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LA NAISSANCE DU FRANC LOURD

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Academic year: 2022

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LA NAISSANCE DU FRANC LOURD

L'introduction d'une nouvelle unité monétaire n'est pas, quoi qu'on paraisse le croire, une de ces opérations qu'on puisse ranger parmi les affaires courantes et qui ne posent aucun problème. Elle intéresse tout le monde et à tout moment, ce qui signifie qu'elle est susceptible de susciter, si l'on n'y prend garde, des réactions dont il est indifférent qu'elles soient peu fondées, si elles sont conta- gieuses. Or il n'est besoin d'aucun Gallup pour constater qu'une fraction importante de l'opinion considère avec défiance et inquié- tude l'apparition imminente du nouveau franc ou franc lourd, non seulement parce qu'elle redoute certaines complications dans la vie de chaque jour, maisl>parce qu'elle ne comprend pas le sens ou l'opportunité de cette « mutation ». Il n'est que plus remarquable qu'au moins jusqu'au moment où nous écrivons, les pouvoirs publics aient montré aussi peu de souci de justifier et d'éclairer leur entre- prise.

Pour notre part, nous n'avons jamais cessé de penser qu'elle était inutile et en tous cas prématurée, et à chaque fois qu'il nous est arrivé de le dire ou de le laisser entendre, une volumineuse correspondance nous a apporté un nombre inusité d'approbations.

Aujourd'hui l'heure n'est plus aux controverses : l'opération étant irrévocablement engagée, il y a obligation de la réussir et le devoir de tous est d'y aider, parce qu'un échec aurait pour tous les plus graves conséquences. Notre propos sera donc simplement d'éclairer les,conditions de cet indispensable succès.

Pour cela, il est utile de rappeler tout d'abord la genèse de cette affaire.

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Le 28 décembre 1958, le Journal Officiel publiait une ordonnance qui disposait notamment :

Article premier. — A compter d'une date qui sera fixée par décret et au plus tard le leT janvier 1960, il sera créé une nouvelle unité moné- taire française, dont la valeur sera égale à 100 francs. Jusqu'à cette date et sous réserve des dispositions de l'article 2 ci-après, il n'est rien modifié au régime monétaire actuel.

Article^. — A dater de la publication de la présente ordonnance, les cotations des monnaies étrangères seront exprimées en centaines de francs.

Article 3. — Les obligations'nées à partir de la date visée à l'ar- ticle premier inclusivement seront libellées en nouvelle unité moné- taire: Les obligations antérieurement libellées en francs seront, pour leur exécution après cette date, converties de plein droit en nouvelle unité monétaire, quelle que soit la date à laquelle elles ont pris nais- sance.

En suite de quoi, le 20 novembre 1959, le Journal officiel publiait un décret dont l'article premier était ainsi conçu :

Là nouvelle unité monétaire française instituée par l'ordonnance du 27 décembre 1958 sera créée le lel janvier 1960.

On remarquera que ni l'ordonnance ni le décret n'indiquent le nom de la nouvelle monnaie, mais une circulaire du ministre des finances à « Messieurs les ministres et secrétaires d'Etat » ses col- lègues, insérée au même Journal officiel du 20 novembre précise :

« La nouvelle unité monétaire française prévue par l'ordonnance du 27 décembre 1958 garde le nom de franc. Afin de la distinguer de l'unité monétaire actuellement en vigueur, elle est désignée sous le nom de nouveau franc. Son symbole est N.F. »

Si à l'usage la Constitution de 1958 n'était pas devenue une simple hypothèse de travail, on pourrait se demander si ces ordon- nances et décrets n'en violent pas l'article 34, lequel dispose expres- sément que relève de la loi et par conséquent du Parlement « le régime d'émission de la monnaie ». Or le Parlement n'a été saisi de cette réforme que par la présentation de documents budgétaires en francs nouveaux. A quoi on répondrait sans doute qu'à la date du 28 décembre 1958 le Parlement ne fonctionnait, pas, et qu'il y avait urgence à prendre la décision dont s'agit. Mais précisément, le fait qu'on ait pu considérer comme urgente la création d'une nouvelle unité monétaire permet d'éliminer quelques-uns des motifs couramment invoqués pour la justifier.

