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LA MENACE MARITIME SOVIETIQUE

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LA MENACE

MARITIME SOVIETIQUE

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n moins de trente ans, l'U.R.S.S. est devenue, pour la première fois dans son histoire, une grande puis- sance maritime. L a grande bataille des SS-20 et des Pershing, le grave déséquilibre des forces terrestres soviéto-occidentales, la future stratégie de l'espace font trop oublier que la menace prin- cipale de l'U.R.S.S. est désormais maritime, avec ses sous-marins nucléaires, sa présence dans toutes les mers du monde et ses nouvelles capacités d'interventions à longue distance.

De défensive et de côtière, la flotte soviétique est maintenant essentiellement offensive et mondiale. L'ours soviétique est sorti de sa tanière.

Grâce aux efforts de l'inamovible amiral Gorchkov, depuis trente-six ans patron de la flotte, la marine soviétique n'est pas seulement devenue le fer de lance principal de la dissuasion nucléaire, avec ses sous-marins lance-engins, elle est un atout majeur pour le soutien de la diplomatie de Moscou, par sa pré- sence en Afrique, dans l'océan Indien, dans les Caraïbes et en Asie.

Après la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, l'U.R.S.S. a compris que la mer offre des possibilités stratégiques considéra- bles et toujours renouvelées pour la conquête stratégique du monde.

L'Empire russe, par la profondeur de son territoire, fut d'abord continental. Le grand dessein maritime de Pierre le Grand n'eut pas de suite. Le dernier des tsars eut à le regretter à la

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Rojdestvenski et sa destruction à Tsushima par les Japonais en 1905 ouvrirent le processus de déstabilisation du régime, entre- tenu par les marins mal aimés du Potemkine, achevé enfin par ceux du croiseur Aurora en 1917.

En fait, Staline fut aussi un tsar continental puis, avec la contraction des distances grâce à la vitesse, ses successeurs repri- rent les vues de Pierre le Grand.

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epuis trente-six ans, en effet, qu'il en assume le commandement, l'amiral Gorchkov a changé les dimensions et la nature de la marine soviétique.

Celle-ci joua un rôle modeste pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle assura la défense côtière et l'accueil des renforts alliés. Ses flottilles de petits bâtiments et de sous-marins légers patrouillèrent dans les mers riveraines sans s'aventurer dans les vastes océans.

Puis, avec la guerre froide, se précisa la menace des porte- avions américains qu'il fallait intercepter au-delà du rayon d'action de leurs aéronefs. Le sous-marin est l'arme privilégiée de celui qui ne peut prétendre à la maîtrise de la surface. Ce fut l'expan- sion de la force sous-marine océanique soviétique qui se déploya au-devant des escadres alliées avec ses torpilles et surtout ses missiles aérodynamiques.

Cependant se constituèrent les arsenaux nucléaires intercon- tinentaux. A la fin des années soixante, l'U.R.S.S. reconnut l'avan- tage de la plate-forme sous-marine et, en dix ans, rattrapa, en volume, l'avance prise par les Américains en matière de sous- marins lanceurs d'engins balistiques.

Le large déploiement de ses forces maritimes, principalement sous-marines, a conduit l'état-major soviétique à s'armer pour une autre mission défensive, orientée celle-ci contre les sous- marins alliés, engrenage inévitable. Elle se fait par sous-marins également mais nécessite un environnement beaucoup plus impor- tant dans les airs et en surface. Ainsi, les porte-avions du type Moscoa ou Kiev sont avant tout anti-sous-marins (A.S.M.).

L'apparition des grands porte-aéronefs marque le change- ment de nature de la marine soviétique et de ses objectifs. Depuis dix ans, en effet, la marine soviétique s'est progressivement tournée vers les missions offensives. Cela est d'une importance primor-

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diale. Les premières capacités offensives ont porté sur le soutien d'opérations à terre sur les théâtres périphériques avec des forces amphibies croisant outre-mer.

Puis, la menace s'est étendue aux territoires américains et alliés et à leurs proches. Les sous-marins avec missiles de croisière forment un complément tactique, préstratégique pour employer la nouvelle formule, à la force de dissuasion.

