• Aucun résultat trouvé

La compétence de la Cour pénale internationale en Afrique : quelle légitimité ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La compétence de la Cour pénale internationale en Afrique : quelle légitimité ?"

Copied!
27
0
0

Texte intégral

(1)

LA COMPETENCE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE EN AFRIQUE : QUELLE LEGITIMITE ?

Par

Lionel Darnel KONABEKA EKAMBO APETO Docteur en Droit international

Enseignant-Chercheur à la Faculté de Droit de l’Université Marien NGOUABI de Brazzaville Chef de département des Licences

Membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme de la République du Congo

RESUME

La Cour pénale internationale a été mise en place par le Traité de Rome conclu le 17 juillet 1998 et entré en vigueur le 1er juillet 2002. Cette juridiction internationale est chargée de punir les auteurs des crimes internationaux les plus graves afin de participer dans la mesure du possible au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Dès sa mise en place, elle s’est montrée très active dans la lutte contre l’impunité en Afrique. C’est alors qu’elle a bénéficié de la coopération des Etats africains, qui n’ont pas hésité de lui déférer des situations nationales afin qu’elle poursuive les auteurs présumés de crimes qui relèvent de sa compétence. Cependant, à l’heure actuelle, les relations entre la CPI et l’Afrique se sont dégradées au point que l’Union africaine propose un palliatif en mettant en place une Cour pénale africaine. L’objectif de cette étude consiste à montrer que si la CPI a été perçue comme un instrument de lutte contre l’impunité, il reste qu’en Afrique aujourd’hui, elle est vue comme un instrument d’impérialisme judiciaire.

Mots clés : Cour pénal internationale, Crime de guerre, crime contre l’humanité, génocide, Chambres africaines extraordinaires.

ABSTRACT

The International Criminal Court was established by the Treaty of Rome concluded on July 17, 1998 and entered into force on July 1, 2002. This international court is responsible for punishing the perpetrators of the most serious international crimes in order to participate as much as possible in the maintenance of international peace and security. From its inception, it has been very active in the fight against impunity in Africa. It was then that it benefited from

(2)

the cooperation of African states, which did not hesitate to refer national situations to it so that it could prosecute the alleged perpetrators of crimes that fall under its jurisdiction. However, at present, relations between the ICC and Africa have deteriorated to the point that the African Union is proposing a palliative by establishing an African Criminal Court. The objective of this study is to show that if the ICC was seen as an instrument in the fight against impunity, it remains that in Africa today, it is seen as an instrument of judicial imperialism.

Keywords: International Criminal Court, War crime, crime against humanity, genocide, Extraordinary African Chambers.

INTRODUCTION

L’entrée en vigueur du Statut de Rome en 2002 et la création de la Cour pénale internationale (CPI) ont permis la réalisation d’un vieux rêve1 sur l’instauration d’une juridiction pénale internationale permanente chargée d’examiner les crimes de masse et ayant une portée internationale2. Comme l’observe avec justesse Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations unies : « l’entrée en vigueur du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale est un évènement historique. Elle réaffirme le rôle pivot du droit dans les relations internationales. Elle contient en germe la promesse d’un monde dans lequel les responsables de génocide, de crime contre l’humanité et de crimes de guerre sont poursuivis lorsque les Etats ne sont pas en mesure ou ne veulent pas les traduire devant la justice. Et elle offre au monde un outil indispensable pour prévenir de nouvelles atrocités »3.

1 Comme le rapporte Bitié Abdoul KADER, dès 1872, Gustave MOYNIER, l’un des pères fondateurs du Comité International de la Croix Rouge, imaginait à travers un projet la création d’une institution judiciaire internationale qui serait notamment chargée de poursuivre les contrevenants à la toute première Convention de Genève qui accordait notamment la neutralité des personnels sanitaires, des ambivalences et hôpitaux de compagne, appartenant aux services sanitaires des armées et aux sociétés de secours. A travers cette initiative, il amorcera un long processus qui se concrétisera en 2002 avec la mise en place de la CPI. Gustave MOYNIER,

« Note sur la création d’une institution judiciaire internationale propre à prévenir et à réprimer les infractions à la Convention de Genève » (1872) Bulletin international des sociétés de secours aux militaires blessés aux pp.122- 31 ; Véronique Harouel-Bureloup, « La préfiguration de la CPI chez Gustave Moynier » (2010) Grotius International, en ligne : Grotius.fr www.grotius.fr/la-prefiguration-de-la-cpi-chez gustave - moynier/; Jean- Baptiste Jeangène Wilmer, pas de paix sans justice ? Le dilemme de la paix et de la justice en sortie de conflit armé, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, à la p 73 cité par KADER (B.A), « L’africanisation de la justice pénale internationale entre motivations politiques et juridiques », Revue Québécoise de droit internationale, Volume 1-1, 2017, Hors-série décembre 2017, Etudes de certains grands enjeux de la justice internationale pénale, p.144.

2 KADER (B.A), « L’africanisation de la justice pénale internationale entre motivations politiques et juridiques

», op.cit., p.144.

3 ANNAN (K), Communiqué de presse SG/SM/8293. Voir également BOURGUIBA (L), « Cour pénale internationale. Modèles de saisine et limites », Confluences Méditerranée, 2008/1 (n°64), p.25.

(3)

La CPI est bien cette juridiction internationale chargée de punir les auteurs des crimes internationaux les plus graves et de participer, dans la mesure du possible, au maintien de la paix et de la sécurité internationales4. Alors que la compétence de la CPI s’étend aux crimes les plus graves touchant l’ensemble de la communauté internationale et encadrés par le droit international humanitaire (DIH), elle s’est manifestement réduite au continent africain, au gré des situations soumises à la sanction de la juridiction5.

S’il est vrai que la conclusion du Traité de Rome portant Statut de la CPI a été perçue comme

« l’événement juridique le plus marquant et significatif de l’après-guerre froide »6, la juridiction instituée paraît, toutefois, comme une « institution clivante »7 qui oppose ses soutiens à ses adversaires8d’Afrique. Ce déséquilibre géographique des poursuites que mène la Cour altère ses relations avec l’Union africaine (UA) et les Etats africains9. Cet état de fait rappelle pourtant la compétence universelle10 mise en œuvre par certaines juridictions européennes, et accrédite la thèse d’un certain « impérialisme judiciaire »11 exercé à l’encontre de l’Afrique12.

