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La professionnalisation du métier d'animateur des centres d'alphabétisation et d'éducation d'adultes au Bénin : quels atouts pour le développement communautaire ?

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Academic year: 2021

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Submitted on 19 Feb 2020

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La professionnalisation du métier d’animateur des

centres d’alphabétisation et d’éducation d’adultes au

Bénin : quels atouts pour le développement

communautaire ?

Saturnin Noukpo Houeha

To cite this version:

Saturnin Noukpo Houeha. La professionnalisation du métier d’animateur des centres d’alphabétisation et d’éducation d’adultes au Bénin : quels atouts pour le développement communautaire ?. Education. Normandie Université, 2019. Français. �NNT : 2019NORMR097�. �tel-02484900�

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i   

 

THESE

Pour obtenir le diplôme de doctorat

Spécialité Sciences de l’éducation

Préparée au sein de l’Université de Rouen Normandie

La professionnalisation du métier d’animateur des

centres d’alphabétisation et d’éducation d’adultes au

Bénin.

Quels atouts pour le développement communautaire ?

Présentée et soutenue par

Saturnin Noukpo HOUEHA

Thèse dirigée par Thierry ARDOUIN, laboratoire CIRNEF (EA 7454) TOME 1

 

  

 

                 

Thèse soutenue publiquement le 02 décembre 2019 devant le jury composé de

M. Jacques BEZIAT Professeur des Universités, Université de Caen Normandie Examinateur M. Arnauld Gbédolo Gabriel GBAGUIDI MCF, Université d’Abomey-Calavi, Conseiller Technique à

l’Alphabétisation au MESTFP, Bénin Examinateur Mme Véronique TIBERGHIEN (ex

LECLERCQ) Professeure Emérite, Université de Lille Rapporteur Mme Sondess BEN ABID-ZARROUK MCF HDR, Université de Haute Alsace Rapporteur M. Thierry ARDOUIN Professeur des Universités, Université de Rouen Normandie Directeur de thèse

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ii   

 

Résumé

Dans le monde, il existe aujourd’hui 758 millions d’analphabètes dont 65% dans les pays de sud, notamment en Afrique subsaharienne (PNUD Bénin, 2016). Le Bénin, pays de l’Afrique de l’ouest, peuplé de plus de dix millions d’habitants, à un taux d’analphabétisme de 55,4% (RGPH 4 INSAE, 2015). Autrement, plus de la moitié de la population vit dans l’analphabétisme. Cette situation fait partie des limites de l’Education pour tous (EPT) au Bénin et constitue par conséquent, un obstacle pour l’atteindre des Objectifs de Développement Durable (ODD) tant prônés par la communauté internationale.

Malheureusement, les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics pour améliorer le taux d’alphabétisation, ont montré leurs limites. Dans le système éducatif formel, on note encore un fort taux d’abandon des apprenants (PDDSE, 2013). Ce qui ne fait que renforcer le taux d’analphabétisme national. Quant aux programmes d’alphabétisation et d’éducation des adultes, ils n’ont pas permis d’obtenir de résultats satisfaisants. A ce niveau, la faiblesse du taux d’alphabétisation serait liée principalement à la faible qualité des contenus et de la formation des animateurs des centres d’alphabétisation (PNUD-Bénin, 2016). A cela s’ajoutent la persistance du bénévolat de ces animateurs ainsi que l’environnement peu propice dans lequel ils exercent leur métier (MAPLN, 2009). Tous ces facteurs, ajoutés à leurs préjugés, influencent négativement leurs postures au cours des pratiques d’alphabétisation.

Les animateurs des centres d’alphabétisation étant les principaux acteurs dans la mise en œuvre des programmes d’alphabétisation, il est donc indispensable, de penser ou de repenser aux stratégies de leur professionnalisation en vue de l’atteindre des objectifs de l’Education pour tous au Bénin et par conséquent, des Objectifs de Développement Durable.

Notre recherche se propose d’une part, d’étudier les conditions de professionnalisation du métier d’animateur des centres d’alphabétisation et d’éducation des adultes au Bénin. Elle ambitionne d’autre part, d’analyser les impacts de l’activité des animateurs des centres d’alphabétisation (alphabétiseurs) sur le développement communautaire.

Il s’agit d’une recherche qualitative au cours de laquelle, neuf (09) animateurs des centres d’alphabétisation ont fait l’objet d’un entretien semi-directif en vue d’appréhender les représentations qu’ils ont de leurs activités. L’administration d’un questionnaire aux vingt (20) alphabétiseurs en activité dans la commune a permis d’avoir une vue plus large des données recueillies au cours des entretiens et l’observation de quatre (04) séances d’alphabétisation a permis de faire une analyse des pratiques d’alphabétisation sur la base d’un modèle inspiré de OPEN (Observation des pratiques enseignantes).

Mots-clés : Alphabétisation - éducation - adultes - professionnalisation - développement communautaire.

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iii   

 

Abstract

In the world, there are 758 million illiterates today, 65% of them in the south, particularly in sub-Saharan Africa (UNDP Benin, 2016). Benin, a West African country populated by more than ten million people, has an illiteracy rate of 55.4% (RGPH 4 INSAE, 2015). Otherwise, more than half of the population lives in illiteracy. This situation is one of the limits of education for all in Benin and constitutes a major obstacle to achieving the objectives of sustainable development. Unfortunately, the devices set up public authorities to improve the literacy rate, showed their limits. In the formal education system, there is still a high drop-out rate for learners (PDDSE, 2013). This has increased the national illiteracy rate. As for literacy and adult education programs, they are not allowed to obtain results. This level of literacy would be really too low for the content and training of literacy center animators (UNDP-Benin, 2016). This is in addition to the persistence of volunteer work by these facilitators of the unfavorable environment in which they practice their profession (MAPLN, 2009). All these factors, influenced by their prejudices, negatively influenced by their postures in literacy practice.

As the facilitators of the literacy centers are the main actors in the implementation of literacy programs, it is therefore essential to think or rethink the strategies of their professionalization in order to achieve the objectives of Education for Education. All in Benin and therefore Sustainable Development Goals.

On the one hand, our research aims to study the conditions of professionalisation of the profession of animator of literacy and adult education centers in Benin. On the other hand, it aims to analyze the impact of the activity of the animators of the literacy centers on community development.

This is a qualitative research in which nine (09) literacy centers animators have been the subject of a semi-directive interview in order to apprehend their representations of their activities. . The administration of a questionnaire to the twenty (20) working alphabetizers in the commune allowed to have a broader view of the data collected during the interviews and the observation of four (04) literacy sessions allowed to an analysis of literacy practices based on a model inspired by OPEN (Observation of Teaching Practices).

Key words : Literacy - education - adults - professionalization - community development.

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iv   

 

A

- Mes parents, véritables architectes de ma vie ;

- Mon épouse et mes enfants pour leur disponibilité renouvelée durant ces années de travail ;

- Ma marraine, Mme Béatrice CACACE et ses enfants

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v   

 

Remerciements

Ce parcours doctoral n’aurait pas su trouver son rythme pour arriver à terme sans la contribution des personnes et institution suivantes à qui j’adresse mes sincères remerciements :

Mon Directeur de thèse, le Professeur Thierry Ardouin, qui a su créer toute la dialectique nécessaire à l’apparition de cet instant qui m’a portée jusqu’à la fin de ce parcours ;

Les honorables membres du jury ;

Le gouvernement du Bénin qui m’a donné l’opportunité de me faire former en acceptant ma mise en stage et en m’octroyant la bourse de formation des formateurs ;

Les autorités de l’Ecole Normale Supérieure de Natitingou pour avoir facilité ma mise en formation ;

Le Laboratoire CIRNEF qui m’a accueilli et donné l’opportunité de me former. Mes remerciements à tout son personnel, plus particulièrement à Madame Claudie Bobineau ;

Le Coordonnateur Communal d’Alphabétisation de Za-Kpota, M. Lambert AGBEVA ;

Les alphabétiseurs de la commune de Za-Kpota ;

Sans oublier Messieurs Claude Tonou, Cyrille KITCHO, Dénis EGANHOUI, Marius HOUEHA de même que Mesdames Odile AKPAKI, Elom DJIBOM, Gwidias BOCO et Bernice TOHOUENOU ainsi que toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce travail.