Le contrôle de certaines zones maritimes et des grands carre- fours de navigation est désormais à la portée des forces navales soviétiques par le déploiement de leurs sous-marins à moyen terme, enfin, l'apparition de nouveaux porte-avions d'assaut pour- rait modifier l'équilibre des forces aéronavales océaniques.

LA TERRIBLE MENACE SOUS-MARINE Les sous-marins demeurent cependant les armes principales de l'expansion navale soviétique. Les principaux types des années soixante constituent encore le corps de bataille essentiel de la deuxième marine mondiale. Mais depuis trois ans, Moscou accé- lère la mise en service de ses nouveaux modèles. La flotte sous- marine soviétique a, sur celle des alliés, l'avantage numérique : 250 unités contre 200. En 1983, on en construisait dix à l'Est contre huit à l'Ouest. De chaque bord, près de la moitié du parc est à propulsion nucléaire, mais les Soviets ont une panoplie plus diversifiée d'armements, avec des torpilles, des mines, des missiles balistiques et aérodynamiques nucléaires et conventionnels.

Plus significative est la continuité de l'effort de moderni- sation de cette arme.

Les nouvelles unités stratégiques Delta-III et leurs missiles balistiques SS-N 18 exercent une menace sur les silos des Minute- man américains à partir des eaux territoriales soviétiques sans avoir cependant la précision des Trident de l'U.S. Navy. La sortie des deux premiers sous-marins stratégiques « géants » de type Typhoon, monstre de 25 000 tonnes armés de SS-N20 marque une certaine volonté de promotion même si en matière de sous- marins, comme en bien d'autres, le gigantisme n'est pas une vertu en soi.

La modernisation des sous-marins d'attaque se poursuit sur les unités à diesel classe Tango, ce qui est de bon sens, et surtout

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avec la classe Alpha et sa coque de titane. Ce prototype pourrait atteindre la vitesse record de quarante nœuds. La flotte sous- marine soviétique continue donc à se renforcer en quantité, où elle a déjà l'avantage, et également en qualité.

Quelle est sa valeur relative sur ce dernier point ? Seuls quelques spécialistes peuvent répondre. Si les militaires aiment le secret, le monde sous-marin leur est alors un jardin de délices.

Les performances des véhicules spatiaux et aériens sont facile- ment évaluées ; l'interception et l'analyse des rayonnements élec- tromagnétiques est une affaire de moyens, mais savoir ce qui se déplace et s'entend sous la mer est une tout autre chose. Le secret du secret couvre souvent beaucoup d'ignorance. La pru- dence élémentaire invite à créditer les sous-marins soviétiques d'un bon niveau qualitatif même si certains d'entre eux ont dû recourir à des remorqueurs en haute mer à la suite d'avaries diverses.

Le poids politique et militaire d'une force navale, en temps de paix, de crise et de guerre, se mesure certes à sa puissance mais aussi à sa capacité d'être projetée et maintenue au loin.

Pour ce faire, les Soviétiques n'ont pas hérité, comme les anciennes puissances coloniales, d'un réseau de points d'appui outre-mer. Ce manque de bases leur fut bénéfique à long terme car ils furent contraints de développer leur autonomie à la mer.

Par la reconquête de Port Stanley aux Malouines en juin 1982, la Royal Navy a donné une superbe démonstration de puis- sance à 7 000 miles de Portsmouth. Elle n'aurait pu la réussir sans le support de sa flotte logistique ni la coopération de la marine marchande britannique. Or la marine soviétique dispose largement de ces précieux compléments. L'importance et le rôle de cette « quatrième force » constituée par les flottes, dites civiles soviétiques, mériteraient une étude particulière. Tout bâtiment de commerce peut être aisément reconverti en transporteur d'hommes ou de matériel. Avec son soutien et celui d'une flotte logistique très opérationnelle, les unités de combat et surtout les sous-marins russes peuvent assurer des permanences de plusieurs mois, à la mer, le long des côtes africaines, en océan Indien, aux Caraïbes, dans des conditions peut-être difficilement acceptables pour des équipages occidentaux.

L'efficacité de la force de frappe sous-marine ne dépend pas seulement des données quantitatives mais aussi de l'âge des divers

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types, beaucoup étant assez vétustés, de la qualité de leurs missiles, de leurs systèmes de communication, de la valeur de leur équipage, de leur condition d'emploi, et de leur ravitaille- ment.

