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La question sociale en santé : L'hôpital public et l'accès aux soins des personnes en marge du système de santé en France à l'aube du XXe siècle

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: tel-02372103

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02372103

Submitted on 20 Nov 2019

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La question sociale en santé : L’hôpital public et l’accès aux soins des personnes en marge du système de santé

en France à l’aube du XXe siècle

Jeremy Geeraert

To cite this version:

Jeremy Geeraert. La question sociale en santé : L’hôpital public et l’accès aux soins des personnes en

marge du système de santé en France à l’aube du XXe siècle. Sociologie. Université Sorbonne Paris

Cité, 2017. Français. �NNT : 2017USPCD080�. �tel-02372103�

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UNIVERSITÉ PARIS 13, Sorbonne Paris Cité U.F.R. Santé, Médecine, Biologie Humaine

École doctorale Erasme

Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux IRIS — EHESS, UP13, CNRS, Inserm Centre Marc Bloch Centre franco-allemand de recherches en sciences sociales

N° attribué par la bibliothèque __ __ __ __ __ __ __ __ __ __

LA QUESTION SOCIALE EN SANTÉ

L’hôpital public et l’accès aux soins des personnes en marge du système de santé en France à l’aube du XXIe siècle






Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l’université Paris 13, présentée et soutenue publiquement le 17/10/2017 par Jérémy Geeraert, Discipline : Sociologie, dirigée par Prof. Marie Jaisson

Membres du jury :

Isabelle Astier, Professeure de sociologie, université de Picardie Jules Verne, Rapporteure Nicolas Belorgey, Chargé de recherche au CNRS - SAGE, Examinateur

Hélène Bretin, Maîtresse de conférence en sociologie à l'Université Paris 13, Examinatrice
 Marie Jaisson, Professeure de sociologie, Université Paris 13, Directrice

Dominique Memmi, Directrice de recherche au CNRS - Cresppa-CSU - Rapporteure

J é r é m y G e e r a e r t

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Thèse préparée au sein de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS) Unité mixte de recherche associant l’EHESS, l’UP13, le CNRS et l’Inserm

54 bd Raspail 75006 Paris, France http://iris.ehess.fr/

et au Centre Marc Bloch, Centre franco-allemand de recherches en sciences sociales, unité mixte des instituts français de recherche à l’étranger (UMIFRE n° 14 CNRS – MAEE) et unité de service et de recherche du CNRS (USR 3130) Friedrichstraße 191, D-10117 Berlin https://cmb.hu-berlin.de/

Contact : geeraert.j@gmail.com 


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Résumé :

Ce travail porte sur l’étude du traitement de la question sociale dans le domaine de la santé à l’hôpital public au prisme des rapports de pouvoir et de l’organisation du système de santé. Ainsi, l’enquête sociologique a porté sur les Permanences d’accès aux soins de santé (PASS) présentes au sein d’hôpitaux publics en France et dont l’accès est réservé aux personnes éloignées du système de santé, dont le cas emblématique est celui de l’étranger sans papier.

La méthode a consisté à combiner des éléments sociohistoriques et une enquête empirique qui s’est déroulée sur trois années auprès de seize PASS implantées dans huit villes et au sein d’organismes en lien avec elles, telles des associations ou encore les tutelles institutionnelles. Des observations et des entretiens semi- directifs auprès de professionnels ont été réalisés (n=40).

D’abord, l’étude de la généalogie de la question sociale en santé en France montre comment s’est progressivement constitué à la fin du XXe siècle un espace du soin de la précarité visant à prendre spécifiquement en charge des groupes sociaux parmi les plus défavorisés. Cet espace de soin spécifique a connu une institutionnalisation dans le système hospitalier public français au cours des années 1990, s’inscrivant à la fois dans le champ de la santé publique et dans celui de la lutte contre l’exclusion. Il remplit des objectifs (bio-)politiques multiples : lutter contre l’exclusion sociale, garantir un droit à la santé, protéger la santé de la population générale. En second, l’étude des PASS dans l’organisation hospitalière conclut à leur mise en difficulté par les deux modèles dominants concurrents (spécialisation technique et néo-managérial).

Face à cette situation, diverses stratégies (d’adaptation et d’autonomisation) sont déployées par différents acteurs à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital. Enfin un troisième résultat relève de l’analyse des catégories de patients produites lors des interactions avec les professionnels des PASS. Elle met en lumière le rôle qu’elles jouent dans la stratification du système de santé à ses marges les plus basses. Les patients sont ainsi séparés en groupes plus ou moins légitimes selon des critères de citoyenneté et de solvabilité auxquels sont attribuées des valeurs de la vie différenciées. Cela se caractérise dans le quotidien des PASS, par une tension permanente entre inclusion et exclusion du patient et une distribution différenciée des soins. Un gouvernement individualisé et flexible permet de poursuivre dans un tel contexte la multiplicité des objectifs (bio-)politiques.

Mots clés : accès aux soins, organisation hospitalière, question sociale, précarité, biopolitique, étrangers irréguliers

Summary:

This thesis explores how the “social question” (question sociale) is managed as an issue of health at public hospitals through the lens of power relations and health care structures. To this end, the sociological study examines the “healthcare access unit” (Permanence d’accès aux soins de santé, PASS) of public hospitals in France, which are reserved for persons who are excluded from the healthcare system – most notably irregular migrants.

The employed methods combine a socio-historical analysis with ethnographic fieldwork — including participant observation and semi-structured interviews (n=40) — conducted over the course of three years in sixteen PASS units based at eight different hospitals, and in the broader structures within which they exist (i.e. associations and institutional guardianships).

In the first section, a genealogy of the “social question” in health in France demonstrates how space for the healthcare of poverty has emerged at the end of the 20th century, which specifically targets social groups among the most destitute. This space of a particular type of care was increasingly institutionalized in the public hospital system during the 1990’s, embedding itself in both the field of public health and in the fight against social exclusion. This space fulfills several (bio)political objectives: fighting social exclusion, ensuring a right to health, and protecting the health of the population as a whole. Second, an analysis of PASS units in the organisation of public hospitals exposes how they are weakened through two dominant and competing models (technical specialization and new public management). Faced with this situation, varied strategies (ex. of adaptation and empowerment) are employed by different actors inside and outside of the hospital. Lastly, a third section lays out the categories of patients that are produced during interactions with professionals from PASS units. It exposes the role of these categories in the stratification of the health care system along its lowest margins. Patients are divided into more or less legitimate groups - based on criteria of citizenship and of solvency – each of which are afforded differentiated values of life. These dynamics are characterized by a permanent tension between inclusion and exclusion in the field, and by a differentiated distribution of health care. In such a context, an individualized and flexible government allows for the pursuit of these multiple (bio)political objectives.

Keywords: healthcare access; hospital organization; Social Question; poverty; biopolitic; irregular migrants


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REMERCIEMENTS


 
 


Mes remerciements s’adressent tout naturellement en premier à Marie Jaisson qui a accepté de diriger ce travail et qui m’a accompagné dans cette aventure qui dure déjà depuis plus de sept ans. Je lui suis très reconnaissant pour l’encadrement et les conseils qu’elle m’a régulièrement donnés et qui m’ont permis de construire peu à peu ce travail, et encore davantage, pour la confiance et le soutien constants dont elle a témoigné à mon égard et qui m’ont permis de traverser les moments difficiles de la thèse. Je remercie également sincèrement Fabien Jobard, mon tuteur scientifique au Centre Marc Bloch, pour les relectures toujours constructives et les conseils avisés, mais aussi pour les blagues et les tampons plus ou moins drôles.

Pour les soutiens financiers et matériels que ces institutions m’ont apportés, et en leur sein, aux personnes qui m’ont soutenu, j’exprime toute ma gratitude à l’université Paris 13 pour le contrat doctoral, à l’institut Virchow-Villermé pour la bourse de recherche, au Centre Marc Bloch pour la bourse de fin de thèse et enfin au Pôle emploi pour mes indemnisations de chômage.