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vi     

Sommaire

 

  INTRODUCTION GENERALE ... 10 PREMIERE PARTIE­... 19 

CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE : DE LA PROFESSIONNALISATION DU METIER D’ANIMATEUR DES CENTRES D’ALPHABETISATION ET D’EDUCATION D’ADULTES AU DEVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE ... 19 

Chapitre I­ De l’animation des centres d’alphabétisation et d’éducation d’adultes à la formation  des adultes au Bénin ... 20  1.1.  De l’alphabétisation à l’éducation pour tous ... 20  1.2.  Alphabétisation et différentes approches de l’éducation... 40  Chapitre 2. Etat des lieux de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes au Bénin ... 57  2.1.  Présentation de la République du Bénin ... 57  2.2.  Situation de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes au Bénin ... 64  Chapitre 3. De l’éducation des adultes au développement communautaire ... 92  3.1. Principes, enjeux et fondements de l’éducation des adultes ... 92  3.2.  Critères, modes, défis et stratégies de développement communautaire au Bénin .. 108  Chapitre 4. Professionnalisation : du métier à la profession ? ... 129  4.1.  Clarifications conceptuelles et approches théoriques de la profession ... 129  Chapitre 5. Problématique de la professionnalisation des animateurs des centres  d’alphabétisation et d’éducation des adultes au Bénin ... 165  5.1.  Cadre général de la problématique... 165  5.2.  Du questionnement à la formulation des hypothèses ... 167  5.3.  Indicateurs de la recherche ... 171  5.4.  Objet de l’étude ... 173  DEUXIEME PARTIE ... 175  DEMARCHE METHODOLOGIQUE ET CADRE EMPIRIQUE DE LA RECHERCHE : DES ENQUETES DE  TERRAIN A LA PRESENTATION DES RESULTATS DE RECHERCHE ET DE LEURS ANALYSES A LA  DISCUSSION ... 175  Chapitre 6. Méthodologie adoptée ... 176  6.1.  Préliminaires ... 176  6.2.  Enquêtes de terrain ... 182 

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vii      Chapitre 7. Modalités de traitement et d’analyse des données ... 196  7.1.  Modalités de traitement des données collectées ... 196  7.2.  Méthode et modèle d’analyse des données ... 201  Chapitre 8. Présentation et analyse des données ... 207  8.1.  Présentation des données collectées ... 207  8.2.  Analyse des données ... 233  8.3.  Discussions générales et limites de la recherche ... 265  Chapitre 9. Nécessité de professionnalisation du métier des animateurs des centres  d’alphabétisation et d’éducation des adultes au Bénin ... 276  9.1.  Etat de la professionnalisation du métier d’animateurs des centres d’alphabétisation  au Bénin ... 276  9.2.  Pistes de réflexion pour la professionnalisation du métier des alphabétiseurs et  éducateurs d’adultes au Bénin ... 284  CONCLUSION GENERALE ... 315  BIBLIOGRAPHIE ... 320  SITOGRAPHIE ... 327  TEXTES ­ LOIS ­ DECRETS ... 329    ANNEXES (TOME 2)  ANNEXES 1. Outils de collecte des données………4  ANNEXES 2. Entretiens semi­directifs………15  ANNEXES 3. Synthèse des entretiens individuels et de groupe………67  ANNEXES 4. Résultats des observations des centres et des pratiques ... 100  ANNEXES 5. Dépouillement des questionnaires ... 106  ANNEXES 6. Proposition de cours sur le paludisme (en langue nationale fon et en français) ... 179  ANNEXES 7. Exemplaires de questionnaires remplis par les enquêtés ... 186   

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viii   

 

SIGLES ET ABREVIATIONS

AEA : Alphabétisation et Education des Adultes

AELN : Alphabétisation et Education en Langue Nationale AGR : Activité Génératrice de Revenu

ANAMAEB : Association nationale des maîtresses et maîtres d’alphabétisation et d’éducation des adultes du Bénin

ANLCI : Agence Nationale de Lutte contre l’illettrisme

APAEA : Association de Promotion de l’Alphabétisation et d’Education des Adultes CCA : Coordonnateur Communal d’Alphabétisation

CIRNEF : Centre Interdisciplinaire de Recherche Normande en Education et Formation CITE : Classification Internationale des Types d’Education

CLAC : Centre de Lecture et d’Animation Culturelle

CONFINTEA : Conférence Internationale sur l’Education des Adultes CQM : Certificat de qualification au métier

CREAA : Conseil Régional pour l’Education et l’Alphabétisation en Afrique DAEA : Direction de l’Alphabétisation et de l’Education des Adultes

DEPOLINA : Déclaration de Politique Nationale d’Alphabétisation des Adultes DNAEA : Direction Nationales de l’Alphabétisation et de l’Education des Adultes DPLN : Direction de la Promotion des Langues Nationales

DSLC : Département des Sciences du Langage et de la Communication DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

Dvv : Association Allemande pour l’Education des Adultes EdFoA : Education et Formation des Adultes

EPT : Education Pour Tous

FAAEPLN : Fonds d’Aide à l’Alphabétisation et à l’Education en Langues Nationales IDH : Indice de développement humain

INSAE : Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique

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ix   

 

MESTFP : Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique ODD : Objectifs de Développement Durable

OSC : Organisation de la Société Civile

OPEN : Observation des Pratiques Enseignantes

PASEP/OSC : Projet d’Accompagnement des OSC pour un Suivi Efficace des Politiques de Développement au Bénin

PCA : Programme de Cours Accéléré

PDC 3 : Plan de Développement Communal 3ème génération

PDDSE : Plan Décennal de Développement du Secteur de l’Education PdT : Pédagogie du Texte

PGA : Programme de Généralisation de l’Alphabétisation

PIPAF : Programme Intégré de Post Alphabétisation Fonctionnelle PNUD : Programme des nations Unies pour le Développement PSAP : posture socio-administrative et professionnelle

PSA : posture socio-affective

RENOPAL : Réseau national des opérateurs privés pour la promotion de l’alphabétisation et des langues nationales

RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitat

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture UNICEF : Organisation des Nations Unies pour l’Enfance.

USAID : Agence des Etats-Unis pour le Développement International VAE : Validation des Acquis de l’Expérience

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INTRODUCTION

 GENERALE 

L’

accès à une éducation de qualité, fait partie des Objectifs du Développement Durable (ODD) adoptés par l’ONU en septembre 2015. Cette ambition de la communauté internationale se situe dans le prolongement de l’assurance de l’éducation primaire pour tous qui fait partie des Objectifs du Millénaire pour le Développement adoptés en 2000 à New York (Etats-Unis) par les 193 Etats membres de l’ONU. En effet, l’accès à l’éducation pour tous (EPT), mouvement lancé depuis mars 1990 à Jomtien (Thaïlande) lors de la Conférence mondiale sur l’éducation, vise surtout la lutte contre l’analphabétisme. Malgré tous les efforts consentis à cet effet par la communauté internationale, notre planète compte encore 758 millions d’analphabètes dont 65% dans les pays de sud, notamment en Afrique subsaharienne (PNUD-Bénin, 2016). Le Bénin, pays de l’Afrique occidentale en voie de développement, n’échappe pas à cette situation préoccupante. 

