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Langues vivantes : « nouveau coup de poignard dans le dos »

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Academic year: 2021

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Langues vivantes : « nouveau coup de poignard dans le dos »

Je suis professeur d’Anglais au lycée Camille Pissarro de Pontoise et enseigne depuis 7 ans.

De nombreux changements ont été opérés dans l’enseignement des langues vivantes depuis ma première rentrée au lycée en 1999, changements qui ont, dans ce court laps de temps, complètement modifié nos objectifs, notre rapport à la matière ainsi que notre manière d’enseigner.

Le projet de réforme Fillon plaçait l’Anglais (je devrais dire l’ « Anglais de Communication Internationale ») parmi les disciplines principales d’un socle commun de connaissances en proposant notamment le dédoublement systématique des cours de langues en terminale. Monsieur de Robien revient sur la proposition Fillon, supprime tous les dédoublements, y compris ceux dont les élèves bénéficiaient jusque là, et impose la mise en place de cours par groupe de vingt élèves.

Valérie Saint-Genis, une collègue de Philosophie, est venue m’interroger constatant que cette mesure imposée en toute fin d’année scolaire ne me réjouissait pas alors que nous réclamons depuis des années la réduction du nombre d’élèves par groupe.

Je retranscris ici notre entretien.

Est-ce que les groupes de 20 évitent les mélanges incohérents entre sections différentes et préparations différentes au BAC (du type préparation à l’oral et à l’écrit dans le même groupe) ?

 La constitution de groupes de 20 va être un exercice périlleux, c'est évident. Les "mélanges incohérents" sont donc loin d'être exclus dans la mesure où il faudra bien faire avec les moyens attribués par la Dotation Horaire Globale. La tendance pourrait même être accentuée : il faudra remplir les groupes pour que les heures soient rentables, car, dans certains cas, cette réforme est coûteuse en heures mais, soyons clair sur un point, les élèves, eux, ne récupèrent pas l’heure perdue depuis la réforme Allègre.

Quelle est la réelle différence avec les dédoublements si nous travaillons avec des classes à 35 élèves ?

 Les professeurs de L.V. ne travailleront plus avec des classes à 35 élèves en terminale générale mais avec des groupes de 20 constitués parfois à partir de plusieurs classes. L'heure de dédoublement, quant à elle, permettait de mettre l'accent sur l'oral autour d'activités favorisant l'individualisation de l'enseignement, le travail méthodologique pour la préparation du bac, de recherche documentaire sur Internet, etc.. A 15 par groupe, c'est une heure souvent très efficace pour les élèves ; à 20, le rapport à l'élève est complètement différent et les activités de groupe sont beaucoup plus difficiles à mettre en place : 20 élèves, c'est, par exemple, deux de trop pour le laboratoire de langue et pour la majorité des salles multimédia. A l’heure où le ministère vante l’utilisation des nouvelles technologies, quelle incohérence ! J’ajoute que la suppression des dédoublements qui semble programmée en SES est également incohérente de ce point de vue là.

Le nombre de groupes me paraît juste par rapport au nombre d’élèves par classe. Comment s’effectue la composition ?

 Il n'y a aucun principe de composition: le groupe doit être constitué de 20 élèves, c'est la seule contrainte à respecter. Mais, à terme, dans le nouveau cadre européen, c’est-à-dire de l’évaluation par compétences, on pourrait voir émerger de nouveaux groupes, à géométrie variable, constitués selon des critères de réussite ou d’échec dans certains types de compétences. Les groupes de compétences nous rappellent évidemment les modules de seconde, soi-disant « groupes de besoins », et à une expérience… à moitié abandonnée ! A moitié car, comme vous le savez, les évaluations à l’entrée de seconde qui servaient à constituer les groupes de modules ont purement et simplement été supprimées par le ministère depuis trois ans! Où est donc la cohérence ?!

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Y a-t-il un but officiellement énoncé ?

 Non, je ne crois pas. Le ministère s'empêtre tout simplement dans ses promesses démagogiques. Le groupe de 20 est présenté comme une mesure compensatoire. Nous savions bien au moment où nous étions présentés comme les"grands gagnants de la réforme Fillon" (alors qu'en fait nous faisons à nouveau partie des grands perdants et ce depuis celle de M. Allègre en 2000!) que le dédoublement systématique des cours de terminale ne serait jamais financé. Il s’agit encore une fois de faire des économies. Force est de le constater, le principe de gestion comptable gouverne bon nombre de nos décisions.

N'oublions pas que nous sommes dans la deuxième phase du mouvement de décentralisation : le poids de la Région est de plus en plus fort. Chaque politique académique dépend de ses moyens financiers. Qu’en sera-t-il dans des académies pauvres en moyens ? La voie est officiellement ouverte pour un enseignement à plusieurs vitesses.

Quels sont les changements de conditions de travail pour les professeurs ?

 Nous n’effectuerons pas plus d'heures de cours devant élèves évidemment, mais nous aurons plus de groupes, donc des difficultés de suivi pédagogique supplémentaires. Il faut également noter que le nombre de nos préparations va augmenter. En moyenne, il faut rajouter une préparation supplémentaire pour chaque professeur, ce qui, pour les certifiés surtout, alourdit considérablement la charge de travail.

Cette division des classes en groupes de 20 va de plus nous exclure partiellement des équipes pédagogiques. En effet, comment mener un travail interdisciplinaire ou tout simplement avoir le sentiment de faire partie d’une équipe pédagogique si nous n'avons qu'une partie de la classe? Et dire qu'on nous vante les mérites de l'interdisciplinarité!

Qu’en est-il de la question de la baisse du niveau des élèves ? Discours nostalgique de l’enseignant frustré ou réalité ?

Depuis la réforme 2000, l’horaire-élève hebdomadaire est dans la majorité des cas inférieur au minimum vital de 3h en première et en terminale, seuil en dessous duquel, aucun progrès n’est possible car les élèves ne sont pas suffisamment exposés à la langue. Quant au niveau des élèves, il a évidemment baissé, aucun doute sur ce point ; certaines sections ont perdu l’équivalent d’UNE ANNEE ENTIERE d’anglais. Seuls les bons élèves s’en sortent car ce sont ceux qui sont déjà « sur les voies de l’autonomie » ; quant aux autres, inutile de s’appesantir sur l’ampleur des difficultés qu’ils doivent affronter.

En bref, le mouvement est celui-ci : supprimer des heures d’enseignement et saupoudrer ici et là un peu de soutien en fonction des moyens restants pour donner l’impression de combler les brèches alors que ce sont des gouffres qui sont en train de se constituer ! Et quant à moi, pour qui l’école a été un moyen d’ascension sociale par rapport à mes origines ouvrières, je déplore que toutes ces mesures nous amènent à tirer cette unique conclusion : l’école ne participe pas à la réduction des inégalités sociales mais au creusement du fossé (un récent rapport de l’Observatoire des Inégalités en atteste très clairement). En somme, cette nouvelle mesure, c’est un nouveau coup de poignard dans le dos.

Vincent Chabenat, professeur d’anglais

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