D. BOICHARD
INRA Jouy
Station de
Génétique quantitative
etappliquée
78350
Jouy-en-Josas
Impact économique
d’une mauvaise fertilité chez la vache laitière
Alors que la production laitière est touj ours mieux maîtrisée,
unevache
surquatre présente des problèmes de reproduction. Quel est le coût d’une telle situation, comment le
mesurercompte tenu de la multiplicité des
conséquences ?
Les
performances
dereproduction
ducheptel
bovin laitier
français apparaissent médiocres,
dumoins par
rapport
auxobjectifs,
souventopti-
mistes, affichés. Les résultatspubliés
dans le ca-dre de la Gestion
Technique
desTroupeaux
Lai-tiers
(Champy
1982, Paccard1986)
montrent que le taux de réussite à lapremière
insémination(IA) J
est inférieur à 50 %. La fécondation a lieu en
moyenne
près
de 100jours après
la mise-bas etaprès
110jours
pour 27 % des femelles. Un éle- vage sur sixprésente
un intervallevêlage-fécon-
dation
moyen supérieur à 110 j ours
et unsur cinq
un taux de réussite à l’IA inférieur à 40 %. L’infer- tilité est
responsable
d’au moins 20 % des ré-formes
(Rainaut 1985)
et donc de laperte
an- nuelle de 5 à 6 % ducheptel.
Les résultats étran-gers confirment ce constat très
général.
Le coût d’une telle situation est difficile à chif- frer : les
conséquences
d’un mauvais niveau de fertilité sontnombreuses,
diffuses et échelon- nées dans letemps,
mais ne sont pas toutes défa- vorables. Elles comprennent notamment:1)
uneaugmentation
des frais vétérinaires et d’insémi- nation,2)
unallongement
et une meilleure per- sistance de la lactation en cours,3)
une augmen- tation du taux deréforme, 4)
une modification des lactations ultérieures des animaux conservés.Ces deux derniers
points
sont lesplus impor-
tants. Un taux de réforme élevé
signifie
un amor-tissement
rapide
des femelles et leurremplace-
ment par des animaux
jeunes,
donc moins pro- ductifs dans l’immédiat. Par contre, la valeur à la réforme des animaux stériles estgénéralement
élevée
(Sol
et al1984).
D’autre part, ledécalage
des mise bas soumet les lactations ultérieures à de
multiples
effets saisonniers modifiant les conditions deproduction.
Ces effets saisonnierspeuvent
être favorables ou défavorables et sont de toutefaçon
difficiles àprévoir.
La
plupart
des études visant à estimer le coût de l’infertilité n’ont considéréqu’une partie
desrépercussions,
leplus
souvent sur laproduction
laitière. Les études es
plus
fines sont celles de Sol et al(1984)
et deDijkhuizen
et al(1985) qui
esti-ment
séparément
chacune desquatre
compo- santes citéespuis
en font la somme.Cependant,
une telle méthode revient à considérer que la po-
litique
de réforme et de renouvellement estfixée,
ce
qui
n’est pas le cas. Laprésente
étude proposeune estimation du coût
global
d’une baisse de fer-tilité, intégrant
toutes sescomposantes
sans les dissocier. Elleanalyse également
les variationsdu coût estimé en
fonction
de différents facteurscomme le niveau moyen de
fertilité,
lesparamè-
tres
techniques
etéconomiques
et les effets sai- sonniers.Résumé
_________________________L’importance économique
de la fertilité chez la vache laitière est estimée par modéli- sation. La fertilité est mesurée par le taux deconception
moyen del’élevage.
Un mo-dèle est tout d’abord construit pour déterminer
l’espérance
de revenuprévisionnel
d’une
vache,
conditionnellement au taux deconception
moyen del’élevage.
Cette es-pérance
est maximisée parprogrammation dynamique,
méthodepermettant d’opti-
miser la conduite du
troupeau.
Le coûtmarginal
d’une baisse du taux deconception
est ensuite estimé par la différence entre les
espérances
de revenuprévisionnel
d’unegénisse prête
à mettrebas, rapportée
à la différence entre les taux deconception
cor-respondants.