En effet, peuplé de 10 008 749 habitants selon les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat effectué en 2013, le Bénin à un taux d’analphabétisme de 55,4% (RGPH4 INSAE, 2015). Ce taux d’analphabétisme très élevé, constitue l’un des freins pour le développement de ce pays. En effet, le développement d’un pays nécessite la participation active et efficace de tous ses citoyens à la production de la richesse. Or, l’analphabétisme peut être considéré comme une limite à la participation efficace des personnes à la production de la richesse puisqu’elle peut limiter l’accès à certaines compétences nécessaires pour accroître la productivité. Ainsi, pour Atangana (1971), par exemple, le manque de maîtrise des techniques culturales constitue l’un des facteurs limitant le rendement des activités agricoles dans les sociétés traditionnelles africaines.

L’analphabétisme constitue donc, un fléau intrinsèquement lié à la pauvreté que l’alphabétisation et l’éducation peuvent aider à surmonter. Bini affirme en effet, que « l’analphabétisme cultive la pauvreté et la pauvreté représente un grand manque de

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biens et de services matériels ajouté à un grand manque de compétences ». Il estime aussi qu’« on ne sort de l’analphabétisme que par l’éducation et l’alphabétisation

qui permettent d’être dans la classe des riches » (Bini K., 1999 : 9).

Aussi, l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, reconnait-elle que :  

« L’éducation est essentielle, car elle donne aux individus l’occasion d’acquérir les savoirs, savoir-faire et compétences dont ils ont besoin pour participer activement à la vie sociale et économique de la société. Elle contribue également à enrichir les connaissances scientifiques et culturelles. Le niveau de formation de la population adulte est souvent utilisé comme indicateur du « capital humain », c’est-à-dire du niveau de compétence de la population et de la main d’œuvre » (OCDE., 2008 : 30).

En effet, dans le cadre de l’accès à l’Education pour tous (EPT) au Bénin, il serait intéressant de voir la place qui est accordée à l’alphabétisation et l’éducation des adultes dans le système éducatif national. A cet effet, selon le Plan Décennal de Développement du Secteur de l’Education (PDDSE/Phase 3, 2013-2015)1, sur le plan

institutionnel, l’administration du système éducatif béninois a varié au rythme des changements politiques du pays. Jusqu’à l’avènement de la Réforme de 1975, un seul ministère, le Ministère de l’Education Nationale, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports s’occupait du secteur. De 1975 à la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation (février 1990), quatre ministères se sont partagé la tutelle du système qui a mis en place un modèle de développement socialiste. Avec les contestations à la fois politiques et institutionnelles de 1990, le Bénin est revenu à un Ministère de l’Education Nationale et de la Recherche Scientifique, la culture et l’alphabétisation étant logées dans un autre ministère. Depuis 2016, l'éducation est placée sous la tutelle de trois (03) ministères dont les dénominations se présentent comme suit :

- le Ministère des Enseignements Maternel et Primaire (MEMP) chargé des écoles maternelles et primaires ;

- le Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle (MESTFP) prenant en compte les collèges et les lycées d’enseignement général ainsi que les collèges et lycées techniques et

 

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professionnels, les centres de formation professionnelle et les centres des métiers. Ce ministère prend également en compte une partie des attributions de l’ex-ministère de la Culture, de l’Artisanat, de l’Alphabétisation et du Tourisme (MCAAT) qui a notamment la charge de définir et de gérer la politique d’alphabétisation et de l’éducation des adultes à travers des centres d’alphabétisation ;

- le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) dont relèvent les universités et tous les établissements d’enseignement supérieur (les Instituts Universitaires de Technologie et les établissements de formation au BTS et autres formations professionnelles). Des différentes analyses, il ressort, malgré des succès enregistrés dans l’accès, que le système éducatif souffre dans son ensemble de faiblesses au niveau de sa gestion peu efficiente et de la qualité des apprentissages. Suivant le rapport du PDDSE (2013), les principales faiblesses dans le système éducatif formel s’articulent autour des points suivants : les ressources matérielles et financières limitées ; l’encadrement pédagogique insuffisant ; la faible proportion d’enseignants (ratio enseignants/apprenants) ; l’absence de dispositifs d’information et d’orientation scolaire ; la capacité d’accueil insuffisante au regard de la demande ; la faible adéquation des formations avec le marché de l’emploi ; les taux d’abandon et de redoublement encore trop élevés qui constituent un facteur explicatif du taux d’analphabétisme élevé à l’échelle nationale et la non introduction des langues nationales dans l’enseignement primaire.

Dans le système éducatif non formel, notamment au niveau de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes, les faiblesses peuvent être résumées comme suit : un mauvais ancrage institutionnel ; des ressources matérielles et financières limitées ; un fort taux d’abandon qui ne permet pas d’améliorer le taux d’alphabétisation des adultes qui est de 38,5% dont 65,5% pour les jeunes de 15 à 24 ans2 ; de faibles ressources humaines

disponibles notamment en ce qui concerne les animateurs des centres d’alphabétisation.

  2 PDDSE, Op. cit.  

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En effet, le manque d’animateurs qualifiés reste un problème récurrent qui se pose dans le sous-secteur de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes au Bénin. Ce problème serait lié notamment au traitement inapproprié réservé à cette catégorie de personnel et au manque d’offres de formation spécifique à leur profit. Concernant le traitement des personnels qui interviennent au quotidien au niveau des centres (superviseurs, animateurs (trices) et les maîtres (tresses)), le rapport national du Bénin relatif à la 6ème Conférence Internationale sur l’Education des Adultes (MAPLN,

2009), révèle que ces animateurs des centres d’alphabétisation sont traités sur la base du bénévolat et ne reçoivent que des gratifications insignifiantes (gratifications calculées au prorata du nombre de centres conduits à évaluation et d’apprenants déclarés alphabétisés à l’issue d’une campagne de six mois). Aussi, leur nombre se réduit-il au fil des campagnes. A cela s’ajoutent l’environnement peu propice dans lequel ils exercent leur métier et le déficit de formation auquel ils sont confrontés. A ce sujet, PNUD-Bénin (Op. cit.), souligne que la faiblesse du taux d’alphabétisation serait liée principalement à la faible qualité des contenus et de la formation des animateurs des centres d’alphabétisation.

Malheureusement, à l’heure actuelle, malgré les recommandations de la Déclaration de politique nationale d’alphabétisation (DEPOLINA) adoptée en 2001 (DNAEA, 2001), qui insistent sur la nécessité de la création de filières de professionnalisation du métier d’animateur des centres alphabétisation et d’éducation d’adultes au sein des universités nationales, aucune filière de professionnalisation n’est encore créée pour les alphabétiseurs et les praticiens d’alphabétisation ne constituent pas encore un corps de métier professionnel et n’ont pas de statut reconnu au sein de la fonction publique nationale. Certes, l’Ecole Doctorale Pluridisciplinaire de l’Université d’Abomey-Calavi offre des cours d’alphabétisation en langues nationales à ses étudiants de la filière Education et Formation des Adultes mais ces derniers ne sont pas formés pour être animateurs des centres d’alphabétisation. Soulignons aussi que les alphabétiseurs présentement en activité n’ont pas été formés pour la cause et proviennent pour la plupart, d’autres secteurs, notamment de l’enseignement

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primaire, du développement rural et de la santé. Ils ont bénéficié de formation de courte durée en vue d’être familiarisés avec les méthodes d’alphabétisation3.

