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Paléogéographie symbolique du Magdalénien moyen. Apport de l’étude des productions graphiques pariétales des abris occupés et sculptés de l’Ouest français (Roc-aux-Sorciers, Chaire-à-Calvin, Reverdit, Cap-Blanc)

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Academic year: 2021

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Submitted on 20 Apr 2015

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des abris occupés et sculptés de l’Ouest français

(Roc-aux-Sorciers, Chaire-à-Calvin, Reverdit,

Cap-Blanc)

Camille Bourdier

To cite this version:

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Avant-Propos

Je tiens tout d’abord à remercier Jacques Jaubert et Anne Delagne d’avoir accepté de m’accueillir au sein du laboratoire PACEA et de l’Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire pour réaliser ce doctorat. Ce choix n’était pas évident, et je les remercie de m’avoir laissé la chance de me lancer dans ce sujet.

Je suis très reconnaissante à Norbert Aujoulat d’avoir accepté de diriger cette recherche, en me laissant une grande liberté d’action et de réflexion. Son expérience de terrain, sa rigueur méthodologique et sa connaissance de l’art pariétal paléolithique m’ont été d’une aide précieuse tout au long de ce travail, et ont considérablement enrichi ma formation. Je le remercie particulièrement de sa disponibilité et de son soutien lors de la phase de rédaction qui fut – comme chacun le sait – éprouvante physiquement, intellectuellement et moralement. J’adresse ma profonde gratitude à Geneviève Pinçon pour avoir rempli le rôle de tutrice. Ce doctorat n’aurait pas vu le jour sans elle. Ce sujet a été créé et porté à deux, et il est indissociable de ses recherches conduites au Roc-aux-Sorciers et à la Chaire-à-Calvin. Ses compétences pratiques et théoriques ainsi que sa passion intacte ont porté ce travail, sur le terrain lors des nombreuses campagnes de relevé, et dans la réflexion. Son regard à la fois bienveillant et critique fut essentiel.

Je remercie Mickaël Augeron d’avoir accepté de sortir des Amériques pour le monde fascinant et complexe des chasseurs-collecteurs paléolithiques. Son expertise et sa gentillesse m’ont permis d’ouvrir ma démarche au grand public, aux non-spécalislistes, à tous ceux en qui les œuvres pariétales prennent un écho particulier. Ce projet à la fois parallèle et complémentaire de la recherche doctorale fut profondément enrichissant.

J’adresse toute ma reconnaissance et ma gratitude aux membres du jury, et tout particulièrement à Margaret Conkey et Denis Vialou pour avoir accepté d’être les rapporteurs de ce travail.

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Ce doctorat n’aurai pas pu être réalisé sans le travail de terrain. J’adresse toute ma gratitude à Jean-Jacques Cleyet-Merle pour m’avoir ouvert la porte de Cap-Blanc et des collections du Musée national de Préhistoire. Ma reconnaissance va également à Geneviève Pinçon pour m’avoir embarqué dans cette folle aventure avec les recherches menées au Roc-aux-Sorciers et à la Chaire-à-Calvin, ainsi qu’à Christophe Delage pour m’avoir permis d’intégrer les données des travaux conduits à la Chaire-à-Calvin. Mes pensées les plus amicales vont à Isabelle Castanet-Daumas et à René Castanet pour leur gentillesse, leur disponibilité, leurs encouragements, leur passion, leur simplicité et leur bonne humeur. J’espère ne pas avoir trahi l’esprit du vallon de Castel-Merle et de cette magnifique histoire familiale. Mes remerciements vont aussi au SRA Aquitaine, à Dany Barraud et Nathalie Fourment pour leur écoute et leur soutien, ainsi qu’à la CIRA m’ayant autorisé à conduire les relevés de Reverdit puis de Cap-Blanc. Un grand merci à toutes celles et tous ceux m’ayant offert l’accès aux collections de ces gisements : Jean-Jacques Cleyet-Merle et toute l’équipe du Musée national de Préhistoire au premier rang de laquelle Georges Lévy, Peggy Jacquement et Bernard, sans oublier les irremplaçables guides de Cap-Blanc : Josy, Corinne, Flora et Stéphanie qui m’ont toujours accueilli avec le sourire et ont montré une incroyable disponibilité ; Vincent Mistrot au Musée d’Aquitaine ; Odile Romain au Musée de l’Homme ; Stéphanie Renaud et Claire Gaillard à l’Institut de Paléontologie Humaine ; Patrick Perrin, Catherine Schwab et Marie-Cécile au Musée d’Archéologie Nationale ; Jean-François Tournepiche au Musée des Beaux-Arts d’Angoulême ; Guy Marchesseau au Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord. Je souhaiterais également adresser toute ma reconnaissance à Alain Roussot pour m’avoir fait profiter de son savoir et de son expérience.

Je remercie mes camarades et collègues ayant gentiment accepté de me prêter leurs yeux, leur esprit critique et leur temps lors des campagnes de relevé : Oscar Fuentes mon partenaire de toujours, Aurélie Abgrall, Olivier Huard, Magali Peyroux, Élisa Boche, Éric Le Brun, Geneviève Pinçon. Un immense clin d’œil à Jean-Marc Pétillon et Lucie Chehmana pour vous être lancés dans la reprise un peu folle de Reverdit et de Cap-Blanc. Merci également à Hélène Valladas pour les datations de ces deux gisements. Vous m’avez tous été d’une inestimable aide scientifique et bien au-delà personnelle. Ce doctorat n’aurait pas abouti sans vous. Il est une part de chacun de vous. J’espère que vous n’aurez pas à en rougir. Mes remerciements vont également à celles et ceux qui ont pris de leur temps pour des relectures avisées de ce manuscrit : Jean-Marc Pétillon, Lucie Chehmana, Matthieu Langlais, Dominique Gambier, Morgane Dachary, Frédéric Plassard, Jacques Jaubert, Jean-Michel Geneste, sans oublier l’infatiguable Isabelle Castanet-Daumas.

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Au son de Monsieur Alain Bashung, par cette journée ensoleillée d’automne, j’ai enfin une pensée émue pour toutes celles et tous ceux d’ici et d’ailleurs qui m’ont depuis toujours soutenu, au cours de ces années de doctorat, et depuis beaucoup plus longtemps pour certains : Maman et Papa, Marie-Claude, Yves, Suzon, Pascale, tous les cousins des Landes, Pierrot, Lolie, Alix, Émilie, Héloïse, Gallou, Rachid, Gus, Lucie, Jean-Marc, Clem, Marie-Hélène, Marie-Astrid, Cédric R. et tous les camarades de Sud, Dimitri, Vincent, Marie du Printemps, Julie, Clément et toute la famille Lavaud-Poirot-Delpech, René Conty, Éric P., François P. , Claire P., Isabelle C., Jacob D., Simon D., Justine D., René qui est le papy qui je rêverai d’avoir, la famille Sedeau, Matthew, Daniel, Ira, les producteurs de café du Costa Rica. C’était un rêve de gosse. Merci de m’avoir acceptée, avec mon indépendance, mes coups de gueule, mes élans passionnels, mes doutes, mes joies, parfois ma distance. Merci d’avoir cru en moi et de m’avoir poussée. Je ne pourrai jamais vous exprimer à quel point je vous aime et vous suis reconnaissante. Merci enfin à ceux qui accompagnent mon quotidien et font de ma vie un tel bonheur : Sébastien et Raoul.

