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Sur la rupture explosive des noyaux U et Th sous
l’action des neutrons
Frédéric Joliot
To cite this version:
SUR LA RUPTURE EXPLOSIVE DES NOYAUX U ET Th SOUS L’ACTION DES NEUTRONS
Par FRÉDÉRIC JOLIOT.
Laboratoire de Chimie nucléaire.
Collège
de France.Sommaire. 2014 L’auteur rappelle les diverses recherches qui furent entreprises sur la formation des radio-éléments dans U irradié par les neutrons. Les expériences confirmant le processus de rupture de U et Th sont
décrites et l’auteur arrive à la conclusion que les modes de partition dépendent de l’énergie des neutrons inci-dents. On donne la photographie de la trajectoire de brouillard d’un atome projeté.
Les
premières expériences
sur cesujet
sont dues à Fermi et ses collaborateursqui
montrèrentqu’il
seforme dans U irradié par neutrons des radioéléments différents de U et voisins de Po et
Th ;
ils conclurent que ces éléments étaient des transuraniens.Hahn,
Meitner et Strassmann ont fait ensuite une série de travaux établissant la formation dans U irradié de nombreux radioéléments. Ils en ont classé trois commeisotopes
de U et les autresqui
sontprécipitables
par H2S en solution acide comme transuranienshomo-logues supérieurs
duRe, Os, Ir,
Pt avec les nombresatomiques
93, 94, 95,
96. Tous ces résultatsparais-saient assez cohérents tout en
présentant
dessingula-rités, principalement
legrand
nombre d’isomèresqu’il
était nécessaired’invoquer.
En
1938,
1. Curie et Savitch(1)
ontsignalé
une anomalieplus frappante
encore. Ces auteurs ontétabli
qu’il
se forme un radioélémentayant
lespro-priétés chimiques
d’une terre rare et très nettement ils ont montré que ce corps n’est pas unisotope
deAc (Z
=89).
Aucunehypothèse
satisfaisante nepouvait
être faite sur le nombreatomique
de cetélément.
Récemment,
Hahn et Strassmann(2)
ont vérifié ce résultat et ont trouvé deplus
des radio-éléments alcalinoterreux. Ils ont tout d’abordpris
ceux-ci pour desisotopes
de Ac et Ra.Puis,
ayant
fait à leur tour des fractionnements d’oxalates sur lesterres rares et de chlorures sur les
alcalinoterreux,
ilsont constaté que les
propriétés chimiques
de ces corpssont tout à fait
analogues
à celles de La et Ba. Deplus,
ils ont fait remarquer que les corps dits «trans-uraniens » avaient été reconnus différents de
Re, Os,
Ir, Pt,
maisqu’aucune expérience
n’avait été faite pour s’assurerqu’ils
sont différents deshomologues
inférieursMa, Ru, Rh,
Pd. Cesauteurs,
tout enconti-nuant à
envisager
les réactions nucléaires correspon-dantes suivant destypes
de filiation faisant intervenir desisotopes
de Ac etRa, suggérèrent
l’éventualité d’unerupture
en gros noyaux de U sous l’action des neutrons. Labipartition
de U en atomesplus légers
estpossible théoriquement,
l’énergie
pouvant
être libérée est de l’ordre de 200 MeV(3) (4).
Larupture
(1) 1. CURIE et P. SA VITCH. J. de Physique, 1938,9, p. 355.
(2) 0. HAHN et F. STRASSMANN. Naturwiss., 1939, 27, 11.
(3) BOHR. Nature, 1939, 143, 330.
(4) FaNO, inédit, paraîtra dans un prochain numéro du Journal
de Physique.
conduit à des noyaux
possédant
un excèsanormale-ment
grand
de neutrons. Ceux-cipeuvent
se trans-former successivement enprotons
en donnant lieu à une succession de radioélémentsnégatogènes.
Il estcependant possible,
sil’énergie
d’excitation des noyaux formés estsuffisante,
quequelques
neutronss’éva-porent.
Ce dernierpoint
est desplus importants
etnous avons
entrepris
desexpériences
à cesuj Jt.
L’éner-gie
ci*n’tque
d;s atomesprojetés
estsuffisante
pour queceux-ci trave,-sent une m nce couche et
puissent
être recueillis sur unsupport.
Laprésence
des atJmesrecueillig se-a décelé,, par leur C’est par
cette m thode
simple
quej’ai
pu donner(1)
u-te preuveexpérimntale
de laruptîre
de U sous l’act ’on d?sneu-trons. Frisch à
Copenhague (2),
Fermi et sescollabora-teurs en
Amérique indépendamment
par une méthode différente ont mis en évidence parl’amplificateur
pro-portionnel
desphénomènes
d’ionisation considérablescorrespondant
raisonnablement à laprojection
desproduits
del’explosion.
