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Dans le langage courant,«verser des larmes

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Academic year: 2022

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LL’’a accttuua alliittéé des sciences cognitives

4 © Cerveau & Psycho - N° 26

D

ans le langage courant,« verser des larmes de crocodile » signifie feindre une émotion pour abuser ses interlocuteurs,et,de façon plus générale, faire preuve d’hypocrisie.

L’origine de cette expression se perd dans la nuit des temps, et des récits antiques évoquent les crocodiles du Nil poussant des gémissements pour attirer leurs victimes vers les berges du fleuve.

Cette locution a fait peau neuve depuis qu’un zoologue de l’Université de Floride a constaté que les crocodiles pleurent effectivement lors- qu’ils dévorent leurs proies – ce qui était consi- déré par les Anciens comme le

comble de l’hypocrisie. Kent Vliet a observé et filmé quatre caïmans et trois alligators pendant leurs repas,et a constaté que cinq des sept animaux pleuraient à chaudes larmes à chaque fois qu’on leur servait leur déjeuner.

Cette histoire devient plus étonnante encore quand on apprend que K.Vliet a été initialement contacté par un professeur de neurologie de l’Université de Californie à Los Angeles, Malcolm Shaner, lequel désirait savoir si l’expression

« larmes de crocodile » avait un fondement zoologique.Ce neurologue menait des recherches sur un type particulier de paralysie faciale nommée paralysie faciale aiguë idiopa- thique : les personnes qui en souffrent versent des larmes quand elles mangent.

On ignore encore la raison précise de ce symp- tôme, repéré dès 1927 par un médecin russe F. Bogorad, lequel lui avait donné le nom de

« syndrome des larmes de crocodile ». À l’époque, se fondant sur les théories du biolo- giste allemand Ernst Haeckel (1834-1919) selon lesquelles le cerveau humain renfermerait toujours un cerveau reptilien primitif, Bogorad postulait qu’un tel réflexe lacrymal reptilien refai- sait surface chez des patients dont le système nerveux était endommagé.

C’est pour tester cette théorie que M. Shaner a voulu filmer les crocodiles… Il semble ainsi que le réflexe reptilien existe bel et bien ; toutefois, l’explication pourrait être purement mécanique : lorsque les crocodiles mangent, les aliments bouchent le sinus lacrymal qui permet d’éva- cuer les larmes dans la cavité buccale, ce qui ferait déborder les larmes dans l’œil… Le mystère des larmes de croco- dile est élucidé chez les reptiles,

mais pas chez l’homme !

K. VLIETet M. SHANER, Crocodile tears : And thei eten hem wepynge, in Bioscience, vol. 57. no7, p. 615, 2007

Des larmes de crocodile

Les crocodiles pleurent vraiment en dévorant leurs proies,

et cette particularité permet de mieux comprendre certains types de maladies neurologiques humaines…

Gret Johannes Jacobus V

rey/ Shutterstock

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© Cerveau & Psycho - N° 26 5

Sébastien Bohler

L

orsque vous regardez votre supérieur hiérarchique, trouvez-vous que son visage dégage une impression de compétence, de domi- nance, de fiabilité et de maturité ? Ces questions ont été posées à des volontaires par Nalini Ambady, professeur de psychologie à l’Université du Massachusetts : elle leur a montré les photographies des dirigeants des 25 premières entreprises du classement du magazine Fortune, et les a interrogés. Elle a constaté que les scores obtenus par les visages étaient directement liés aux bénéfices engrangés par les entreprises qu’ils dirigent.

Ainsi, la réussite d’une entreprise se lirait sur le visage de son direc- teur. Imaginons alors qu’un bureau de recrutement retienne une dizaine de candidats pour un poste de directeur général d’une grande entreprise, et que les dossiers de ces dix candidats soient équivalents quant au contenu.Pourquoi ne pas montrer à des volontaires naïfs ces dix portraits en leur posant les questions fatidiques ? Le candidat obtenant le meilleur score serait sans doute le plus susceptible de conduire son entreprise vers les cimes du succès.

N.O.RULEet N.AMBADY, The face of success: inferences from chief executive officers’ appearance predict company profits, in Psycholo- gical Science, vol.19, pp.103-108, 2008

Le visage du chef, clé du succès

Un parfum de sympathie

Porter un parfum discret augmente la sympathie que nous portent nos semblables. Mais attention : il ne faut pas en mettre trop, car l’effet disparaît lorsqu’il devient conscient.