À Raymond et Marius

À Gauthier, Lila et Andréa, et à celles et ceux qui vont prochainement agrandir notre cercle de l’amitié

Je dédie enfin ce travail à toutes les filles et femmes qui n’ont pas eu ma chance

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« Nous devons désormais mettre en valeur l’ancrage historique et culturel de l’art paléolithique. À l’hypothèse de l’indépendance de l’art se développant hors de l’emprise directe des cultures, il faut substituer celle d’un art profondément enraciné, au contraire, dans le cours des civilisations de l’Age du Renne, car toute œuvre est, en premier lieu, un produit historique. » (M. Lorblanchet)

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Introduction

Ces travaux s’inscrivent dans la lignée des recherches actuelles visant à une redéfinition affinée de la culture magdalénienne. Depuis une dizaine d’années, la reprise et la multiplication des études paléo-environnementales et des analyses technologiques des productions lithiques et osseuses sont venues préciser le cadre écologique et chrono-culturel mis en place pendant les années 1980. Les problématiques se focalisent notamment sur l’impact de l’environnement dans les mécanismes de différenciation spatiale des traditions techniques, perçus en tant que réponses adaptatives à des écosystèmes distincts. Au sein de cette culture, l’entité chrono-culturelle dite du Magdalénien moyen apparaît selon une double dynamique de « globalisation culturelle » (Valentin 2007) sous-tendue par des diffusions sur de grandes distances, et de différenciation spatiale, locale et régionale, qui s’expriment à la fois dans les sphères techniques, économiques et symboliques (Valentin 2000 ; Langlais 2007).

Malgré leur rôle historique dans la reconnaissance et la détermination de cette entité, les expressions symboliques, au premier rang desquelles l’art pariétal, participent peu à la dynamique scientifique actuelle autour de la structuration chrono-culturelle du Magdalénien en général, et du Magdalénien moyen en particulier. Pour les graphismes pariétaux, cette lacune doit être en partie imputée aux difficultés de datation et à l’imprécision chronologique qui en résulte. La difficulté à lier les témoignages pariétaux aux autres productions, techniques mais aussi symboliques (art mobilier et parure) est un obstacle supplémentaire, puisque dans leur majorité ces dispositifs ne sont pas directement associés à une occupation. L’art pariétal magdalénien a peut-être également été desservi par sa renommée. La familiarité de ces œuvres intégrées à l’image collective du Paléolithique supérieur européen (tels Niaux, les Trois-Frères, le Tuc-d’Audoubert, Font-de-Gaume, Rouffignac etc) a certainement participé à une relative désaffection des pariétalistes, le Magdalénien apparaissant comme une culture bien connue et documentée au regard notamment de l’Aurignacien et du Gravettien dont les récentes découvertes de Chauvet et de Cussac ont relancé l’attractivité. La plupart des données à disposition sur les ensembles pariétaux magdaléniens sont vieillissantes. Pour beaucoup, les relevés datent des années 1950-1960, voire des travaux de l’abbé Breuil du début du XXème siècle dans le Périgord (Font-de-Gaume, Combarelles, Comarque entre autres). La reprise de ces documents par des méthodes d’enregistrement et d’analyse affinées s’avère ainsi nécessaire. Elle constitue un préalable à toute étude à valeur socio-culturelle.

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savoir-faire techniques, issus d’un apprentissage, n’est bien évidemment pas à remettre en question. Ils sont cependant fortement contraints par l’écosystème, en termes de matières premières disponibles et d’adaptation des stratégies cynégétiques. En tant que supports de valeurs et de croyances, la charge culturelle des productions symboliques demeure sans commune mesure, même si leur portée – individuelle, intra-groupe, inter-groupe – reste inconnue. Elles semblent ainsi particulièrement aptes à préciser et illustrer la géographie socio-culturelle des populations paléolithiques, spécialement au Magdalénien moyen qui connaît un développement et une diversification sans précédent de ces productions. Comme le souligne D. Vialou, « l’art se révèle non seulement comme un marqueur remarquable des différences et des ressemblances, mais surtout comme un principe actif d’identité culturelle et sociale » (Vialou 1999 : 288).

Notre contribution vise à aborder la question de la structuration spatio-temporelle du Magdalénien moyen à travers le prisme privilégié de l’art pariétal. Comment et dans quelle mesure participe-t-il au double processus d’unification et de régionalisation qui caractérisent cette entité chrono-culturelle ? L’objectif est de compléter notre image de cette entité par des données réactualisées et une approche renouvelée. Nous avons choisi de nous inscrire dans une démarche archéologique, souhaitant lier les graphismes pariétaux aux autres aspects de la culture matérielle, nous intéressant ainsi aux sites ornés et occupés. Nous souscrivons à l’affirmation de M. Lorblanchet pour qui les activités doivent être appréhendées dans leur ensemble : « on ne peut pas séparer l’artiste du chasseur car les fonctions de l’un peuvent éclairer celles de l’autre » (Lorblanchet 1989a : 159). La confrontation des divers domaines des sphères techniques et symboliques est désormais indispensable pour que nous puissions avancer dans notre compréhension de l’organisation socio-culturelle de ces populations. Les facteurs écologiques, techniques, économiques, sociaux et symboliques doivent tous concourir à une définition modernisée des « cultures » paléolithiques, même si leur croisement demeure épineux. Leurs interactions, corrélations et rythmes d’évolution sont des questions centrales, particulièrement complexes à percevoir pour des périodes aussi anciennes où la maille chronologique est un point critique.

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de ces restrictions, l’étude de la fonction socio-culturelle de l’art pariétal nous paraît être essentielle pour avancer dans notre connaissance sur cette expression symbolique, dont les significations restent difficiles à appréhender.

Dans cette double perspective, nous avons choisi comme axe privilégié les sites occupés, sous abri, à sculptures pariétales. Ce choix signifie de nous attacher à ce qui apparaît comme un épiphénomène au sein de l’art pariétal, qu’il soit artificiel (conservation, découverte) ou qu’il reflète la réalité paléolithique. La sculpture pariétale est rare, mais prend un essor au Magdalénien moyen comme les ensembles gravés, dessinés, peints qui se multiplient alors dans tout l’espace franco-cantabrique. Seule une vingtaine de sites comportant des graphismes pariétaux sculptés sont actuellement répertoriés en France, dont une dizaine rapportés au Magdalénien moyen. La localisation des dispositifs sculptés en abris-sous-roche ou à l’entrée de petites cavités les singularise également des ensembles pariétaux souterrains qui constituent l’une des spécificités des chasseurs-collecteurs paléolithiques en Europe.

Depuis une vingtaine d’années, ces gisements font l’objet de recherches novatrices plaçant l’art pariétal au cœur de l’étude de la dynamique d’occupation des sites, abordée au regard des évolutions du dispositif pariétal (G. Pinçon au Roc-aux-Sorciers, S. Tymula au Roc-de-Sers, C. Delage et G. Pinçon à la Chaire-à-Calvin). Ce travail s’inscrit dans la complémentarité de ces études en considérant ces ensembles ornés à différente échelles - locale, régionale, sub-régionale- par une approche comparative. Relèvent-ils d’une même tradition graphique qui caractériserait la sculpture pariétale au Magdalénien moyen ? Témoignent-t-ils de phénomènes de régionalisation ? L’association d’un contexte chrono-stratigraphique est ici appréciable puisqu’elle permet d’établir un cadre chrono-culturel précis. Peu d’ensembles pariétaux sont directement liés à des occupations, et seule une petite minorité d’entre eux a pu bénéficier de datations directes. Couverture sédimentaire des œuvres, fragments de paroi retrouvés dans les niveaux ainsi que les outils employés dans la réalisation des graphismes sont autant de possibilités de datation relative.

L’emploi de la sculpture comme la localisation des dispositifs tournés vers l’extérieur et associés à des occupations différencient ces sites des ensembles pariétaux souterrains. Ces particularités ouvrent de nouvelles perspectives quant à la valeur socio-culturelle de l’expression symbolique pariétale.

Sites sculptés et ensembles pariétaux souterrains relèvent-ils des mêmes populations ?

Étaient-ils intégrés dans des réseaux symboliques de lieux ornés ? Dans quelle mesure ces graphismes pariétaux sculptés, dont la volonté de visibilité est manifeste, peuvent-ils nous éclairer sur la fonction de ces gisements ?

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participe-t-il aussi à cette différenciation culturelle ? Modifie-participe-t-il notre perception de la géographie symbolique et culturelle des groupes du Magdalénien moyen ?