L’estimation obtenue est minimale et n’inclut pas l’effet d’une éven- tuelle conduite nonoptimale.
Elle estglobale
etintègre
toutes lesconséquences
de labaisse de fertilité sur le taux de
réforme,
sur les lactations en cours etfutures,
ainsi que les frais immédiats. Le coûtmarginal
ainsi déterminé est assez stable et nedépend
que de deuxtypes
deparamètres :
il diminuelorsque
la fertilité moyenne de lapopulation
augmente oulorsque
les conditions de renouvellement sontplus
favorables(valeur
àla réforme
élevée,
valeur d’unegénisse
de renouvellementfaible).
Dans les conditionsfrançaises actuelles,
la valeur de 1point
de taux deconception
estcomprise
entre 10 et 20 FF par vache et par an selon cesparamètres.
Le coût
d’une
variationdu
tauxde
conception
moyendans
unélevage
estestimé par l’écart
de
revenu
qu’elle
entraîne pour
chaque vache.
1 / Méthodes
1.
1 / Le coût de l’infertilité dépend
de la conduite du troupeau
A tout moment, l’éleveur a le choix entre les trois solutions suivantes:
- la réforme immédiate de
l’animal,
suivie de sonremplacement
par unegénisse,
immédiat ou dif-féré ;
- sa mise à la
reproduction ;
- la conservation de
l’animal,
sans miseà la repro- duction,
en vue d’une éliminationdifférée,
en fin de lactation parexemple.
La décision de réforme immédiate ou différée
concerne
préférentiellement
les animaux peuproductifs,
peu fertiles ouâgés.
Lapolitique
choi-sie
dépend
aussi desparamètres techniques
etéconomiques
del’élevage
ou extérieurs à l’éle- vage. Lapolitique
de réforme- renouvellement n’est donc pas fixée maiss’adapte
aux conditions.Comme à chacun des choix est associée une
espé-
rance de revenu futur
différente,
le coût d’une baisse de fertilitédépend
donc de la conduited’élevage.
Le coût minimal est celuienregistré
avec une conduite
d’élevage optimale, adaptée
àtout moment en vue de maximiser le revenu
pré-
visionnel. Il
s’agit
là du coût réellementimputa-
ble à une baisse de fertilité. Ils’y ajoute
un éven- tuel « surcoût » lié à unepolitique
nonoptimale.
Ce surcoût
peut
être très élevé(Dijkhuizen
et al1985),
parexemple lorsque
l’éleveur réforme trop pour maintenir un intervalle entrevêlages
d’unan
malgré
un taux deconception
bas.1.
2 / Quel critère de fertilité choisir ?
La fertilité chez la
génisse
et chez la vache enlactation sont deux caractères différents. Intra
élevage,
seul le second est enlégère opposition
avec le
potentiel
laitier(Hansen
etal 1983b
tan-dis
qu’aucune
relation clairen’apparaît
entremoyennes
d’élevage.
Cette étude ne considèredonc que la fertilité post partum de la femelle en
production.
Il est nécessaire à ce stade de
distinguer
la ferti-lité vraie, c’ est- à-dire
l’aptitude
pour une vache à êtrefécondée,
de la fertilitéapparente
résultant de la fertilité vraie et des choix de l’éleveur. Le taux deconception
à lapremière
insémination(supposé corrigé
pour les effets de la saison, du stade de lactation et du taureauutilisé)
est assimi-lé dans étude à une mesure de la fertilité vraie.
Bien que fortement liés au taux de
conception,
les critèresclassiques
de nombre d’inséminations pargestation,
d’intervallesvêlage-fécondation, première
IA-fécondation ou d’intervalle entre vê-lages
ne mesurent que la fertilité apparente car, àtaux de
conception
constant, ils diminuent lors- que lapolitique
de réforme estplus
sévère et doncquand
les mauvaisesperformances
ne peuventpas être
exprimées.
Cette étude est donc basée surl’utilisation du taux de
conception
moyen dansl’élevage, supposé corrigé
pour les variations d’intervallevêlage-première
insémination.1. / Comment estimer le coût d’une baisse de taux de conception ?