En ce qui concerne le financement du secteur de l’éducation, les dépenses courantes de l’éducation en pourcentage des recettes de l’État sont passées de 22,5 % en 2005 à 24,2 % en 2008, et à 24,5 % en 2015. Même si la part réservée à l’alphabétisation est faible (environ 1% du budget de l’éducation), ce niveau d’allocation de ressources marque la priorité formelle accordée par les pouvoirs publics à l’éducation, tout comme aux autres secteurs sociaux considérés comme prioritaires pour l’atteinte des ODD. On pourrait donc en déduire que la cause de la faible performance développée dans le secteur de l’éducation ne se situe pas dans l’allocation des ressources financières4.

A travers tout ceci, nous voyons bien que les questions fondamentales qui en résultent sont en fait, celles relatives au contenu des programmes d’alphabétisation et surtout au profil des animateurs des centres d’alphabétisation qui sont chargés de l’exécution effective de ces programmes dans le cadre de l’atteinte des objectifs de l’Education pour Tous (EPT). Il est donc nécessaire, pour l’atteinte des objectifs de l’EPT, que le Bénin adopte de nouvelles stratégies dans la mise en œuvre des programmes d’alphabétisation, notamment, en pensant ou en repensant à la professionnalisation du métier d’animateur des centres d’alphabétisation et d’éducation des adultes. En effet, certains pays développés, tels que la France, la Géorgie et Cuba, ayant connu également de forts taux d’analphabétisme par le passé, sont parvenus aujourd’hui à des résultats très encourageants en matière de lutte contre l’analphabétisme avec des taux d’alphabétisation respectifs de 99,02%, 99,99% et 99,97%5. En ce qui concerne

la France par exemple, selon Todd (2008), sur la base des signatures au mariage, le taux d’alphabétisation des jeunes adultes était entre 1686-1690, de 29% pour les hommes et de 14% pour les femmes. Entre 1786-1790, au début de la Révolution, les hommes étaient à 47%, les femmes à 27%. Au lendemain de la Commune de Paris,

 

3 MAPLN, 2009, Rapport national du Bénin sur la CONFINTEA VI, Cotonou, 38 pages.  4 PDDSE, 2012 

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entre 1871-1875, la proportion des hommes sachant signer s’élevait à 78%, celle des femmes à 66%.

En 2011, selon une publication de l’Agence Nationale de Lutte contre l’illettrisme (ANLCI, 2013), le taux d’illettrisme en France est de 7% (avec 1% d’analphabète) ; soit un taux d’alphabétisation de 99%. Il faut souligner qu’en France, on parle d’illettrisme pour des personnes qui, après avoir été scolarisées, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante. Tandis qu’on parle d’analphabétisme pour désigner des personnes qui n’ont jamais été scolarisées6.

Pour venir non seulement à bout de l’analphabétisme, mais surtout pour maintenir un bon taux d’alphabétisation, la France, comme tant d’autres pays, a dû mettre en place des stratégies. C’est pour contribuer à l’identification des stratégies pouvant permettre de lutter efficacement contre l’analphabétisme au Bénin que nous avons entrepris cette recherche doctorale qui porte sur le thème : « La Professionnalisation du métier d’animateur des centres d’alphabétisation et d’éducation d’adultes au Bénin. Quels atouts pour le développement communautaire ? »

Ce titre appelle un croisement de regards à trois niveaux différents : d’abord au niveau macro en ce qui concerne le développement communautaire, au niveau méso en ce qui concerne la mise en œuvre des programmes d’alphabétisation et enfin au niveau micro en ce qui concerne les postures et les pratiques des animateurs des centres d’alphabétisation face aux enjeux de professionnalisation. Dans la conduite de cette thèse, nous nous intéresserons particulièrement au niveau micro à l’analyse des postures des animateurs des centres d’alphabétisation au cours des pratiques d’alphabétisation dans le cadre du processus de leur professionnalisation. Les niveaux méso et macro sont considérés non seulement comme des niveaux successifs sur lesquels pourraient rejaillir les effets des pratiques des animateurs des centres d’alphabétisation par inférence mais aussi, comme des éléments de compréhension

 

6 Agence Nationale de Lutte contre l’illettrisme http://www.anlci.gouv.fr/Illettrisme/De­quoi­parle­t­

on/Les­definitions [en ligne], consulté le 1er juin 2019 à 01 : 55 

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du contexte dans lequel se présente notre étude. Ainsi, la présentation du niveau macro permettra d’avoir un regard sur le cadre qui constitue le contexte global environnemental dans lequel se présente l’étude et qui en justifie la pertinence. Ensuite, le niveau méso fera l’objet d’une présentation des principes andragogiques ainsi que ses enjeux et fondements afin de préciser les concepts qui sont véhiculés dans les pratiques d’alphabétisation. Enfin, la relation effective entre la posture adoptée par l’animateur des centres d’alphabétisation et le transfert des compétences constitue bien un enjeu valable pour entreprendre cette thèse. Cet enjeu se greffe à celui de la formation des animateurs des centres d’alphabétisation pour la prise en compte de leur professionnalisation.

La nécessité d’entreprendre ces travaux de recherche doctorale provient d’un besoin personnel d’approfondir nos connaissances en Sciences de l’éducation et surtout de développer notre carrière professionnelle après une quinzaine d’années d’expériences de travail dans l’administration universitaire. En effet, ayant exercé dans les universités nationales du Bénin (Abomey-Calavi et Parakou) comme personnel d’appui à l’éducation, cette volonté de poursuivre les études, nous a conduit à faire en 2010, un master en Développement Culturel à l’Institut de Recherche pour l’Enseignement Supérieur et le Développement Culturel (IRES-DC) de Lomé (Togo), grâce à une allocation du gouvernement du Bénin et en 2015, un master en Sciences de l’éducation à l’Université de Rouen grâce à une allocation de l’AUF. C’est après les résultats des travaux de master en Sciences de l’Education que notre directeur de mémoire, le Professeur Thierry Ardouin, a accepté de nous accompagner dans la réalisation de ces travaux de recherche doctorale. Nous avons donc sollicité et obtenu au titre de l’année 2016-2017, notre première inscription en thèse au laboratoire CIRNEF de Rouen après une année probatoire en 2015-2016, grâce à une bourse du gouvernement du Bénin. Soulignons qu’en plus du souci de développement de notre carrière professionnelle, l’ambition d’investir dans l’alphabétisation et l’éducation des adultes, constitue aussi, une source de motivation qui nous a poussé à réaliser cette recherche.

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En effet, ce travail présente pour nous plusieurs intérêts. En ce qui concerne la recherche proprement dit, ces travaux visent à :

- identifier les facteurs qui influencent les postures des animateurs des centres d’alphabétisation au cours de leurs pratiques d’alphabétisation et qui constituent des leviers sur lesquels il faudrait agir dans le cadre de la professionnalisation de ce métier ;

- évaluer la perception que les animateurs des centres d’alphabétisation font de la professionnalisation de leur métier ;

- identifier les liens entre les pratiques d’alphabétisation et le développement communautaire.

En ce qui concerne l’exploitation des résultats de la recherche, ces travaux visent à donner aux pouvoirs publics, des indications pour mieux orienter les réformes en cours dans le sous-secteur de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes à travers des programmes et des stratégies plus mobilisateurs et plus motivants. Il s’agit notamment de l’adoption des programmes de formation et des contenus des matériels didactiques à des normes adaptées aux adultes. Ces travaux visent aussi à relancer au sein de la communauté universitaire dont nous faisons partie, le débat sur l’universitarisation de la formation au métier d’animateur des centres d’alphabétisation. Il s’agit des aspects qui favorisent la professionnalisation du métier d’animateur des centres d’alphabétisation.