Notre travail pourra s’appuyer sur le renouvellement des données du Magdalénien moyen dans le Poitou, avec principalement les recherches menées au Roc-aux-Sorciers (G. Pinçon dir.) et à La Garenne (P. Paillet et S. Tymula dir.). De telles initiatives manquent en Périgord dont les gisements aux longues séquences chrono-stratigraphiques, anciennement fouillés, nécessiteraient une reprise d’étude avec les outils et méthodes de la recherche archéologique moderne. Une vision réactualisée des ensembles pariétaux s’avèrent également fondamentale.

Pour aborder la question de la variabilité spatio-temporelle des graphismes pariétaux, l’approche stylistique demeure la plus appropriée. Toute représentation peut être déterminée comme la reproduction d’un modèle à travers les conventions graphiques du groupe social et de l’auteur, selon les contraintes posées par la technique employée et le support ainsi que les motivations spirituelles qui la guident. Le style est ainsi une réalité culturelle historique qui fait qu’une statue de cheval de la dynastie Qin se distingue au premier coup d’œil d’un marbre du Parthénon et d’un bas-relief du Roc-aux-Sorciers. Il n’en demeure pas moins une notion polymorphe, complexe à envisager (Delporte 1990a). La critique des systèmes chrono-stylistiques classiques d’H. Breuil et d’A. Leroi-Gourhan a ainsi révélé la nécessité d’une redéfinition des critères d’analyse. La pertinence des attributs considérés comme caractéristiques du Magdalénien moyen – traits d’épaule, « M » ventral, pelage hachuré, animation, etc. - a notamment été mise à mal (Clottes 1989a).

En essayant d’appréhender les éléments communs et les particularismes, l’approche chrono-stylistique sur laquelle se fonde notre recherche vise à renouveler le cadre référentiel de l’art pariétal du Magdalénien moyen, ou tout du moins à y participer. Notre corpus réduit nous a autorisé à une recherche d’exhaustivité dans la sélection des critères d’analyse touchant à la technique, à la thématique, aux conventions formelles et à la composition. Cette étude comparative sera associée à une réflexion méthodologique plus générale sur le choix des attributs et leur portée interprétative dans une comparaison inter-sites, notamment avec les ensembles pariétaux gravés, dessinés ou peints.

Le manuscrit s’organise en trois parties.

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les résultats préliminaires des recherches en cours au Roc-aux-Sorciers et à la Chaire-à-Calvin, une nouvelle dynamique s’est mise en place à Reverdit et à Cap-Blanc, avec le ré-examen du matériel archéologique et les premières séries de datations. Enfin, est exposée la méthode de travail : l’approche chrono-stylistique suivie et les critères retenus, les outils d’enregistrement et d’analyse employés.

La deuxième partie constitue le cœur de notre analyse. Un premier chapitre est consacré à l’étude interne de chaque dispositif pariétal. Le croisement des données intervient dans un second chapitre, dévoilant des éléments d’unité et de variabilité. Les résultats sont mis en perspective avec la sculpture pariétale gravettienne et solutréenne, et sont également confrontés aux ensembles pariétaux rapportés au Magdalénien moyen utilisant d’autres techniques graphiques. Ils sont enfin discutés en termes de géographie symbolique, en regard notamment des autres espaces socio-économiques dans lesquels s’inscrivent les artefacts associés dans les niveaux d’occupation.

La troisième partie est un essai interprétatif sur la fonction socio-culturelle des sites à sculpture pariétale, envisagée pour le Roc-aux-Sorciers à travers le regard croisé des autres ensembles ornés appartenant au groupe de l’Est de la Vienne (La Marche et le Réseau Guy Martin). Elle s’intéresse aux facteurs sociaux et non plus strictement culturels entrant en jeu dans la réalisation de cette frise sculptée monumentale, en lien avec le contexte archéologique associé qu’elle tente d’éclairer d’un nouveau jour. Elle offre un nouveau regard sur la dynamique d’occupation du Roc-aux-Sorciers à travers l’évolution du registre technique. Elle permet plus largement de réfléchir sur la notion de réseau de sites et de territoire chez les chasseurs-collecteurs magdaléniens, en relation avec les autres pans de la vie de ces populations (alimentaire, économique, social).

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1. La sculpture pariétale : état de la réflexion

1.1. L’autre visage de l’art pariétal paléolithique

La sculpture pariétale a toujours été perçue, considérée et traitée comme un champ à part au sein de l’art pariétal paléolithique européen. Si cette distinction semble en partie conjoncturelle, elle repose également sur différents schémas mentaux, inconscients ou construits (théorisés), parfois directement hérités de la vision classique des arts, qui ont conduit à son individualisation.

La sculpture pariétale paléolithique est découverte assez tardivement, puisque la première frise sculptée est mise au jour dans l’abri de Cap-Blanc à la fin de l’année 1909 par R. Peyrille, son inventeur, qui fouillait le gisement pour le compte du Dr G. Lalanne (Peyrille 1909a, 1909b, 1909c, 1910 ; Lalanne 1910). À cette époque, cela fait plus de 30 ans (1878 : grotte Chabot) que les découvertes de grottes ornées se multiplient, même si la reconnaissance officielle d’un art pariétal paléolithique n’intervient qu’en 1902 lors de la réunion du congrès de l’Association pour l’Avancement des Sciences, à La Mouthe le 14 août. La découverte de la frise de Cap-Blanc intervient dans un contexte particulièrement riche avec « l’invention » successive de la plupart des grands ensembles pariétaux de la zone franco-cantabrique à la toute fin du XIXème siècle et au cours de la première décennie du XXème siècle (tab. 1). Ainsi, rien qu’en Périgord sont révélées les grottes des Combarelles (1901),de Font-de-Gaume (1901) et de Bernifal (1905). Dès lors, et malgré la mise au jour d’ensembles sculptés remarquables (Laussel en 1911, Comarque en 1915, Roc-de-Sers en 1919), il faut bien noter une certaine désaffection pour la sculpture pariétale, traitée dans le cadre de courts articles de type monographique à portée descriptive, ou de petites synthèses (Peyrony 1950a).

Annette Laming-Emperaire est la première à mener une recherche d’ampleur à travers sa thèse : La signification de l’art rupestre paléolithique.

Méthodes et applications (1962), approche diachronique de la sculpture pariétale

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Cette séparation physique et contextuelle a joué un rôle déterminant dans le processus de différenciation de la sculpture du reste des manifestations graphiques pariétales paléolithiques. Ce processus trouve son aboutissement dans une dichotomie lexicale fréquente des deux phénomènes graphiques : la sculpture étant uniquement présente en abri-sous-roche ou en grotte peu profonde (à l’exception de la grotte de Comarque et de Vézac) est assimilée à de l’ « art rupestre » (par ex : le colloque de Brantôme de 1988 : La sculpture

rupestre en France), le vocable « art pariétal » étant dès lors réservé aux seules

productions graphiques en milieu souterrain. Plus encore qu’une simple distinction, les sites ornés à l’air libre – dont les sites sculptés - ont presque toujours été perçus et envisagés dans une opposition avec l’art pariétal en milieu souterrain que ce soit en termes culturels, chronologiques ou géographiques, et non dans une éventuelle complémentarité (fonctionnelle, territoriale).

Force est de constater que cette division s’est accompagnée d’un relatif désintéressement de la communauté scientifique vis-à-vis de la sculpture pariétale qui n’a finalement généré que peu de travaux de recherche. La qualité des œuvres en est certainement l’une des causes. Si toutes les grottes ornées ne peuvent rivaliser avec Lascaux ou les Trois-Frères, les dispositifs pariétaux sculptés sont réduits en extension et en nombre d’unités graphiques et sont généralement très altérés, exceptions faites des frises du de-Sers et du Roc-aux-Sorciers surnommé le « Lascaux de la sculpture » (Pr. E. Patte). Ainsi évoque-t-on la puissance esthétique d’un côté là où bien souvent on vante principalement la maîtrise technique de l’autre. Il est probable que cette fixation sur l’habileté technique de la sculpture soit, dans la première moitié du XXème siècle du moins, un héritage direct, plus ou moins conscient de la vision classique des Beaux Arts, dans lesquels la sculpture figure comme un art mineur.