Je souhaite remercier mes laboratoires de recherche et leurs membres. L’IRIS tout d’abord qui m’a accueilli et soutenu pendant ces six années. Grâce à lui, je me suis formé à la pratique de la recherche et à son animation, j’ai également pu présenter mes recherches à de nombreuses reprises et dans différents endroits du monde. Je remercie les membres de l’axe 4

«   Biomédecine - Santé - Travail   » pour les échanges et les séances de travail inspirants. Merci aussi aux collègues de l’UFR SMBH de Bobigny, et en particulier à Anne-Claire Baratault, Hélène Bretin, Corinne Lanzarini, Joëlle Vailly et Carine Vassy, pour m’avoir fourni un cadre de travail

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si agréable et stimulant. Je ne remercierai jamais assez le Centre Marc Bloch pour son accueil, son cadre de travail et sa vie scientifique et sociale. Les nombreuses rencontres et amitiés qui s’y sont nouées m’ont apporté énormément. Je pense tout particulièrement à mes collègues et ami.e.s, Émeline Fourment, Sarah Kiani, Bénédicte Laumond, Kolja Lindner, Irina Mützelburg, Sarah Mazouz, Serge Reubi, Gesine Wallem, Ulrike Zeigermann, Yasmina Zian et tou.te.s les autres.

Pour nos échanges et réflexions qui m’ont accompagné une bonne partie de la thèse, mais aussi pour les amitiés qui en sont nées, je dois beaucoup au groupe Santé-Précarité. Céline Gabarro, Caroline Izambert et Marjorie Gerbier-Aublanc, merci pour tous les moments passés ensemble. Pour nos collaborations scientifiques et pour les opportunités de communications, de publication et d’enseignement qu’elle m’a données, je remercie Élise Pestre.

Je remercie infiniment tou.te.s les relecteurs et relectrices pour leurs remarques et leurs critiques. Ils ont largement contribué à la qualité scientifique de ce travail. En plus de ceux et celles déjà cité.e.s, je tiens à remercier Todd Sekuler, Mathilde Darley et Estelle Ferrarese.

Merci à Jérémie Gauthier, Sarah Mazouz, Anna Danilina et Sébastien Chauvin pour nos échanges et vos conseils dans la rédaction d’articles.

Je tiens à remercier tous ceux dont le travail, trop peu visible et peu reconnu, a rendu possible le mien : tous les membres de l’administration du CMB et de l’IRIS, les agents d’entretien et de ménages, le personnel de la Mensa, etc.

À tou.te.s ceux et celles qui ont participé de près ou de loin à l’enquête empirique de ce travail, les médecins, infirmières et assistantes sociales des PASS, les militants associatifs, j’adresse une infinie reconnaissance et je salue le dévouement au travail. Je remercie tout particulièrement ceux et celles qui m’ont ouvert les portes de leurs consultations et ont partagé avec moi l’intimité de leur travail quotidien. Sans eux, ce travail n’aurait pas été possible et j’espère qu’il leur rend hommage. J’en profite pour adresser une pensée aux patients des PASS qui se battent dans l’adversité. Ce travail leur est dédié.

Je remercie bien sûr ma famille, Jean-Pierre, Claire, Thomas et Elsa, pour leur soutien, leurs corrections et puis pour être là près de moi. Et je remercie aussi ceux et celles qui rendent ma vie meilleure : mes ami.e.s de Berlin, Leipzig, Paris et Marseille — vous m’apportez tant —, mes colocataires et ami.e.s pour leur solidarité, la Brunnenstr. 6/7 pour être toujours là et combative. Enfin, Falk, merci de partager ta vie avec moi, d’avoir fait la mise en page de ce travail et de m’avoir supporter dans cette longue aventure.

Une pensée spéciale à Philipp qui nous a quitté trop tôt, du fehlst uns.

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TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES 11

SIGLES ET ABRÉVIATIONS 17

INTRODUCTION GÉNÉRALE 21

1 CONSTRUCTION DE L’OBJET DE RECHERCHE 23

1 - 1 Les inégalités sociales de santé 23

1 - 2 Les inégalités sociales de santé à l’hôpital 26

1 - 3 L’assistance : traitement de la question sociale en santé et gouvernement des pauvres 28 1 - 4 De l’augmentation du magistère de la médecine au gouvernement des pauvres 34

2 PRÉSENTATION DE L’ENQUÊTE ET DE LA MÉTHODE 37

2 - 1 Du terrain vers la théorie 37

2 - 2 - 1 Règles d’anonymisation 41

2 - 2 Réflexivité et rapport au terrain 42

2 - 2 - 1 Réflexivité et biais idéologiques 42

2 - 2 - 2 Le rapport au terrain : une histoire de famille 43

2 - 2 - 3 L’insertion sur le terrain et relation aux enquêtés 45

2 - 2 - 4 L’observation : le respect de l’intimité 47

3 LA CONSTRUCTION PROGRESSIVE DU MATÉRIEL EMPIRIQUE 48

3 - 1 Un espace du soin de la précarité 49

3 - 2 Analyse de l’organisation 50

3 - 3 Du terrain à l’étude des biopolitiques de la question sociale en santé 52 4 L’ESPACE DU SOIN DE LA PRÉCARITÉ, UNE FUSION DE DEUX CONCEPTS 53

4 - 1 La PASS, les mondes sociaux et les segments 53

4 - 2 La PASS et les champs sociaux 54

4 - 3 Quel usage des concepts de « champ » et « segment » ? 56

5 PLAN DE LA RECHERCHE 57

PARTIE I — GÉNÉALOGIE DE LA QUESTION SOCIALE EN SANTÉ ET CONSTITUTION D’UN ESPACE

DU SOIN DE LA PRÉCARITÉ 59

CHAPITRE I — GÉNÉALOGIE DE LA QUESTION SOCIALE EN SANTÉ 63

INTRODUCTION 63

1 HISTOIRE DE LA QUESTION SOCIALE À L’HÔPITAL 65

1 - 1 L’assistance et le soin aux plus démunis 65

1 - 2 Une fonction d’enfermement et de contrôle social 67

1 - 3 Prémices d’un droit à l’assistance et développement de la santé publique 69

1 - 3 - 1 Construction d’une nouvelle biopolitique 70

1 - 4 Construction de l’État social et modernisation de l’hôpital 72

1 - 4 - 1 Modernisation de l’hôpital 74

2 LE SYSTÈME DE SANTÉ ET L’ÉTAT PROVIDENCE 75

2 - 1 Le développement de la Sécurité sociale : l’introduction d’un droit à la santé 76

2 - 2 La santé publique et les inégalités sociales de santé 80

2 - 3 L’objectif de maîtrise de l’augmentation des dépenses de santé 82 3 L’HÔPITAL MODERNE DANS UN « TOURBILLON DE VENTS CONTRAIRES » 86

3 - 1 L’hôpital temple de la technique et de la recherche 87

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3 - 2 La fonction sociale de l’hôpital 88 3 - 3 Nouveaux espaces hospitaliers et origines de l’espace du soin de la précarité à l’hôpital 90 3 - 3 - 1 La prise en charge du sida à l’origine de l’espace du soin de la précarité dans le champ

hospitalier 91

3 - 4 Les réformes gestionnaires et néo-managériales de l’hôpital public moderne 98

CONCLUSION 103

CHAPITRE II — DES NOUVEAUX PAUVRES AUX PERMANENCES D’ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ : RETOUR DE LA QUESTION SOCIALE ET CONSTITUTION D’UN ESPACE DU SOIN DE LA

PRÉCARITÉ 105

INTRODUCTION 105

1 LA QUESTION SOCIALE EN SANTÉ 107

1 - 1 Le renouveau de la question sociale, du Quart monde aux nouveaux pauvres puis à la

précarité 108

1 - 2 Le retour des politiques d’assistance dans l’action de l’État social 111

1 - 3 Conclusion partielle 115

2 LA CONSTRUCTION DE BOUCS ÉMISSAIRES : LA MISE AU BAN DE L’ÉTAT SOCIAL DE CERTAINES CATÉGORIES

D’ÉTRANGERS 115

2 - 1 Les étrangers comme « problème social » et illégalisation 116 2 - 2 L’isolement des étrangers en situation irrégulière dans le système de couverture maladie 119 2 - 3 Les conséquences de l’isolement sur l’accès aux soins et aux droits 123