Une vache dans un état donné
(âge,
niveau deproduction,
stade delactation, etc.)
a uneespé-
rance de revenu futur annuel
PROFIT(Fl) lorsque
le taux de
conception
moyen del’élevage
est Fl.Le même
animal,
dans le mêmeétat,
aurait uneespérance
de revenu annuel PROFIT(F2)
si letaux de
conception
moyen del’élevage
était F2.Pour cette vache et dans l’état
qui
lacaractérise,
le coûtmarginal
C d’une baisse élémentaire de ferti- lité de sonélevage
de Fl à F2 est estimé par[PROFIT(F2) - PROFIT(Fl)]
/(F2 - Fl).
Sous
l’hypothèse
que la conduited’élevage
maximise le revenu
prévisionnel
dechaque vache,
le surcoût associé à un choix nonoptimal
de
l’éleveur,
pardéfinition,
est nul. Leproblème
de
l’optimisation
de la conduite du troupeau pour maximiser le revenu adéjà
été abordé par Van Arendonk dans sa thèse(Van
Arendonk1985a,b
et c, Van Arendonk et
Dijkhuizen 1985).
La mé-thode
employée, appelée programmation dyna- mique,
est unetechnique mathématique
visant àoptimiser
uneséquence
de décisions. Notre étude est dérivée de sonanalyse
et utilise un mo-dèle similaire.
La méthode consiste à transformer la carrière de la
vache,
par définition continue, en une suc-cession
d’étapes
élémentaires. Au cours de cha- queétape (t),
la vache est dans un étatdonné X t unique.
Un état est une combinaison de variables caractérisant au mieux un animal. Le modèle est d’autantplus précis
que lesétapes
sontplus
courtes et le nombre d’états
possibles
pour un animalplus
élevé. Un modèlecompte générale-
ment
plusieurs
centainesd’étapes
etplusieurs
centaines de milliers d’états différents
X t .
Si l’ani-mal est
conservé,
ilpeut
passer àl’étape
t+ 1 dansun état
X’ t ,,
avec uneprobabilité
de transitionPT(X
t
, X’ t+1 )
= PTqui
seraexplicitée plus
loin.Chaque
étatX t
est caractérisé par sonespérance
de revenu futur entre t et un horizon d’étude aussi
éloigné
quepossible, appelé
T,compris
enprati-
que entre 10 et 20 ans. Cette
espérance
de revenuentre t et T, notée
PROFIT(X t ),
est obtenue sousl’hypothèse
d’une conduiteoptimale
sur cettepé-
riode. Le coût d’un écart de fertilité au
temps
0pour un animal à l’état X est donc estimé par
C(X o
)= [PROFIT(Xo,F2)-PROFIT(Xo,F1)]/(F2-F1)
Cette estimation n’est calculée que sur la
partie
à venir de la carrière de l’animal. C’est donc en
considérant la
génisse prête
à mettre bas que l’on obtient une valeurCg synthétique
car estimée surl’ensemble d’une carrière.
avec
GEN o l’espérance
de revenu futur d’unegé-
nisse
prête
à mettre bas autemps
0.1.
4 / Comment estimer PROFIT(X t )
et GENT ?
L’espérance
de revenu futur d’un animal dansun état
quelconque PROFIT(X t ),
etplus particu-
lièrement celle d’une
génisse prête
à mettre basGENO, est obtenue par résolution d’un
système
de
récurrence posé par Van Arendonk et Dijkhui-
zen
(1985),
illustrantqu’à chaque
instant, troispossibilités
sont offertes àl’éleveur,
l’éliminationou le maintien dans le
troupeau,
avec ou sansmise à la
reproduction.
Ces troispossibilités
sontcaractérisées chacune par son
espérance
de reve-nu entre t et T,
ELIM(X,), INS(X,)
etGARD(X,),
etl’éleveur choisit la meilleure : PROFIT
(X t ) _
=Max
(ELIM (X,),
GARD(X t ), INS(X J ) J
Chacune de ces
espérances
de revenu, ELIM(X,),
GARD(X t ),
ouINS(X t ),
estdécomposée
endeux
parties :
uneespérance
de revenu entre t ett+ 1, une
espérance
de revenu entre t+ 1 et T. Parexemple
GARD(X,)= REVENU(X,)
+ 1 PTPROFIT(X’ t+l ) J
ou
ELIM(X,)
=REFORME(X t )
+GEN,.