En effet, afin d’aborder les différents aspects de notre travail, la thèse est subdivisée en neuf (09) chapitres répartis en deux (02) parties. La première partie vise à poser la problématique de la recherche en partant d’un cadrage théorique construit autour de la professionnalisation des animateurs des centres d’alphabétisation et du développement communautaire pour aborder : dans le chapitre 1, la présentation du métier d’animateur des centres d’alphabétisation à travers une mise en perspective lexicale ; dans le chapitre 2, un état des lieux de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes au Bénin ; dans le chapitre 3, la question des liens entre l’éducation des adultes et le développement communautaire ; dans le chapitre 4, les questionnements que suscitent la professionnalisation et la formation des animateurs des centres

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d’alphabétisation dans le contexte béninois et particulièrement dans la commune de Za-Kpota ; dans le chapitre 5, la problématique de la professionnalisation des animateurs des centres d’alphabétisation et d’éducation des adultes au Bénin.

La deuxième partie présente d’abord la démarche méthodologique qui a permis de conduire les travaux depuis les enquêtes préliminaires jusqu’aux enquêtes de terrain proprement dites. Elle présente ensuite le cadre empirique de la recherche qui part de la présentation des résultats de recherche, de leur analyse à la discussion. Ainsi, le chapitre 6, présente les méthodes et outils de recueil des données ; le chapitre 7 présente les modalités de traitement et d’analyse de ces données ; le chapitre 8 présente le cadre empirique de cette recherche où les données collectées ont été présentées, analysées et discutées. Enfin, le dernier chapitre (le chapitre 9) s’interroge sur la nécessité de professionnaliser le métier d’animateur des centres d’alphabétisation et d’éducation des adultes au Bénin.

(20)

PREMIERE

 PARTIE­

CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE : DE LA

PROFESSIONNALISATION DU METIER D’ANIMATEUR DES

CENTRES

D’ALPHABETISATION

ET

D’EDUCATION

(21)

Chapitre I

-

De l’animation des centres d’alphabétisation

et d’éducation d’adultes à la formation des adultes

au

Bénin

L’animation des centres d’alphabétisation et d’éducation d’adultes constitue une activité peu connue du public en comparaison avec les activités d’enseignement dans les écoles formelles. Pourtant, faisant partie de l’éducation non formelle, l’alphabétisation joue un rôle très important en matière de l’éducation pour tous, notamment dans les pays à fort taux d’analphabétisme.

Ce chapitre vise à montrer la place de l’alphabétisation dans l’éducation pour tous notamment dans l’éducation des adultes ainsi que les rapports qui existent entre les différentes formes d’éducation.

1.1. De l’alphabétisation à l’éducation pour tous 

Cette section, nous permettra de mettre en exergue, l’apport de l’alphabétisation dans l’atteinte des objectifs de l’éducation pour tous. Il s’agit en effet, de faire un rapport entre l’alphabétisation, l’éducation et ses notions connexes après une brève clarification de ces termes.

1.1.1. De l’alphabétisation à l’éducation et à la formation 

Il convient dans le cadre de notre travail, de mettre en relation les termes « alphabétisation et éducation », puis « éducation et formation » et enfin, « formation et animation (alphabétisation) ».

1.1.1.1. Alphabétisation et éducation 

L’alphabétisation est une notion complexe et dynamique dont l’interprétation et la définition varient selon les pays ou les organismes. Elle peut être définie comme le fait d’apprendre la lecture et l’écriture à une personne ou une population analphabète ; c’est-à-dire qui ne sait ni lire ni écrire. En 1949, selon Verhaagen (1999), lors de la Première Conférence internationale sur l’éducation des adultes (CONFINTÉA 1, Elseneur, Danemark), l'analphabète a été défini comme étant une personne incapable

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de lire et écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec la vie quotidienne.

L’alphabétisation peut également être utilisée pour désigner le processus d’acquisition de l’alphabétisme. L’alphabétisme étant considéré comme le système d’écriture qui décompose la syllabe et en représente par des signes abstraits, la consonne et la voyelle. Considéré comme un ensemble de compétences tangibles, en particulier des compétences cognitives de la lecture et de l’écriture, l’alphabétisme est également défini par ses applications, sa pratique et son contexte. Ainsi donc, au lieu de concevoir l’alphabétisme comme une compétence indépendante du contexte, on peut l’analyser comme une pratique sociale inscrite dans un contexte social. Par rapport à l’individu, l’UNESCO (2006), dans son rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous, considère qu’une personne est alphabète si elle peut à la fois lire et écrire, en le comprenant, un énoncé simple et bref se rapportant à sa vie quotidienne.

La définition de l’alphabétisation varie d’un pays à un autre. Suivant la définition retenue pour le Bénin par l’UNESCO (op. cit.), l’alphabétisation est l’aptitude à lire et à écrire dans une langue quelconque. On peut donc considérer l’alphabétisation comme un processus d’acquisition de compétences cognitives de base qui contribue au développement culturel et socioéconomique ainsi qu’à la prise de conscience citoyenne et à la réflexion critique qui sont des bases de l’évolution personnelle et sociale. Elle fait partie des pratiques d’éducation, plus précisément, d’éducation des adultes.

Dans son rapport sur l’Apprentissage et l’Education des Adultes, l’UNESCO mentionne que l’alphabétisation se définit comme « l’acquisition et l’utilisation de compétences en lecture, en écriture et en arithmétique qui permettent de développer une citoyenneté active et ses moyens de subsistance et d’améliorer sa santé et

l’égalité des genres » (UNESCO, 2010 : 88). Nous pouvons donc en déduire que

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également le transfert de connaissances et par conséquent, l’acquisition de compétences.

Quant au mot éducation, étymologiquement elle vient du mot latin educere qui est l'action de « guider hors de », c'est-à-dire développer, faire produire. Il signifie plus couramment l'apprentissage et le développement des facultés physiques, psychiques et intellectuelles ainsi que les moyens et les résultats de cette activité de développement. De manière générale, l’éducation est définie comme l’action d’éduquer, de former, d’instruire ou la manière de dispenser une formation. Elle peut être également définie comme la connaissance des bons usages de la société ; c’est-à-dire, le savoir-vivre.

Durkheim, définit de manière assez claire l'éducation en estimant que : « l'éducation est l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale ». Et, parlant du but de l’éducation, il estime qu’« elle a pour objet de susciter chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui, la société politique dans son ensemble et le milieu social auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim E., 1977 : 51). Nous pouvons donc en déduire que l’éducation consiste pour des personnes censées plus expérimentées, à exercer des actions sur les individus qui ne sont pas encore suffisamment matures, en vue de les préparer physiquement, intellectuellement et moralement à vivre dans la société à laquelle elles appartiennent.

Pour Peters R. S, cité par De Landsheere, le terme éducation a des implications normatives : « Il implique que quelque chose qui en vaut la peine est ou a été

intentionnellement transmise d’une manière moralement acceptable. Ce serait une contradiction logique de dire qu’un homme a été éduqué, mais qu’il n’a pas changé en mieux, ou qu’en éduquant son fils, un homme n’a rien essayé qui en vaille la peine

» (De Landsheere V. et G., 1991 : 5). L’éducation suppose donc la transmission de savoirs.

Il faut souligner qu’outre la transmission des savoirs, l’éducation traditionnelle africaine, malgré ses insuffisances, regorge de richesses incommensurables. En effet,

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dans le rapport mondial de l’UNESCO portant sur « l'éducation et le développement endogène en Afrique », il a été souligné que :

« Malgré ses insuffisances et ses faiblesses, notamment dans le domaine technologique, l'éducation africaine traditionnelle ne manque pas d'aspects positifs qui méritent d'être rappelés ici. Dans les sociétés communautaires de l'Afrique traditionnelle, l'éducation est à la fois un acte collectif et démocratique ; elle est la responsabilité de la communauté tout entière qui éduque, et elle s'adresse à tous de manière progressive et continue. Il n'existe pas d'école en tant qu'institution sociale distincte. L'école, c'est la société elle-même. C'est la vie de tous les jours. Et la vie n'inculque pas seulement des savoirs et des savoir-faire, mais un savoir-être que l'enfant, devenu homme, devra, à son tour et avec la participation de la communauté tout entière, transmettre aux générations suivantes. L'éducation vise à former un homme enraciné dans son milieu, pénétré de toutes les valeurs de sa communauté, et apte à les perpétuer pour le maintien de la société » (UNESCO, 1982 : 58).