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634 L A REVUE

Notre brillant confrère René Sédillot vient de publier un petit livre aussi étiftcelant que fortement documenté, sous le titre Du franc Bonaparte au franc de Gaulle. Nous ne pensons pas que la Ve République se soit voulue aussi promptement consulaire. Sans doute, s'il y a aussi une politique de la grandeur monétaire, il est indéniable que biffer deux zéros ou reporter une virgule vers la gauche constitue une manière très peu coûteuse de redorer le blason national, mais il n'y avait pas là une raison suffisante d'ajouter à quelques autres un pari consistant à annoncer à un an de date que le redressement financier, dont les modalités étaient à peine arrê- tées, serait à ce point réussi que lji monnaie serait du même coup devenue plus solide que le roc.

Car c'est de cela qu'il s'agissait et qu'il s'agit encore. Pour s'en convaincre, il suffit de relire Une lettre secrète, depuis lors large- ment diffusée, que M. Jacques Rueff avait ajoutée au rapport du Comité d'Experts qu'il présidait, rapport que le gouvernement avait en main depuis une quinzaine quand il prit sa décision. Cette lettre, sans lui assigner de date précise, énonçait les conditions indispensables à la réussite d:un « alignement » monétaire et con- cluait : « Il est essentiel que la nouvelle parité soit tenue pour défi*

nitive. Le comité considère que l'établissement d'un franc lourd, par suppression de deux zéros dans les prix et dans toutes les stipu- lations en francs, donnerait à l'opinion le sentiment que l'équilibre monétaire est durablement établi sur sa nouvelle base ».

Cela du moins est clair et plus sérieux que les considérations sur le prestige national, sur la place que tiennent les zéros sur les pièces comptables ou sur la leçon que nous donneraient les chauffeurs de taxis en nous disant : « Cela fait deux cinquante », quand le compteur marque deux cent cinquante francs. Depuis trente ans le franc, ci- devant de Germinal, est allé s'amenuisant parle fait de dévaluations successives, dont les dernières « en chaîne » : comme les circonstances ont obligé à ouvrir l'effort de redressement de décembre 1958 par une nouvelle dévaluation, il convenait en effet de marquer forte- ment qu'elle serait la dernière ou, comme l'écrit Jacques Rueff,

« définitive ». L'assignation monétaire répondait à cet objet, car il eût été évidemment absurde et dangereux de créer une nouvelle monnaie, si on n'était pas résolu à la maintenir intangible. On peut • d'ailleurs ajouter avec vraisemblance que cette garantie anticipée était de nature, dans l'esprit des experts, à faciliter sans délai le dégel des capitaux indigènes et l'apport de capitaux étrangers sur

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lesquels ils comptaient pour ranimer l'économie, soumise par les exigences de P assainissement financier à un régime d'austérité.

C'est pourquoi, lorsque le Premier ministre annonce, comme il fit à Bordeaux l'autre dimanche, qu' :« au mois de janvier la nouvelle monnaie commencera à circuler et sera le signe d'un exceptionnel redressement financier », il intervertit, si l'on peut dire, l'ordre des facteurs. Pour les raisons que nous venons de dire la création de la nouvelle monnaie a été décidée avant que le redressement fût même commencé.

* * .

On est obligé de dire qu'au premier abord tout au moins, l'effet produit n'a pas été celui qu'on attendait. Le public n'a absolument pas, compris ce dont il s'agissait : de vagues souvenirs d'opérations analogues conduites en d'autres pays lui faisaient redouter des blocages ou échanges de billets avec ou sans retenue, et diverses brimades ou inquisitions : de trop nombreuses expériences l'ont rendu méfiant sur le compte de la monnaie. Pour avoir entendu affirmer à la veille de la plupart des dévaluations que la monnaie était intouchable, le Français moyen en est venu au point que, plus on lui donne d'assurances, plus il est troublé. En janvier 1959, celles qu'on lui donnait sur la complète innocuité des décisions récentes, ne l'empêchaient pas de témoigner de la plus vive agitation/ Les francs refluèrent vers les caisses d'Epargne et la Banque de France ou vers le marché de l'or, et les commerçants enregistrèrent l'un de ces subits gonflements de la demande qui sont l'indice d'un com- mencement de fuite devant le franc. Cette émotion ne fut sans profit ni pour le trésor, ni pour le commerce ; elle s'atténua d'ailleurs rapi- dement quand on eut réfléchi moins sur la nature de l'opération que sur le fait qu'elle n'interviendrait que dans un an. Nos contem- porains ont été soumis à un tel régime qu'ils estiment qu'à chaque jour suffit sa difficulté, et que la sagesse n'est pas d'anticiper sur la considération de celles de demain ou'd'après-demain, d'autam) qu'il y a toujours une.chance pour que le temps les émousse plus ou moins dans l'intervalle.