Dans cette récurrence, les revenus au temps t
sont donc fonction des revenus au temps t+ 1. Le
système
est alors résolu àrebours,
de Tjusqu’au temps
0. Cettefaçon
inhabituelle deprocéder
fa-cilite
l’optimisation
de la conduite du troupeau.En
effet,
comme la conduite entre t+ 1 et T est op- timale(car optimisée
lors desétapes précé- dentes),
il suffit de faire bon choix entre t et t+ 1 pour obtenir le revenu maximum entre t et T. Par contre, une telle méthodeimpose
la définition d’un horizon d’étude T suffisammentéloigné (10
oà 20 ans, pour des
étapes
élémentaires inférieuresau
mois)
pour que les valeurs de revenus autemps
T, fixées arbitrairement(dans
notre cas à lavaleur de
réforme),
n’influencent pas les valeurs obtenues au tempsprésent (t= 0).
Lesprincipaux paramètres impliqués
dans ceséquations
sontdes
paramètres
de revenu et desprobabilités
detransition
explicités
dans leparagraphe
suivant.1.
5 / Le modèle d’analyse
Avant de résoudre un tel
système,
tous les pa- ramètresimpliqués (économiques,
zootechni-ques ou
démographiques)
sont définis avec lemaximum de
précision,
ainsi que leurs relationsavec les différentes variables d’état.
Toutefois, lorsqu’ils
sontarbitraires, susceptibles
d’évoluerou très variables d’un
élevage
àl’autre,
unegamme de valeurs est testée. De
même,
les para- mètreséconomiques
évoluent constamment et devraient enprincipe
êtreperpétuellement
ac-tualisés. Nous notons
cependant
comme VanArendonk
(1988)
que les résultats sont peu sensi- bles à la trèsgrande maj orité
desparamètres.
Lesparamètres économiques
utilisés dans cette étude sontreprésentatifs
de la situationfrançaise
de 1986.
Compte
tenu de leur nombre et de la bonne stabilité desrésultats,
ils ne sont paspré-
sentés en détail dans cet article. Pour
plus
depré-
cisions, le lecteur peut se référer aux études de Van Arendonk(1985a,b,c)
ou de Boichard(1987
et
1988).
D’une
façon générale,
huit variables d’état dé- crivent un animal autemps
t : son numéro de lac- tation, son stade delactation,
le stade de lactation à laconception
si l’animal est gestant, la date de dernière misebas,
son niveau deproduction
indi-viduel pour la lactation en cours, un bilan de son
niveau de
production
individuel pour les lacta-tions
passées,le
niveau de fertilité individuelpré-
sent, un bilan du niveau de fertilité individuel
passé.
A raison de 10 modalités parvariable,
un modèlecomplet
de ce type définit donc environ cent millions d’états différents(ou
combinaisons de cesvariables),
et devient insoluble. Pour des raisons decalcul,
six variables auplus
sont consi-dérées simultanément. Plusieurs modèles sont
donc nécessaires pour
analyser
tous lesparamè-
tres. Le
plus complexe
utilisé à cejour
définit667 440 états
possibles
pour une vache.Quatre types
deprobabilités
sontimpliqués :
celle de réforme involontaire à un état
donné ;
cellequ’une génisse
à sapremière
mise bas soitd’un niveau de
production
ou de fertilitédonné ;
cellequ’une
vache ait un niveau deproduction
ou de fertilité
donné,
connaissant son niveau lors des lactationsprécédentes ;
laprobabilité
deconception
dans un état donné.L’unité élémentaire
analysée
par la méthode n’est pasl’exploitation
dans saglobalité
mais lavache en lactation
comparée
au reste du trou-peau. En
conséquence,
l’atelier laitier constitueune entité propre de
l’exploitation.
Tous les veauxsont vendus
(éventuellement
à un autre atelier del’exploitation).
Demême,
l’alimentation fourra-gère
et les femelles de renouvellement sont consi- dérées comme achetées à leur coûtd’opportunité,
c’est-à-dire au seuil en dessous
duquel
il estplus
intéressant d’acheter que de
produire
surplace.