A partir de tout ce qui précède, nous pouvons dire que l’alphabétisation, comme l’éducation vise la transmission de connaissances ou l’acquisition de compétences. Elles visent toutes deux, à instruire ou à former des individus.

1.1.1.2. Education et formation

L’éducation fait aussi appel à la notion de formation. En effet, étymologiquement, former (du latin formare) c'est donner une forme, c'est créer ou réaliser ce qui n'existe pas. La formation est littéralement cette action de faire apparaître quelque chose. Elle deviendra, par la suite, l'action de former quelqu'un intellectuellement ou moralement par le biais de l'instruction et de l'éducation. Elle consiste pour les individus, de mobiliser les moyens pour acquérir des savoirs nécessaires pour atteindre un objectif. En effet, pour Ardouin, « la formation est l'action de se doter de moyens pour permettre l'acquisition de savoirs par une personne ou un groupe, dans une perspective contractuelle, en lien avec un contexte donné en vue d'atteindre un objectif » (Ardouin T., 2003 : 6).

Dans sa définition, Meirieu précise que « la formation est une forme particulière

d’activité éducative, inscrite dans une perspective contractuelle, visant à l’acquisition de compétences spécifiques et se donnant délibérément pour objet la

progression maximale de chaque participant » (1997 : 31). Nous pouvons en déduire que la formation est un volet de l’éducation.

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Bien que le terme éducation soit beaucoup plus général et corresponde à la formation globale d'un individu, à divers niveaux (religieux, moral, social, technique, scientifique, médical, etc.) et que le terme formation, de son côté, se réfère plutôt à une éducation bien précise, les termes formation et éducation sont souvent confondus et font référence aux vocables : enseignement, apprentissage, instruction, pédagogie, andragogie. En effet, dans le cadre de notre travail centré sur l’enseignement et l’apprentissage des adultes, nous ferons souvent usage des termes « andragogie » ou « formation des adultes » pour désigner « éducation des adultes ».

1.1.1.3. Alphabétisation / animation et formation 

Un animateur peut être considéré comme quelqu’un qui encadre un groupe de personnes et qui suggère et anime des activités au profil de ce groupe. De manière générale, l’animateur est considéré comme une personne chargée de l’encadrement d’un groupe d’enfants, de vacanciers, d’adultes, et qui propose des activités, facilite les relations entre les membres du groupe, suscite l’émulation, l’intérêt, etc. Il utilise à cet effet, les techniques d’animation qui constituent, selon Gado, « un ensemble de procédés pédagogiques et andragogiques fondés sur la participation de l’animateur

dans la situation qu’il vise à transformer en agissant sur les individus et, grâce à des mécanismes fonctionnels d’échanges de points de vue et de communication» Gado I.

(2014 : 32).

Dans le cadre de l’éducation des adultes, l’animateur intervient dans les centres d’alphabétisation pour accompagner les adultes dans leur quête de savoirs. En effet, se fondant sur une définition de Shafritz (1988) reprise par Gado (Ibid.) qui considère la salle de classe comme un espace aménagé ou rendu convenable à un groupe d’élèves pour se rencontrer régulièrement à des fins d’enseignement et d’apprentissage, nous pouvons définir un centre d’alphabétisation comme un espace aménagé, où les adultes se rencontrent pour apprendre à lire et écrire voire s’instruire dans une langue donnée, sous le leadership d’un « animateur » encore appelé « alphabétiseur », « maître alphabétiseur », « facilitateur » ou « formateur ». Soucisse préfère cependant, le terme animateur à formateur « parce qu'il traduit

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mieux la volonté d'accorder une place importante aux participant-e-s dans la démarche d'alphabétisation » (Soucisse F., 1990 : 9).

En effet, un animateur des centres d’alphabétisation, peut être considéré comme une personne chargée de l'encadrement d’un groupe social analphabète (notamment des adultes) à qui elle enseigne la lecture et l'écriture, propose des activités tout en facilitant les relations et en suscitant l’émulation au sein de ses membres. Toutefois, on peut retrouver parmi les apprenants des centres d’alphabétisation, des personnes ayant déjà été alphabétisées dans une première langue et qui souhaitent être alphabétisées dans une nouvelle langue dans le souci de s’adapter à leur propre culture ou à une culture autre que la leur. Un groupe de travail de conseillers et coordonnateurs pédagogiques ̎ Lire et Ecrire ̎ de la Belgique, estime à cet effet que :

« Le travail d’alphabétisation est loin d’être une démarche neutre ou anodine. Il a pour but de construire une société équitable, démocratique et solidaire, de favoriser

la rencontre des cultures, de développer la participation active et l’expression

culturelle de tous. Atteindre ces buts implique de développer des pratiques

d’alphabétisation qui stimulent l’analyse critique de la société, le développement

d’initiatives citoyennes, l’exercice des droits sociaux, culturels, économiques et

politiques dans une perspective d’émancipation individuelle et collective » (Lire et

Ecrire, 2004 : 3).

Dans les pratiques d’alphabétisation, les mots animation et formation portent souvent à confusion. En effet, « on utilise souvent chacune des expressions de manière indifférenciée pour désigner la fonction de l'animatrice dans les groupes d'alphabétisation. Il en est ainsi parce que cette fonction combine certains aspects de l'animation et d'autres plus propres à la formation » (Ibid. : 9). Il est donc important d’apporter quelques clarifications à propos de ces termes.

Partant de Soucisse (Ibid.), nous pouvons dire que l'animation correspond à un ensemble de moyens, de techniques ou de règles utilisés pour aider un groupe à atteindre ses objectifs de la manière la plus satisfaisante possible pour tous ses membres. La fonction d'animation peut être assumée par l'ensemble des membres du groupe ou confiée à une animatrice, qui devra faciliter le travail du groupe sans se substituer à ce dernier. L'animation suppose que le groupe a du pouvoir et de

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l'autonomie face à l'objet de sa démarche. Le groupe peut prendre des décisions et entreprendre des actions.

Soulignons cependant que, dans l’animation des centres d’alphabétisation, le pouvoir et l’autonomie du groupe sont souvent limités compte tenu du fait que l’alphabétisation est considérée comme une offre de formation et donc une commande institutionnelle qui vise des objectifs bien déterminés. En effet, « la formation est une démarche d'apprentissage planifiée et structurée en fonction d'objectifs précis. De manière générale, ces objectifs sont déjà déterminés avant même que le groupe soit constitué. Ils répondent donc aux besoins d'un organisme communautaire, d'une commission scolaire ou du ministère de l'Éducation. C'est en fonction de ces besoins que l'alphabétiseure définit son travail » (Ibid.).

Nous pouvons en déduire que, l'alphabétisation utilise la dynamique de groupe pour atteindre des objectifs de formation. Bien que ces objectifs soient déjà définis avant même la constitution de groupe, le rôle de l'animateur sera d’aider le groupe à se les approprier pour que la démarche puisse s'appuyer sur le groupe. Avec Fernandez (1989), nous pouvons dresser un tableau comparatif des caractéristiques de ces deux termes (voir tableau n° 01 ci-dessous).

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Tableau n° 01 : Comparaison des caractéristiques des termes formateur et animateur

FORMATEUR ANIMATEUR

• Il planifie l'ensemble du processus de formation.