2 - 4 Un système de santé stratifié 126

3 L’ESPACE DU SOIN DE LA PRÉCARITÉ, NAISSANCE ET INSTITUTIONNALISATION 128

3 - 1 Le Comede : naissance d’un mouvement 129

3 - 2 Médecins du Monde : la stratégie de l’advocacy 130

3 - 2 - 1 Du provisoire au durable : développement d’une pratique du soin de la précarité 132 3 - 3 Médecins Sans Frontières et RE.ME.DE. : la stratégie du lobbying 137 3 - 4 Des « consultations précarité » aux Permanences d’accès aux soins de santé 140 3 - 4 - 1 Origine de la circulaire de 1993 et mise en place des « consultations précarité » 141 3 - 5 La formation d’un espace de défense de la santé des étrangers 145

CONCLUSION 147

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE —LES MÉTAMORPHOSES DE LA QUESTION SOCIALE EN

SANTÉ  150

PARTIE II — L’ESPACE DU SOIN DE LA PRÉCARITÉ DANS LE CHAMP HOSPITALIER 153

INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE 155

CHAPITRE III — LES PERMANENCES D’ACCÈS AUX SOINS DANS LE SYSTÈME HOSPITALIER

FRANÇAIS 161

INTRODUCTION 161

1 LE FINANCEMENT DES PASS 165

1 - 1 Les Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation 165

1 - 2 La MIG PASS au niveau national 169

1 - 3 La MIG PASS au niveau local 170

1 - 4 Conclusion partielle 175

2 LES PATIENTS 176

2 - 1 Résultats de l’analyse des données statistiques sur les PASS 176

2 - 2 Explication des disparités par l’organisation des PASS 180

2 - 3 Deux types de patients 181

2 - 4 La relégation des patients des PASS à l’hôpital 182

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2 - 4 - 1 La ségrégation à la consultation René Barthe 182

2 - 4 - 2 La ségrégation dans les PASS des hôpitaux C et J 184

2 - 5 Conclusion partielle 186

3 LES DIFFÉRENTES FORMES ORGANISATIONNELLES DES PASS 187

3 - 1 Objectifs du ministère de la santé 188

3 - 2 Les différentes formes de PASS 192

3 - 2 - 1 Les PASS dédiées 193

3 - 2 - 2 Les PASS transversales et les PASS fantômes 195

3 - 3 Les modèles et le terrain 199

3- 4 La conception et la pratique du soin de la précarité dans les PASS 200

3 - 4 - 1 Le « service social hospitalier » 202

3 - 5 Conclusion partielle 205

CONCLUSION 206

CHAPITRE IV — LES PASS ET LES DIFFÉRENTS MODÈLES D’ORGANISATION 208

INTRODUCTION 208

1 LE MODÈLE DE LA PASS ENGAGÉE 211

1 - 1 Morphologie de la PASS René Barthe 211

1 - 2 La création de la PASS René Barthe 214

1 - 2 - 1 A l'origine de la création du centre René Barthe 214

a) Les médecins 215

b) Les acteurs de terrains 216

c) La direction de l’hôpital 219

1 - 3 Conclusion partielle 220

2 LOGIQUE PROFESSIONNELLE TRADITIONNELLE ET RÔLE PRÉDOMINANT DES MÉDECINS HOSPITALIERS 221

2 - 1 Le contexte des années 1990 : des médecins influents 224

2 - 2 Les PASS « opportunistes » 225

2 - 3 Un médecin de PASS soumis aux logiques professionnelles traditionnelles 228

2 - 4 Conclusion partielle 232

3 LES MÉDECINS NON-HOSPITALIERS DANS LES PASS : DEUX ÉTUDES DE CAS 232 3 - 1 Les aléas d'une Permanence de banlieue : La PASS René Barthe 232

3 - 2 Les aléas d’une PASS d’une grande ville de région 234

4 LE MODÈLE ORGANISATIONNEL ET LE POIDS DE LA NOUVELLE NORME GESTIONNAIRE ET COMPTABLE 237 4 - 1 Les deux catégories d’acteurs du modèle organisationnel 238

4 - 1 - 1 Les directeurs d’hôpital 238

4 - 1 - 2 Les cadres encadrants 241

4 - 2 Une PASS aux prises avec le modèle organisationnel 242

4 - 2 - 1 Les acteurs de la « Nouvelle gouvernance » 243

4 - 2 - 2 Les partenariats extra-hospitaliers 248

4 - 2 - 3 Une PASS intégrée dans l’hôpital 250

4 - 3 Conclusion partielle 252

CONCLUSION 254

CHAPITRE V — LES PASS DANS LA TOURMENTE DE L’ORGANISATION HOSPITALIÈRE 257

INTRODUCTION 257

1 UN CONTEXTE GÉNÉRAL PEU PROPICE AUX PASS 259

1 - 1 La mesure de l’activité et la pénétration des logiques du New Public Management à l’hôpital 260

1 - 1 - 1 Des mesures de l’activité alternatives révélatrices de la pénétration des logiques

du New Public Management à l’hôpital 262

1 - 1 - 2 Utilisation des outils du New public management pour défendre les PASS dédiées 265

1 - 2 Le blocage des factures et le principe de la gratuité 268

1 - 2 - 1 Un système de facturation à contre-courant 270

1 - 2 - 2 Un blocage des factures à durée variable 273

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1 - 2 - 3 Des PASS où les factures arrivent systématiquement et la distinction entre les « sans droits

potentiels » et les « droits potentiels » 274

1 - 3 L’injonction à l’acquisition d’une couverture maladie 277

1 - 3 - 1 La norme de la couverture maladie 277

1 - 3 - 2 La primauté donnée à l’accès aux soins 279

1 - 4 Un dispositif mal vu et mal connu 281

1 - 4 - 1 Division du travail et conception du soin 283

1 - 5 Conclusion partielle 285

2 NOUVELLE GOUVERNANCE HOSPITALIÈRE : LES PASS EN DIFFICULTÉ 285

2 - 1 La PASS René Barthes 286

2 - 1 - 1 Le délitement du centre René Barthe 286

2 - 1 - 2 Des rapports conflictuels avec la direction 289

a) L’attentisme 289

b) L’attaque 290

2 - 2 La nouvelle gouvernance et le service social 294

2 - 2 - 1 La réduction du service social 294

2 - 2 - 2 Le service social, cheval de Troie de la nouvelle gouvernance 295

2 - 2 - 3 L’ambivalence du travail social à la PASS 299

2 - 3 Conclusion partielle 301

3 LOGIQUES DE LA PROFESSION MÉDICALE ET DÉMANTÈLEMENT DES PASS 302

3 - 1 La PASS Apollinaire 302

3 - 2 La « PASS gynéco » 306

CONCLUSION 308

CHAPITRE VI — L’ESPACE DU SOIN DE LA PRÉCARITÉ ENTRE RÉSISTANCE ET ADAPTATION 311

INTRODUCTION 311

1 STRATÉGIES D’ACQUISITION D’UNE NOUVELLE LÉGITIMITÉ 312

1 - 1 L’appropriation des logiques 314

1 - 1 - 1 Les Réunions de concertation pluri-disciplinaires médicosociales et éthiques 314

1 - 2 La remise en question de la primauté du médical 316

1 - 3 Les normes néo-managériales et financières à l’intérieur de l’espace du soin de la précarité 321

1 - 4 Conclusion partielle 322

2 AUTONOMISATION DE L’ESPACE DU SOIN DE LA PRÉCARITÉ 325

2 - 1 Légitimation scientifique et institutionnelle 325

2 - 1 - 1 La légitimation scientifique et institutionnelle de la PASS par la PASS 325