Un tel choix vise à rémunérer convenablement les autres ateliers et évite d’attribuer l’essentiel du bénéfice à l’atelier laitier. Les
génisses
mettentbas à
âge
constant. Comme une telle étude s’étend sur unepériode longue,
les revenus sontactualisés au taux de 8 % et le
cheptel
bénéficied’un
progrès génétique
linéaire de 60kg
de laitpar an.
Les éléments de revenu
intègrent :
- les
charges fixes ;
- les
charges
variables incluant l’alimentation enfourrage
et en concentréajustée
aux besoins indi-viduels,
lesinséminations,
les fraisvétérinaires ;
- le
produit
lié à la vente dulait,
fonction de laquantité
de laitproduite,
duprix
du litre de lait(variant
avec lasaison),
des tauxbutyreux
et pro-téique (variant
avec le stade delactation)
et deleur valorisation. La
quantité
de lait est elle-même fonction du niveau deproduction
del’élevage,
duniveau de
production
individuel(relatif
au ni-veau
d’élevage),
de lasupériorité génétique
moyenne des animaux liée à leur
âge,
du numéro delactation,
du stade delactation,
du stade de lac- tation à laconception (jouant
sur lapersistance)
et de la
période
de misebas;
- le
produit
issu de la vente des veaux, fonction de leur mortalité et de variations saisonnières desprix ;
- la valeur de
réforme,
fonction des variations sai- sonnières deprix
et dupoids
vif horsgestation,
déterminé par le numéro delactation,
le stade de lactation et le niveau deproduction ;
- le coût de
remplacement
par unegénisse,
fonc-tion de la saison ;
- le coût de la réforme
involontaire,
incluant uneperte
deproduction,
un délai deremplacement,
la perte d’une fraction forfaitaire de la carcasse.
Le tableau 1 schématise les relations entre les différents
paramètres
du modèle et les variables d’état.Ce coût est
minimal
lorsqu’on optimise la
conduite d’élevage :
à
chaque étape
l’animal
peut
être soit éliminé soit conservé avec ou sans mise à lareproduction
et onsuppose que l’éleveur choisit la meilleure solution.
2 / Conséquences d’une conduite
optimale
2.i / Courbes de
revenuprévisionnel
Par
commodité,
le revenuprévisionnel,
calculésur la
période [0-T]
estexprimé
sur une base an-nuelle
correspondant
aucycle
deproduction.
Lacourbe de revenu
prévisionnel
annualisé suit uneévolution
caractéristique,
comme le montre la fi-gure 1. Si son niveau absolu est assez
arbitraire, dépendant
deshypothèses économiques
rete-nues, sa forme est par contre tout à fait constante.
Au cours d’une
lactation,
le revenu est maximum le mois duvêlage,
du fait de la vente du veau. Ilreste ensuite assez
stable,
à condition que l’ani- mal soitfécondé,
et augmente en fin delactation,
à
l’approche
duvêlage
suivant. Si l’animal estgestant, le niveau du revenu
dépend
peu de l’in- tervallevêlage-fécondation.
Les intervalles courts sont même défavorables enpremière
lacta-tion. Par contre, si l’animal reste
vide,
son revenu chute trèsrapidement
et ce, d’autantplus
que l’animal estplus laitier,
cequi
traduitl’approche
sa réforme. Au cours de la
période
d’insémina- tion, le revenu estplus
faible pour les animauxencore
vides,
du fait de laprobabilité
deplus
enplus
élevée de non fécondation. La courbe re-monte dès que la
gestation
estengagée.
La car-rière est
interrompue prématurément
pour lesplus
mauvaiseslaitières,
réformées volontaire- ment dès que leur revenu devient inférieur à celuiespéré
par leur réforme et leurremplacement.
Lerevenu
dépend
très fortement du niveau de pro-duction, qui
constitue son facteur de variationprincipal.
A niveau laitierdonné,
le revenu estmaximal en troisième lactation.
2.