U

ne expérience réalisée récemment à l’Université Northwestern de Chicago montre que les parfums modifient, à notre insu, notre percep- tion d’autrui. Wen Li et ses collègues ont montré à des volontaires des photographies de visages, pendant que diverses odeurs étaient diffusées dans la pièce, à des doses trop faibles pour être perçues consciem- ment (il s’agit d’une perception subliminale).Les odeurs pouvaient être agréables (odeur de citron),désagréables (odeur de sueur) ou neutres (produits chimiques à la senteur peu marquée).

Les psychologues ont constaté que les visages observés en situation d’odeur agréable laissaient une impression favorable : les observateurs déclaraient les apprécier,et trouvaient les personnes correspondantes agréables,chaleureuses et attirantes. À l’inverse, les visages perçus en compagnie d’une odeur désa- gréable étaient jugés peu sympathiques.

Un détail, toutefois : ce « transfert émotionnel » ne fonctionne que pour des odeurs extrêmement discrètes, inaccessibles à la conscience. Si la dose de parfum est trop forte et se traduit par une perception consciente de la part des volontaires, l’effet disparaît.

L’explication est la suivante : tant que les participants ne savent pas que leur bien-être est causé par l’odeur, ils l’attribuent au visage, d’après un phénomène connu depuis des décennies sous le nom « d’erreur d’attribution émotion- nelle ».Toutefois, si les observateurs ont conscience que leur bien-être résulte du parfum diffusé dans la pièce, il n’y a aucune raison de l’attribuer au visage.

Conclusion : sachez vous parfumer, mais avec discrétion !

W. Li et al., Subliminal smells can guide social preferences, in Psychological Science, vol. 18, n° 12, p. 1044, 2008

Jean-Michel Thiriet

Carlo Dapino/Shutterstock

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Q

uand un enfant joue près de l’escalier et finit par dévaler les marches, il se tient ensuite plus loin de l’escalier.Il a appris de son erreur : cette capacité d’appren- tissage des erreurs serait génétiquement déterminée,et inégalement répartie entre les individus.

Dans une expérience réalisée à l’Ins- titut Max Planck de Leipzig, des volon- taires voyaient se succéder sur un écran des paires de signes chinois incompré- hensibles, et devaient en sélectionner un sur les deux. Certains signes appor- taient des récompenses et d’autres, des pénalités financières. Peu à peu, la plupart des joueurs apprennent à éviter les signes associés à des pertes financières, mais certains y parviennent moins bien que les autres.

L’analyse génétique révèle que ces mauvais élèves ont une forme bien particulière du gène codant le récep- teur de la dopamine de typeD2. Sur les 26 personnes testées dans cette expé-

rience, 14 ont une forme du gène qui rend plus difficile l’apprentissage par essai et erreurs, et 12 ont une forme qui facilite l’apprentissage.

Le gène incriminé assure la production, par le cerveau, d’une molécule nommée récepteur de la dopamine de typeD2.Cette molécule tapisse la paroi de certains neurones, au sein desquels elle assure le transfert de l’information nerveuse. Elle est synthétisée en moindre concentration chez les « mauvais élèves », si bien que le circuit neuronal qui permet d’ajuster ses choix en fonction des expériences passées (le cortex frontal postéro-médian et les ganglions de la base) s’active moins.

La version désavantageuse du gène serait en outre responsable de conduites addictives,tel l’alcoolisme ou la consom- mation de drogues.Dans ce cas,elle empê- cherait ceux qui en sont dotés de prendre conscience des conséquences néfastes de leurs actes.

T. KLEINet al., Genetically determined differences in learning from errors, in Science, vol. 318, p. 1642, 2008

Comment apprendre de ses erreurs ?

Il est important d’apprendre de ses erreurs, mais nous ne serions pas tous également doués en ce domaine. Un gène récemment découvert détermine les performances dans ce type d’apprentissage.

Tutti Frutti/Shutterstock

Si l’enfant se brûle, il s’en souviendra. Sauf s’il a une forme particulière du gène du « récepteur D2 de la dopamine »...