Toutefois, évoquer la surveillance exercée par la Cour pénal internationale sur les Etats africains pourrait de prime abord être balayé d’une phrase : car « ce n’est pas le sujet » serait- on tenté de dire13. Bien entendu, le rôle de la CPI n’est pas de juger les Etats14 mais les

4 VAURS-CHAUMETTE (A.L), « La Cour pénale internationale et le maintien de la paix », in FERNANDEZ (J) et PACREAU (X), (dir.) Et MAZE (L), (coord. Editoriale), Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Commentaire article par article, Paris, Editions A. Pedone, 2012, t.1, p.63-75.

5 KADER (B.A), « L’africanisation de la justice pénale internationale entre motivations politiques et juridiques

», op.cit., p.144.

6 BENNOUNA (M), « La Cour pénale internationale », in ASCENSIO (H), DECAUX (E) et PELLET (A) (dir.), Droit pénal international, Paris, Editions A. Pedone-CEDIN, 2012, p.808.

7 FERNANDEZ (J) (dir.), CHAUMETTE (A.L) et UBEDA-SAILLARD (M), « L’activité des juridictions pénales internationales (2012-2013) », AFDI, 2015, p.11.

8 EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, EMMANUEL (D) (sous la direction scientifique de), Institut Universitaire Varenne, Coll. « Transition et justice », 2019, p.17.

9 KADER (B.A), « L’africanisation de la justice pénale internationale entre motivations politiques et juridiques

», op.cit., p.144.

10 Selon Anne-Marie La Rosa, la compétence universelle peut se définir comme « le système donnant vocation aux tribunaux de tout Etat sur le territoire duquel se trouve l’auteur de l’infraction pour connaître cette dernière quel que soit le lieu de perpétration de l’infraction et la nationalité de l’auteur ou de la victime », in Dictionnaire de droit international pénal : termes choisis, Paris, Presses universitaires de France, sub verbo « compétence universelle ».

11 MUBIALA (M), « Chronique de droit pénal de l’Union africaine. Vers une justice pénale en Afrique », Rev IDP, 2012, p.548.

12 KADER (B.A), « L’africanisation de la justice pénale internationale entre motivations politiques et juridiques

», op.cit., p.144.

13 GAÏA (P), « La surveillance exercée par la Cour pénale internationale sur les Etats africains : quelle légitimité ? », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, EMMANUEL (D) (sous la direction scientifique de), Institut Universitaire Varenne, Coll. « Transition et justice », 2019, p.65.

14 C’est la Cour internationale de justice qui juge les Etats.

(4)

individus. Ainsi, « il faut donc, par l’effet de jus puniendi qu’on lui a conféré, ne voir dans ce mode d’exercice de la juris dictio rien d’autre qu’une nouvelle façon d’appréhender par le droit, certains comportements ou actions imputables exclusivement à des personnes physiques ; des actions ou comportements parmi les plus outrageusement contraires au droit international »15.

Le 28e sommet de la Conférence de l’Union africaine qui s’est déroulée à Addis-Abeba en Ethiopie les 30 et 31 janvier 2017 a été l’occasion pour les chefs d’Etats africains de rediscuter d’un retrait collectif de la CPI. Cette volonté réaffirmée des dirigeants soulève, à nouveau la question de la légitimité d’une juridiction pénale internationale prompte à n’appliquer sa compétence qu’aux crimes graves commis en Afrique16.

Le rejet de la CPI par l’Union africaine conduit celle-ci à envisager la substitution de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après : « CrADHP »)17, puis de la Cour africaine de Justice et des droits de l’homme (ci-après : « CrAJDH »)18 à la CPI, en tant qu’instance « complémentaire des juridictions et processus nationaux de lutte contre l’impunité »19, chargée de connaître des crimes commis par les dirigeants africains20. Cette démarche, dictée par la volonté de « préserver et sauvegarder la dignité, la souveraineté et l’intégrité du continent »21 constitue une menace directe à l’universalité de la CPI selon les

15 GAÏA (P), « La surveillance exercée par la Cour pénale internationale sur les Etats africains : quelle légitimité

? », op.cit., p.65.

16 KADER (B.A), « L’africanisation de la justice pénale internationale entre motivations politiques et juridiques

», op.cit., p.144.

17 Voir Union africaine, Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement, 13ème session ordinaire, Syrte (Libye), Décision sur le Rapport de la Commission sur la Réunion des Etats africains Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), 1er -3 juillet 2009, Assembly/AU/Dec/245 (XIII), Doc. Assembly/AU/13(XIII), point 5.

18 La CrAJDH devrait remplacer la CrADHP créée par le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adopté à Ouagadougou (Burkina Faso) le 10 juin 1998 (entré en vigueur le 25 janvier 2004) et la Cour de Justice de l’Union africaine (CrJUA) dont le Protocole a été adopté le 11 juillet 2003 à Maputo (Mozambique), en vertu de l’article 2 du Protocole portant Statut de la CrAJDH, adopté le 1er juillet 2008 à Sharm El Sheikh (Egypte).

19 Voir le point 5 de la Décision sur le Rapport de la Commission sur la Réunion des Etats africains parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, op.cit., (supra, note n°4).

20 MOUANGUE KOBILA (J), « L’Afrique et les juridictions internationales pénales », Cahier Thucydide n°10, Etude- Février 2012, p.3.

21 Voir le point 5 de la Décision sur le Rapport de la Commission sur la Réunion des Etats africains parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, op.cit., (supra, note n°4). Voir aussi Union africaine, Conférence de l’UA, 12ème session ordinaire, 1er -3 février 2009, Addis-Abeba, Décision sur la mise en œuvre de la Décision relative à l’utilisation abusive du principe de compétence universelle, Assembly/AU/Dec/ 213 (XII), Doc. Assembly/AU/3 (XII), point 9. La Conférence y « demande à la Commission, en consultation avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, d’examiner les conséquences de la compétence qui serait reconnue à la Cour à juger les crimes internationaux tels que le génocide, les crimes contre l’humanité et le crime de guerre et de faire rapport à la Conférence en 2010 ».

(5)

termes du professeur James MOUANGUE KOBILA22. Précisions que la Cour pénale internationale est une juridiction instituée par un traité multilatéral afin de « défendre et…

mettre en œuvre les exigences profondes de l’humanité »23.