2 / Carrière des animaux
Connaissant l’état d’un
animal,
et enparticu-
lier son niveau deproduction,
sonâge,
son stade de lactation et sesperformances
dereproduction,
la méthode
permet
de déterminer s’il est destiné à être conservé ou éliminé. Sa carrièretype peut
donc être reconstituée. Les deuxaspects
lesplus
intéressants concernent le
compromis
intervalleentre
vêlages/taux
de réforme en fonction du taux deconception moyen, ainsi
que la liaison entre ni-veau laitier et fertilité induite par le fait que l’éle-
veur tolère des
performances
dereproduction
d’autant
plus
médiocres que l’animal estplus productif.
a /
Induction d’une liaison lait fertilité
par lemode de conduite
Les résultats
présentés
au tableau 2(obtenus
sous
l’hypothèse
d’une corrélation nulle entre taux deconception
et niveaulaitier)
montrentqu’un
niveau laitier minimal estrequis
pour quela vache soit inséminée. Plus l’insémination est
tardive, plus
le niveau laitierexigé
est élevé. Cetteconstatation est
logique
et confirme les résultats de Van Arendonk etDijkhuizen (1985) :
le choixoptimal
de l’éleveurdépend
avant tout du niveau deproduction
et de l’intervallevêlage-féconda-
tion de la femelle et, dans une moindre mesure,
de son
âge
et de la fertilité moyenne del’élevage.
En
première lactation,
si la fertilité est élevée(60 %)
une vache n’est pas inséminée du tout sison niveau de
production
est inférieur à 80 ou85 % du niveau
d’élevage,
cequi représente
envi-ron 5 % des animaux. Une vache encore vide 120
jours après vêlage
n’est inséminée que si sa pro- ductiondépasse
85 à 90% de la moyenne du trou- peau. Ces valeurs assez stables selon leshypo-
thèses traduisent le fait que les
possibilités
de ré-forme volontaire sont limitées. Pour les deux tiers des animaux
(et
donc pas seulement les bonneslaitières)
la décision d’insémination est encoreprise
six moisaprès
mise bas. Ceci traduit que le coût d’une réforme est engénéral prohibitif
parrapport
àl’allongement
de l’intervalle entre vê-lages, malgré
tous les inconvénients que cela comporte. Mises àpart
lesplus
mauvaises lai-tières pour
lesquelles
la réforme estimmédiate,
l’élimination effective estreportée
dans ladeuxième
partie
de lalactation,
du 6eau 12emois suivant le niveau deproduction.
L’acte de non in-sémination est donc
généralement
dissocié dans letemps
de la réforme effective. La non insémina- tioncorrespond
à la volonté de ne pas conserver l’animal au-delà de la lactation en cours, donc d’un horizon de 6 à 12 mois. La réforme est en-suite réalisée au moment le
plus propice
à l’inté-rieur de ce
laps
de temps.Les lactations suivantes
présentent
des carac-téristiques comparables. Cependant,
les niveauxminima de
production
pour inséminer sont rele- vés. Plus les animaux sontâgés, plus
lapolitique
de réforme est sévère en terme de niveau de pro- duction. Pourtant, le taux de réforme volontaire diminue avec
l’âge
du fait des éliminations anté- rieures et de la liaison desperformances
laitièresentre lactations successives
(tableau 3).
Il ne ré-augmente qu’à partir
de lacinquième lactation, parallèlement
au taux de réformeglobal qui
s’ac-croît avec
l’âge. Compte
tenu de cettepolitique
desélection
massale,
le niveau moyen deproduc-
tion laitière augmente lentement avec
l’âge.
La corrélation induite entre niveau laitier et in- tervalle entre
vêlages
estpositive (0,06
à0,16)
bien
qu’assez
faible. Elle est nette enpremière lactation,
diminue ensuitepuis réaugmente
àpartir
de lacinquième
lactation. Cette liaison po- sitive est entièrement due à la conduite du trou- peau et non pas à un éventuelantagonisme
pro-duction-reproduction.
Eneffet,
seuls les animauxtrès laitiers
peuvent exprimer
un intervalle entre mise bas anormalementlong,
les autres étant ré-formés avant. Les valeurs de corrélation
apparais-
sent inférieures à celles couramment observées dans les
élevages.