Le contexte physique a indéniablement participé à l’engouement autour de l’art pariétal en grottes profondes. Dans l’état actuel des connaissances, l’art pariétal paléolithique souterrain est, en effet, un phénomène graphique spécifique au continent européen, contrairement à l’art « rupestre », à l’air libre qui se retrouve à travers le monde entier. Sans compter sur le grand attrait voire la fascination que le milieu souterrain exerce. Les grottes ornées sont ainsi généralement comparées à des « sanctuaires », à des endroits sacrés et rituels, à la différence des sites ornés de plein air (abris-sous-roche et grottes peu profondes) dont l’intense occupation a souvent été utilisée comme argument négatif. Cette vision dualiste a cependant tendance à évoluer depuis les années 1980, avec d’une part le développement de l’archéologie des grottes ornées qui vient préciser et nuancer la nature de la fréquentation de ces lieux (Bégouën et Clottes 1981 ; Clottes 1992, 1993), et d’autre part le renouveau de l’approche ethno-archéologique, notamment appliquée à l’étude des productions symboliques (Lorblanchet 1989b). Ainsi, comme le note M. Lorblanchet : « ni le critère d’emplacement ni l’association ou l’isolement par rapport aux habitats ne suffisent à caractériser un art sacré ni à écarter l’idée du sacré » (2002 : 104).

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1.2. Son assise chronologique

Grâce aux possibilités de datation relative, offertes par l’association étroite de niveaux d’occupation (sur lesquelles nous reviendrons plus loin), les sites sculptés ont fréquemment servi de cadres dans l’établissement des chronologies de l’art pariétal paléolithique européen : « la sculpture est le terrain solide daté par des fouilles, à l’inverse de la peinture dont toute la succession doit être extrapolée » (Leroi-Gourhan 1965b : 133).

Les chronologies stylistiques de H. Breuil en deux cycles successifs (1952) et d’A. Leroi-Gourhan en quatre styles progressifs (1965b) se fondent à la fois sur des comparaisons avec l’art mobilier et les sites sculptés. Ils privilégient ces derniers dont ils reconnaissent que la thématique représentée, les conventions graphiques employées et la composition se rapprochent davantage de l’art pariétal souterrain que l’art mobilier. Les frises du Roc-de-Sers et du Fourneau du Diable caractérisent le Solutréen supérieur (ou le style III de Leroi-Gourhan), celles du Roc-aux-Sorciers et de Cap-Blanc le Magdalénien moyen (ou le style IV ancien de Leroi-Gourhan) (tab. 2). André Leroi-Gourhan estime ainsi que « l’ensemble du solutréen et du magdalénien ancien et moyen possède quelques points de repère chronologiques solides, parmi les plus solides même de toute la chronologie. Les bas-reliefs du Roc-de-Sers en Charente, ceux de Bourdeilles en Dordogne, pour ne donner que les principaux, assurent la détermination solutréenne, ceux d’Angles-sur-l’Anglin et de Cap-Blanc la position dans le magdalénien III. » (1965b : 41).

1.3. Ses approches technologiques

À partir de la fin des années 1970 et pendant la décennie suivante, la sculpture pariétale est essentiellement abordée sous l’angle de sa technologie (Delluc et Delluc 1981, 1983 ; Delluc B. et. al. 1986 ; Delporte 1990a ; Garcia 1987 et 1989). Alain Roussot à Cap-Blanc (Roussot 1972 ; Delporte 1990a), et Brigitte et Gilles Delluc à Comarque et dans les grottes de Domme en sont les principaux initiateurs (Delluc et Delluc 1981, 1983, 1984a). Ils font intervenir ce type d’analyse dans une réflexion méthodologique plus globale sur l’étude de l’art pariétal qui devrait passer par un relevé analytique faisant la synthèse entre l’examen du support et l’analyse technologique de l’œuvre (fig. 1).

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Sueres 1993 ; Muzquiz 1994). Elle s’accompagne de plus d’un essor de l’expérimentation, perçue comme un recours indispensable à la compréhension de la chaîne opératoire de l’artiste.

1.4. Les ensembles pariétaux sculptés et la

dynamique d’occupation des sites

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occupations et sur leur dynamique évolutive : « L’intérêt de cette approche est que, pour la première fois, l’espace habité et la structuration des dépôts [peuvent] être appréhendés et partiellement reconstitués par la considération des faits graphiques » (Tymula 1999 : 152). L’analyse des dispositifs pariétaux sculptés vient étoffer la problématique fonctionnelle des sites. Quels rapports pouvaient entretenir les occupants avec ces productions symboliques ? Dans quelle mesure ces sites peuvent-ils être associés à des sanctuaires et/ou à des habitats ?

Les faits graphiques sont ainsi confrontés aux données archéologiques dans une démarche interdisciplinaire visant à lier stratigraphie pariétale et stratigraphie des occupations. Au Roc-de-Sers, le croisement des données géologiques, chrono-stratigraphiques, matérielles (industrie lithique, industrie osseuse, parure, art mobilier, faune) et pariétales a permis à S. Tymula de définir deux phases d’occupation marquées par une ré-organisation de l’occupation suite à un effondrement partiel de l’abri et de la frise qu’il supportait (tab. 3). Ces recherches sont toujours en cours sur les abris du Roc-aux-Sorciers et de la Chaire-à-Calvin. Cette thèse s’inscrit dans leur complémentarité par la réinsertion des productions graphiques pariétales de ces sites dans leurs cadres locaux et régionaux. Cette recontextualisation vient enrichir la réflexion quant à la fonction de ces lieux pour la première fois envisagée au sein de ce « réseau symbolique » de sites ornés (idée que nous développerons notamment en 3ème

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2. Le Magdalénien moyen : cadre chrono-culturel

de l’étude

2.1. Une entité chrono-culturelle polymorphe

2.1.1. Une chronologie « courte »

Le Magdalénien moyen s’étend de 15 000 à 13 500 BP1, avec de légers

décalages régionaux (Langlais 2007). Un plateau 14C autour de 15 000 BP2 aura

tendance à dilater les datations et à voiler une éventuelle diachronie des sites (occupations et/ou œuvres pariétales), tandis qu’un second plateau autour de 16 000 cal. BP vient brouiller la transition entre Magdalénien moyen et supérieur (Reimer et al. 2004, 2009).

Cette entité chrono-culturelle se développe pendant le Dryas ancien (15 000-12 700 BP3), période froide et sèche de la fin du Dernier Maximum Glaciaire (Magny 1995). Nous reprenons ici les données paléoclimatiques (courbes isotopiques O18/O16 des carottes glaciaires) et paléo-environnementales (palynologie marine, palynologie terrestre, paléontologie) regroupées, analysées et synthétisées dans la thèse de doctorat de M. Langlais (2007).

Le niveau marin entame au Dryas ancien une lente remontée, après s’être abaissé de 120 m par rapport à la ligne de rivage actuelle lors du Dernier Maximum Glaciaire (Fairbanks 1989 ; Brulhet et Petit-Maire 1999). De vastes espaces aujourd’hui immergés sont accessibles le long du littoral atlantique. En revanche, l’extension de l’inlandsis et des glaciers de montagne restreint notablement le territoire européen, recouvrant le Nord de l’Europe, les îles britanniques et les hautes altitudes. Le Magdalénien moyen est présent depuis la Pologne jusqu’à la Péninsule ibérique, avec des hiatus de peuplement dans les zones englacées (Nord de l’Europe, certaines zones montagnardes).

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À partir de 13 500 BP5, l’oscillation tempérée du « Pré-Bølling » entraîne un radoucissement du climat, avec une augmentation des précipitations. Le couvert arbustif (genévriers, bouleaux) se développe dans les fonds de vallée. L’Antilope saïga se raréfie au profit du Renne et du Bison dont les effectifs et la taille augmentent (Delpech 1999). La distribution spatiale de la zoocénose se modifie également : migration de l’Antilope saïga sur les contreforts du Massif Central, déplacement du Cheval dans les zones de piémont et retour du Chevreuil en Aquitaine (Delpech 1989).