Historiquement, l’adoption du Traité de Rome, le 17 juillet 1998 est le résultat d’une longue quête24, tournée vers la création d’une juridiction pénale internationale, marquée par de multiples obstacles25. C’est, en effet, Gustave Moynier, l’un des fondateurs du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui envisage, dès 1872, la création d’une cour criminelle26. Cette idée est reprise en 1919 et soutenue activement au sein de la Société des Nations (SDN). C’est ainsi que l’article 227 du Traité de Versailles de 1919 est considéré comme la première tentative d’instauration d’une justice pénale internationale en vue d’une incrimination des individus portant atteinte aux lois et coutumes de guerre.

Cette idée est prise au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU), par diverses associations de juristes, notamment l’Association internationale de droit pénal27. Après mûre expérience du Tribunal de Nuremberg, créé par les Accords de Londres du 8 août 1945 qui définissent les notions de crimes contre la paix, crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ; puis une déclaration institue en parallèle le Tribunal de Tokyo le 16 janvier 1964, en 1989, Arthur Robinson, Premier ministre de Trinité-et-Tobago, a proposé la création, au sein de l’ONU, d’une Cour pénale internationale afin de juger les crimes liés au trafic international de drogue28.

22 MOUANGUE KOBILA (J), « L’Afrique et les juridictions internationales pénales », op.cit., p.3.

23 TAVERNIER (P) et HENCKAERTS (J-M), Droit international coutumier : enjeux et défis contemporains, Bruxelles, Bruylant, coll. « Centre de Recherche et d’Etudes sur les Droits de l’Homme et le Droit Humanitaire », 2008, 1ere édition, p.27.

24 Voir KIRSCH (P), « La Cour pénale internationale : de Rome à Kampala » in FERNANDEZ (J), PACREAU (X) (dir.) et MAZE (L) (coord. Editoriale), op.cit., (n°2), t.1, p.25-46 ; BARNETT (L), « CPI : histoire et rôle », Bibliothèque du Parlement, publication n°2002-11-F, 28 juin 2013 ; ÇEHRELI (A.S), « L’odysée du XXe siècle : naissance de la CPI », Synergies Turquie, n°2, 2009, p.113-122 ; CONDORELLI (L), « La Cour pénale internationale : un pas géant (pourvu qu’il soit accompli…) », RGDIP, n°1, 1999, p.7-21.

25 KIRSCH (P) et ROBINSON ((D), « Sécurité humaine et puissance de la persuasion : la Conférence de Rome sur la Cour pénale internationale », RQDI, 1999, 12-1, p.125-142 cité par EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.18.

26 HALL (C.K), « Première proposition de création d’une cour criminelle internationale permanente », Revue internationale de la Croix-Rouge, Mars 1998, p.125-142.

27 BASSIOUNI (C), « L’Association international de droit pénal (AIDP) : plus d’un siècle de dévouement à la justice pénale et aux droits de l’homme », Revue internationale de droit pénale, 2015/3-4, p.1069-1094.

28 DONNEDIEU DE VABRES (H), Le procès de Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international, Paris, Sirey, 1947, p.101 ; PELLA (V), La criminalité collective des Etats et le droit pénal de l’avenir, Bucarest, Imprimerie de l’Etat, 1926, 2e édition, p.172-173 cité par ABIRA (G), « L’organisation de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.230.

(6)

Cette proposition est reprise par la Commission du droit international (CDI) qui retient l’élaboration d’un projet de convention sur les crimes internationaux. La fin de la confrontation entre l’Est et l’Ouest et le choc émotionnel causé par les conflits armés en Yougoslavie et au Rwanda vont permettre d’accélérer le processus de création d’une Cour pénale internationale29. Ils contribuent à la relance, de façon prioritaire, au sein de la Commission du droit international, du projet de création d’une juridiction internationale permanente, distincte des juridictions pénales ad hoc instituées dans le cadre des conflits yougoslaves et rwandais30. En d’autres termes, la création des tribunaux pénaux pour l’ex- Yougoslavie, du Rwanda et de Sierra Léone31 ne pouvait calmer le souhait de la communauté internationale voulant mettre en place une juridiction permanente32.

C’est en exécution de cette volonté politique que les travaux préparatoires au Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, ponctués par la formation de différents groupes de travail, se déroulent, de 1994 à 1998, et s’achèvent par la Conférence diplomatique de Rome, qui se tient du 15 au 17 juillet 199833. Le 1er juillet 2002, le Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale entre en vigueur, après sa ratification par plus de 60 Etats34. A la différence de celles qui l’ont précédé35, la CPI est une juridiction permanente36.

29 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.156.

30 MIRGUET (E), « Le Tribunal pénal international pour le Rwanda », RQDI, 2003, 16-1, p.163-197 ; SAUTENET (V), « Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie : Still Alive ! », RQDI, 2003, 16-2, p.323-362 ; voir ASCENSIO (H), « Les tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda », in ASCENSIO (H), DECAUX (E), PELLET (A) (dir.), op.cit., p.795-808 ; NDIAYE (S.A), Le Conseil de sécurité et les juridictions pénales internationales, Thèse droit, Université d’Orléans, 2011, 426 p.

31 Le Conseil de sécurité, par la résolution 827, avait créé le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en 1993. En sus, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 925 en 1994 mettant en place le Tribunal pour le Rwanda. Par la résolution 1315 du 14 août 2000, une juridiction de tribunal sui generis venait s’ajouter à cette liste et c’est celle de la Sierra Leone poursuivant les responsables de graves violations de droit humanitaire international et de la loi de la Sierra Leone des crimes épouvantables commis dans la région depuis le 30 novembre 1996. Voir à cet effet, LEFRANC (S), « La justice transitionnelle n’est pas un concept », Mouvements, n°53, 2008/1, p.65 ; ADENUGA (M), « Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et ses effets sur l’accord d’amnistie de Lomé », Mouvements, n°53, 2008/1, p.126.

32 SAMBA-VOUKA (M-N), « La saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité de l’organisation des Nations », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.200.

33 EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.19.

34 Au 17 mai 2018, 123 Etats sont parties au Traité de Rome dont : 33 Etats africains, 19 Etats d’Asie et du Pacifique, 18 Etats d’Europe occidentale, 28 Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, 25 Etats d’Europe centrale et orientale. Voir ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.156.

35 A la différence notamment d’autres expériences de poursuite des auteurs de crimes de masse à l’instar des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ainsi que des initiatives plus récentes ; à savoir le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le Traité de Rome lie uniquement les Etats qui le ratifient et acceptent d’être tenus par ses dispositions, conformément au principe de l’effet relatif des traités. Voir à cet effet, MOYEN NZAOU (N-N), « La saisine de la Cour pénale

(7)

Selon le professeur Serge SUR, « ‘’l’esprit de Rome’’ n’a pu se révéler que grâce à une rencontre étonnante entre les idéalistes et les cyniques »37. La Cour pénale internationale apparaît donc comme une institution judiciaire sui generis qui vise la fin de l’impunité et la répression des auteurs des crimes internationaux les plus graves38.