Dans le cas qui nous occupe, il était hautement improbable que le gouvernement changeât d'avis. Après avoir parié que sa politique réussirait au point d'arrêter une réforme monétaire qui anticipait sur ce succès, il ne pouvait pas renoncer à la réforme sans donner à penser que la politique avait échoué. Aussi bien

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n'était-ce pas le cas ; pendant le premier semestre de l'année qui s'achève, la politique dite de décembre 58 a produit presque tous les résultats escomptés : reconstitution de nos réserves en devises, évolution favorable de notre balance des comptes, amélioration très sensible de notre balance commerciale, maintien des prix dans les limites prévues lorsque le taux de la dévaluation de décembre avait été calculé, activité économique relativement soutenue, etc..

• Au début de l'été nous avons vu paraître les billets amphibies, c'est- à-dire les billets usuels portant de façon visible l'indication de leur valeur en nouveaux francs : il s'agissait d'une émission présumée éducative, mais qui ne pouvait rien changer aux habitudes et aux comptabilités. A présent, nous voici devant le virage qu'il n'est pas question d'éluder.

Or nous l'abordons en de moins bonnes conditions, parce que depuis quelques mois les prix ont adopté la marche ascensionnelle qu'il est donné à chacun de nous de mesurer. Jusque-là, les prévi- sions en ce domaine s'étaient vérifiées, parce qu'au début de l'année les prix industriels, sollicités notamment par ceux des matières premières majorés par la dévaluation, avaient augmenté plus qu'on ne l'escomptait, mais les prix agricoles par leur modération avaient fait compensation et maintenu l'équilibre. Depuis lors, une séche- resse, rebelle à la planification, a produit les résultats que l'on sait et déterminé une hausse des prix alimentaires puis de l'indice global que les pouvoirs publics se sont employés à conjurer avec une acti- vité voisine de l'agitation.

D'éminents esprits se sont empressés, de tous côtés, de nous expliquer que cette hausse des prix n'était qu'un faux problème, ce qui n'est peut-être pas une expression très bien choisie, ni des- tinée à être particulièrement appréciée par la ménagère nantie de son fameux panier périodiquement plus coûteux. L'intention de nos docteurs était simplement de nous rappeler que la stabilité parfaite des prix est un mythe, qu'en régime normal ils sont destinés à fluctuer sans que la stabilité de la monnaie en soit le moins du monde affectée, et qu'il s'agit là de mouvements occasionnels et temporaires destinés à s'éteindre ou à s'annuler mutuellement.

Cette argumentation est irréprochable, sous une réserve impor- tante qui est qu'en attendant la baisse, la hausse ne s'incorpore pas dans les salaires, parce que la hausse de ces derniers est irré- versible, qu'elle pèse sur les prix de revient, et qu'à son tour la hausse de ces derniers pose le problème de l'exportation, lequel à

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la'limite'met en cause la monnaie. Nous, prions qu'on né nous fasse pas dire ce que nous ne disons pas. Nous ne disons pas que le nou- veau franc soit menacé avant de naître ; le serait-il que nos réserves monétaires reconstituées permettraient une sérieuse défense. Nous constatons seulement que la hausse de l'indice des prix a nécessité un premier relèvement en novembre du salaire minimum interpro- fessionnel garanti, qu'un second relèvement est plus que prévisible en janvier, et que des mouvements revendicatifs, qui n'en sont encore qu'au stade des grèves d'avertissement, se multiplient un peu partout et spécialement dans lê secteur public. Il entrait, on le sait, dans les intentions du gouvernement de procéder au moment où nous sommes à des relèvements de salaires qu'il avait réussi à ajourner jusque-là, parce qu'il pensait qu'à l'automne la stabilité des prix serait assurée, à l'inversé de ce qui s'est produit. Cela ne signifie pas que les ajustements de salaires*inévitables dépasseront les limites supportables : il y a même des raisons de penser le con- traire (1), mais enfin cette situation commande la plus grande attention, et c'est au moins une coïncidence fâcheuse qu'elle se complique sans la moindre utilité ét sans la moindre urgence d'une opération monétaire dont les conséquences de tous genres ne seront pas moins à surveiller.