• Tout en structurant une situation d'apprentissage, il identifie les objectifs, détermine le contenu, choisit les méthodes et les techniques à utiliser...; il suscite, oriente et facilite l'apprentissage.

• Le formateur participe à la formation ; il communique son expérience, son vécu, ses connaissances ; il amène les autres à le suivre afin d'optimaliser leur apprentissage.

• Le formateur a une maîtrise du contenu enseigné. Il le connaît aussi bien en théorie qu'en pratique.

• Le formateur évalue les objectifs d'enseignement et d'apprentissage par le processus de formation préétabli. Il évalue la pertinence et la portée de sa méthode. Ceci ne signifie pas qu'il peut mettre une note.

• Il anime la participation du groupe.

• Il joue le rôle de catalyseur à l'intérieur du groupe. Mais, c'est le groupe qui, de façon autonome, organise son travail, détermine la démarche, structure son propre cheminement et définit le produit qu'il veut obtenir. • L'animateur est attentif au déroulement de la discussion : c'est le vécu du groupe qui est partagé, ses expériences et ses connaissances. L'animateur voit à ce que l'échange se fasse bien, il est attentif à la mécanique, à la dynamique du groupe.

• L'animateur n'a pas

nécessairement une connaissance très poussée du contenu du sujet sur lequel le groupe travaille. Il connaît surtout la mécanique et les comportements des groupes. Il saura, en posant des questions, faire avancer le travail, éviter les accrochages inutiles, etc.

• L'animateur aide le groupe à faire sa propre évaluation ou se base sur les critères fixés par le groupe.

Source : Fernandez J. (1989)

Nous pouvons, à partir de tout ce qui précède, considérer que l’animation comme la formation, participent toutes deux, au processus d’apprentissage et de transfert de connaissances en s’appuyant sur des techniques différentes.

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1.1.2. Alphabétisation, transfert de connaissances et postures d’animateur 

Il s’agit de voir les différentes postures adoptées par les animateurs au cours de leurs pratiques d’alphabétisation dans le cadre de transfert de connaissances. A cet effet, il est important de faire un lien entre l’alphabétisation, l’andragogie et la didactique.

1.1.2.1. Alphabétisation, pédagogie/andragogie et didactique 

L’alphabétisation s’adresse à un public composé de personnes relativement âgées. Elle est une forme d’instruction des adultes et repose donc sur les principes de l’andragogie. Le terme andragogie en effet, est utilisé comme synonyme de formation des adultes. Pour mieux comprendre ce thème, il importe de comprendre, dans un premier temps, le sens du mot pédagogie à partir duquel il a été fortement inspiré. En effet, la pédagogie peut être définie comme la science de l’éducation, de l’instruction des enfants ; une méthode d’enseignement ou la qualité de celui qui sait transmettre les connaissances. Houssaye pense, que la pédagogie « c’est l’enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la pratique éducatives par la même personne, sur la même personne. Le pédagogue est un praticien-théoricien de l’action éducative » (Houssaye J., 1993 : 13).

Pour Raynal et Rieunier, la pédagogie se définit comme « toute activité déployée par une personne pour développer des apprentissages précis chez autrui » (Raynal F. et Rieunier A., 2007 : 69). Deux aspects peuvent être explicitement mis en lumière dans cette définition : l’activité d’une personne « l’enseignant » et l’apprentissage chez autrui « l’apprenant ». L’autre aspect implicite (non moins important), le savoir, le savoir-faire, le savoir-être ou le savoir-devenir, fait la relation entre l’enseignant et l’apprenant, et crée ce que Jean Houssaye appelle « la situation pédagogique » ou « le triangle pédagogique » (cf. figure 1 ci-dessous).

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Processus  Former  Processus  Apprendre  Processus  Enseigner  Savoir Alphabétiseur Apprenant • ENVIRONNEMENT

Fig. n° 01 : Triangle pédagogique de Jean Houssaye (1993). Selon Houssaye et de façon résumée :

« La situation pédagogique peut être définie comme un triangle composé de trois éléments, le savoir, le professeur et les élèves, dont deux se constituent comme sujets tandis que le troisième doit accepter la place du mort ou, à défaut, se mettre à faire

le fou. […] Toute pédagogie est articulée sur la relation privilégiée entre deux des trois éléments et l’exclusion du troisième avec qui cependant chaque élu doit

maintenir des contacts. Changer de pédagogie revient à changer de relation de base,

soit de processus. […] Les processus sont au nombre de trois : "enseigner", qui privilégie l’axe professeur-savoir ; "former", qui privilégie l’axe professeur-élèves ; "apprendre", qui privilégie l’axe élèves-savoir. Sachant qu’on ne peut tenir

équivalemment les trois axes, il faut en retenir un et redéfinir les deux exclus en

fonction de lui… » (Houssaye J., 1993 : 14-24).

Le mot andragogie est forgé sur le modèle de pédagogie, le mot pédagogie étant emprunté au grec paidagogia, composé de paidos, "enfant", et agogos, "conduire". Le mot andragogie a été créé de la même façon, à l'aide de la racine anêr (andros), signifiant "l'homme". Étymologiquement, "andragogie" signifie donc "formation de

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l'homme" ou de façon plus expressive "formation de l’adulte". Elle peut donc être définie comme la science de l’éducation des adultes.

Selon Hachicha (2006), le terme andragogie a été cité pour la première fois, en 1833, par un professeur de grammaire allemand, Alexander Kapp, pour décrire la théorie éducatrice de Platon, en allemand der Andragogik. Il disparaît ensuite pendant un siècle suite à l'intervention du philosophe allemand Johan Friedrich Herbart qui s'oppose à son utilisation. C’est en 1921, que ce terme refait surface, chez le spécialiste de sciences sociales allemand Eugen Rosenstock qui suggère que l'éducation des adultes nécessite des enseignants, des méthodes et une philosophie qui lui soient propres. C’est peu après la fin de la Première Guerre mondiale qu’a émergé, en Europe et aux Etats-Unis, la première vague d'idées sur la spécificité des modes et principes d'apprentissage des adultes (Lindeman, Mucchielli, McCarthy, Knowles).

En effet, Lindeman a établi, dans The meaning of adult education, les fondements d’une approche méthodologique de l’éducation des adultes selon laquelle :

« L’éducation des adultes sera envisagée sous l’angle des situations et non des programmes. Dans le système pédagogique traditionnel, c’est l’inverse, les principaux acteurs sont les programmes et les enseignants, les élèves n’étant que des

éléments secondaires. …Le programme de formation pour adultes est conçu autour

des besoins et des centres d’intérêt de ce dernier. Toute personne adulte se trouve confrontée, que ce soit dans son emploi, ses loisirs, sa vie familiale, sa vie au sein

d’une communauté ou autres, à des situations dans lesquelles elle doit faire un effort d’adaptation…. L’expérience des apprenants est l’élément clé de l’éducation des adultes. Si l’apprentissage, c’est la vie, alors la vie est également source d’apprentissage » (Lindeman E. C., 1926 : 8-10).

Etant donné que d’une part, l’alphabétisation est caractérisée par l’activité du formateur « l’animateur » et l’apprentissage chez l’apprenant adulte « autrui » ; et d’autre part, l’existence de relations entre l’animateur et l’apprenant caractérisées par des savoirs à transmettre ou des compétences à acquérir, nous pouvons dire qu’il y a une « situation pédagogique » qui s’établit au cours des pratiques d’alphabétisation. Autrement dit, l’alphabétisation est une activité déployée par l’animateur pour développer des apprentissages de l’écriture et de la lecture chez les adultes apprenants en vue de l’acquisition des compétences par ces derniers. Soulignons que, du fait que

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l’alphabétisation utilise des méthodes et une philosophie propres à l’éducation des adultes, la « situation pédagogique » créée au cours des pratiques d’alphabétisation, est simulée à l’andragogie.

