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Le respect dû au corps humain cesserait-il avec la mort ? (2)

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Texte intégral

(1)

1934

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

13 octobre 2010

actualité, info

1005254

en marge

Nous avons vu, il y a peu, qu’en France la Cour de cassation venait d’interdire de manière défi­

nitive l’organisation de toute forme d’exposi­

tion publique de cadavres humains à des fins commerciales. Or ce type d’exposition ne sem­

ble soulever aucun problème moral, légal ou juridique dans la quasi­totalité des pays indus­

triels (Revue médicale suisse du 6 octobre). Le même jour, à Paris, le Comité consultatif natio­

nal français d’éthique (Ccne) rendait un avis original «sur les problèmes éthiques posés par l’utilisation des cadavres à des fins de conser­

vation ou d’exposition muséale» ;1 un avis dans lequel il soulignait que les expositions de ca­

davres du type de celle interdite par la Cour de cassation constituaient ni plus ni moins «une forme d’exploitation du corps des morts à vi­

sée commerciale qui contrevient à l’esprit de la loi française». Retour sur ce qui apparaît donc bel et bien comme une – nouvelle – exception française.

La question soulevée par le Ccne est, si on ose l’écrire, assez simple : que peut­on se per­

mettre et que doit­on s’interdire de faire avec des cadavres ou des éléments du corps après la mort des personnes ? Question ouverte depuis Antigone et qui s’inscrit aujourd’hui pleinement dans le champ de la bioéthique ; une bioéthi­

que que les députés français définissent «com me n’étant pas seulement l’éthique du vivant» et qu’à ce titre «elle implique aussi de définir ce que les vivants doivent s’interdire de faire avec les corps des morts, ces dépouilles qui portent la mémoire du défunt».

Pour sa part, le Ccne a voulu clarifier les en­

jeux éthiques de cette problématique en distin­

guant deux types d’usage posthume des êtres humains à des fins d’exposition ou de conser­

vation muséale : d’une part, la question de l’usage actuel de cadavres humains dans di­

verses salles d’exposition ; d’autre part, celle du devenir des collections de vestiges humains au sein des musées, dans un contexte interna­

tional où ces corps sont parfois réclamés pour

inhumation par leurs peuples d’origi ne.

«Depuis plusieurs années, des expo­

sitions de cadavres se déroulent dans différents Etats occidentaux de tradition libérale, observe le Ccne. La situation est paradoxale : notre société vit com me une transgression choquante la profa­

nation des cimetières ou l’exhumation d’un mort, tout en acceptant l’exhibi­

tion de cadavres. En France, comme en de très nombreux pays, ce qui est con­

servé et maintenu visible au sein des communes, dans des lieux de souvenir tels que les cimetières, c’est le nom du défunt et souvent son image. La dépouille mortelle de­

meure soustraite à la vue de tous. La loi prévoit un lieu symbolique de recueillement y compris lorsque le corps est incinéré (les cendres ne peuvent être répandues sur la voie publique).»

Dès lors pourquoi ce paradoxe entre un ca­

ché tenu pour sacré et des exhibitions revendi­

quées comme telles. Tout simplement, croit pou­

voir expliquer le Ccne, parce qu’il s’agit, dans le second cas, de cadavres anonymes. Privés de leur nom et de toute forme d’origine, plasti­

nés,2 ils ont perdu non pas leurs caractères ana­

tomiques humains – c’est la raison d’être même de ces expositions dont l’une est intitulée «Our body» – mais bien leur dimension symbolique humaine. Pour le Ccne, nul n’imagine se rendre à une exposition «où il retrouverait un proche aimé simulant une vie qu’il a désertée à jamais».

Est­ce si sûr ?

«La curiosité a toujours été vive d’aller voir ce qui est d’habitude lointain ou caché, ajoute­

t­il toutefois. Dans les siècles passés, il était fré­

quent de montrer l’exotique, qu’il s’agisse de morts à l’âge adulte ou de fœtus, du cavalier de Fragonard ou de personnes exposées de leur vivant, telle Saartjie Baartman exposée à Paris sous le nom de la "Vénus hottentote", ou encore de Joseph Merrick surnommé "Elephant Man".»

Pas d’autres solutions, dès lors, que de revenir à cette règle d’or de l’argumentation éthique

qui consiste à ne pas vouloir pour d’autres ce qu’on voudrait qu’ils nous épargnent.

(A suivre)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Le respect dû au corps humain cesserait-il avec la mort ? (2)

1 http://www.ccne­ethique.fr/docs/Avis_%20111.pdf 2 Les corps de ces expositions sont conservés par «plas­

tination» également appelée «imprégnation polyméri que».

Cette technique vise à préserver des tissus biologiques en remplaçant par du silicone les différents liquides orga niques ; une méthode notamment utilisée dans les recherches en microchirurgie vasculaire.

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