2 - 1 - 2 Légitimation scientifique et institutionnelle 327

2 - 2 Stratégies de décloisonnement et de fédération et dynamique de spécialisation

professionnelle occupationnelle 331

2 - 2 - 1 Un exemple d’association de professionnels des PASS : l’APPASSRA 331 2 - 2 - 2 Naissance du Collectif PASS : entre logiques professionnelles dominantes et défenses des

normes de l’espace du soin de la précarité 334

2 - 3 Des référents de PASS à la rescousse 337

3 L’INSTITUTIONNALISATION : LE RÔLE DES TUTELLES 339

3 - 1 Des tutelles qui protègent le soin de la précarité 339

3 - 2 Des agents favorables aux PASS isolés dans leur institution 341 3 - 2 - 1 Amandine Cornet, résistante dans la tourmente au siège de l’AP-HP 342

3 - 3 La prise en main du sujet des PASS par les tutelles 343

3 - 3 - 1 À l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris 344

3 - 3 - 2 À l’Agence Régionale de Santé A 346

3 - 3 - 3 À la Direction Générale de l’Offre de Soin 347

3 - 3 - 4 La bataille entre transversal et dédié 347

4 LE RÔLE DE GARDE-FOU : LES ASSOCIATIONS 349

4 - 1 Garde-fous au niveau national 350

4 - 2 Garde-fous au niveau local 352

CONCLUSION 354

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CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE — L’IMBROGLIO DES RAPPORTS DE FORCES DANS LES

PASS 356

1 UNE STRUCTURE PROFESSIONNELLE COMPLEXE 357

1 - 1 Vers un modèle professionnel organisationnel ? 357

1 - 2 Vers une autonomie du soin de la précarité à l’hôpital public ? 359

1 - 3 Une réalité de terrain polymorphe 360

2 ASSOCIATIONS ET POUVOIRS PUBLICS AU SECOURS DE LA PRISE EN CHARGE DE LA PRÉCARITÉ À L’HÔPITAL 361

PARTIE III — UN GOUVERNEMENT BIOPOLITIQUE DE LA QUESTION SOCIALE EN SANTÉ 365

INTRODUCTION DE LA TROISIÈME PARTIE 367

CHAPITRE VII — LES CATÉGORIES DE LA SOLIDARITÉ : CITOYENNETÉ ET PRODUCTION

D’EXCLUSION AUX MARGES DU SYSTÈME DE SANTÉ 370

INTRODUCTION 370

1 État de l’art et spécificité du champ de la santé 371

1 LES PATIENTS SOUS VISA ET LA MÉTAMORPHOSE DU CRITÈRE DE PROXIMITÉ 377

1 - 1 L’assistance : entre « bons » et « mauvais » pauvres 378

1 - 2 L’exception de l’assistance : la raison humanitaire 382

1 - 3 Les dispositions morales face à l’assistance dans un contexte migratoire post-colonial 385

1 - 4 Les limites de l’exception : les soins coûteux 388

1 - 5 Conclusion partielle 389

2 LE PATIENT « FAINÉANT » 391

2 - 1 Les conditions de vie des patients 394

2 - 2 Les limites de l’adaptation : la dimension de contrôle de la PASS 396 2 - 2 - 1 Des problèmes structurels liés à la précarité du statut de séjour 398 2 - 2 - 2 La fragile « ignorance fonctionnelle » entre institutions de santé et institutions policières 399 2 - 3 Focalisation budgétaire et différences de pratiques au sein des PASS 405

2 - 4 Conclusion partielle 406

3 CATÉGORISATION ET INTERACTIONS À LA PASS 407

3 - 1 La mise en récit des patients 408

3 - 2 La négociation avec les patients 410

3 - 2 - 1 Les techniques de contournement et de dissimulation 410 3 - 2 - 2 Le conformisme institutionnel, la supplique et l’honnêteté 413

3 - 3 Contrôle et répression 415

3 - 4 Conclusion partielle 417

4 DISPOSITIONS MORALES DES PROFESSIONNELS 418

4 - 1 Un spectre de dispositions morales larges à l’intérieur duquel s’exerce la solidarité 418 4 - 2 Les dispositions morales de l’équipe : la synergie du groupe et le rôle de la formation des

professionnels 421

CONCLUSION 422

CHAPITRE VIII — AU-DELÀ DE L’ÉTHIQUE, LA DIMENSION BIOPOLITIQUE DE LA PASS 426

INTRODUCTION 426

1 RATIONNEMENT DU SOIN ET EXCLUSION 430

1 - 1 Une passerelle en panne pour certains patients 430

1 - 2 Du provisoire au durable : d’une médecine d’insertion à une médecine du pauvre 434 1 - 2 - 1 Une offre de soin insuffisante et des soins spécialisés distribués de manière incertaine et

bricolée 437

1 - 3 La limite au rationnement des soins : protection de la vie nue et fonction de santé publique 439

!15

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1 - 4 Conclusion partielle 442 2 DÉCISION EN SITUATION DE RATIONNEMENT ET INTÉRIORISATION DU DISCOURS DE CRISE 443 2 - 1 Du glissement des Réunions de concertation pluridisciplinaire - médico sociale et éthique

vers le politique 447

2 - 1 - 1 Un dispositif de prise de décision éthique 448

2 - 1 - 2 Décisions éthiques exposées aux contraintes budgétaires et néo-managériales 451 2 - 1 - 3 Le « partage du pain » ou la décision médicale sous les fourches budgétaires 457

2 - 2 Vers une biopolitique de l’immigration à l’hôpital 462

2 - 2 - 1 Différentes approches de la biopolitique 462

2 - 2 - 2 Une tentative de médicalisation de la question des migrants thérapeutiques ? 464 2 - 2 - 3 Les médecins « aux bords de leur savoir » et la biopolitique de la migration thérapeutique

466

2 - 3 Les implications de la politique du tri 468

2 - 3 - 1 Une visibilisation du phénomène de la migration thérapeutique paradoxale 468 2 - 3 -2 Contraintes, conflits moraux et négociations parmi les équipes 468

CONCLUSION 472

CONCLUSION DE LA TROISIÈME PARTIE —UNE BIOPOLITIQUE DE LA QUESTION SOCIALE 475

CONCLUSION — LA QUESTION SOCIALE EN SANTÉ : UNE TENSION ENTRE INCLUSION ET

EXCLUSION 477

1 LE TRAITEMENT DE LA QUESTION SOCIALE PAR L’ASSISTANCE : ENTRE INCLUSION ET EXCLUSION 478 1 - 1 La fabrication légale de groupes d’exclus parmi les étrangers 479 1 - 2 L’étranglement budgétaires des hôpitaux publics et la distinction entre « sans droits

potentiels » et « droits potentiels » 480

1 - 3 Exclusion et inclusion au cas par cas 482

1 - 4 Les limites de l’exclusion : biolégitimité et biopolitque 483

2 UN PHÉNOMÈNE DE SPÉCIALISATION 485

2 - 1 Les permanences au prisme de l’organisation de l’activité des soins 486 2 - 2 Les mécanismes de protection d’une politique de santé publique 488

3 QUELQUES PERSPECTIVES 489

BIBLIOGRAPHIE 491

TABLE DES ILLUSTRATIONS ET DES ENCADRÉS 519

ANNEXES 521

!16

(18)

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

AAH Allocation adulte handicapé ACS Aide à la complémentaire santé ARE Aide de retour à l’emploi AMD Aide médicale départementale AME Aide médicale d’État

AMG Aide médicale gratuite

AP–HP Assistance publique – Hôpitaux de

Paris

APPASSRA Association des professionnels des permanences d’accès aux soins de Rhône-Alpes

ARH Agence régionale de l’hospitalisation

ARS Agence régionale de santé ASE Assistant socioéducatif ASV Atelier Santé Ville CA Conseil d’adminisation CAF Caisse d’allocation familiale CASO Centre d’accueil, de soins et d’orientation

CCAS Centre communal d’action sociale CEDIT Comité d’évaluation et de diffusion des innovations technologiques CEE Communauté économique européenne

CES Conseil économique et social CESE Conseil économique, social et environnemental