En ce qui concerne la didactique, étymologiquement, ce mot vient du grec didaktikos, ou de didaskein qui signifie « enseigner ». Il a rapport à l’enseignement et vise l’instruction. D’après la Grande Didactique de Comenius (1657), la didactique a deux sens. En effet, dans son acception commune, l'expression « didactique des langues », « didactique des mathématiques », « didactique de la mécanique », etc., renvoie à l'utilisation de techniques et de méthodes d'enseignement propres à chaque discipline. Il faut souligner que les techniques retenues sont différentes selon les matières, puisqu'elles dépendent directement des contenus à enseigner. L'enseignement des langues privilégie les techniques audio-orales, l'enseignement des sciences physiques privilégie la démarche expérimentale, tandis que l'enseignement des sciences économiques privilégie l'étude de cas. Autrement dit, chaque matière à enseigner, chaque discipline a sa propre didactique, c’est ce qu’on appelle la didactique de la discipline.

La didactique est donc considérée comme l’ensemble des procédures retenues pour sélectionner, analyser, organiser les savoirs et les savoir-faire qui feront l’objet d’actions visant à leur appropriation par un public donné, en fonction d’informations diverses relatives à ce public. C’est une discipline de recherche qui analyse les contenus (savoirs, savoir-faire, …) en tant qu’objets d’enseignement et d’apprentissage référés et référables à des disciplines scolaires. Ce qui spécifie la didactique, c’est la focalisation sur les contenus et sur leurs relations à l’enseignement et aux apprentissages.

Dans son acception moderne, la didactique étudie les interactions qui peuvent s'établir dans une situation d'enseignement / apprentissage entre un savoir identifié, un maître dispensateur de ce savoir et un élève récepteur de ce savoir. Elle ne se contente plus de traiter la matière à enseigner selon des schémas préétablis, elle pose comme condition nécessaire, la réflexion épistémologique du maître sur la nature des savoirs

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qu'il aura à enseigner et la prise en compte des représentations de l'apprenant par rapport à ce savoir (épistémologie de l'élève).

En effet, la didactique élargit la réflexion sur la situation éducative aux trois pôles auxquels schématiquement toute situation didactique peut être réduite : le savoir, l'apprenant, l'enseignant et aux relations que ces trois éléments entretiennent entre eux. Pour Chevallard, la didactique « s'intéresse au jeu qui se mène (...) entre un enseignant, des élèves, et un savoir (...). Trois places donc : c'est le système didactique. » (Chevallard Y., 1991 : 14). Elle se veut donc être une discipline de description, d'analyse et d'intervention qui théorise les relations entre les trois pôles du « triangle didactique », que le schéma ci-dessous représente (fig. 02).

Fig. n° 02 : schéma didactique (Chevallard Y., 1991)

En effet, au niveau du savoir, la didactique pose la question de la transposition didactique, c’est-à-dire, les transformations (sélection/simplification...) que le savoir savant, élaboré par la recherche, subit pour devenir savoir à enseigner dans l'espace de la classe. Le niveau de l'apprenant est abordé par la didactique notamment à travers l’opposition enseignement / apprentissage qui renvoie à deux réalités complémentaires, mais différentes : le processus d'enseignement et celui d'apprentissage. Lorsque l'on parle d'enseignement, on se situe du côté de l'enseignant, d'un savoir à transmettre. Lorsque l'on parle d'apprentissage, on se place du côté de l’apprenant qui est l'élément clé de la situation didactique. Enfin, le pôle

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de l'enseignant ouvre pour la didactique une réflexion sur les démarches d'enseignement (démarche d'imposition du savoir / démarche de découverte), et les dispositifs d'enseignement (pédagogie par objectifs/ pédagogie différenciée), mis en œuvre par l'enseignant.

Les deux concepts, didactique et pédagogie ne s’opposent pas mais sont complémentaires, comme le souligne Halté :

« La didactique constitue un prolongement naturel de la pédagogie. Elle en est une

région, solidement attachée et dépendante. En même temps, ce faisant, en tant qu’elle

explore des problèmes étroitement circonscrits (qu’est-ce que savoir écrire ?) et

qu’elle convoque à ce propos ses propres référents, qu’elle développe ses propres méthodologies, elle s’éloigne de la pédagogie et tend à se constituer en discipline

autonome »(Halté J. F., 1992 : 15).

La didactique s’occupe en effet, des contenus (les savoirs) à enseigner, tandis que la pédagogie s’occupe des moyens (les démarches) pour transmettre ces contenus. Nous nous intéresserons dans le cadre de notre travail, aux contenus des programmes d’alphabétisation ainsi qu’aux démarches pédagogiques voire andragogiques des animateurs pour faciliter le processus enseignement / apprentissage dans les centres d’alphabétisation.

1.1.2.2. Alphabétisation et enseignement / apprentissage 

Etymologiquement, le mot enseigner vient du latin classique insignire qui signifie « indiquer » d’où « instruire » ; de l’adjectif insignis qui veut dire « enseigné » ; faire connaître par un signe, une indication c’est-à-dire « indiquer », « montrer ». L’enseignement peut être défini comme une pratique mise en œuvre par un enseignant visant à faire acquérir des compétences (savoir-faire social) à un élève, un étudiant ou tout autre public dans le cadre d’une institution éducative. On peut dire en effet, que l’enseignement est une pratique qui vise à faire acquérir des compétences par l’instruction ou encore, comme Flahault, « l'instruction, c'est l'acquisition de connaissances grâce à l'enseignement. » (Flahault F., 2006 : 296).

L’alphabétisation quant à elle, peut être définie comme un processus d’acquisition de compétences cognitives de base qui contribue au développement culturel et socioéconomique ainsi qu’à la prise de conscience citoyenne et à la réflexion critique

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qui sont des bases de l’évolution personnelle et sociale. En effet, selon le Rapport mondial de l’Education pour Tous (Unesco, op. cit.), l’alphabétisation peut être utilisée pour désigner le processus d’acquisition de l’alphabétisme et l’interprétation la plus courante de l’alphabétisme est qu’il s’agit d’un ensemble de compétences tangibles, en particulier des compétences cognitives de la lecture et de l’écriture. On peut donc en déduire que l’alphabétisation comme l’enseignement, permet de faire acquérir des compétences à un apprenant ou à un public dans le cadre d’une institution éducative.

L’enseignement vise le transfert de connaissances par un enseignant à un ou ses apprenant(s) tandis que l’apprentissage est considéré comme l’ensemble des mécanismes menant à l’acquisition de compétences par les apprenants. L'enseignement/apprentissage peut donc être considéré comme le processus qui permet le transfert de connaissances par l’enseignant et l’acquisition de compétences par le(s) apprenant(s). Dans le cadre de notre travail, il s’agit de voir dans quelles conditions la professionnalisation peut faciliter le processus d’enseignement/apprentissage dans les centres d’alphabétisation. Le processus d’enseignement/apprentissage fait appel, en effet, à des compétences en pédagogie (andragogie dans le cadre de notre étude) et en didactique. Ces notions constituent la base des moyens et techniques mis en œuvre depuis la conception d'une leçon, à son déroulement jusqu’à son évaluation.

1.1.2.3. Alphabétisation et postures d’enseignant 

Lors des pratiques d’alphabétisation, on peut remarquer que l’alphabétiseur ou l’animateur des centres d’alphabétisation est appelé à interagir à la fois avec les apprenants, le savoir mais aussi et surtout l’environnement immédiat ou la société dans laquelle il vit. En effet, au cours de l’exercice de son métier, il adopte des postures qui expriment ses connaissances, ses pensées et ses croyances. Ce sont ces postures qui participent à la construction de sa personnalité ou plus précisément de son identité professionnelle.

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