À l’intérieur de ce cadre général, latitude, altitude, continentalité, topographie, exposition sont autant de facteurs de variations locales des conditions climatiques et des écosystèmes associés.

2.1.2. Reconnaissance et définitions du Magdalénien moyen

Cette entité chrono-culturelle, définie pour la première fois par H. Delporte au Mas d’Azil (Delporte 1979), est généralement entendue comme la réunion des stades III et IV déterminés par Breuil dans son modèle évolutif unilinéaire du Magdalénien. Rappelons que ce modèle, établi à partir de l’industrie osseuse et de l’art mobilier du Placard et de La Madeleine (Breuil 1912, 1937), fut enrichi d’éléments de l’industrie lithique par D. Peyrony suite à ses travaux à Laugerie-Haute Est, à La Madeleine et à Villepin (Capitan et Peyrony 1928 ; Peyrony et Peyrony 1938) puis repris par F. Bordes à Laugerie-Haute Est (Bordes 1958). Le Magdalénien moyen est considéré comme l’apogée de la culture magdalénienne (Breuil 1912 ; Sacchi 2003). Il est d’abord perçu à travers la diversification sans précédent de l’industrie osseuse et l’abondance de ses œuvres d’art mobilières et

(30)

pariétales. Ainsi, dans la division stadiale de Breuil, le stade III est marqué par de petites pointes à biseau simple (Lussac-Angles), de longues bipointes, rainurées ou cannelées, avec un décor simple (tab. 4). Le stade IV voit l’apparition des pointes à biseau double, des baguettes demi-rondes et des pointes à base fourchue, et plus encore un art mobilier foisonnant, notamment caractérisé par des sculptures sur propulseurs et le décor des baguettes demi-rondes.

(31)

Dans les années 1980, de nouvelles structurations sont proposées, abandonnant le découpage stadial (tab. 4). Trois faciès techniques contemporains, croisant productions lithiques et productions en matières dures animales, ont été déterminés par R. Desbrosse et J. Kozlowski (1988) : faciès à sagaies de Lussac-Angles (A), faciès à navettes (B) et faciès à crans et tronqués (C). B. Bosselin et F. Djindjian (1988) abordent cette question par l’analyse factorielle des correspondances des types lithiques : ils identifient deux faciès contemporains, M1 et M2, reposant sur la triade burins dominants-grattoirs-microlithes, avec la prépondérance des lamelles à dos dans le second.

2.1.3. Des particularismes régionaux

Depuis la fin des années 1990, le renouveau des études permet d’affiner la caractérisation du Magdalénien moyen d’une part en regard des entités chrono-culturelles qui la précèdent (Magdalénien inférieur) et qui lui succèdent (Magdalénien supérieur), d’autre part quant à ses variations spatio-temporelles internes. Tout en précisant ce fonds commun traditionnel qui l’individualise, elles mettent en avant des différences régionales synchrones et diachroniques, plus ou moins marquées, et dont l’extension varie selon les domaines considérés6

(fig. 4).

Productions lithiques

Le sous-système technique lithique se caractérise par un débitage laminaire et un outillage domestique très normalisés sur de vastes espaces (Lacombe 1998 ; Cazals 2000 ; Dachary 2002 ; Taylor 2003 ; Langlais 2007). Des variantes existent cependant dans les armatures. Si les lamelles à dos simples, tronquées ou denticulées constituent le fonds commun, trois faciès peuvent être distingués : un premier avec lamelles scalènes dans la partie méridionale de l’Aquitaine, un deuxième à lamelles à dos appointées dans les Pyrénées, et un dernier à lamelles à dos tronquées et pointes à dos tronquées au nord du seuil du Poitou (Langlais 2008) (fig. 4). Ils répondraient à des variations géographiques, territoriales, plutôt que chronologiques (Langlais 2007). Des modalités de débitage lamellaire spécifiques ont aussi été mis au jour. Ainsi, le débitage type « La Marche », rencontré sur les sites de La Marche (Lwoff 1967 ; Alix et al. 1995) et plus récemment du Roc-aux-Sorciers (Chehmana 2009, Chehmana à paraître ; Chehmana, Beyries 2010), individualise les chasseurs-collecteurs de l’Est de la Vienne. Toutefois, cette modalité est documentée de manière plus marginale dans le Languedoc (Gazel, Bize, Le Poteau) et dans le Massif Central (Langlais 2007 ; Angevin 2008 ; Angevin et Langlais 2009).

6

(32)
(33)

Productions osseuses

Les productions osseuses singularisent fortement le groupe à navettes, qui présente une industrie originale avec la fabrication des « navettes » mais aussi de longues sagaies à double biseau épaisses (Allain et. al. 1985) (fig. 4). Reconnu dans le Jura, dans le Centre, en Charente et en Gironde (ainsi qu’en Pologne), il se développe entre 15 500 et 14 000 BP7 selon les datations 14C obtenues sur les différents gisements (Allain et. al. 1985 ; Despriée et al. 2009).

Un groupe à sagaies de Lussac-Angles a longtemps été opposé au groupe à navettes, ces pièces étant absentes du groupe à navettes (Allain et. al. 1985 ; Desbrosse et Kozlowski 1988, entre autres). La sagaie de Lussac-Angles montre une distribution spatio-temporelle beaucoup plus vaste que celle supposée jusqu’alors (Pinçon 1988). Répartie sur un vaste espace allant des Asturies au Sud du Bassin parisien, elle apparaît dans le Magdalénien inférieur cantabrique (Mirón c. 116) et serait présente dans le Magdalénien inférieur de la grotte des Scilles (Bertrand et. al. 2003 ; Strauss et Gonzalez 2007 ; Langlais 2007 ; Langlais et. al. 2010). Sa signification – culturelle, fonctionnelle, ou chronologique – demeure problématique. Son absence des assemblages à baguettes demi-rondes, considérés comme classiques du Magdalénien moyen, pourrait néanmoins être attribuée une phase ancienne du Magdalénien moyen, en accord avec les observations de H. Breuil (Szmidt et al. 2009 ; Pétillon com. orale). Le Roc-aux-Sorciers fait figure d’exception, puisque les pointes de Lussac-Angles et les baguettes demi-rondes sans décor sont associées dans le second niveau Magdalénien moyen (Pinçon 2009b et com. orale). Les pointes à biseau double, les baguettes demi-rondes et les pointes à base fourchue sembleraient faire leur apparition dans une seconde phase, vers 14 000 BP8.

Art mobilier et parure

Les spécificités régionales s’affirment davantage dans les productions symboliques mobilières (art mobilier et parure). L’art mobilier a toujours joué un rôle primordial dans la caractérisation et dans la structuration du Magdalénien. Dès 1907, sur la base de l’évolution des techniques de l’art mobilier (sculpture, gravure), E. Piette sépare le « Gourdanien » (Magdalénien moyen ?) et le « Lortétien » (Magdalénien supérieur ?) (Piette 1907). Le développement de l’art mobilier et la diversification exceptionnelle de ses supports, de ses techniques, de ses thèmes et des conventions graphiques participent activement à la distinction des unités régionales. Les morphotypes et les thèmes figuratifs agissent comme de véritables marqueurs régionaux (Mons 1980-1981 pour les baguettes demi-rondes ; Delluc et Delluc 1990 ; Buisson et al. 1996 pour les contours découpés ; Cattelain 2005 pour les propulseurs) (fig. 4).

Ainsi l’ensemble de l’Est de la Vienne (Roc-aux-Sorciers, La Marche, réseau Guy Martin, les Fadets) s’illustre par un art figuratif naturaliste sur support lithique avec une forte part dévolue aux représentations humaines. Il contraste avec un art sur supports osseux relativement pauvre. Il comporte deux éléments

7

19 000-17 000 cal. BP

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originaux : les incisives de poulain gravées sur leur face labiale d’un triangle ou d’un quadrilatère rempli de très fins quadrillages, et les stomach-beads en ivoire (Dujardin et Pinçon 2000 ; Taborin 2004 ; Mazière 2009 ; Bourdier 2010a ; Fuentes 2010) (annexe 1). Ces occupations se regroupent entre 15 000 et 14 000 BP9, Les Fadets ayant livré une date plus ancienne de 15 300 ± 150 BP10 (Gif-7353) (Pradel 1980 ; Saint-Mathurin 1984 ; Airvaux 1998, 2001).