Onpeut
toutefois penser que la méthodepermettant
de recueillir les atomesprojetés
sembleplus
démonstrative et seprête
à desdévelop-pements nombreux;
elle ne nécessite pasl’emploi
de fortes sources de neutrons. Ledispositif expérimental
quej’ai employé
consiste en une source de 700 mC(Rn
+Be)
placée
à l’intérieur d’uncylindre
de laiton de 2 cm de diamètre et 5 cm de hauteur couvert extérieurement d’une couche U02. A 3 mm de la sur-faced’U02,
onplace
uncylindre concentrique
de bakélite.Celui-ci, après
une durée Dd’irradiation,
estplacé
autour d’u3compteur
G. M. àparois A11 /10
mm. Le tableau ci-dessous donne lespremiers
résultatscorrespondant
à diversesconditions,
lesexpériences
ayant
été faites avecU,
Th.Ces résultats
permettent
de faire les considérations suivantes :L’aspect
des courbes de décroissance de l’activitédéposée
sur lesupport
est très semblable à celle des radioéléments formés dans U. Ondistingue
unmélange
depériodes
courtes d’unmélange
depériodes
longues
(grossièrement
8 + 2
min et 60 min suivi d’unepériode
de 3 à 4h).
L’effetparafline
est voisin de 2 pour lespériodes
courtes,
mais est notablementplus
grand
pour lespériodes longues, 1
à 6. Lespériodes
(1) F. JOLIOT. C. R. Ac. des Sciences, 1939, 208~ 3f1.(’) FRiscH. 1939, 143, 276.
1 60
longues
ne dérivent pas toutes des corps àpér,.odes
courtes. Demême,
l’irradiation par lesphotoneutrons
avantage
considérablement lespériodes longues;
nous n’avons pas observé depériodes
courtes dans ce cas. Il en résulte que l’on peutaffirlner
que les modes de rupturedépendent
del’énergie
des neutronsincidents;
lesneutrons lents
f avorzsent,
dans le casprésent,
les ruptures avecfor¡nation
des corps àpériodes
longues.
Le parcours moyen des rayons
atomiques
est voisin de 3 cm d’air. Avec le thorium on met en évidencegrossièrement
deuxpériodes,
l’une de 12min +
3 min et unepériode longue
de3,5
h ~
0,5
h. L’effetparaf-fine est
négligeable.
Il semble que dans les cas U et Th on retrouve une mêmepériode
longue,
3,5 h,
qui
peut être attribuée au même corps. I. Curie et P. Saviteh(1)
ont d’ailleurs montré que dans les deux cas, les corps de
3,j
hqu’ils
ont trouvé ont les inêmespropriétés chimiques.
Les rayonsprojetés
ont un parcours dans U02 auplus
de10 u, ;
la section efficaced’explosion
serait de l’ordre de 10-25 cm2.J’avais
proposé parmi
les nombreusesbipartitions
possibles
unequi
sembleprobable
d’après
lesren-. .
d l h.. 39
14tC
.98Rb
seignements
de la chimie :92° -+ 55 e
+37
.I. Curie et P. Savitch
(1)
ont mis en évidenceeflecti-vement la formation d’alcalins. Des
bipartitions
voi-sines, avec formationd’halogènes
et de gaz raresXe,
Kr,
sont aussiprobables (2)
(3).
Enfin,
on trouvera(fig.
1)
lareproduction
d’unetrajectoire
de brouillard d’un atomeprojeté
de U.Fig. 1.
Les conditions
expérimentales
ont étépubliées
aux C. R. de l’Académie des Sciences(4).
Ce rayon a unparcours dans l’air à la
pression atmosphérique
de 9 mm, et sacharge
moyenne estcomprise-entre
3 et 4e.L’énergie cinétique
d’un atome de masse 100ayant
cette
charge
moyenne de parcours 3 m est de l’ordre de 35 1B1e V. Il est peuprobable
que ces rayonsatomiques
possèdent
descharges
moyennes aussi élevées que cellesqui
furentenvisagées,
20e parexemple,
la méthode Wilson semble d’ailleursindiquer
des valeursbeaucoup
plus
faibles.Il conviendrait
d’essayer
de provoquer larupture
avec d’autrerayonnement
que lesneutrons,
avec lesphotons
parexemple.
Il est très
probable
que cephénomène
derupture
doit seproduire
avec d’autres éléments. Parmi leséléments, j’ai essayé
par la méthodeprécédente
avec des sources Rn +Be,
700 mCenviron, Tl, Pb, Hg,
Au,
Pt.Seul,
Tl semble donner unpetit
eFfet avec forma-tion de corps àpériode
longue.
(1) I. CURIE et P. C. R. Ac. Sciences, 1939, 208, 343.
e) C. des Sciences, 1939, 208.
(3) SA VITCH. C. R. Ac. des 1939, 208.
(4) F. JOLIOT. C. R. Ac. des Sciences, 1939, 208.