Malgré cela, il y a des velléités de retrait de la part de certains Etats africains, qui estiment, à tort ou à raison, que la Cour pénale internationale est un instrument de domination des Etats riches de l’Occident sur les Etats pauvres du Sud39. La question de droit qui se pose est celle de la légitimité de la compétence de la CPI en Afrique. Ainsi, plus de vingt ans après son adoption et dix-huit ans après son entrée en vigueur, il s’agit de se poser la question de savoir si la CPI est-elle encore légitime pour juger pénalement des africains ?

L’objectif de cette étude est de démontrer que la compétence de la CPI navigue entre le souci d’opérer une conciliation entre le droit et la politique40 et que le fonctionnement de cette juridiction demeure marqué par l’accord politique41 originel découlant de la volonté de sacrifier « l’universalité au principe de la création rapide »42 de la Cour. Ce qui fait dire à madame le professeur Delphine EMMANUEL que « si le triomphe formel d’une certaine idée de droit est manifeste, l’on déplore, aussi, toutefois, le triomphe réel de la politique »43. En réponse à la problématique formulée, il importe de rappeler d’abord la compétence de la CPI internationale par les Etats », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.89.

36 Le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale est entrée en vigueur le 1er septembre 2002 après soixante-quinze ans de batailles juridiques et tractations multiples. C’est une juridiction à vocation universelle.

37 SUR (S), « Le droit international pénal entre l’Etat et la Société internationale », in HENZELIN (M) et ROTH (R), Le droit international à l’épreuve de l’internationalisation, colloque tenu à la Faculté de droit de l’Université de Genève les 16 et 17 mars 2001, Paris-Bruxelles, LGDJ-Bruylant, 2002, p.49-68 ; SUR (S), « Vers une Cour pénale internationale : la Convention de Rome entre les ONG et le Conseil de sécurité », RGDIP, n°1, 1999, p.29-45.

38 MOYEN NZAOU (N-N), « La saisine de la Cour pénale internationale par les Etats », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.89.

De 1998 à 2020, en plus de vingt ans d’exercice, on a l’impression que nous sommes toujours dans un chantier.

On est face à des crimes fantômes qu’on ne peut ni punir, ni pardonner. Voir BOURDON (W) et DUVERGER (E), La Cour pénale internationale, Paris, Seuil, 2000 ; Voir également GARAPON (A), Des crimes qu’on ne peut ni punir, ni pardonner, Paris, Odile Jacob, 2002.

39 Voir Institut des droits de l’homme de Lyon, « L’Afrique et la Cour pénale internationale (CPI) : entre engagement et confidentialité », Revue universitaire catholique de Lyon, 32/2017, p.48-53.

40 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.156-157.

41 KIRSCH (P), « La Cour pénale internationale : de Rome à Kampala », op.cit., p.26 ; MEGRET (F), « La Cour pénale internationale comme objet politique », op.cit., p.119-133.

42 SUR (S), « Vers une Cour pénale internationale : la Convention de Rome entre les ONG et le Conseil de sécurité », RGDIP, n°1, 1999/1 cité par EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.20.

43 EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.21.

(8)

(I) avant d’envisager la conflictualité entre cette institution judiciaire internationale et l’Afrique (II).

I-UNE COMPETENCE ACCEPTEE

La CPI, comme toutes les formes de répression des crimes internationaux, est créée pour juger les individus des crimes internationaux. L’article 1er stipule en effet que la Cour exerce « sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut » ; ne lui sont soumis que les auteurs des crimes internationaux les plus graves ; cela est de nature à éviter l’alourdissement du rôle de la Cour44. La CPI exerce son office dans le respect de sa compétence d’attribution. Il convient d’étudier successivement la compétence matérielle (A), temporelle et territoriale de la Cour (B).

A-La compétence matérielle de la Cour

Le contenu de cette compétence est restrictivement décrit à l’article 5 du Statut de Rome.

Cette disposition illustre particulièrement bien le fait que le Statut de la Cour est le fruit d’un compromis politique entre les Etats signataires45. Cette compétence est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale46 (1). Toutefois, cette compétence a des limites (2).

1-Les crimes retenus

L’article 5 du Statut de Rome limite la compétence de la Cour à quatre crimes à savoir : le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et d’agression47. Sa compétence s’étend aux individus, et non aux Etats, âgés de 18 ans, lors de la commission, de

44 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, Kinshasa, Médiaspaul, 2016, p.873.

45 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.157.

46 CDI, Comptes rendus analytiques des séances de la 46e session, Annuaire de la CDI 1994, vol. I, BOWETT (M), p.4 ; CDI, Rapport de la Commission à l’Assemblée générale sur les travaux de sa 46e session, Annuaire de la CDI 1994, vol.II-2, A/51/22, p.193.

47 L’article 123-1 du Traité de Rome envisage l’éventualité d’étendre la compétence de la CPI à d’autres crimes.

(9)

la tentative de commission, de l’instigation individuelle, conjointe ou par intermédiaire48 de l’un de ces crimes49.

Le crime de génocide, défini par l’article 6 : aux termes de cette disposition, constitue un crime de génocide « l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : a) Meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à autre groupe ». Comme on peut le constater, c’est dans les termes exactement identiques que la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide définit ce crime50. Le génocide est « le plus terrible »51 de tous les crimes prévus par le Statut de Rome en ce qu’il représente la « forme de persécution extrême, (…) la plus inhumaine »52, susceptible d’être commise en temps de paix ou de guerre et qui constitue la violation d’une norme impérative de jus cogens53.

Ce crime a une composante propre qui le distingue des autres crimes graves qui lui sont proches (notamment le crime de guerre et le crime contre l’humanité) et ce n’est pas donc pas tant la nature de l’acte (actus reus) que l’élément intentionnel (mens rea) qui l’accompagne54. En l’espèce, il s’agit du dolus specialis caractérisé par la volonté de détruire en tout ou en partie un groupe spécifique donné ; en l’absence de cette volonté de destruction d’un groupe, l’acte pourrait être qualifié de crime contre l’humanité ou de crime de guerre55. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en son article II définit le génocide, définition reprise par l’article 6 du Statut de Rome précité.

