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CONCLUSIONS DE L AVOCAT GÉNÉRAL M ME VERICA TRSTENJAK présentées le 11 mai

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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 11 mai 2010 1

1. La présente demande de décision préju- dicielle en l’application de l’article  234  CE 2 donne à la Cour l’occasion de se prononcer sur les conditions d’acquisition d’un droit de séjour permanent au titre de l’article 16 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29  avril  2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no  1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/

CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/

CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE 3. En vertu de l’article 16, para- graphe  1, de cette directive, les citoyens de l’Union ayant séjourné pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent un droit de séjour permanent.

2. La Court of Appeal (England  &  Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni, ci-après la

«juridiction de renvoi») pose à la Cour la question de savoir s’il y a lieu de prendre en compte, dans le calcul de ladite période de cinq ans, également un séjour ayant pris fin avant la date à laquelle la directive 2004/38 a été transposée en droit national ou bien avant

1 — Langue originale: l’allemand.

2 — En vertu du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté euro- péenne, du 13  décembre 2007 (JO C  306, p.  1), le renvoi préjudiciel est désormais régi à l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

3 — JO L 158, p. 77.

l’expiration du délai de transposition de cette directive. La réponse à cette question a des effets qui vont au-delà du présent litige. Dans l’affaire Dias, qui est également pendante devant notre Cour, la juridiction de renvoi se pose en effet une question analogue 4.

I — Le droit applicable

A — Le droit communautaire 5

3. L’article 18 CE dispose:

«1. Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le

4 — Affaire C-325/09, voir communication publiée au JO 2009, C  256, p.  13. Dans l’affaire Dias, la juridiction de renvoi a renoncé à déférer à nouveau cette même question à la Cour, tout en demandant à celle-ci de bien vouloir tenir également compte, lors de l’examen de la question préjudicielle dans le cadre de la présente affaire, des faits ayant donné lieu à l’affaire Dias.

5 — Dans les présentes conclusions, la notion de droit commu- nautaire est utilisée dans la mesure où, ratione temporis, c’est encore le droit communautaire et non pas le droit de l’Union qui s’applique.

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territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le pré- sent traité et par les dispositions prises pour son application.

2. Si une action de la Communauté appa- raît nécessaire pour atteindre cet objectif, et sauf si le présent traité a prévu des pouvoirs d’action à cet effet, le Conseil peut arrêter des dispositions visant à faciliter l’exercice des droits visés au paragraphe 1. Il statue confor- mément à la procédure visée à l’article 251.

3. Le paragraphe  2 ne s’applique pas aux dispositions concernant les passeports, les cartes d’identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé, ni aux dispositions concernant la sécurité sociale ou la protec- tion sociale.»

4. Le quatrième considérant de la directive 2004/38 énonce ce qui suit:

«En vue de dépasser cette approche sec- torielle et fragmentaire du droit de circu- ler et de séjourner librement et dans le but de faciliter l’exercice de ce droit, il convient d’élaborer un acte législatif unique visant à modifier le règlement (CEE) no  1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté [...] et à abroger les actes

suivants: la directive 68/360/CEE du Conseil du 15 octobre 1968 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté [...], la directive 73/148/CEE du Conseil du 21 mai 1973 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortis- sants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services [...], la directive 90/364/CEE du Conseil du 28 juin 1990 rela- tive au droit de séjour [...], la directive 90/365/

CEE du Conseil du 28  juin 1990 relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité profession- nelle [...] et la directive 93/96/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 relative au droit de séjour des étudiants [...].»

5. Les dix-septième et dix-huitième consi- dérants de la directive 2004/38 sont libellés comme suit:

«(17) La jouissance d’un séjour permanent pour les citoyens de l’Union qui ont choisi de s’installer durablement dans l’État membre d’accueil renforcerait le sentiment de citoyenneté de l’Union et est un élément clef pour promouvoir la cohésion sociale, qui est l’un des objectifs fondamentaux de l’Union. Il convient dès lors de prévoir un droit de séjour permanent pour tous les citoyens de l’Union et les membres de leur famille qui ont séjourné dans l’État membre d’accueil, conformé- ment aux conditions fixées par la pré- sente directive, au cours d’une période

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continue de cinq ans, pour autant qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une me- sure d’éloignement.

(18) En vue de constituer un véritable moyen d’intégration dans la société de l’État membre d’accueil dans lequel le citoyen de l’Union réside, le droit de séjour permanent ne devrait être sou- mis à aucune autre condition une fois qu’il a été obtenu.»

6. L’article 16 de la directive énonce la règle générale concernant le droit de séjour perma- nent. Cet article dispose:

«Règle générale pour les citoyens de l’Union et les membres de leur famille

1. Les citoyens de l’Union ayant séjourné lé- galement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour perma- nent sur son territoire. Ce droit n’est pas sou- mis aux conditions prévues au chapitre III.