Le Magdalénien à navettes se définit par des représentations très schématisées. Les figurations sexuelles, les faces humaines géométrisées et les décors en cupules dominent (Allain et Trotignon 1973 ; Allain et al. 1985 ; Fuentes 2009).

Le groupe pyrénéen se singularise par ses rondelles perforées et ses contours découpés de têtes animales assimilés à des éléments de parure, ses statuettes équines sur pierre ou encore ses décors festonnés (Mons 1980-1981 ; Clottes 1989c, 1996 ; Sacchi 1990 ; Buisson et al. 1996 ; Schwendler 2005 ; Fritz et al. 2007). Au sein de ce groupe apparaissent des manifestations graphiques à l’extension géographique plus locale : le thème du « faon à l’oiseau » sculpté sur crochet de propulseurs, limité aux Pyrénées ariégeoises et qualifié de « mythe » par J. Clottes (2001), ou les décors à volutes excisées sur baguettes demi-rondes de l’Ouest et du centre des Pyrénées françaises (Feruglio et Buisson 1996).

À nouveau, ces différenciations régionales pourraient en partie répondre à une diachronie des ensembles considérés. Le groupe de la Vienne et le Magdalénien à navettes semblent tous deux antérieurs à 14 000 BP11. Le groupe pyrénéen dans ses attributs classiques occupe la seconde moitié du Magdalénien moyen, entre 14 000 et 13 000 BP12. Néanmoins, quelques occupations livrent des contextes plus anciens. Les baguettes demi-rondes à décor de volutes, les contours découpés, les rondelles perforées et les propulseurs sculptés sont ainsi associés à des pointes de Lussac-Angles dans la couche II/E de la Grande Salle d’Isturitz. Une relecture stratigraphique appuyée par des datations a cependant montré l’hétérogénéité interne de cette couche, avec au moins une phase ancienne à sagaies de Lussac-Angles avec une date à 15 130 ± 110 BP13

(OxA-19836)] et une phase récente avec les baguettes demi-rondes décorées et une date à 13 605 ± 65 BP14 (OxA-19838) (Pétillon 2004, 2006 ; Szmidt et al. 2009). Dans la galerie du Bouquetin (niveau archéologique inférieur) du Tuc-d’Audoubert, l’occupation contenant un matériel typique du Magdalénien moyen pyrénéen (contours découpés, baguettes demi-rondes, matrice de rondelles entre autres), a livré une date de 14 350 ± 160 BP15 dans une série de 8 dates

9 18 000-17 000 cal. BP 10 18 910-18120 cal. BP (Langlais 2007) 11 17 000 cal. BP 12 17 000-15 500 cal. BP 13

18 732-18 076 cal. BP (Szmidt et al. 2009)

14

16 612-15 814 cal. BP (Szmidt et al. 2009)

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autour de 14 000 BP16, cohérentes avec l’ensemble des dates rapportées à la

fréquentation du site au Magdalénien moyen (Bégouën et al. 2009). Cette date légèrement plus ancienne ne paraît donc pas pouvoir être retenue. Il demeure la couche 7 de Gazel qui renferme un contour découpé de tête de cheval, et pour laquelle 3 datations ont été obtenues sur charbon : 13 935 ± 45 BP17 (KIA 25340), 14 213 ± 60 BP18 (KIA 22855) et 14 462 ± 62 BP19 (KIA 22856) (Sacchi 1986). Il semblerait cependant que la dernière date soit trop élevée, notamment au regard de l’industrie osseuse, et doive donc être écartée (com. orale J.-M. Pétillon).

2.1.4. Un grand dynamisme socio-économique

L’approvisionnement en matières premières – lithiques, osseuses, coquillages - fait l’objet d’une mobilité accrue, à la recherche de matériaux de qualité pour les productions techniques et symboliques, avec notamment pour le lithique la réalisation de stocks de matériaux bruts ou de supports préformés (Taborin 1993 ; Demars 1994 ; Lacombe 1998 ; Averbouh 2000, 2005 ; Pétillon 2006 ; Langlais 2007 ; Angevin et Langlais 2009). La circulation et la diffusion extra-régionale de pièces d’art mobilier et de parure, de motifs et de décors, témoignent également de contacts nombreux et étendus, dont la forme doit recouvrir des réalités socio-économiques diverses : commerce, don, exogamie etc. (Sieveking 1978 ; Bahn 1982 ; Delluc et Delluc 1990) (fig. 5).

(36)
(37)

Des liens étroits se manifestent également entre la Gironde et le Périgord (Lenoir 1988). Les matières premières y circulent selon un axe Est-Ouest, le long des vallées de l’Isle et de la Dordogne : les silex (sénonien du Bergeracois, turonien du Fumélois, jaspéroïde du bassin de Brive) mais aussi les coquillages des faluns miocènes du Bordelais et des rivages atlantiques (Cordier 1956 ; Taborin 1988, 1989 ; Demars 1994). Des parallèles thématiques et formels apparaissent dans l’art mobilier (Lenoir 1988 ; Dubourg 1997). À nouveau, l’hypothèse de mouvements migratoires saisonniers pour l’exploitation des troupeaux de rennes transhumant entre le bassin Aquitain et le plateau limousin a été avancée (White 1988 ; Demars 1998, 2004 ; Costamagno 2001, 2003). En-dehors du groupe du Magdalénien à navettes, les relations semblent limitées entre la Gironde et les sites charentais.

Le groupe de la Vienne montre un certain isolement. L’approvisionnement en matières premières lithiques et en coquillages est tourné vers le Nord, avec les gîtes de silex turonien des vallées du Cher et de la Claise, et les faluns miocènes de Touraine (Cordier 1956 ; Taborin 1988, 1989 ; Demars 1994 ; Primault 2003 ; Chehmana à paraître ; Chehmana, Beyries 2010). La présence fréquente bien que réduite de silex du Bergeracois montre des indices ténus d’ouverture vers le Périgord. De rares marqueurs symboliques de ce groupe ont été découverts dans les gisements charentais ou périgourdins (2 incisives de poulain quadrillées à Montgaudier, 1 à Laugerie-Basse). En revanche, aucun objet allochtone ne vient témoigner d’import, absence qui illustrerait un groupe peu perméable aux influences extérieures, ce qui expliquerait la particularité de son expression symbolique (Bourdier 2010a). Là encore, la question de la diachronie n’est pas à écarter (Tosello 2003).

Matières premières et expressions symboliques mobilières attestent ainsi l’existence de réseaux socio-économiques étendus. À partir de la mise en évidence de ces voies de circulations et de ces circuits d’échanges, ont été avancées plusieurs hypothèses quant à l’organisation socio-économique et territoriale de ces populations qui devait inclure des lieux de rassemblement à fonction économique (chasse, échanges) et sociale (rituels, exogamie) : « sites d’agrégation » (Conkey 1980), « super-sites » (Bahn 1982, 1984).

2.1.5. Une caractérisation encore complexe

(38)

des groupes régionaux plus ou moins individualisés (Vienne, groupe à navettes dans le Centre et en Gironde, Périgord-Charente, Pyrénées), dont la durée ne s’étend probablement pas sur tout le Magdalénien moyen, mais témoignant cependant toujours d’un même fonds culturel à travers des types d’objet, des motifs et des conventions formelles communs. Le Magdalénien moyen apparaît ainsi à la fois unitaire et polymorphe, traversé par des zones d’influence multiples, variées et probablement mouvantes selon les domaines d’activité.

Bien que précisée, cette entité chrono-culturelle possède encore de multiples zones d’ombre. La caractérisation des productions techniques demeure problématique (Chehmana, Langlais, Pétillon en cours), en particulier pour l’équipement domestique lithique dont la stabilité a été soulignée à de nombreuses reprises (Sonneville-Bordes 1960 ; Langlais 2007).