Cecis’explique
par le fait que le niveau deproduction
estexprimé
defaçon
stan-dardisée et que la corrélation entre taux de
conception
et niveau deproduction intra-élevage
est
supposée
nulle dansl’exemple présenté
alorsqu’elle
est défavorable dans la réalité.b / Evolution
du modede conduite
selon le niveau defertilité
del’élevage
Lorsque
le niveau de fertilitédiminue,
le taux de réforme total augmente mais celui de réforme volontaire diminue(tableau 3).
Ceci traduit le fait que la marge de manoeuvre de l’éleveur dans le de ses réformes se réduit. Enconséquence, l’aug-
mentation de niveau
de production
avecl’âge
estun peu
plus
faible. De même, la durée de vie pro- ductive(c’est-à-dire
l’intervallepremière
misebas-réforme) diminue.Malgré l’augmentation
duPlus les
vaches
sont tâgées
ou peufertiles,
plusleur
niveaude production
doit êtreélevé pour que l’insémination soit
décidée.
taux de
réforme,
l’intervalle entrevêlages
s’al-longe.
Cette évolution reste toutefois réduite: 8jours
deplus
d’intervalle entrevêlages
pour 15points
de baisse du taux deconception.
3 / Valeur du point de taux
de conception
Dans toute la gamme de fertilité
analysée,
unebaisse de taux de
conception correspond
à unebaisse de revenu.
L’optimum
de taux de concep- tion est donc leplus
élevépossible (figure 2).
L’estimation de la valeur
économique
d’unpoint
de taux de réussite àl’IA, exprimée
par vache et par an, estcomprise
entre 12 et 20francs,
selon leshypothèses.
Elle augmente très sensi- blementlorsque
le niveau moyen de fertilité di- minue :lorsque
le taux deconception
passe de 60 à 45%,
le coût d’une diminutionsupplémentaire
de 1 % passe de 12-14 à 18- 20 francs. La
part
des effets saisonniers dans cette estimation est d’en- viron 3 francs en moyenne,correspondant
auxvariations saisonnières des conditions de pro-
duction,
essentiellement duprix
du lait. Plus cettepart
estimportante, plus
elleimpose
à l’éle-veur une meilleure maîtrise de la
reproduction
pour maintenir les mise bas en
période optimale.
Au cours de
l’année,
cettecontribution, toujours positive,
varie de 2 à 4francs, indiquant
que ces contraintes n’ont pastoujours
la même intensité.Le maximum est obtenu dans les conditions fran-
çaises
deproduction
pour des mise bas degé-
nisses de fin d’automne ou de fin de
printemps (figure 2).
Ces variations saisonnières ne modi- fient pas l’ordre degrandeur
dupoids
économi-que de la fertilité.
L’existence d’une
répétabilité
faible mais nonnulle de la fertilité
(0,05
à 0,10 selon Hansen et al1983a)
contribue aussi à augmenterl’importance
de ce caractère, pour 1, francs environ.
L’estimation n’est en fait pas constante selon les
animaux,
ni même selon leur stadephysiolo- gique (figure 3).
Dans unélevage
d’un niveau lai-tier
donné,
le coût de l’infertilité estplus
élevépour les meilleures laitières parce que ces ani-
maux sont les
plus
intéressantséconomiquement
et
qu’ en
cas deréforme,
ils sontremplacés
par desgénisses
de niveau inférieur enprobabilité.
En ef-fet,
leprogrès génétique
moyen,compris
entre 50et 100
kg
de lait par an, ne suffit pas à compenser lasupériorité
d’une bonnelaitière, qui dépasse
facilement 1000
kg.
Demême,
au cours de la lac- tation, la valeur dupoint
de fertilité augmente de3 francs en moyenne et
jusqu’à
5 francs pour les meilleures laitières au cours de lapériode
d’IApour les animaux encore vides. Elle retombe à
son niveau de base pour les animaux non suscep- tibles d’être inséminés
(animaux
gestants, en de- hors de lapériode
d’IA ou de niveau laitier insuf-fisant).
4 / Sensibilité des estimations
aux
paramètres du modèle
L’effet des variations des
paramètres
économi-ques est
présenté
au tableau 4. Parmi lesparamè-
tres
considérés,
leprix
moyen dulait,
le niveau deproduction
del’élevage,
la valeur des veaux et le niveau deprogrès génétique
ne semblent pas mo- difier sensiblement les estimationsprécédentes.