* ' ta.

Si F on essaie en effet d'analyser les raisons de l'inquiétude assez générale que suscite l'approche de cette mutation, on en distingue au moins trois : 1° la prise de conscience d'un appauvrissement collectif. 2° la crainte d'une accélération de la hausse des prix.

3° un ensemble de difficultés pratiques qui risquent de freiner une activité économique à peine renaissante.

Il n'y a rien à dire sur le premier point, sauf à rappeler que l'introduction d'une nouvelle monnaie ne crée pas l'appauvrisse- ment mais le constate. On peut seulement — et c'est notre cas — esti- mer que cette constatation est prématurée, techniquement et insuffi- samment préparée psychologiquement, mais si,, comme on l'a sou- haité, elle persuade finalement le pays que l'ère de la facilité moné- taire est close, elle sera bénéfique. Pour le moment, il ne faut pas s'attendre à des réflexes optimistes : les gens avertis s'apercevront que la réforme ne les ramènera en rien au temps des louis et des

(1) La C. G. T. colonisée ne peut pas faire suivre l'Invitation adressée a M. Khrouch- tchev d'une agitation dirigée contre le gouvernement invitant.

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sons qu'ont connu les moins jeunes d'entre eux, puisque le nouveau franc vaudra quelque chose comme 62 % du franc de Germinal ; en outre, il ne recevront pas davantage les prix de leur jeunesse, car, en nouveaux francs, la moyenne des prix de demain s'établira sans doute au double des prix de 1914. Nous disons bien « la moyenne», car, dans l'industrie notamment, la hausse est beaucoup moindre dans les branches où les progrès techniques ont été considérables, au lieu qu'elle est plus forte dans les secteurs utilisant beaucoup de main d'œuvre. Quant au manœuvre léger qui ignore ces calculs, il ne se sentira pas comblé en recevant 400 francs au lieu de 40.000 dans le moment précis où son syndicat lui. représente que ces 40.000 sont insuffisants. Et le rentier classique dont le titre vaudra 1 franc ou 18 sous et le coupon 3 et 5 centimes, le porteur d'obligations à 5 francs l'une, ou l'actionnaire du Crédit Foncier, établissement dont le prestige et la fortune sont indiscutés, dont l'action vaudra 17 fr. 50, devront beaucoup réfléchir avant de se sentir réconfortés.

Ils s'apaiseront sans doute s'ils constatent que les prix ont été minorés dans la mesure exacte de leur pouvoir d'achat. Il est pro- bable que ce sera le cas pour ce qu'on pourrait appeler les « gros » prix, dont on peut même escompter une certaine baisse, parce que

^'acheteur sera plus circonspect, mais, en ce qui concerne une quan- tité de prix et de services mineurs, ils sont exposés à hausser, si l'on n'y prend garde, par l'effet de subtils arrondissements (de 3 fr. 82 à 3 fr. 85 par exemple) ou simplement parce qu'ils paraîtront déri- soires. On a déjà imaginé cet avertissement d'un curé à ses parois- siens : « Nous profiterons de l'opération franc lourd pour rectifier la menue contribution que vous apportez à l'entretien des chaises : au lieu de 5 francs par mois, vous donnerez désormais deux sous. » Quand une vieille amie vous sollicitera pour une œuvre, vous ne serez pas très fier de lui envoyer 5 ou 10 francs et vous redouterez le mépris de la dame du vestiaire en lui glissant 50 centimes ou un franc. Ne croyons pas que ce soient là petites choses, car s'il y a débordement à la base, il gagnera inévitablement vers le sommet, de même que si la parité exacte des prix en anciens et nouveaux francs ne fonctionne pas dès le premier jour, ce débordement sera presque inévitable.