Les particularismes sont plus difficiles à appréhender dans le Périgord et en Charente, en raison du croisement d’influences très diverses (Poitou, Pyrénées, Aveyron, Quercy et même Cantabres) au sein des mêmes gisements : « Une chose est sûre au départ : la "zone de refuge" que constitue le Sud-Ouest français (M. Jochim, 1987) ne constitue pas l’aire idéale pour comprendre la valeur de certains faciès. Trop riche, trop "accueillante", elle a connu l’accumulation de traditions, de groupes, de comportements trop distincts dont la densité même empêche une vision pertinente détaillée. » (Otte 1989 : 401). L’ancienneté des fouilles et les problèmes chrono-stratigraphiques engendrés ne participent guère à améliorer la situation.

Enfin, la dimension temporelle, si critique en archéologie paléolithique, fait encore défaut ici. Les rapports chronologiques entre les diverses unités régionales et la question de leur dynamisme spatio-temporel restent en suspens. Par exemple, si le Magdalénien moyen pyrénéen est considéré comme relativement récent dans son ensemble, certaines occupations donnent des dates les plaçant au début du Magdalénien moyen (Isturitz : Szmidt et al. 2009). Ces dates soulèvent de nombreuses interrogations quant à l’origine, l’unité, les rythmes d’extension et la stabilité des circuits socio-économiques de cette entité (Fritz et Tosello 2001, 2004). Par ailleurs, la valeur interprétative – en termes techno-économiques, culturels ou autres – des différences synchroniques perçues dans les divers domaines de la culture matérielle est à discuter.

2.2. La place ambivalente de l’art pariétal

2.2.1. L’art pariétal : puissant marqueur culturel du Magdalénien moyen

(39)
(40)

Les graphismes pariétaux participent aussi fortement au modèle de régionalisation culturelle (fig. 7). Pour J. Clottes, « l’art [pariétal et mobilier] contribue puissamment, sans doute mieux que les industries, à individualiser les Pyrénées, surtout pendant le Magdalénien. La forte unité pyrénéenne suppose une communauté de concepts, probablement fruit d’un système complexe de contacts et d’échanges d’un bout à l’autre de la chaîne. » (Clottes 1989b : 171). En effet, le groupe pyrénéen montre des spécificités techniques (gravures et modelage sur argile, contours simples noirs), thématiques (fréquence du bison et du bouquetin, signes angulaires, claviformes) et dans les conventions graphiques employées (modelé ventral en forme de M et trait d’épaule des chevaux, triangle dorsal et double ligne sous la crinière des bisons, remplissages corporels hachurés ou striés) (Sieveking 1978 ; Vialou 1983, 1986 ; Clottes 1989c ; Fritz

et al. 2007 ; Sauvet et al. 2008).

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Un groupe dit « de Sainte Eulalie » a été identifié dans le Quercy par M. Lorblanchet. Il se singularise par ses choix thématiques (fréquence des cervidés dont des rennes, rareté du bison, absence du mammouth, signes géométriques élaborés tels grilles et zigzags) et un mode de représentation très descriptif, avec des figurations très détaillées et dynamiques (Lorblanchet 1989b, 1989c).

2.2.2. Une chronologie pourtant équivoque

Dans les faits, la datation de quelques ensembles pariétaux seulement semble établie (fig. 6). En France, peu de sites ornés sont directement associés à des occupations dont l’attribution chrono-culturelle paraît assurée20 (tab. 5) : Sainte Eulalie (Lorblanchet 1973), Blanchard (Allain 1984 ; Vialou 2001), le réseau Guy Martin (Airvaux 1998), Gazel (Sacchi 1986), Labastide (Clot et Omnès 1979 ; Simonnet et al. 1990), le Tuc-d’Audoubert (Bégouën et al. 1982 ; Bégouën et Clottes 1999 ; Bégouën et al. 2009), les Trois-Frères en lien avec Enlène (Bégouën et Clottes 1990), Fontanet (Clottes et Simonnet 1974 ; Clottes

et al. 1984), Bédeilhac pour la galerie Vidal (Barbaza 1997), et Marsoulas avec

quelques réserves dues à l’ancienneté des fouilles (Fritz et Tosello 2001, 2004). S’ajoutent bien évidemment les sites sculptés étudiés dans le cadre de ce travail (Roc-aux-Sorciers, Chaire-à-Calvin, Reverdit et Cap-Blanc) dont les conditions d’attribution chrono-culturelle seront discutées plus loin. Sur le territoire hexagonal, seuls trois sites pariétaux ont livré des datations directes sur œuvres correspondant au Magdalénien moyen : Niaux, Cougnac et Cosquer (tab. 6) (Valladas et al. 1992 ; Valladas et al. 1994 ; Alcolea González et de Balbín Behrmann 2007). Considérées comme fiables à Niaux, elles dénotent au sein des corpus de dates plus anciennes obtenues dans les deux autres grottes. À Cougnac, elles témoigneraient d’une retouche du dispositif gravettien au Magdalénien moyen (Lorblanchet 1995). Ces datations manquent cruellement pour les sites du Périgord, dans lesquels le charbon de bois n’a manifestement pas été employé comme matière picturale.

20 Faisceau d’arguments (proximité, fragments ornés dans niveaux archéologiques, analogies entre

(42)
(43)
(44)

L’attribution chrono-culturelle actuelle de la grande majorité des ensembles pariétaux repose donc sur l’approche chrono-stylistique classique d’A. Leroi-Gourhan (1965b). Selon son découpage, au Magdalénien moyen coexisteraient les styles IV ancien et récent dont la différenciation repose à la fois sur des critères extrinsèques (localisation) et intrinsèques (techniques, thématiques, conventions graphiques) (tab. 7). Dans l’esprit d’A. Leroi-Gourhan, le style IV ancien peut être résumé comme la période de l’académisme, où « la convention domine la représentation » (Leroi-Gourhan 1965b : 153). Au style IV récent règne le naturalisme. Bien qu’il ait souligné le décalage des rythmes d’évolution des productions techniques et symboliques, dans la pratique, le style IV ancien a rapidement été assimilé au Magdalénien moyen, et le style IV récent au Magdalénien supérieur. Ce glissement mène à considérer certains motifs et certaines techniques de représentation comme des marqueurs chrono-culturels, tels que les tectiformes, les signes angulaires, les claviformes ou encore les modelages en argile (Vialou 1987, Clottes 1989b; Fritz et. al. 2007).

(45)

2.2.3. Les sites sculptés pour un cadre référentiel renouvelé

Ces difficultés d’attribution chrono-culturelle qui rejaillissent du travail d’A. Leroi-Gourhan, révèlent la nécessité de fonder toute démarche stylistique sur de solides jalons chronologiques. Trois difficultés majeures se dressent dans l’appréhension de la chronologie de l’art pariétal.

1) Dans un contexte chrono-culturel défaillant, le recours à l’analogie comparative avec l’art mobilier a souvent été préconisé. Elle constitue l’un des fondements méthodologiques d’A. Leroi-Gourhan. Devenu l’un des « attributs sociétoculturels » (Vialou 2009 : 476) du Magdalénien moyen, l’attribution du signe tectiforme au Magdalénien moyen est née du rapprochement stylistique entre les mammouths des quatre cavités comportant des exemplaires de ce signe (Font-de-Gaume, Combarelles, Rouffignac, Bernifal) et un mammouth gravé sur une rondelle perforée de l’abri Raymonden (Leroi-Gourhan 1965b). Or, cette pièce fut trouvée hors stratigraphie mais rattachée au Magdalénien moyen présent dans cet abri sur la base de l’idée selon laquelle les rondelles perforées étaient un marqueur culturel du Magdalénien moyen (com. orale Plassard). Nous voyons bien à travers cet exemple toute la tautologie du raisonnement…