R

egarder un bon film entre amis, c’est généralement plus agréable que de rester seul devant son écran. Même si l’on regarde sa série préférée ou son film culte.Tel est le résul- tat d’une étude réalisée à l’Université de Chicago par les psychologues Suresh Ramanathan et Ann McGill. Ils ont demandé à des volontaires de regarder des clips vidéo, soit en groupes, soit séparément. Chaque participant tenait entre les mains une petite manette grâce à laquelle il devait indiquer, à différents moments de la projection, les émotions qu’il ressentait.

Les psychologues ont constaté que les émotions des téléspec- tateurs ne coïncidaient pas toujours exactement à un moment donné,mais qu’à l’issue de la projection,tous les volontaires éprou- vaient à peu près la même impression d’ensemble sur ce qu’ils avaient vu. En revanche, ce n’était pas le cas si l’on faisait regarder le même clip à des volontaires isolés dans des salles différentes.

Une forme de synchronisation ou d’égalisation émotionnelle intervient ainsi quand on regarde un film ou une série entre amis.

Pour en savoir plus, les psychologues ont filmé les visages des participants pendant la projection. Ils se sont alors aperçus que les émotions étaient « synchronisées » de temps en temps quand les téléspectateurs détournaient les yeux de l’écran pour se lancer des regards furtifs, captant de cette façon l’expression des émotions de leurs voisins.

Nous aurions tendance à faire de même devant notre télévi- seur, sans nous en rendre compte, ce qui produit un effet d’éga- lisation émotionnelle. Les téléspectateurs qui se lancent des regards au même moment notent, d’après les auteurs de l’étude, si leur voisin perçoit la même émotion qu’eux ou non. Lorsque l’émotion ressentie est la même, elle est consolidée et confir- mée dans l’esprit du téléspectateur. Lorsqu’elle diffère, un doute est introduit : le téléspectateur se demande s’il éprouve bien « ce qu’il faut sentir » ; il n’est pas sûr d’avoir bien interprété ou perçu la scène, et son impression est fragilisée. De cette façon, un climat émotionnel général s’installe dans un groupe de téléspectateurs

La télé, c’est meilleur à plusieurs !

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L’actualité des sciences cognitives

Les Chinois voient large

L

e cerveau d’un Chinois ne réagit pas de la même façon que celui d’un Américain à des figures géométriques. À l’Univer- sité de Cambridge dans le Massachu- setts, John Gabrieli et ses collègues ont placé des volontaires chinois et américains face à un écran d’ordinateur et leur ont montré successivement deux figures géométriques.La première est constituée d’un carré renfermant une ligne verticale, et la seconde d’un carré de taille différente, contenant une ligne verti-

cale de longueur différente. Les volontaires devaient réaliser deux tâches. D’abord, indi- quer si la ligne verticale était plus longue dans la première ou la seconde figure.Puis,indiquer dans quelle figure la ligne était plus longue par rapport au carré.

Le cerveau des Américains s’est activé davan- tage dans la première tâche,et celui des Chinois dans la seconde.La zone concernée,dite fronto- pariétale, intervient dans le contrôle de l’at- tention : chez les Américains, elle s’active peu lorsque les volontaires jugent de la longueur des deux lignes verticales, ce qui montre qu’ils ont besoin de peu d’efforts pour formuler un jugement focalisé sur un objet. En revanche, la même zone s’active davantage lorsqu’il faut juger de la longueur relative de la barre par rapport au carré : il leur faut plus d’attention pour formuler ce jugement relatif qui tient compte d’un objet et de son environnement.

C’est l’inverse chez les Chinois, plus habitués à formuler des jugements relatifs qu’à focaliser leur esprit sur un objet en particulier. Ce contraste d’origine culturelle reflète les diffé- rences bien connues entre l’approche analy- tique occidentale,qui analyse les éléments fonda- mentaux d’un problème,et l’approche holistique des Orientaux,qui cherchent à embrasser l’en- semble des constituants d’un énoncé.

T. HEDDENet al., Cultural influences on neural substrates of attentional control, in Psychological Science, vol. 19, n° 1 p. 12, 2008

Le rap favorise les excès de vitesse

C’est presque un cliché : un individu écoutant du rap à volume maximal dans sa voiture conduit de façon agressive, au-delà des limites de vitesse et sans prendre garde aux piétons. Cliché peut- être, mais il correspond à la réalité.