48 Voir DIARRA (F) et D’HUART (P), « Article 25 », in FERNANDEZ (J) et PACREAU (X) (dir.) et MAZE (L) (coord.éditoriale), op.cit., p.809-833.

49 Lire PELLET (A), « Compétence matérielle et modalités de saisine », L’Observateur des Nations Unies, 1998, n°5, p.143-163.

50 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, op.cit., p.877.

51 LABRECQUE (G), La force et le droit, Jurisprudence de la CIJ, Bruxelles, Les Editions Yvon Blais Inc. – Bruylant, 2008, p.420.

52 Ibid., p.442.

53EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.33 cite à cet effet CIJ, AC 28 mai 1951, Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, p.23 ; CIJ, arrêt du 3 février 2006, Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête 2002), République démocratique du Congo c.

Rwanda, §64, p.31-32 ; et CIJ, arrêt du 26 février 2007, Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie-Herzégovine c. Serbie Monténégro.

54 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, op.cit., p.877.

55 Ibid.

(10)

Le génocide est donc un crime international commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel. Il se caractérise, ainsi que le déclare la Cour international de justice, dans l’arrêt du 3 février 2015, Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Croatie c. Serbie, par un élément matériel, c’est-à-dire des actes particuliers qui sont commis, actus reus et un élément moral, c’est-à-dire l’intention de les commettre, la mens rea56.

Les crimes contre l’humanité, définis par l’article 7 paragraphe 1 comme « l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ou de masse, lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque : », avec onze séries d’actes ou groupes d’actes visés. Le paragraphe 2 est une série de définitions de termes désignant certains de ces crimes. Cette nouvelle incrimination a le mérite de prendre en considération les préjudices subis par la population civile durant les conflits armés.

Précisons que le crime contre l’humanité peut être aussi bien commis en temps de paix ou de guerre ainsi que l’affirme le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, chambre d’appel, Dusko Tadic, arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, § 141 : « L’absence de lien entre les crimes contre l’humanité et un conflit armé international est maintenant une règle établie du droit international coutumier. En fait (…), il se peut que le droit international coutumier n’exige pas du tout un lien entre les crimes contre l’humanité et un conflit quel qu’il soit »57.

On remarquera avec le professeur Auguste MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO que le Statut de Rome de la CPI, comme le statut de Nuremberg plus tôt, ne base pas sa définition sur l’existence de discrimination nationale, politique, raciale, ethnique ou religieuse des actes criminels, et que le TPIY reconnait que la discrimination est parfois exigée et ne la retient pas dans sa définition, mais que, quant à lui, le statut du TPIR insiste sur le caractère discriminatoire des actes ; ces différences pourraient s’expliquer par les traits spécifiques de la situation particulière gérée par le statut concerné, la crise rwandaise présentant, plus que d’autres, un caractère interethnique très accentué58.

56 EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.34.

57 TPIY, chambre d’appel, Dusko Tadic, arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, §141.

58 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, op.cit., p.879.

(11)

Les crimes de guerre, définis par l’article 8, lequel indique au paragraphe premier le principe de la compétence de la Cour « à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle » et énumère au paragraphe 2, les quatre séries d’actes ou groupes d’actes constituant des crimes de guerre59. L’article 8 précité permet de poursuivre et sanctionner les auteurs de crimes de guerre commis dans le cadre des conflits armés. Ce crime est constitué dès lors qu’il existe des violations graves des lois et coutumes de la guerre. A l’origine, la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être engagée60. Puis, le principe de la responsabilité pénale individuelle encourue par les criminels de guerre finit par s’imposer61.

Le crime d’agression est le dernier crime relevant de la compétence matérielle de la Cour. Ce crime occupe une place véritablement à part en droit pénal, parce qu’il ne concerne pas les crimes commis par des individus au cours d’une attaque contre les civils ou durant une guerre, mais qu’il vise les actes des Etats en matière d’intervention armée contre un autre Etat et cible directement et uniquement leurs dirigeants62.

Le crime d’agression, visé par l’article 5 du Statut de Rome sans y être défini faute d’accord entre les Etats, sera défini par la conférence de révision, laquelle s’est déroulée à Kampala du 31 mai au 11 juin 2010, en vertu de laquelle les Etats partie adoptent une approche définitionnelle qui s’inspire de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale de l’ONU

59 Alinéas a, b, c et e ; tandis que les alinéas d et f étendent certains de ces crimes de guerre au « conflit armé ne présentant pas un caractère international ».

60 EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.35.

61 Comme l’explique le professeur Delphine EMMANUEL, cette évolution est marquée par l’élaboration de différents instruments, il s’agit du Code Lieber ou Instructions pour le comportement des armées des Etats-Unis en compagne du 24 avril 1863 qui retient, dans l’article 44, le principe de la responsabilité individuelle des officiers et des sous-officiers, de la Convention de Genève du 22 août 1864 sur le traitement des militaires blessés, révisée en 1906, dont l’article 28 renvoie aux législations nationales le soin de réprimer les actes individuels de pillage et les mauvais traitements commis à l’endroit des blessés et des malades des armées, du Manuel d’Oxford du 9 septembre 1880 des lois de la guerre sur terre, élaboré par l’Institut de droit international, dont l’article 84 énonce que les violateurs des lois de la guerre sont passibles des châtiments spécifiés dans la loi pénale, de l’Accord de Londres du 8 août 1945, en son article premier, qui prévoit la poursuite devant le Tribunal militaire international des criminels de guerre et, du Statut du Tribunal de Nuremberg dont l’article 6 précise la compétence de cette juridiction en cas de crimes de guerre commis par des individus ou à titre de membres d’une organisation et, des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 qui prévoient des sanctions graves à l’encontre d’auteurs de violations d’infractions graves commises contre des personnes protégées ainsi que l’article 85-5 du premier Protocole additionnel. Cf. EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.35-36, note 115.

62 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.161.

(12)

du 11 décembre 197463. On se rappelle que la définition du crime d’agression a longtemps posé un problème à la communauté internationale du fait qu’elle touche aux prérogatives souveraines par excellence de l’Etat en matière de recours à la force et à la question de la légalité des interventions armées64.

La Charte de l’ONU interdit, en effet, de manière novatrice le recours à la force armée dans les relations entre Etats, sauf en cas d’autorisation du Conseil de sécurité à la suite d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix, ou d’un acte d’agression justement, ainsi qu’en cas de légitime défense d’un Etat subissant précisément une agression armée65. La Conférence de révision de Kampala procède à la définition du crime d’agression et des actes d’agression66. Et, l’Assemblée des Etats parties décide, le 15 décembre 2017, d’activer par consensus le crime d’agression67. Depuis juillet 2018, la Cour pénale internationale devait déjà être apte à connaitre ces crimes.