CESEDA Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile CME Commission médicale d’établissement

CHU Centre hospitalier universitaire CHG Centre hospitalier général CIDAG Centre d’informations et de dépistage anonyme et gratuit CILE Comité interministériel de lutte contre l’exclusion

CLAT Centres de luttes anti-tuberculeuse CHST Comité d’hygiène sécurité et conditions de travail

CMU Couverture maladie universelle CMUc Couverture maladie universelle complémentaire

CNLE Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale

CPAM Caisses primaires d’assurance

maladie

CRAMIF Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île-de-France

CREDES Centre de recherche, d’études et de documentation en économie de la

santé

CSAPA Centre de Soins, d’Accompagne- ment et de Prévention en Addictologie

CSP Catégorie socioprofessionnelle DDASS Direction départementales des Affaires sanitaires et sociales DHOS Direction des Hôpitaux et de l’Organisation des Soins DGOS Direction générale de l’offre de

soins

DMS Durée moyenne de séjour DPM Direction de la politique médicale DRASS Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (ancienne

ARS)

DRESS Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques

DRG Diagnosis related groups DU Diplôme universitaire

!17

(19)

EHPAD Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ETP Équivalent temps plein

FSUV Fonds pour les soins urgents et vitaux

GAS Groupe accueil solidarité GH Groupe hospitalier

GHM Groupe homogène de patient GHS Groupe homogène de séjour HDJ hôpital de jour

HEC école des Hautes études commerciales

Loi HPST Hôpital, Patients, Santé et Territoires

INPES Institut national de prévention et d’éducation pour la santé

IRDES Institut de recherche et de documentation en économie de la

santé

IVG Interruption volontaire de grossesse

JO Journal Officiel

MCO Médecine, chirurgie, obstétrique MIG Mission d’intérêt général

MIGAC Mission d’intérêt général et d’aide à la contractualisation

ODSE Observatoire du droit à la santé des étrangers

ONDAM Objectif national des dépenses d’assurance maladie

ONPES Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale

PASS Permanence d’accès aux soins de

santé

PDSH Permanence des soins hospitaliers PHRC Programme hospitalier de recherche clinique

PMI Centre de protection maternelle et infantile

PMSI Programme de médicalisation des systèmes d’information

PRAPS Programmes régionaux pour l’accès à la prévention et aux soins des plus

démunis

PREPS Programme de recherche sur la performance du système des soins PH Praticien hospitalier

PLFSS Projet de loi de financement de la Sécurité sociale

PRAPS Programme régional pour l’accès à la prévention et aux soins

PU-PH Professeur des université - Praticien hospitalier

RMI Revenu minimum d’insertion RMO Références médicales opposables RSA Revenu de solidarité active RCP-MSE Réunion de concertation pluri- disciplinaire - médical, social et éthique

SAMU Service d’aide médicale urgente SMG Syndicat des médecins généralistes SMUR Structure mobile d’urgence et de réanimation

SSR Soins de suite et de réadaptation T2A Tarification à l’activité

UCSA Unité de consultation et de soins ambulatoires (en prison)

UE Union Européenne UF Unité de facturation

Uniopss Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

!18

(20)

!19

(21)

!20

(22)

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Florent Picard (juriste d’une association qui milite pour l’accès aux soins des personnes exclues du

système de santé) : «

 

Pourquoi on a créé un système qui crée des gens sans droits mais qui dit qu'en même temps il y a un dispositif pour payer ? Enfin je veux dire, il y a un truc un peu… Disons qu'il y a une contradiction en disant “on va faciliter l'accès aux soins et en même temps on met des obstacles à l’accès”. Et forcément les deux discours, enfin la création... Ça peut être intéressant de travailler la question : pourquoi on crée un obstacle et puis on offre une solution ? Est-ce que c'est vraiment pour ouvrir... Enfin c'est quoi l'objectif de tout ça ? […] Bah, c'est un peu un cache sexe parfois la PASS (Permanence d’accès aux soins de santé). Non, mais ça peut avoir une utilité, mais ça a un côté, on vous dit qu'il y a des gens qui vont pas avoir un vrai accès aux soins et après on vous dit : “mais on crée un dispositif pour que ces gens qui ont pas un vrai accès aux soins, ils en aient un”.

 

»

1

Le système de santé français repose sur un large système d’assurance public. Ce qu’on appelle par synecdoque la «   Sécurité sociale   » ou la «   Sécu   » protège 91 % de la population contre le risque maladie et couvre plus des trois quarts des dépenses liées à la consommation de soins et de biens médicaux . Afin de lutter contre les inégalités sociales de santé, cette

2

protection est augmentée pour les personnes à bas revenus. Ainsi, grâce à la Couverture maladie universelle et sa complémentaire (CMUc), les personnes pauvres ont droit à une assurance

3

maladie couvrant intégralement la plupart des soins de santé. Cela va même plus loin puisque la France, se distinguant par là de la plupart des autres pays occidentaux, offre une couverture maladie gratuite pour les personnes résidant en France en situation irrégulière (Aide médicale d’État, AME).

Pourtant, depuis quelques années les établissements publics de santé français doivent faire face à l’augmentation de la pauvreté et aux difficultés croissantes d’accès aux soins de certaines catégories de la population . Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS),

4

dispositifs créés grâce à la loi de lutte contre les exclusion de 1998, témoignent de la pérennité de cette situation puisqu’elles accueillent des patients dont l’accès aux soins est rendu difficile, notamment en raison d’une absence de couverture maladie. Ainsi, alors même que l’assurance maladie offre théoriquement une couverture pour tous, certains continuent

Extrait d’entretien réalisé en Mars 2012, nom anonymisé.

1

Direction de la Sécurité sociale, « Les chi

ff

res clés de la Sécurité sociale 2014 », 2015. La « consommation de soins et de biens médicaux

2

comprend les soins hospitaliers, les soins ambulatoires (médecins, dentistes, auxiliaires médicaux, laboratoires d'analyse, thermalisme), les transports sanitaires, les médicaments et les autres biens médicaux (optique, prothèses, petit matériel et pansements) » (Insee, https://www.insee.fr/fr/

metadonnees/definition/c1485, consulté le 11 février 2017).

Le plafond de revenus est fixé par l’assurance maladie à 721

mensuel net pour une personne seule.

3

Dodier, Nicolas et Agnès Camus, « L’hospitalité de l’hôpital », Communications, vol. 65, n° 1, 1997b, p. 109-119.

4

!21

(23)

d’être écartés du système de santé traditionnel et contraints de recourir à des dispositifs d’assistance. C’est ce paradoxe qu’évoque Florent Picard, salarié d’une association militant pour l’accès aux soins et aux droits des étrangers dans l’extrait d’entretien mis en exergue et que nous proposons d’explorer.

La présente recherche étudie le traitement de la question sociale dans le domaine de

5

la santé. Pour ce faire, une enquête ethnographique a été réalisée à l’hôpital public au sein de Permanences d’accès aux soins de santé (PASS). Ces dernières se prêtent particulièrement à notre objet d’étude car elles accueillent précisément ceux qui se situent à la marge du système de santé. Les PASS sont des dispositifs créés au sein d’établissements publics de santé qui visent à accueillir les personnes en situation de précarité, à faciliter leur accès au système de santé et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits en matière de santé. À travers leur étude, il s’agit de comprendre les inégalités sociales de santé que révèle l’ouverture de l’hôpital, depuis bientôt deux décennies, à la gestion médico-sociale des publics rencontrant des difficultés d’accès aux soins. Quelles sont ces inégalités sociales de santé ? D’où viennent-elles ? Comment fonctionnent-elles ? Comment se reproduisent-elles ? D’autre part, nous nous pencherons plus précisément sur la PASS en tant que dispositif de santé visant à prendre en charge des personnes exclues par ailleurs du système de santé et à lutter contre les inégalités sociales de santé. Par quoi se caractérise la lutte contre l’exclusion dans le domaine de la santé ? Quelles sont ses fonctions ? Comment se réalisent-elles à l’hôpital ? Quels sont les effets de l’organisation hospitalière contemporaine sur le traitement de la question sociale ? Avant de présenter plus précisément l’articulation de la réflexion autour de ces questions, il nous faut circonscrire notre objet dans son champ de recherche.