Marianne Schmid-Mast et ses collègues, de l’Université de Neuchatel en Suisse, ont testé l’impact des musiques contenant des paroles appartenant au registre « macho » (« vrai homme », « force », « révolte », ainsi qu’un certain nombre d’insultes ou de grossièretés) sur la vitesse de conduite des automobilistes. Elle a placé 83 volontaires masculins dans un simulateur de conduite, dont l’autoradio diffusait des musiques contenant trois types de paroles : des paroles très

« masculines », neutres ou féminines.

Elle a constaté que, dans le premier cas, les automobilistes conduisaient beaucoup plus vite que dans les deux autres cas. Les conducteurs auraient donc intérêt à écouter un peu de Chopin s’ils désirent respecter plus aisément les limitations de vitesse imposées par le code de la route.

M. SCHMID-MASTet al., Masculinity causes speeding in young men, in Accident Analysis and Prevention, à paraître

Tomasz Trojanowski/Shutterstock

par un mécanisme qui amplifie le ressenti des parti- cipants : toutes les émotions s’accordent, les émotions individuelles contraires au courant géné- ral étant réprimées.

S. Ramanathan et A. McGill ont répété l’expé- rience en empêchant les participants de se voir : cette fois, étant dans l’impossibilité d’égaliser leurs expressions émotionnelles, les spectateurs sont ressortis avec des impressions très différentes sur le clip. C’est ce qui se passe au cinéma, où le regard est captivé par l’écran et où l’obscurité empêche les échanges visuels entre spectateurs. La relation entre le film et le spectateur est très privée, et l’on se trouve isolé comme dans une bulle. À la sortie de la salle, on découvre parfois avec surprise que son voisin a perçu le film très différemment : il a aimé, alors que l’on a détesté. Ce phénomène est dû à l’absence d’égalisation émotionnelle.

S. RAMANATHANand A. McGILL, Consuming with others : social influences on moment- to-moment and retrospective evaluations of an experience, in Journal of Consumer Research, vol. 34, n° 4, p. 506, 2007

Jean-Michel Thiriet

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Femmes divines aux longues jambes

U

ne équipe de neurobiologistes de l’Institut Weizmann de Jérusalem a découvert que, dans le cerveau humain, les neurones sensibles aux sons présentent une étonnante capacité de discrimination : ils établissent la différence entre deux sons de fréquences très voisines, séparées par un dixième d’octave,soit moins de deux notes consécutives sur une gamme.

Une telle capacité est absente chez les autres mammifères, tels le rat, le macaque ou le chat, exception faite de la chauve-souris qui fait un usage constant des sons pour se guider.

Itzhak Fried,auteur de l’étude,fait remar- quer qu’une telle capacité n’est pas néces- saire à la compréhension du langage. Dès lors, ces neurones pourraient remplir un rôle dans la perception de la musique. Dans les expériences réalisées à Jérusalem, les neuroscientifiques ont fait écouter aux volon- taires la musique du film Le bon, la brute et le truand.Ils ont constaté que chaque neurone réagit à une hauteur de note bien précise, si bien que la mélodie est codée par une mosaïque de neurones dans le cerveau.

Cette capacité des neurones repose-t-elle sur un socle génétique et biologique, ou est-elle d’origine culturelle, résultant d’une

exposition répétée à des stimulus musi- caux ? Si la première hypothèse était avérée, il faudrait admettre que des gènes procu- rant cette sensibilité spéciale aux neurones ont été sélectionnés au fil de notre histoire évolutive.

Les gènes en question auraient été sélectionnés à cause d’un avantage lié à la perception de la musique.Mais quel avantage ? Selon la théorie « sociali- sante » de la musique, cette dernière aurait joué un rôle de synchronisation des émotions dans les groupes humains,notam- ment dans les clans du Paléolithique.Traver- sant des événements fastes ou néfastes, les communautés primitives associaient leurs émotions collectives à certaines musiques, qui se chargeaient alors de l’affect corres- pondant. Ces musiques, rejouées lors de cérémonies rituelles,étaient l’occasion de se remémorer les événements vécus ensemble, de les célébrer ou de les déplorer.