2-Les crimes exclus

Nous savons que le contenu de la compétence matérielle de la Cour est restrictivement décrit à l’article 5 du Statut de Rome et limité à quatre crimes précités et qui constituent les crimes des crimes. Des voix se sont élevées pour regretter cette restriction qui laisse en dehors de la compétence de la CPI de graves crimes non listés (terrorisme, diverses formes de criminalité transfrontières, pillages de masse, etc.)68. Certains Etats justifiaient une telle restriction sur plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit de limiter la compétence de la CPI aux crimes les plus graves afin d’éviter d’engorger la Cour avec les affaires qu’elle instruirait avec difficulté69. Ensuite, la répression de ces crimes se prêtait bien mieux à l’exercice des compétences nationales, dans le cadre de coopérations renforcées entre les Etats intéressés, qu’à la compétence d’une juridiction internationale70.

63 KAMTO (M), L’agression en droit international, Paris, Editions A. Pedone, 2010, 464 p.

64 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.161.

65 Ibid.

66 PACREAU (X), « Article 8. Crimes d’agression », in FERNANDEZ (J) et PACREAU (X) (dir.) et MAZE (L) (coord.éditoriale), op.cit., p.537-541 ; GLENNON (M.J), « Regard critique sur la définition du crime d’agression », in FERNANDEZ (J) et PACREAU (X) (dir.) et MAZE (L) (coord.éditoriale), op.cit., p.267-298.

67 EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.36.

68 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, op.cit., p.877.

69 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.159.

70 Ibid.

(13)

Certes, cela ne signifie pas que les crimes ne relevant pas de la compétence de la CPI demeurent totalement garantis d’impunité parce que d’autres cadres juridiques existent qui les considèrent et organisent leur répression soit sur la base de la compétence étatique traditionnelle soit sur celle de la compétence universelle ; mais, il aurait été indiqué de, d’ores et déjà, organiser une répression internationale des faits si fréquents à l’époque actuelle71. Toutefois, l’Acte final de la Conférence de Rome recommande qu’une conférence de révision

« étudié le cas du terrorisme et des crimes liés à la drogue en vue de dégager une définition acceptable de ces crimes et de les inscrire sur la liste de ceux qui relèvent de la compétence de la Cour »72. Toujours dans la même perspective, la recommandation 1754 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en date du 27 juin 2006, appelle les Etats à envisager la possibilité d’attribuer à la Cour pénale internationale la compétence pour juger les personnes accusées de terrorisme.

Mais cette recommandation n’a pas été suivie d’effet et la question n’a pas été abordée par la conférence de révision. Ainsi, « en excluant de la compétence de la Cour certains crimes, les Etats ont voulu garder la Cour sous contrôle. Ce contrôle se manifeste également dans la volonté des Etats de restreindre la portée de la compétence matérielle »73.

B-La compétence temporelle et territoriale

Nous étudierons d’abord la compétence temporelle de la CPI (1) avant d’envisager sa compétence territoriale (2).

1-La compétence temporelle

Selon l’article 11 : « La Cour n’a compétence qu’à l’égard des crimes relevant de sa compétence commis après l’entrée en vigueur du présent Statut ». La CPI n’est compétente qu’à l’égard des crimes commis depuis l’entrée en vigueur du Traité de Rome établissant le Statut de la Cour (le 1er juillet 2002) et, appliquant le traditionnel principe de la non rétroactivité de la loi pénale, l’article 21§1 ajoute « Nul n’est pénalement responsable en vertu du présent Statut pour un comportement antérieur à l’entrée en vigueur du Statut ». Il en va de même à l’égard de tout Etat qui devient partie au Statut par la suite : la Cour ne peut connaître

71 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, op.cit., p.877.

72 Résolution Doc A/CONF. 183/10 du 17 juillet 1998, p.8.

73 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.160.

(14)

d’infractions commises sur le territoire de cet Etat et par un national de cet Etat que postérieurement, à l’entrée en vigueur du Statut à l’égard de cet Etat74.

En conséquence, un Etat peut différer son adhésion au Statut de Rome aussi longtemps qu’il existe une probabilité ou des craintes que des infractions le concernant et relevant de la compétence de la Cour puissent être commises75. De ce fait, la Cour n’a pas une compétence générale et le principe de base retenu est celui de l’effet relatif des traités qui ne s’impose pas aux Etats tiers (en l’espèce, les Etats n’ayant pas ratifié les amendements de Kampala) et sur l’article 121. 5 du Statut de Rome qui prévoit que les amendements au Statut ne s’appliquent pas aux Etats parties ne les ayant pas acceptés76.

La résolution finale de l’Assemblée des Etas parties, adoptée le 14 décembre 2017 au dernier jour de l’Assemblée, indique aussi que les amendements de Kampala n’entreront en vigueur qu’envers les Etats les ayant ratifiés et exclut expressément la compétence de la Cour envers les Etats tiers77. En matière de crime de guerre par exemple, les Etats peuvent, par une déclaration unilatérale déposée lors de l’acceptation du Statut, différer pour une période de sept ans, la compétence de la Cour à l’égard de ces crimes lorsqu’ils sont commis par leurs nationaux ou sur leur territoire78.

2-La compétence territoriale

En vertu de l’article 4 paragraphe 2 du Statut, « la Cour peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs, comme prévu dans le présent Statut, sur le territoire de tout Etat Partie et, par une convention à cet effet, sur le territoire de tout autre Etat ». Cela signifie que la CPI est compétente pour juger les auteurs de ces crimes qui sont ressortissants des Etats parties, elle n’a donc pas une compétence universelle de principe79. La Cour n’est donc compétente que pour poursuivre les crimes commis sur le territoire d’un Etat partie80 ou par un national d’un Etat partie81. On peut donc dire avec le professeur Auguste MAMPUYA KANUNK’a- TSHIABO82 que, de ce point de vue, la compétence de la CPI à l’égard des Etats parties est

74 Cf. Article 11§2.

75 DAVID (E), « La Cour pénal internationale », RCADI, 2002, p.344.

76 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.164.

77 Assemblée des Etats parties, 16e session, résolution « Déclenchement de la Compétence de la Cours à l’égard du crime d’agression », 14 décembre 2017, ICC-ASP/16/Res.5, §2.