Castel, Robert, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Gallimard, coll. « Collection Folio/Essais », (1995)

5

2007, 813 p.

!22

(24)

1 CONSTRUCTION DE L’OBJET DE RECHERCHE

1 - 1 Les inégalités sociales de santé

«

 

Je conçois dans l'espèce humaine deux sortes d'inégalité ; l'une que j'appelle naturelle ou physique, parce qu'elle est établie par la nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du corps, et des qualités de l'esprit, ou de l’âme, l'autre qu'on peut appeler inégalité morale, ou politique, parce qu'elle dépend d’une sorte de convention, et qu'elle est établie, ou du moins autorisée par le consentement des hommes. Celle-ci consiste dans les différents privilèges, dont quelques-uns jouissent, au préjudice des autres, comme d'être plus riches, plus honorés, plus puissants qu'eux, ou même de s'en faire obéir.

 

»

6

Le thème de la question sociale en santé ne peut être abordé sans poser en amont le constat des inégalités sociales de santé et des inégalités dans l’accès aux soins et expliquer le postula normatif sur lequel il repose. Ce postula est celui de l’existence d’inégalités sociales à l’intérieur d’une société stratifiée entre des individus ou des groupes sociaux dont les différences s’expriment en termes d’avantages ou de désavantages et qui fondent une hiérarchie entre ces individus ou groupes. Ainsi, ce constat des inégalités sociales de santé intègre une compréhension normative de la (bonne) santé par rapport à laquelle se fondent les inégalités .

7

Les recherches en sciences sociales faisant le lien entre la thématique de la santé et la question des inégalités sociales se sont développées à partir de la seconde moitié du

XXe

siècle. Si on peut retracer les origines de ses études plus loin dans le temps avec le début de l’épidémiologie au début du

XIXe

siècle , voire à l’époque des Lumières , c’est surtout à partir

8 9

des décennies 1970 et 1980 que la sociologie s’empare de cette thématique à travers l’essor des études sur les inégalités sociales de santé. Le «   rapport Black   » publié en 1980 est souvent

10

cité comme l’étude pionnière mettant en évidence des inégalités sociales de santé sur la période contemporaine. Il souligne «   l’accroissement dans le temps des inégalités sociales

Rousseau, Jean-Jacques, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Amsterdam, Pays-Bas, J. J. Rey, 1763

6

(introduction).

Pour une analyse de la vision normée de la lecture des déterminants des inégalités sociales de santé, nous renvoyons à la thèse de Rode,

7

Antoine, « Le “non-recours” aux soins des populations précaires. Constructions et réceptions des normes », Thèse de doctorat, Université de Grenoble, France, 2010, 506 p.

Voir par exemple les travaux de René-Louis Villermé en France ou ceux de Friedrich Engels au Royaume-Uni qui font le lien entre pauvreté

8

et morbidité et mortalité dans les milieux ouvriers. Villermé, Louis-René, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers: employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Lyon, France, (1840) 2007, 191 p. ; Engels, Friedrich, La Situation de la classe laborieuse en Angleterre, Paris, France, Ed. sociales, (1844) 1960, 411 p.

Ramsey, M., Professional and Popular Medicine in France, 1770-1830, Cambridge University Press, New York, 2002, cité par Bourdelais,

9

Patrice, « Histoire de la santé publique », in Fassin, Didier et Boris Hauray, Santé Publique. L’état des savoirs, Paris, La Découverte, 2010, p.

317-328 (p.15). Voir aussi Aïach, Pierre et Dominique Cèbe, « Chapitre 6. Les inégalités sociales de santé. Une injustice inéluctable ? », in Aïach, Pierre, Les inégalités sociales de santé : écrits, Paris, Economica

: Anthropos, 2010, 280 p. (p. 83-110).

Black, Douglas et Margaret Whitehead, Inequalities in health. The Black Report, London, Penguin Books, Ltd., (1980) 1992, 450 p.

10

!23

(25)

devant la mort […] et le rôle des services de santé dans la production de ces inégalités   » . En

11

France, une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) met en évidence des résultats similaires dès les années 1960 à l’occasion des premières enquêtes sur la mortalité sociale . Ces enquêtes sont rendues possible par le développement

12

des études statistiques de la population et les découpages en catégories socio-professionnelles (CSP). Ces premiers travaux servent de base à ceux qui suivront et qui continuent à suivre en grand nombre expliquant les inégalités sociales de santé en utilisant principalement le filtre des classes sociales et des CSP. Ils mobilisent de nombreux facteurs explicatifs : différences au niveau des conditions de travail, des conditions et des modes de vie, de la consommation médicale (dont les inégalités d’accès aux soins et aux droits, le renoncement aux soins, le recours tardifs aux soins, etc) .

13

Les inégalités sociales de santé ont été théorisées comme étant le produit final et complexe des autres inégalités sociales, qu’elles soient de nature matérielle ou culturelle .

14

Leur existence et leur persistance posent de manière normative la question de la « justice sociale   ». Les déterminants de ces inégalités de santé sont à identifier dans les rapports existant entre les inégalités sociales et l’état de santé à travers des désavantages directement liés à l’appartenance sociale mais aussi indirectement liés, dans la mesure où ils transitent par des médiations en rapport avec cette appartenance . Il existe deux conditions pour pouvoir parler

15

d’inégalités sociales de santé. Il doit d’abord s’agir d’un objet socialement valorisé (la vie face à la mort, la santé et le sentiment de bien-être face à la maladie, le handicap, la souffrance psychique et physique, etc.)   ; cela doit ensuite concerner des groupes sociaux hiérarchisés selon une position dominant/dominé : des CSP, des groupes différenciés en fonction du revenu, du patrimoine, du niveau d’instruction, mais aussi en fonction du sexe et de l’origine

Aïach et Cèbe, op. cit., 2010.

11

Calot, Gérard et Maurice Febvay, « La mortalité di

ff

érentielle suivant le milieu social. Présentation d’une méthode expérimentée en France

12

sur la période 1955-1960. Premiers résultats », Études et conjonctures, n° 11, 1965.

Le champ de recherche sur les inégalités sociales de santé est très large. Pour un aperçu des travaux réalisés dedans, on peut se référer au

13

rapport Potvin, Louise, Marie-José Moquet et Catherine M. Jones, « Réduire les inégalités sociales en santé », Inpes, 2010. Pour un aperçu de ce champ de recherche, on peut également se référer Aïach, Pierre et Didier Fassin, « L’origine et les fondements des inégalités sociales de santé », La Revue du praticien, vol. 54, n° 20, 2004, p. 2221-2227. Voir également Leclerc Annette, Fassin Didier et Grandjean Hélène (eds.), Les inégalités sociales de santé, Paris, La Découverte

: Inserm, 2000, 448 p.

Bartley, Mel, Health Inequality: An Introduction to Concepts, Theories and Methods, Hoboken, Wiley, 2004, 228 p.

14

Aïach et Fassin, op. cit., 2004.

15

!24

(26)

géographique . C’est cette conception que nous adoptons pour décrire les inégalités sociales

16

de santé dans les PASS.