Dans cette perspective, certains groupes humains auraient pu tirer parti de ces « traces émotionnelles » – pour reprendre une expression chère à Jean-Sébastien Bach – que sont les mélodies, désormais vectrices de sens et de symboles pour la collectivité.

Récemment, un gène de la mémoire musi- cale a été identifié : coïncidence, il synthé- tise des protéines cérébrales utiles au lien social… L’hypothèse de la musique comme marqueur social des émotions semble donc prometteuse,et la découverte des « neurones de la musique » apporterait une pierre impor- tante à cet édifice.

Y. BITTERMANet al.,Ultra-fine frequency tuning revealed in single neurons of human auditory cortex, in Nature, vol. 451, n° 7175, p.197, 2008

La perception de la musique aurait-elle été sélectionnée chez l’homme au fil des millénaires ?

La musique dans les neurones

Novikov Alex/Shutterstock

M

arilyn,Adriana, Naomi : à chacune son style, son époque, sa coupe de cheveux, mais une chose est sûre, toutes ces femmes ont – ou ont eu – de longues jambes.

Piotr Sorokowski et ses collègues, de l’Université de Varsovie,ont levé le voile sur cette question essentielle,au moyen d’une expérience très simple.Ils ont présenté à une centaine d’hommes des silhouettes de corps féminins dotés de jambes de longueurs variables, et ont constaté que les volontaires étaient particulièrement attirés par la silhouette ayant des jambes cinq pour cent plus longues (et pas davan- tage) que la moyenne de la population.

Pourquoi cet attrait pour les jambes longues ? Incons- ciemment,les hommes leur associent des qualités de santé, de rapidité et de fertilité. Une étude réalisée en 1998 avait ainsi révélé que les individus ayant les plus longues jambes

ont généralement moins de crises cardiaques que la moyenne.

Une autre étude réalisée la même année confirmait l’idée intuitive que les longues jambes sont un avantage pour la course : dès lors, chez nos ancêtres préhistoriques, de longues jambes auraient été associées à de meilleures chances de survie. Sans doute, les hommes cherchaient-ils des partenaires ayant de longues jambes pour engendrer des enfants plus aptes à chasser ou fuir les prédateurs.Enfin, les femmes aux jambes plus longues sont généralement plus fécondes et ont des enfants à la santé plus robuste !

Question subsidiaire : vous demandez-vous encore pourquoi de nombreuses femmes portent des chaussures à talon ? Pour donner l’illusion de jambes plus grandes et d’une meilleure fécondité…

P. SOROKOWSKIet B. PAWLOWSKI,Adaptive preferences for leg length in a potential partner, in Evolution and human Behavior, à paraître

La longueur des jambes est un critère fondamental de beauté physique.

Une équipe de psychologues pense avoir compris pourquoi.

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L’actualité des sciences cognitives

S

i la patience était donnée à tous...

À force de patience, toute personne peut se doter d’un cadre de vie agréable, en inves- tissant sur l’avenir,en plantant un arbre dans son jardin ou en économisant pour les générations futures.

Pourquoi tout le monde n’est-il pas patient ? Peut-être à cause d’un gène mis en évidence à l’Université de San Francisco. Charlotte Boettinger et ses collègues ont découvert que ce gène prédispose certaines personnes à l’im- patience,leur faisant préférer des grati- fications modérées dans l’immédiat, à des récompenses plus importantes situées dans un avenir lointain.

C. Boettinger a fait passer des tests simples à des volontaires :il s’agissait de choisir entre, d’une part, recevoir 75 euros tout de suite ou, d’autre part, recevoir 100 euros une semaine plus tard. La moitié des volontaires environ optent pour la première solution, et l’autre moitié pour la seconde.

Or les premiers sont généralement porteurs d’une variante particulière d’un gène,nommée COMT-Met158,alors que les seconds, patients et prévoyants, ont une autre variante du même gène,COMT- Val158. Le gène COMT produit dans le cerveau une enzyme, la catéchol-O- méthyltransférase,dont le rôle est d’éli- miner la molécule généralement asso- ciée au plaisir, la dopamine. La variante COMT-Met158 est moins efficace que la variante COMT-Val158, si bien qu’elle élimine moins efficacement la dopamine, laquelle nous fait rechercher du plaisir le plus vite possible.