78 Cf. Article 124 du Statut de Rome.

79 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, op.cit., p.881.

80 Voir l’article 12. 2.a du Statut de la Cour.

81 Voir l’article 12. 2.b du Statut de la Cour.

82 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, op.cit., p.881.

(15)

« automatique » ; c’est ce qu’il faut entendre par la formule du paragraphe 1 de l’article 12

« Un Etat qui devient Partie au Statut accepte par-là même la compétence de la Cour à l’égard des crimes visés à l’article 5 ».

Toutefois, la CPI peut aussi se fonder sur le critère de la nationalité de l’auteur des crimes afin d’étendre sa compétence aux Etats non parties. La Cour peut alors poursuivre les nationaux d’un Etat non partie si les crimes ont été commis sur le territoire d’un Etat partie (la compétence territoriale s’étend à tous les individus présents sur le territoire de l’Etat quelle que soit leur nationalité)83. De même, elle peut poursuivre des crimes commis sur le territoire d’un Etat non partie s’ils l’ont été par un national d’un Etat partie (la compétence personnelle s’attache à la nationalité de l’auteur du crime quel que soit le territoire où il se trouve)84. Aux termes de l’article 12 paragraphe 3, si un Etat tiers se trouve dans l’une des situations visées au paragraphe 2, c’est-à-dire, d’Etat territorial ou national, son consentement est nécessaire pour que la Cour exerce sa compétence et, don, « cet Etat peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit. », avec la conséquence qu’il est tenu, comme le font les Etats parties eux- mêmes, de coopérer avec la Cour « sans retard et sans exception conformément au chapitre IX », ce chapitre est celui qui organise l’obligation de coopération des Etats parties85.

Par ailleurs, lorsqu’elle est saisie par le Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII, la compétence de la CPI s’étend à tous les membres de l’ONU et, donc, aux Etats non Parties qui sont membres des Nations Unies86. L’article 98 du Statut de la Cour permet de limiter la compétence de la Cour. L’article 9887 est l’une des dix-sept dispositions qui composent le chapitre IV du Statut de Rome intitulé « Coopération internationale au régime de coopération.

Nul moyen ici de sursoir à une demande de la Cour mais de lui opposer l’invalidité en quelque sorte de sa demande même s’il revient à la Cour d’apprécier celle-ci88. En toute autre

83 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.165.

84 NOLLEZ-GOLDBACH (R), La Cour pénale internationale, Paris, PUF, coll. « Que sais-je », 2018, p.49-50.

85 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A), Traité de droit international public, op.cit., p.881.

86 Ibid.

87 L’article 98 paragraphe 2 dispose : « La Cour ne peut poursuivre l’exécution d’une demande de remise qui contraindrait l’Etat requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en vertu d’accords internationaux selon lesquels le consentement de l’Etat d’envoi est nécessaire pour que soit remise à la Cour une personne relevant de cet Etat, à moins que la Cour ne puisse au préalable obtenir la coopération de l’Etat pour qu’il consente à la remise ».

88 ADOUA-MBONGO (A.S), « La compétence de la Cour pénale internationale », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.166.

(16)

hypothèse, il s’agit certainement de la disposition dont l’interprétation fut la plus controversée dans les premières années d’existence de la Cour89.

II-UNE COMPETENCE CONTESTEE PAR LES ETATS AFRICAINS

Le professeur Patrick GAÏA observe que « ce que les Etats africains reprochent à la CPI, c’est d’avoir en quelque sorte les yeux rivés sur l’Afrique : en bref, si on les suit, la CPI n’enquête, ne poursuit et ne juge que des Africains. Et les chiffres semblent leur fournir des arguments tout ce qu’il y a de plus convaincants »90. C’est ainsi que les Etats africains rejettent les poursuites d’origine extra-africaine (A) car la CPI est considérée comme une justice à deux vitesse voire même à sens unique (B).

A-Le rejet par l’UA des poursuites d’origine extra-africaine

Contrairement à l’Union européenne, l’Union africaine n’est pas partie au Statut de Rome.

L’organisation continentale africaine n’a pas non plus conclu d’accord de coopération avec la CPI. Au contraire, l’UA a formellement rejeté l’examen de la demande de la CPI d’ouvrir un Bureau de liaison à Addis-Abeba, siège de l’UA, signe que l’opposition entre la CPI et l’UA correspond à une réalité constante. La difficile coopération entre ces deux entités aboutie à la contestation africaine de la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité (A) et par le Procureur (B).

1-La contestation de la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité

La saisine du Conseil de sécurité est consacrée à l’article 13-b du Statut de Rome. Cette disposition autorise la Cour d’exercer sa compétence « (…) si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déféré au procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ». Il en ressort que le Conseil de sécurité devra, dans un premier temps, intervenir en vertu du chapitre VII de

89 RALPH (J), « Article 98 », in FERNANDEZ (J) et PACREAU (X) (dir.) et MAZE (L) (coord.éditoriale), op.cit., p.1913.

90 GAÏA (P), « La surveillance exercée par la Cour pénale internationale sur les Etats africains : quelle légitimité ? », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.69- 70.

(17)

la Charte des Nations Unies91 et, dans un second temps, adopter une résolution permettant de déférer ladite situation à la Cour92.

Ainsi, la CPI peut être saisie par le Conseil de sécurité de l’ONU si deux conditions sont réunies : l’existence d’une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes auraient été commis et la mise en œuvre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Cette noble mission qui permet au Conseil de sécurité de l’ONU, organe intergouvernemental, chargé à titre principal du maintien de la paix et de la sécurité internationales93, de participer à la primauté du droit et à la lutte contre l’impunité94, est, toutefois affectée par le fait qu’au sein de cet organe se trouvent des Etats tiers, notamment les membres permanents, qui auront ainsi, tout en n’étant pas liés par le Traité de Rome, la possibilité d’agir sur l’office de cette justice pénale95. Dès lors, on peut remarquer que « l’article 13 du Statut de Rome accorde (…) une sorte de garantie au profit des Etats ayant la qualité de membre du Conseil et d’Etat non partie au Statut de Rome. Ils disposent de la possibilité de saisir la Cour – par l’intermédiaire du Conseil de sécurité – tout en restant eux-mêmes hors de portée – sauf avec leur consentement – des prétentions de la CPI »96. Ce raisonnement est d’autant plus vrai car pour les grandes puissances, la justice pénale internationale n’est concevable qu’à condition qu’elle ne s’exerce qu’à l’encontre des autres97.