Qu'enfin la réforme monétaire produise pendant un temps un effet d'inhibition, on en peut d'autant moins douter que cet effet se fait déjà sentir préventivement. Le menu peuple qui ne comprend

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toujours rien à ce qui va se passer, attendu qu^on n'a à peu près rien fait pour qu'il comprenne, attend d'être éclairé par l'événe- ment. On assure qu'il le sera bientôt, puisque las anciens signes monétaires, auxquels il est habitué, ne disparaîtront totalement que dans cinq ans, et qu'il lui faudra simplement se rappeler que, la pièce de 1 franc vaut 1 centime et celle de 20 francs quatre sous : il n'empêche que Crainquebille et Madame Muche connaîtront là-dessus pendant quelque temps des débats animés; Les comp- tables, genB industrieux, s'adapteront vite ; ceux du Trésor ont déjà trouvé à l'Officiel des renseignements détaillés sur les « reco- tements » simples et doubles auxquels ils devront procéder, et sur l'usage éventuel de tampons humides, « dissimulant sous un pavé l'impression B.P.F. en lui substituant au-dessus ou au-dessous la mention B.P.N.F. » Il est un secteur, dont nous ne parlerons pas, parce que des spécialistes plus compétents lui ont donné leur soin et où l'adaptation sera plus complexe : nous voulons parler du marché financier. Des regroupements des titres seront évidemment nécessaires pour éviter defc capitalisations ou des dividendes déri- soires ; les augmentations de capital par incorporation de réserves se sont déjà multipliées : la réévaluation des bilans n'a pas fini d'occuper et de préoccuper les hommes de l'art : après quoi il y a lieu de prévoir quelques évolutions notables dans les habitudes et l'état d'esprit de l'épargne et de la clientèle boursière

*

Ayant dit, nous finirons comme nous avons commencé : le devoir et l'intérêt de tous consistent à se persuader et à persuader les autres de la nécessité d'une discipline totale pour que la muta- tion du 1e r janvier ne soit en effet rien d'autre qu'une mutation, n'apportant aucune perturbation durable dans le déroulement d'un redressement économique et financier indiscutablement en bonne voie.

En bonne voie mais non achevé, et c'est pourquoi il eût été préférable d'attendre cet achèvement. Il ne sera obtenu d'une manière indiscutable que lorsqu'il aura été mis un terme à l'augmen- tation continue des dépenses publiques. M. Pinay a dû user de toute son autorité et déployer les plus grands efforts pour que le budget de 1960 « reconduise » sans l'aggraver le budget de 1959, mais rien ou presque rien n'a pu être fait pour un assainissement en profon-

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deur de la gestion de l'Etat, et pour alléger la charge fiscale qui sera demain encore plus sensible qu'hier.

Le Premier ministre, dans un discours auquel nous nous som- mes déjà référé, proclamait voici peu que la première année Debré équivalait financièrement à la meilleure des années Poincaré. La comparaison est valable dans la mesure d'ailleurs limitée où sont comparables les données techniques des deux opérations. Mais si on l'admet, on est obligé de rappeler qu'après la meilleure année de Poincaré il s'en trouva de moins brillantes. Gomme en ces temps- là on ne manipulait pas la monnaie par ordonnance, le Prince lor- rain attendit deux ans avant de fixer le point d'équilibre d'un nou- veau franc, dont la naissance fut l'occasion d'un émouvant débat parlementaire. Le franc de Germinal, qui avait traversé impavide cent ans de guerre et de révolutions, n'avait pas résisté aux pertes de substance infligées à la France par le premier conflit mondial ; le franc Poincaré lui succédait à qui chacun promettait une longue carrière : le ministre des Finances du cabinet suivant célébrait imprudemment l'abondance du Trésor, ét son successeur se flattait de gérer les finances les plus prospères qu'ait jamais connues la IIIe République. Or, en 1936, le franc Poincaré allait achever sa brève carrière dans la huitième année de son âge.

Le seul problème grave que pose la naissance du franc lourd est celui de savoir si l'appareil politique est en mesure, à la diffé- rence de ses prédécesseurs, d'assurer le respect des règles qui condi- tionnent la pérennité de la monnaie. Moyennant quoi les change- ments plus ou moins décoratifs apportés à la présentation et à la numération des signes monétaires sont à la fois inoffensifs et sans intérêt.

Car le « poids » d'une monnaie est indifférent : l'important est qu'elle soit stable et en situation de le demeurer.

C.-J. GIGNOUX.

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