Les travaux de Luc Boltanski sur les usages sociaux du corps et la consommation médicale sont précurseurs dans le champ des inégalités sociales de santé . En étudiant la

17

diffusion de la culture savante (à l’exemple du savoir médical) dans une société hiérarchisée et stratifiée, l’auteur s’est intéressé aux relations entre médecins et patients issus des classes populaires. Il montre que le rapport malade-médecin qui s’établit est avant tout un rapport de classe. La proximité sociale et culturelle entre les médecins et les milieux favorisés offrent à ces derniers un rapport plus favorable à la médecine, alors que les membres des classes populaires font face à une distance sociale et culturelle qui les désavantage dans leur rapport à la médecine. Cette distance entraîne également des pratiques différenciées de la part des médecins qui prennent moins de temps pour «   expliquer   » leurs pratiques aux patients qu’ils jugent incapables de les comprendre. Le rapport de ces médecins aux classes populaires s’exerce donc sur un mode davantage autoritaire. Enfin, L. Boltanski montre que les usages sociaux du corps des classes populaires reposent sur leurs perceptions du corps, des symptômes, de la maladie, etc. qui sont déterminés par leur position sociale. Les classes populaires portent un regard moins conscient à leur corps, moins médicalisé que les classes aisées. La valorisation qui est faite de la force physique par exemple pousse à nier les états de fatigue ou à répugner à se sentir malade. De même, la façon de verbaliser un symptôme, de localiser la souffrance, ou même de somatiser, est en partie déterminée par la socialisation.

À l’inverse, les classes aisées ont une perception et une verbalisation de ce qui a trait au corps plus proches du monde médical.

Voir Aïach, Pierre, « Chapitre 7. De la justice sociale et des inégalités de santé : un couple indissociable », in Aïach, op. cit., 2010, p. 111-131.

16

Des travaux plus récents ont élargi l’étude des inégalités aux rapports de genre et de race. Voir les travaux de Marguerite Cognet sur les relations ethniques appliquées au domaine de la santé, la thèse de Dorothée Prud’homme sur les représentations et les pratiques mises en œuvre par les professionnels hospitaliers à l’égard de patients qu’ils identifient comme roms ou encore la thèse d’Estelle Carde sur les discriminations selon l’origine ethnique dans l’accès aux soins. Prud’homme, Dorothée, « La racialisation en urgence: représentations et pratiques des professionnels hospitaliers à l’égard des patients présumés roms (2009-2012) », Thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2015 ; Carde, Estelle, « Les discriminations selon l’origine dans l’accès aux soins: Etude en France métropolitaine et en Guyane française », Thèse doctorat, Université de Paris-Sud. Faculté de médecine, Le Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne, 2006b, 539 p. ; Cognet, Marguerite, Migrations, groupes d’origines et trajectoires:

vers une ethnicisation des rapports socioprofessionnels

?

: une étude de cas dans un établissement public de santé de la région Ile-de-France, Lille, Atelier national de Reproduction des Thèses, 1999. Un tout récent numéro spécial de la revue Agone (n° 58, 2016) sur les inégalités de santé coordonné par Maud Gelly et Laure Pitti reflète bien l’actualité des recherches en sciences sociales sur ces thématiques. On peut notamment lire leur introduction au numéro : Gelly, Maud et Laure Pitti, « Une médecine de classe

? Inégalités sociales, système de santé et pratiques de soins », Agone, n° 58, 29 Juin 2016, p. 7-18.

Boltanski, Luc, « Les usages sociaux du corps », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 26, n° 1, 1971, p. 205-233 ; Boltanski Luc, La

17

découverte de la maladie. La di

usion du savoir médical, Paris, Centre de sociologie européenne, 1968, 220 p.

!25

(27)

1 - 2 Les inégalités sociales de santé à l’hôpital

D’autres recherches ont élargi les études sur les inégalités sociales de santé à l’organisation hospitalière et à la profession médicale. En se basant sur des enquêtes qualitatives de type ethnographiques, elles montrent les mécanismes complexes qui conduisent à l’augmentation de ces inégalités. À partir d’une enquête effectuée dans deux services d’hôpitaux parisiens, un service de médecine général accueillant des patients démunis et un service de chirurgie, Claudine Herzlich montre que le degré d’autonomie des médecins s’établit en fonction de leur degré de spécialisation et de la sélectivité du recrutement de leurs patients. Ainsi, les médecins du service de médecine générale perdent en pouvoir dans l’institution hospitalière en raison de leur faible spécialisation et de l’absence de sélection des patients. La hiérarchisation des patients est un résultat de ce phénomène : les patients tout-venants, qui ne sont pas sélectionnés, sont tout en bas de l’échelle et les patients qui représentent des «   beaux cas   », dont la valeur mobilisatrice de la maladie est importante, sont valorisés.

«

 

Tout se passe comme si, bien que la sécurité assure l’accès de tous à l'hôpital dans des conditions identiques, l'on retrouvait dans l'institution actuelle les traces de l’ancienne différenciation entre une médecine des riches, centrée sur la relation individuelle entre un médecin à haut statut professionnel et son client, et une médecine des pauvres, médecine publique et anonyme des grands nombres, abandonnée aux membres les moins prestigieux de la profession

 

» .

18

Ce constat sur l’évolution de l’institution hospitalière rejoint celui fait par Antoinette Chauvenet à la même période sur les effets combinés de la «   rationalisation financière, économique et organisationnelle   » et de «   l’industrialisation   de la production   » (entraînant des phénomènes de spécialisation, technicisation et rationalisation de l’activité hospitalière).

Elle prédit une augmentation des inégalités sociales dans la consommation des soins.

«   L’organisation technique de la distribution des moyens   » à l’hôpital engendre de l’inégalité sociale inscrite dans des filières de soins inégales, une sélection des patients socialement différenciée, une répartition inégale des équipements entre les services à travers la hiérarchie technique des hôpitaux et des spécialités. L’inégalité est induite par le «   décalage entre le principe de déontologie médicale selon lequel chaque malade sans distinction doit pouvoir bénéficier de toutes les conquêtes des sciences médicales et les possibilités concrètes de réaliser ce principe   » . En définitive, la modernisation du système de santé décrite par Antoinette Chauvenet

19

Herzlich, Claudine, « Types de clientèle et fonctionnement de l’institution hospitalière », Revue française de sociologie, vol. 14, n° 1, 1973,

18

p. 41-59 (p. 57).

Chauvenet, Antoinette, « Idéologies et statuts professionnels chez les médecins hospitaliers », Revue française de sociologie, vol. 14, n

1,

19

1973a, p. 61-76, (citations p. 61 et 62).

!26

(28)

alimente une tendance vers une «   médecine de classe   ». L’hôpital renferme plusieurs médecines hiérarchisées auxquelles correspond un système de sélection médico-administratif :

«

 

À côté d’une médecine à haute technicité, de services très spécialisés existent une médecine de masse, soumise au rendement économique et social, et une filière clandestine d’abandon médical et de relégation sociale

 

» .

20

Nicolas Dodier et Agnès Camus feront un constat similaire vingt ans plus tard dans leur enquête dans un service d’urgences hospitalières. Ils observent les effets de la spécialisation et concluent qu’elle conduit à une plus grande sélection des patients, une tendance à l’écartement de la fonction sociale traditionnelle et une mobilisation différenciée des personnels de santé selon les demandes et les profils sociaux des patients (tendance à dévaloriser les demandes perçues comme «   non médicales   » qui sont souvent celles des patients démunis) . Plus récemment, le

21

travail de Nicolas Belorgey sur l’arrivée du new public management (NPM) à l’hôpital public au travers des réformes construisant la nouvelle gouvernance hospitalière laisse entrevoir l’accroissement des inégalités d’accès aux soins et aux services de santé provoqué par la standardisation des pratiques médicales aux dépens des patients les moins bien dotés socialement et économiquement. Il montre néanmoins que ces réformes ne s’appliquent pas de manière uniforme et qu’elles font l’objet de résistance de la part de nombreux professionnels .

22

Mais ce travail n’ayant pas pour objet spécifique l’étude des inégalités sociales de santé, il n’en explore les ressorts qu’en périphérie.

D’autres travaux ont étudié les effets du tournant néo-managérial dans les administrations de l’État social remplissant des missions auprès de publics précaires . Les phénomènes de

23

«   dualisation   » des services publics qui se divisent entre des dispositifs destinés à l’ensemble de la population «   suivant des normes d’efficacité gestionnaire   » et des services spécifiques réservés aux plus démunis entrainent des représentations culturalistes des publics les plus démunis. Ces derniers sont compris comme «   difficiles   », voire «   agressifs   » renforçant leur stigmatisation et permettent «   un désengagement discret des institutions publiques   au nom même de l’amélioration du service aux populations “en difficulté” » . La course à la productivité et à la rationalisation

24

Chauvenet, Antoinette, Médecines au choix, médecine de classes, Presses universitaires de France, 1978, 255 p. (p. 14) cité par Carricaburu,

20

Danièle et Marie Ménoret, Sociologie de la santé. Institutions, professions et maladies, Paris, France, A. Colin, 2004, 235 p. (p. 22).