Quelques illustrations témoignent le rejet par les Etats africains des poursuites d’origine extra- africaine sur saisine du Conseil de sécurité de l’ONU. Contre l’ancien Président soudanais Omar El Béchir par exemple, la CPI a été saisie par le Conseil de sécurité, en vertu de sa

91 CESONI (M. L) et SCALIA (D), « Juridictions pénales internationales et Conseil de sécurité : une justice politisée », RQDI, 2012, p.38 et 39.

92 SAMBA-VOUKA (M. N), « La saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.202.

93 Article 24 de la Charte des Nations Unies.

94 L’article 17 de l’Accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l’Organisation des Nations Unies du 4 octobre 2004 prévoit, dans cette hypothèse, des mesures particulières de coopération entre le Conseil de sécurité de l’ONU et la CPI.

95 EMMANUEL (D), « La Cour pénale internationale : entre droit et politique », in Les vingt ans du Traité de Rome portant Statut de la Cour pénale internationale, op.cit., p.42 cite à cet effet ECOULEE (F), « Sur un tiers bien peu discret : les Etats-Unis confrontés au Statut de la Cour pénale internationale », AFDI, 2003, pp.32-70 ; FERNANDEZ (J), La politique juridique extérieure des Etats-Unis à l’égard de la Cour pénale internationale, Paris, Editions A. Pedone, 2010, 650 p ; RUNAVOT (M.C), « Le retrait de la Fédération de Russie de sa signature du Traité de Rome ou l’art de pervertir le droit des traités », La Revue des Droits de l’Homme, novembre 2016, 6 p, journals.openedition.org.

96 TINE (A), « Article 13 – Exercice de la compétence » in FERNANDEZ (J), PACREAU (X) (dir.) et MAZE (L) (coord.éditoriale), Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Commentaire article par article, op.cit., p.614.

97 SUEUR (J-J), Juger les politiques. Nouvelles réflexions sur la responsabilité des dirigeants publics, Paris, L’Harmattan, 2001, p.220.

(18)

Résolution 1593 (2005) du 31 mars 200598. Ce fut la première fois que le Conseil de sécurité déférait une situation à la CPI. La résolution 1593 (2005) a été transmise au Procureur par le Secrétaire général des Nations Unies, le 1er avril 2005. Cette transmission a été suivie de celle des informations recueillies par la Commission internationale d’enquête et du Rapport du Secrétaire général sur la situation au Darfour. Le Procureur a décidé d’ouvrir une enquête le 1er juin 2005, soit deux mois après la saisine.

Les premières citations à comparaitre ont été introduites auprès de la Chambre préliminaire le 27 février 2007. Mais la Chambre a plutôt prescrit l’émission de mandats d’arrêt contre Ahmad Harun et contre Ali Kushayb99. Les autorités du Soudan ont remis en cause toute coopération sur l’arrestation et la remise de ces inculpés. Un tel refus s’accentue davantage quand la CPI émettra des mandats d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité100 et génocide101 au Darfour contre Omar El Béchir alors Président du Soudan.

Ces poursuites contre le Président soudanais de l’époque ont été contestées par les Etats africains. Elles l’ont été dès l’adoption de la Résolution 1593 du Conseil de sécurité, non seulement par le Soudan, mais également par l’Algérie102. Ainsi, le représentant de l’Algérie au Conseil a dénoncé « la politique de deux poids, deux mesure (et) une justice à deux vitesses »103. A ce compte, Pierre BERTHELOT observe qu’aucun des Etats africains « n’a apporté son soutien à la décision de la CPI, du moins au niveau officiel »104. Le Président Robert Badinter exprimait déjà sa « crainte »105 vis-à-vis de la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité de l’ONU. Il craint, en effet, qu’il ne soit pas à l’origine « d’une future pratique de la communauté internationale consistant à ne déférer qu’au cas par cas certaines situations, et ce pour des considérations politiques »106.

98 Pour les détails et explications de vote, voir le doc. S/PV. 5158 du 31 mars 2005.

99 MOUANGUE KOBILA (J), « L’Afrique et les juridictions internationales pénales », op.cit., p.18.

100 C’est le premier mandat d’arrêt émis le 4 mars 2009.

101 C’est le deuxième mandat d’arrêt émis le 12 juillet 2010.

102MOUANGUE KOBILA (J), « L’Afrique et les juridictions internationales pénales », op.cit., p.18.

103 Voir le doc. S/PV 5158, du 11 mars 2005, p.13. Le professeur de droit international public Antonio CASSESE, chargé par l’ONU d’enquêter sur la situation au Darfour en 2004, a été l’un des premiers à contester cette initiative, jugeant qu’il s’agit d’un mandat d’arrêt « aussi spectaculaire qu’inutile », Cf. La Republica, 5 mars 2009, cité par Pierre BERTHELOT, « La CPI face à la tragédie du Darfour », Géopolitique africaine, n°35, juillet-septembre 2009, p.243.

104 Ibid., p.247.

105 BANDINTER (R), « Avant-Propos », in FERNANDEZ (J), PACREAU (X) (dir.) et MAZE (L) (coord.éditoriale), Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Commentaire article par article, op.cit., p.10.

106 Ibid.

Références

Documents relatifs

Comme prévu au paragraphe 8 de la même résolution, le Secrétariat de l’Assemblée des États Parties a affiché sur le site Web de la Cour pénale internationale 1 ,

En conclusion, la jurisprudence internationale a déterminé comme suit les éléments constitutifs du crime contre l’humanité d’extermination : « Vu ce qui précède, la Chambre

5 on the Conduct of Trial Proceedings (Principles and Procedure on 'No Case to Answer' Motions), 3 juin 2014.. laisse la possibilité au Procureur de recommencer la procédure, sans

Ce mécanisme ayant pour objet « d’organiser les échanges entre les parties en vue d’accélérer la préparation du procès » ou « d’assurer un déroulement rapide de

Envisagé par l’article 17 du Statut de Rome 63 , ce principe est l’une des pierres angulaires du fonctionnement de la Cour. En effet, il est prévu que la compétence de la Cour ne

2 Le service central peut différer l’exécution de la remise d’une durée convenue avec la Cour, lorsque la personne à remettre est poursuivie en Suisse pour d’autres infractions

Conformément aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher

Cependant, dans la mesure où le maintien de la paix est l’un de ses objectifs, la Cour se doit d’agir dans cette optique, que la réalisation du maintien de la paix, en ce