La comparaison avec l’art mobilier n’est donc pas sans poser de multiples problèmes méthodologiques. La localisation chrono-stratigraphique précise de nombreux objets demeure incertaine en raison de l’ancienneté des fouilles de la plupart des gisements renfermant les grandes séries d’art mobilier. Un risque de décontextualisation a également été signalé à diverses reprises : la qualité et la valeur symbolique de ces pièces a pu engendrer leur conservation sur plusieurs générations ainsi que leur déplacement depuis leur lieu de création (Barrière 1989 ; Delporte 1989 ; Bouvier 1990 ; Conkey 1990 ; Roussot 1990). Néanmoins, ce risque nous paraît devoir être nuancé au regard de la dilatation de la chronologie que nous manipulons pour ces périodes. Ces entités chrono-culturelles s’étalent sur plus d’un millénaire, ce qui suppose dès lors une conservation et une transmission sur plusieurs dizaines de générations…

(46)

2) L’hétérogénéité des dispositifs pariétaux est particulièrement problématique dans une perspective chrono-stylistique (Lorblanchet et Bahn 1999). Les grands dispositifs rapportés au Magdalénien moyen (Combarelles, Font-de-Gaume, La Mouthe pour partie, Trois-Frères, Bédeilhac, Altamira, El Castillo etc.) regroupent souvent plusieurs ensembles graphiques dont les rapports chronologiques restent équivoques. Des ensembles juxtaposés doivent-ils être considérés comme synchroniques21 ou diachroniques ? Dans le cas de superpositions, comment estimer le laps de temps séparant deux ensembles ? Une analyse de la structuration est indispensable puisque certaines compositions associent plusieurs registres graphiques juxtaposés ou partiellement superposés (étude de N. Aujoulat à Lascaux : Aujoulat 2002). La question du rythme de réalisation paraît cependant inabordable pour le moment. En outre, les techniques, les thématiques, les conventions graphiques et la composition peuvent subir d’importantes modifications en fonction du contexte d’exécution (intention, âge et sexe de l’exécutant, public visé, etc.). Le style est, en effet, une notion fluctuante, avec des composantes culturelles (spatio-temporelles), sociales et économiques (Ucko et Rosenfeld 1967 ; Lorblanchet 1988, 1989d, 1992c, 2002 ; Conkey 1990).

3) Enfin, la corrélation des chronologies technique et symbolique est l’un des points centraux des tentatives d’attribution chrono-culturelle des graphismes pariétaux. Cette hypothèse semble étayée dans les Pyrénées françaises, par les datations directes de deux bisons noirs de la grotte de Niaux, relevant tous deux de conventions graphiques similaires, perçues comme typiques du Magdalénien moyen (style IV ancien) : l’un appartient en effet au Magdalénien moyen [13850

± 150 BP22 (Gif A 92501)], alors que le second se situe au Magdalénien supérieur [12440 ± 190 BP23 (Gif A 91173)] (Clottes et al. 1992 ; Valladas et al. 1992). Dans cet exemple, les normes techniques, thématiques et formelles de l’art pariétal régional mises en place au Magdalénien moyen se perpétueraient au Magdalénien supérieur. Cette hypothèse doit être nuancée par les problèmes mis en avant dans la datation directe des dessins et peintures paléolithiques. Des dates distantes de plusieurs millénaires ont été obtenues sur une même entité graphique à Cougnac, Tito Bustillo, Candamo, Altamira et El Castillo notamment (Lorblanchet 1995 ; Moure et al. 1996 ; Moure 1997 ; Moure et González Sainz 2000 ; Fortea 2000-2001, 2002 ; Fortea Perez et al. 2004 ; de Balbín Behrmann

et al. 2003 ; Gonzalez Sainz 2005) (tab. 6). Parfois interprétées comme des

rénovations, ces incohérences peuvent aussi révéler des problèmes méthodologiques d’origines diverses tels que la nature de l’échantillon, son exposition, la méthode de préparation en laboratoire etc. (Lorblanchet et Bahn 1999 ; Pettit et Bahn 2003 ; Alcolea González et de Balbín Behrmann 2007 ; Sauvet et al. 2008). Les datations directes doivent également être relativisées.

Ces difficultés à affiner la chronologie pariétale, en lien avec les autres domaines de la culture matérielle (industrie lithique, industrie osseuse, art mobilier, parure), ont laissé aux productions symboliques pariétales une place marginale dans les questionnements actuels sur la structuration du Magdalénien

21

Dans une acceptation large, c’est-à-dire relevant de la même entité chrono-culturelle.

22

16 664-17 259 cal. BP

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moyen. Les sites sculptés paraissent spécialement appropriés pour répondre à ces manques. L’association directe des œuvres à des occupations humaines est à même de fournir un contexte chrono-culturel aux ensembles pariétaux. Le rapprochement entre la paroi et les niveaux peut être établi à travers un faisceau d’éléments venant asseoir l’attribution chrono-culturelle (recouvrement stratigraphique, fragments de paroi ornée et outils de sculpteur découverts en stratigraphie). Cette association offre l’opportunité de coupler l’analyse stylistique à des datations directes 14C, complémentarité méthodologique précieuse et presque indispensable (Lorblanchet et Bahn 1993, 1999 ; Villaverde Bonilla 2002 ; Alcolea González et de Balbín Behrmann 2007).

Bien que ces dispositifs soient hétérogènes, les ensembles pariétaux successifs sont ici nettement identifiables et différenciables. La sculpture étant une technique graphique par soustraction de matière, la superposition de dispositifs sculptés induit la destruction au moins partielle du dispositif antérieur (retaille). La stratigraphie pariétale en est d’autant plus lisible. Le lien privilégié avec les niveaux archéologiques permet aussi d’appréhender directement la question des rythmes d’évolution du système technique et du système symbolique, lié à l’art mobilier et la parure présents dans les assemblages.

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3. Définition du corpus : les questions

d’attribution chrono-culturelle

3.1. Frises pariétales et blocs ornés

Notre recherche doctorale portant sur la sculpture pariétale, nous avons décidé d’écarter de notre corpus d’étude les représentations sculptées sur supports lithiques mobiliers ou semi-mobiliers. En effet, leur homogénéité formelle (thématique, technique et conventions graphiques) avec les œuvres pariétales est loin d’être garantie, de même que le contexte de création et le contenu associé (voir critique supra). Ce positionnement méthodologique revient à tenter de différencier un art sur blocs des fragments effondrés de la paroi ornée, soit à déterminer si le support était orné préalablement à sa chute ou s’il le fut au sol (Delluc et Delluc 1989c). À l’instar de S. Tymula, nous avons considéré l’absence de cadrage et l’incomplétude des figures comme preuves de l’origine pariétale du support orné (Tymula 2002). Cela concerne les graphismes partiels, interrompus par les pans de fracture du bloc (bords) dont le champ graphique ne s’inscrit pas dans l’espace délimité du support.

Nous avons ainsi éliminé les quelques sculptures sur blocs retrouvés dans les niveaux Magdalénien moyen de Laugerie-Haute-Est, des Marseilles et de La Madeleine (Paillet 1999 ; Tosello 2003) (fig. 8) :

● Laugerie-Haute-Est (fouilles Peyrony), bloc n°1 : bison s’appuyant largement sur des reliefs naturels (œil, volumes internes), en particulier pour la ligne cervico-dorsale qui épouse le contour du bloc ;

● Les Marseilles (fouilles Peyrony et Maury), bloc n°9 (MAN 69533) : décor comprenant deux chevaux et un bison gravés et partiellement piquetés et modelés, localisé sur deux faces opposées et dont la réalisation a dû – au moins en partie – être menée au sol ;

● La Madeleine, plaquette n°306 : aurochs dont les antérieurs, disposés sur une surface oblique, sont travaillés en relief ;

● La Madeleine (fouilles Peyrony), dalle n°325 (MNP 28-1-03) : arrière-train de quadrupède de profil droit galopant (cerf ? bouquetin ? boviné ?). La représentation est incomplète mais la fesse, la croupe et le dos sont naturels, utilisant le contour du bloc ;

● La Madeleine (fouilles Bouvier, niveau 16), dalle n°326 : petit cervidé dépourvu de bois mêlant gravure piquetée et bas-relief léger.

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3.2. Un corpus restreint dans un cadre régional

resserré

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3.2.1. Sites sans contexte archéologique direct

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