La dopamine module le fonction- nement du cerveau : en détaillant leur étude, C. Boettinger et ses collègues ont découvert que les individus impa- tients activent davantage deux zones cérébrales,le cortex préfrontal dorso- latéral et le cortex pariétal postérieur.

Les individus patients activent davan- tage une autre zone, le cortex orbi- tofrontal. Le cortex préfrontal dorso- latéral analyserait les avantages et les inconvénients des options situées dans

un délai proche, alors que le cortex orbitofrontal s’occuperait des options plus distantes.

Pourquoi l’espèce humaine se compose-t-elle de patients et d’im- patients, aux patrimoines génétiques et aux cerveaux différents ? Appa- remment, l’impatience n’a pas que des désavantages. Les personnes impa- tientes et impulsives peuvent se trou- ver favorisées en termes de puissance reproductrice. Ainsi, une personne très sensible au plaisir sexuel instan- tané a globalement plus de chances de répandre ses gènes, y compris la variante impatiente COMT-Met158, ce qui explique qu’elle se maintienne dans la population.

De façon générale,la focalisation sur l’instant, associée à une relative igno- rance de l’avenir à long terme, peut se révéler avantageuse dans des situations de danger immédiat où il s’agit de prendre des décisions rapides,sans trop réfléchir. C’est ainsi que l’humanité aurait préservé les deux variantes géné- tiques de l’impatience et de la patience.

C. BOETTIGERet al., Immediate reward bias in humans : fronto- parietal networks and a role for the catechol-O-methyltransfe- rase 158(Val/Val) genotype, in The Journal of Neuroscience, vol. 27, n° 52, p.14383, 2007

Patient ou impatient ? Question de gènes

Pour promouvoir l’achat « impulsif », tourné vers un plaisir immédiat sans réflexion sur les conséquences à long terme, il suffit de projeter, juste avant le produit ciblé, des images de plats appétissants, de chocolats ou de gâteaux.

À l’Université de Singapour, Xiuping Li a montré à des étudiants des images de desserts ou de paysages naturels, puis leur a donné le choix d’acheter, soit un billet de loterie avec un gain modeste, mais immédiat, soit un ticket procurant un gain plus important, mais différé. Les étudiants ayant vu les images de desserts savoureux optent pour la première solution, contrairement à ceux qui ont vu des images de paysages naturels.

Les plats appétissants donnent envie d’un plaisir rapide, une attitude mentale qui persiste et se transfère sur d’autres objets de consommation.

Les étudiants ainsi mis en condition ont préféré systématiquement des offres proposant une satisfaction rapide, mais moins d’intérêt à long terme, par exemple un ticket de cinéma à un bon d’achat dans une librairie.

X. LIet al., The Effects of appetitive stimuli on out-of-domain consumption impatience, in The Journal of Consumer Research, vol. 34, n° 5, p. 649, 2008

Les publicités favorisent l’achat impulsif

Un gène, présent sous deux formes légèrement différentes, ferait de chaque individu un être patient ou un impatient.

Dans La cigale et la fourmi, l’imprévoyance de la cigale lui joue bien des tours. Des études biologiques suggèrent que la prévoyance ou l’impulsivité auraient des bases génétiques.

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Des neurones pour apprendre à parler

C

est un oiseau discret,aux couleurs brunes et grisâtres. Il ressemble aux passereaux des villes, mais il vient de livrer un élément de réponse décisif à l’une des questions les plus débattues des neurosciences : comment apprenons-nous à parler ? Des neurobiologistes,de l’Université de Caro- line du Nord, ont découvert, chez une espèce d’oiseau nommée Bruant des marais,des neurones qui s’activent presque de la même façon lorsque l’oiseau entend chanter un congénère, et lorsqu’il repro- duit les mêmes sons.

Il s’agit de neurones dits audio-vocaux ou neurones miroirs auditifs. Dans leurs expériences, Jonathan Prather et ses collègues ont fait écouter à des oiseaux des enregistrements de chants de leurs congénères,et ont enregistré l’activité élec- trique de leurs neurones dans une zone cérébrale particulière, le noyau télencé- phalique de l’hyperstriatum ventral caudal.