Dodier, Nicolas et Agnès Camus, « L’hospitalité de l’hôpital », Communications, vol. 65, n° 1, 1997b, p. 109-119.

21

Belorgey, Nicolas, L’hôpital sous pression, Paris, La Découverte, 2010, 330 p.

22

Voir Martin, Pascal, Les métamorphoses de l’assurance maladie: conversion managériale et nouveau gouvernement des pauvres, Rennes, PUR,

23

2016, 243 p. ; Gabarro, Céline, « Les demandeurs de l’aide médicale d’État pris entre productivisme et gestion spécifique », Revue européenne des migrations internationales, vol. 28, n° 2, 2012b, p. 35-56 ; Siblot, Yasmine, Faire valoir ses droits au quotidien. Les services publics dans les quartiers populaires, Paris, France, Science Po, les Presses, 2006, 347 p.

Siblot, Yasmine, « “Adapter” les services publics aux habitants des “quartiers difficiles”. Diagnostics misérabilistes et réformes libérales », Actes de

24

la recherche en sciences sociales, vol. 159, n° 4, 2005, p. 70-87 (citations p. 71 et 87).

!27

(29)

tend par ailleurs à cantonner les personnes aux situations complexes dans des circuits spécifiques sous-dotés et embouteillés limitant leur accès aux droits et aux prestations.

Notre enquête propose d’étudier plus en avant les effets de l’organisation hospitalière

25

sur la prise en charge des plus démunis ; à la suite de ces travaux, nous nous intéresserons en priorité aux effets de l’organisation professionnelle et des réformes néo-managériales. De manière générale, en contraste avec les travaux cités ci-dessus qui ont abordé les inégalités sociales de santé à l’hôpital de manière détournée comme un résultat d’autres phénomènes qu’ils étudiaient principalement (les changements organisationnels de l’hôpital), notre étude propose de se pencher sur un dispositif ayant pour objectif annoncé de réduire les inégalités sociales de santé, notamment celles produites à et par l’hôpital. Il s’agira, par là, d’identifier la tension contenue dans l’institution hospitalière entre un modèle organisationnel producteur d’inégalités sociales de santé et la mission que s’est donnée cette institution de combattre ces inégalités.

1 - 3 L’assistance : traitement de la question sociale en santé et gouvernement des pauvres

« La “question sociale” est une aporie fondamentale sur laquelle une société expérimente l’énigme de sa cohésion et tente de conjurer le risque de sa fracture. Elle est un défi qui interroge, remet en question la capacité d’une société (ce qu’en termes politiques on appelle une nation) à exister comme un ensemble lié par des relations d’interdépendance.

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»

En mettant en scène l’action de la société afin de lutter contre ces inégalités sociales de santé, les Permanences d’accès aux soins invitent à s’interroger sur la fonction de cette action en termes de régulation de l’ordre social et de gouvernement des populations qu’elles accueillent.

La PASS est une structure assistancielle qui accueille ceux que la littérature sociologique appelle depuis les années 1990 les «   désaffiliés   » ou les «

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  disqualifiés   ». Les concepts de

«   désaffiliation   » et de «   disqualification   » définissent sociologiquement ce que le   sens commun appelle «   l’exclusion   » depuis les années 1980. Serge Paugam parle ainsi de «   disqualification   » afin de souligner le caractère multidimensionnel, dynamique et évolutif de la pauvreté et le statut social des pauvres pris en charge au titre de l’assistance . Ce concept s’appuie sur la définition

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de la pauvreté construite par Georg Simmel. Ce dernier comprend la pauvreté comme une notion relative (la pauvreté est une condition relative dans le temps et l’espace, mais aussi par rapport

Nous entendons par « organisation hospitalière » tous les éléments qui ont trait à la réalisation de ses activités.

25

Castel, Robert, op. cit., 2007, p. 25.

26

Castel, op. cit., 1995, p. 28 et suiv.

27

Paugam, Serge, La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvreté, Paris, PUF, (1991) 2009, 256 p.

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(30)

au milieu social) qui se caractérise par la relation d’un individu à l’assistance . Ainsi, pour

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S.   Paugam, «   la pauvreté n’est pas seulement l’état d’une personne qui manque de biens matériels, elle correspond également à un statut social spécifique, inférieur et dévalorisé   »

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et ce sont les relations d’assistance qui confèrent ce statut social au pauvre. D’après S. Paugam, la pauvreté n’est pas une condition objective, mais une catégorie qui émerge à travers une définition socialement construite qui place le «   pauvre   » au bas de l’échelle sociale et lui attribue une identité stigmatisante, celle d’assisté. Robert Castel parle, quant à lui, de la désaffiliation, «   c’est-à-dire [du] décrochage par rapport aux régulations à travers lesquelles la vie sociale se reproduit et se reconduit   » . Cette notion est assez proche de celle de S.

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Paugam, mais elle insiste sur la dimension dynamique : la désaffiliation est l’aboutissement d’un processus. En ce sens, elle se distingue d’une vision duale entre exclusion et inclusion. Au contraire, les individus occupent des places au sein d’un «   continuum de positions qui coexistent dans un même ensemble et se “contaminent” les unes les autres   ». Il précise que :

«

 

l’exclusion n’est pas une absence de rapport social mais un ensemble de rapports sociaux particuliers à la société prise comme un tout. Il n’y a personne en dehors de la société, mais un ensemble de position dont les relations avec son centre sont plus ou moins distendues

 

» .

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Nous reprenons à notre compte la notion de désaffiliation développée par R. Castel pour

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étudier la question sociale dans le domaine de la santé. C’est dans ces termes relationnels et dynamiques que nous comprenons également le concept d’exclusion dans ce travail de thèse.

Ce dernier est mobilisé afin de souligner la dialectique entre inclusion et exclusion très présente dans la question sociale et que nous tenterons de dépasser.

L’étude de la question sociale contemporaine met en miroir la désaffiliation et l’exclusion sociale avec une autre notion, celle de précarité, elle aussi apparue dans les années 1980. Le diagnostic établi de cette nouvelle «   question sociale   » lie la «   précarité   » et l’«   exclusion   sociale   » à des «   risques   » et de l’«   insécurité   » ; il rencontre un fort succès, à la fois dans le monde politique , associatif et scientifique . Il constitue depuis lors la manière principale de lire la

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Simmel, Georg, Les pauvres, Paris, Presses universitaires de France, (1907) 2005, 102 p.

29

Paugam, op. cit., 2009, p. 15.

30

Castel, Robert, La montée des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu, Paris, Éditions du Seuil, 2009, 460 p. (citation p. 292).

31

Castel, op. cit., 2007, p. 715.

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Nous préférons la notion de désaffiliation à celle de disqualification car cette dernière est utilisée par S. Paugam pour étudier les

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phénomènes de subjectivité et d’intériorisation d’identité dévalorisée, alors que la première vise à décrire les mécanismes sociaux menant à l’exclusion sociale produit, comme nous proposons de le faire dans ce travail.

Wresinski, Joseph, « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », Conseil Économique et Social, 1987.

34

Viguier, Frédéric, « Les paradoxes de l’institutionnalisation de la lutte contre la pauvreté en France », L’Année sociologique, vol. 63, n° 1, 2013,

35

p. 51-75 ; Viguier, Frédéric, « La cause des pauvres

: mobilisations humanitaires et transformations de l’État social en France (1945-2010) », thèse de doctorat de sociologie, Paris, EHESS, 2010.

Paugam, op. cit., 2009 ; Pétonnet, Colette, « La pauvreté dans les pays riches », Points d’Histoire, 1987, p. 120-126.

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