Sur tous ces points, de nombreuses critiques ont été souvent faites. Mais la qualité de ces sous-marins, avec l'arrivée en nombre des derniers modèles, tend à s'améliorer rapidement.

Il ne faut pas oublier les conditions très défavorables d'accès aux océans des ports militaires soviétiques.

Pratiquement, les grandes flottes de l'U.R.S.S. doivent toutes emprunter des détroits pour gagner la haute mer : la flotte du Nord par le passage de la mer de Norvège, la flotte de la Baltique, la flotte de la mer Noire et même la flotte d'Asie, à partir de Vladivostok.

Rappelons que la flotte du Nord qui opère à partir de l'im- portante base navale de Severomorsk près de Mourmansk à

1 450 km de Moscou est aujourd'hui pour longtemps paralysée par les explosions en chaîne qui ont détruit, en mai dernier, la plus grande partie des missiles et des armes de cette flotte sur cette base navale.

Les bases outre-mer offrent cependant des facilités difficile- ment remplaçables. Aussi, depuis vingt ans, les Soviétiques les recherchent-elles. Encore que les aléas politiques leur imposent de conserver une certaine mobilité. Les installations navales d'Alexandrie ont dû être évacuées en 1972 après douze ans d'usage ; celles de Barbera, en Somalie, n'ont servi que quelques années et tout ce qui flottait a dû être remorqué à Aden en 1978.

Cette nouvelle base est complétée en mer Rouge par celle des îles Dahlak. Cuba et l'Angola fournissent des points d'appui. Les actions soviétiques au Pacifique se développent à partir du site d'importance exceptionnelle de Cam Ranh sur la côte de l'Annam

La puissance opérationnelle de la marine soviétique est encore renforcée par la mise en service d'une aéronavale à longue portée comportant notamment les fameux bombardiers Backfire et avions de transport et par la présence insistante de nombreux pseudo-chalutiers et navires hydrographiques, en fait, navires- espions sur tous les points stratégiques qui surveillent attentive- ment les mouvements de toutes les flottes occidentales.

Enfin, n'ayons garde de l'oublier, les Soviétiques ont toujours

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marins, leurs navires de surface et même les bombardiers de leur aéronavale sont équipés pour en mouiller. Les Soviétiques possèdent un stock très important de mines. Les évaluations varient entre 300 000 et 600 000 mines qui sont susceptibles de perturber sérieusement les communications navales et le ravitail- lement de l'Europe.

Cette menace est d'autant plus grave que les moyens anti- mines des Occidentaux, à l'exception de la France, sont très faibles. L'Union soviétique dispose là d'un moyen de combat dont on parle peu, parce qu'il n'est pas spectaculaire, mais dont l'efficacité est redoutable.

L'amiral Gorchkov commande désormais une marine offen- sive et de dimensions mondiales. Sa composante principale sous- marine lui donne des capacités particulièrement redoutables : la discrétion, l'ubiquité.

Cette nouvelle force modifie les scénarios classique de crises et de conflits. La relative passivité soviétique pendant l'affronte- ment des Malouines ne doit pas faire illusion. Il s'agissait de l'improbable conflit entre deux pays occidentaux, de deux gou- vernements, chacun à leur manière, conservateurs et alliés des Etats-Unis. L'U.R.S.S. gagnait à laisser faire. Aussi les nom- breux bâtiments de pêche des pays de l'Est, perturbateurs possi- bles, évacuèrent la zone des combats, ce qui prouve qu'ils sont bien contrôlés.

La marine soviétique n'est pas intervenue, ouvertement, non plus contre les porte-avions américains opérant au Liban et en Syrie. Le risque d'escalade dans un tel secteur et vis-à-vis d'un tel adversaire n'a pas été accepté.

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ais qu'adviendra-t-il dans une crise ou un conflit où les Soviets décideraient de passer à l'action ? Leur marine leur donne la possibilité de le faire, sur toutes les mers et rivages en choisissant le niveau, la manière discrète ou ouverte, l'action ponctuelle ou permanente.

Si la « guerre des étoiles » offre des perspectives nouvelles pour les affrontements de demain, l'expansion sur tous les océans de la marine des Soviets a déjà modifié les enjeux stratégiques aujourd'hui et le rapport des forces en présence.

JACQUES B A U M E L

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