Cette zone se situe aux confins des zones motrice (qui commande le chant) et auditive (qui le perçoit). Dans cette zone, chaque neurone réagit à certains types de syllabes, pour lesquels il est en quelque sorte spécialisé. Il produit une activité électrique qui dure une vingtaine de millisecondes, et dont l’intensité varie de milliseconde en milliseconde,selon une courbe bien précise.Or le neurone produit un courant électrique selon une courbe similaire lorsque l’oiseau chante cette même syllabe. Ceci signifie que l’activité

du neurone est étroitement couplée aux caractéristiques sonores du son, qu’il s’agisse de le produire ou de l’entendre.

Les neurones du noyau télencéphalique, de par leur localisation stratégique,peuvent participer à la perception des sons, et à la commande des muscles du larynx qui produisent le son. Cela permet au chant des oiseaux de devenir un moyen de communication,certaines syllabes pouvant être reproduites par des oiseaux après qu’ils les ont entendues.

Les neuroscientifiques ont constaté que les neurones miroirs auditifs passent d’un mode de réception à un mode d’émission de façon très nette : lorsque l’oiseau chante, le neurone fournit les décharges électriques nécessaires à la production du chant, mais ne réagit plus au chant qu’on lui fait entendre.Ainsi, il évite les interfé- rences entre des activités électriques qui seraient identiques,mais légèrement déca- lées dans le temps.C’est ce qu’on nomme le verrouillage du neurone.

Chez une espèce éloignée de l’être humain, un type particulier de neurones est ainsi apparu, dévolu à la communica- tion sonore. Comment faire le lien avec le langage chez l’homme ? On sait que les neurones miroirs humains existent dans le domaine moteur (ils s’activent lors- qu’on observe un mouvement chez autrui et quand on le produit soi-même, ce qui confère un pouvoir d’imitation gestuelle).

Les découvreurs de ces neurones miroirs avaient supposé que ces derniers jouent un rôle dans l’apprentissage du langage : le bébé observerait les mouvements de la bouche des adultes et, grâce à ses neurones miroirs moteurs, reproduirait les mêmes mouvements des lèvres.Toute- fois,l’existence des neurones miroirs audi- tifs ajoute une facette cruciale à ce schéma d’apprentissage ;cette fois,l’enfant repro- duirait un son à partir de la seule percep- tion de ce son, même s’il ne voit pas les mimiques faciales et labiales.

Doté d’un tel arsenal de neurones miroirs, le cerveau humain serait équipé pour devenir un cerveau communicant. Il ne reste plus qu’à trouver ces neurones miroirs auditifs chez l’homme.

J. F. PRATHERet al., Precise auditory-vocal mirroring in neurons for learned vocal communcation, in Nature, vol. 451, n° 17 p. 305, 2008

10 © Cerveau & Psycho - N° 26

Certains neurones seraient capables indifféremment de percevoir un son et de le recréer.

Selon une étude réalisée à l’Université Tufts de Medford, aux États-Unis, notre cerveau déciderait en 1/20ede seconde si un homme est hétérosexuel ou gay. Pour cela, il se fonderait uniquement sur l’apparence de son visage.

Les expériences de Nicholas Rule montrent que, lorsqu’une personne formule son avis sur l’orientation sexuelle d’un homme, son avis est le même qu’elle regarde son visage pendant 50 millisecondes ou pendant plusieurs secondes. Nous disposons apparemment d’un système de décision rapide et instinctive de l’orientation sexuelle.

Ce système pourrait servir aux femmes à trouver des reproducteurs potentiels. Une étude récente a montré que les femmes évaluent l’attirance d’un homme en fonction de son penchant pour les enfants : les hommes dont les portraits sont jugés les plus attirants par les femmes se révèlent être de bons pères, ou des individus qui aiment s’occuper des enfants. Il leur est encore plus important de décider rapidement si un homme est un éventuel reproducteur, et les observateurs masculins chercheraient à déterminer très vite si un homme est un rival potentiel ou non.

N.O.RULEet N.AMBADY, Brief exposures: Male sexual orientation is accurately perceived at 50 ms, in Journal of Experimental Social Psychology, à paraître

Visage homo, visage hétéro

Jin Yong/Shutterstock

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À

l’Université de Los Angeles, des biologistes ont étudié des rats dont le patrimoine génétique déter- mine la tendance à être obèse.Ils ont montré que les rats génétiquement « vulnérables » à l’obésité ont un cerveau différent,possédant moins de connexions neuronales dans un centre nerveux de la satiété.La géné- tique de l’obésité et les neurosciences se tendent la main.