Par contre, le coût de
remplacement
et la valeur àla réforme de la vache ont une influence
impor-
tante. Van Arendonk
(1985b)
avaitdéjà
montréque ces deux
paramètres
modifiaientprofondé-
ment la
politique
de renouvellement et de ré- forme.Lorsque
leprix
d’unegénisse
est bas ou lavaleur à la réforme
élevée,
les réformes sont ren-dues
plus
faciles(tout
en restant dans des limitesbiologiques acceptables
pour lerenouvellement)
et une baisse de fertilité a un coût moindre. Ainsi,
une hausse de 20 % de la valeur à la réforme ou une baisse de 17 % du
prix
d’unegénisse
dimi- nuent le coût de l’infertilité de 30et 40 % respecti-
vement.
Cependant,
ces deuxparamètres
ne sontpas
indépendants
mais au contraire varient dans le même sens, tendant donc à réduire leurs effets.Par
définition,
les estimations obtenues sontglobales
et ne peuvent pas êtrecomparées
à cellesbasées sur un retard à la fécondation. La sensibili- té des résultats aux valeurs de renouvellement et de réforme montre à la fois la
part importante
des réformes dans le coût de l’infertilitéquand
lesconditions ne sont pas
favorables,
comme l’ontdéjà souligné
Sol et al(1985),
mais aussil’impos-
sibilité de fournir une
répartition
fixe du coût en-tre les effets
directs, l’allongement
de la lactation etl’augmentation
des réformes.Conclusion
La variabilité des estimations selon le niveau moyen de fertilité d’une part, les valeurs de re-
nouvellement et de réforme d’autre part, ne per- met pas de fournir une estimation
unique.
Une fourchette de valeurs doit être considérée. Une baisse de 1point
du taux deconception
moyen d’unélevage
coûte entre 10 et 20 francs pour cha- que vache et pour une année. Toutes choseségales
parailleurs,
entre deuxélevages
dont lestaux de
conception
moyens diffèrent de 20points,
l’écart entre les revenus del’exploitation
laitière
peut
doncdépasser
10 %.Le coût de l’infertilité réellement
supporté
par l’éleveur est encoresupérieur.
D’une part, le mo- dèle considère des conditionsd’exploitation
trèsfavorables,
parexemple
une réserve degénisses disponibles
à tout instant ou une très bonneconnaissance de la courbe de lactation. D’autre
part,
à cette estimations’ajoute
le fait que lapoli- tique
réellement menée n’est pas forcémentopti-
male.Du
point
de vue conduite detroupeau
comme dupoint
de vuegénétique, quelques
conclusionspeuvent
être tirées.Pour une fertilité
donnée,
le coûtmarginal de
sadiminution dépend
surtout
du
coûtde
remplacement
etde
la valeur à la
réforme de la vache.
L’écart-type génétique
du taux deconception
est d’environ 5
points
et sa valeuréconomique
at-teint donc 50 à 100
F,
soit 5 à 10 fois moins que celle d’unécart-type génétique
de caractère lai-tier. Une telle
pondération permet
d’établir un bi- langlobal
de la sélection actuelle et éventuelle-ment de mettre en
place
un index combiné visant à maximiser le revenu de la sélection. Elle illustrecependant
que la fertilité reste un caractèregéné- tiquement d’importance
nonnégligeable
maissecondaire. La sélection ne constitue donc pas la bonne méthode pour améliorer les
performances
de
reproduction.
Elle serait coûteuse en terme deprogrès
laitier et très peuefficace, comparée
à lamarge de
progrès
trèsimportante
réalisable parune meilleure maîtrise des conditions de milieu.
Du
point
de vue conduite dutroupeau,
il estpossible
de mesurer l’intérêt des actions visant à améliorer lafertilité, comparé
à leur coût de miseen oeuvre. Mais la méthode fournit surtout une
très bonne base de
départ
pour ledéveloppement
de
logiciels
d’aide à la conduite dutroupeau.
Une telle action est en cours de mise enplace
auxPays-
Bas
(Van
Arendonk1988).
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