement. On sait que ses vues furent reprises par les «néo-malthusiens». Il s’agissait alors de con vaincre les pays du Tiers-Monde d’adopter au plus tôt des poli- tiques de limitation des naissances, afin de freiner une croissance jugée (souvent par d’autres) trop rapide.

«C’est sur cette base que nombre de pays en développement ont mis en place des poli- tiques plus ou moins draconiennes de limi- tation des naissances, nous rappelle le spé- cialiste de l’Ined. Paradoxalement, alors même que la querelle entre néo-malthusiens et anti-malthusiens est presque tombée dans l’oubli, l’idée de surpeuplement, local ou pla- nétaire, est redevenue le cheval de bataille de certains écologistes affirmant que les hom- mes seraient plus heureux sur la Terre à un milliard (comme autour de 1800 !) qu’à bien- tôt neuf ou dix. Cela suffirait-il à justifier une politique de dépopulation ? Loin s’en faut.»

Selon M. Vallin, non seulement la décrois- sance du nombre pose au moins autant de problèmes que sa croissance, mais les moyens d’une telle politique sont problématiques : une hausse de la mortalité est évidemment inacceptable, l’émigration est exclue à l’échelle planétaire, reste la baisse de la fécondité et son maintien à un niveau très inférieur au seuil de remplacement durant une longue période, ce qui entraînerait rapidement un taux de dépendance (rapport entre nombre de jeunes et de vieux et nombre d’adultes d’âge actif) économiquement insoutenable.

«Une hausse de la mortalité est évidem- ment inacceptable». La formule ne manquera pas de surprendre. Et pourtant. «D’un point de vue économique, la structure par âge op- timale peut être celle qui minimise le taux de dépendance et maximise la proportion d’adultes d’âge actif, décline M. Vallin. Il faudrait donc réduire la proportion des vieux, en pleine expansion dans les pays parvenus au dernier stade de la "transition démogra- phique". Mais comment faire ? Réduire l’es- pérance de vie ? Qui oserait l’envisager ? En- courager la natalité pour réduire la propor- tion des vieux ? Cela augmenterait d’autant la proportion de jeunes et le rapport de dé- pendance.»

Serait-ce donc ainsi, en ces termes, que les problèmes se posent aux yeux des dirigeants des pays démocratiques et de ceux qui le sont moins ? Ainsi exprimées, les solutions peuvent, à juste raison, effrayer les membres du corps médical et plus généralement les citoyens qui gardent en mémoire certaines atrocités récentes, avec pour caractéristique la réduction de la proportion de certaines catégories de la population. On ne saurait pour autant passer sous silence la réalité de ce que furent (et peuvent être) les politiques démographiques ; pas plus que l’on ne sau- rait s’interroger sur ce qu’il peut en être de leur efficacité. La médecine peut-elle, direc- tement ou pas, peser sur la démographie humaine ?

(A suivre)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

De la médecine et de la démographie (1)

… la décroissance du nombre pose au moins autant de problèmes que sa croissance …

1 Vallin J. Faut-il une politique de population ? Population

& Sociétés (Bulletin mensuel d’information de l’Institut national français d’études démographiques) numéro 489, mai 2012.

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