Nous ne sommes pas tous égaux face à l’obésité : certaines personnes mangent abondamment et restent minces,d’autres grossissent pour la moindre bouchée de chocolat.La recherche sur les fondements génétiques de l’obésité est,pour l’instant,plus avancée chez les rongeurs que chez l’homme : ainsi, les biologistes savent depuis longtemps qu’il existe des rats vulnérables à l’obésité, et d’autres résistants. Les animaux vulnérables deviennent obèses lorsqu’ils se nourrissent d’aliments riches en graisse, les animaux résistants ne le deviennent jamais.

Ces différences reposent en grande partie sur le patri- moine génétique. Si l’on se fie aux études réalisées chez les rats,il est possible de sélectionner génétiquement des lignées d’animaux sensibles à l’obésité, et d’autres qui y sont totalement réfractaires.Récemment,Sébastien Bouret et ses collègues,de l’Université de Los Angeles,ont étudié ces deux types d’animaux et ont découvert des diffé- rences cérébrales qui expliquent leurs divers degrés de vulnérabilité à l’obésité.

Chez les rats résistant à l’obésité,ils ont constaté que, dans un centre de régulation de l’appétit nommé hypo- thalamus,une zone – le noyau arqué de l’hypothalamus – présente d’importantes ramifications avec d’autres zones voisines impliquées dans la perception de la satiété.

Or ces ramifications sont absentes ou atrophiées chez les rats vulnérables à l’obésité.

Le noyau arqué est un lieu de régulation de l’ap- pétit.Lorsqu’un animal a suffisamment mangé,ses cellules graisseuses envoient au noyau arqué un message chimique sous forme d’une molécule nommée leptine. Les neurones du noyau arqué réagissent en émettant des informations nerveuses et chimiques au noyau paraventriculaire,qui synthé- tise d’autres substances responsables du senti- ment de satiété. Chez les rats résistant à l’obésité, les connexions entre noyau arqué et noyau paraventri- culaire sont solides, et le signal de satiété circule aisé- ment. Chez les animaux vulnérables à l’obésité, les connexions sont insuffisantes et la satiété est mal perçue.

Il reste à confirmer ces résultats chez l’être humain, où la vulnérabilité à l’obésité a aussi une composante génétique.Toutefois, même doté de gènes de vulnérabi- lité, chacun gardera la liberté de limiter les risques de surcharge pondérale. Ainsi, une étude récente a montré

que, chez les jeunes adolescentes, le fait de prendre au moins un repas en famille chaque jour diminue notable- ment la probabilité de devenir obèse, de souffrir de troubles du comportement alimentaire ou de se livrer régulièrement à des régimes. Dans ce cas, les repas en famille permettraient de manger plus lentement, ce qui est nécessaire pour éprouver une sensation de satiété avant d’avoir ingéré de trop grandes quantités de nour- riture.Le cadre social du repas combattrait aussi les effets du stress,ce qui diminue les risques d’alimentation compul- sive,souvent liés à un besoin de combattre une angoisse.

Les émotions positives liées au partage d’un moment de convivialité diminueraient enfin le besoin qu’ont certains adolescents de réguler leurs émotions par la nourriture.

Ces découvertes rappellent que, depuis l’éclosion des premières sociétés humaines, manger n’a jamais été un acte solitaire.Le fait de partager un repas en commu- nauté fait partie intégrante des comportements humains, et l’alimentation rapide favorisée par l’industrie du fast- food constitue une première dans notre histoire, dont nous n’avons pas fini de mesurer les conséquences.

S. G. BOURETet al., Hypothalamic neural projections are premanently disrupted in diet-induced obese rats, in Cell Metabolism, vol. 7, p. 179, 2008

D. NEUMARK-SZTAINERet al., Family meals and disordered eating in adolescents, in Arch. Pediatr.

Adolesc. Med., vol. 162, n° 1, p. 17, 2008

La recherche sur les gènes de l’obésité va bon train, mais les pratiques alimentaires sont également déterminantes, tel le fait de prendre des repas en famille.

© Cerveau & Psycho - N° 26 11

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Obésité : le poids du biologique et du social

00Actu 26 articles 25/02/08 18:39 Page 11

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