[...]

3. La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des ab- sences plus longues pour l’accomplissement d’obligations militaires ou par une absence

ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une forma- tion professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers.

4. Une fois acquis, le droit de séjour perma- nent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil.»

7. L’article 17 de la directive régit le droit de séjour permanent pour les personnes ayant cessé leur activité professionnelle dans l’État membre d’accueil et les membres de leur fa- mille. Aux termes de cet article:

«1. Par dérogation à l’article 16, ont un droit de séjour permanent dans l’État membre d’ac- cueil, avant l’écoulement d’une période inin- terrompue de cinq ans de séjour:

[...]

b) le travailleur salarié ou non salarié qui, séjournant d’une façon continue dans l’État membre d’accueil depuis plus de deux ans, cesse d’y exercer son activité à la suite d’une incapacité permanente de travail.

[...]

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3. Quelle que soit leur nationalité, les membres de la famille d’un travailleur salarié ou non salarié qui résident avec lui sur le ter- ritoire de l’État membre d’accueil ont un droit de séjour permanent dans cet État membre, si le travailleur salarié ou non salarié a lui- même acquis, sur la base du paragraphe 1, un droit de séjour permanent sur le territoire de cet État membre.

4. Si, toutefois, le travailleur salarié ou non salarié décède alors qu’il travaille encore, mais avant d’avoir acquis le droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil sur la base du paragraphe 1, les membres de sa famille qui résident avec lui sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent un droit de séjour permanent sur le territoire de cet État, à condition que:

a) le travailleur salarié ou non salarié ait séjourné à la date de son décès de façon continue sur le territoire de cet État membre pendant deux ans, ou que

[...]»

8. L’article 38 de la directive dispose:

«Abrogations

1. Les articles 10 et 11 du règlement (CEE) no 1612/68 sont abrogés avec effet au 30 avril 2006.

2. Les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/

CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE sont abrogées avec effet au 30 avril 2006.

3. Les références faites aux directives et dis- positions abrogées sont considérées comme étant faites à la présente directive.»

9. L’article  40, paragraphe  1, de la directive prévoit que les États membres mettent en vi- gueur les dispositions législatives, réglemen- taires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive avant le 30 avril 2006.

10. L’article  6, paragraphe  2, de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté 6, qui était en vigueur jusqu’au 30 avril 2006, disposait:

«Les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l’accomplissement d’obligations militaires n’affectent pas la validité de la carte de séjour.»

6 — JO L 257, p. 13.

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11. L’article  2, paragraphe  1, sous b), pre- mière phrase, du règlement (CEE) no 1251/70 de la Commission, du 29 juin 1970, relatif au droit des travailleurs de demeurer sur le ter- ritoire d’un État membre après y avoir occupé un emploi (JO L 142, p. 24), prévoyait que:

«1. A le droit de demeurer à titre permanent sur le territoire d’un État membre:

[...]

b) le travailleur qui, résidant d’une façon continue sur le territoire de cet État de- puis plus de 2 ans, cesse d’y occuper un emploi salarié à la suite d’une incapacité permanente de travail.»

12. L’article  3 du règlement no  1251/70 disposait:

«1. Les membres de la famille d’un travail- leur, visés à l’article 1er du présent règlement, qui résident avec lui sur le territoire d’un État membre, ont le droit d’y demeurer à titre per- manent, si le travailleur a acquis le droit de demeurer sur le territoire de cet État confor- mément à l’article 2, et ceci même après son décès.

2. Toutefois, si le travailleur est décédé au cours de sa vie professionnelle, et avant d’avoir acquis le droit de demeurer sur le ter- ritoire de l’État en question, les membres de la famille ont le droit d’y demeurer à titre per- manent à condition:

— que le travailleur ait résidé, à la date de son décès, de façon continue sur le terri- toire de cet État membre depuis au moins deux années;

[...]»

13. Aux termes de l’article  4, paragraphe  1, deuxième phrase, de ce règlement, la conti- nuité de résidence, prévue à l’article 3, para- graphe  2, n’est affectée ni par des absences temporaires ne dépassant pas au total trois mois par an ni par des absences d’une durée plus longue dues à l’accomplissement d’obli- gations militaires.

14. L’article  6, paragraphe  2, du règlement no 1251/70 énonçait:

«Les interruptions de séjour ne dépassant pas 6 mois consécutifs n’affectent pas la validité de la carte de séjour.»

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15. Le règlement no  1251/70 a été abrogé, avec effet au 30 avril 2006, par le règlement (CE) no  635/2006 de la Commission, du 25 avril 2006 7.

B — La réglementation nationale

1. Les dispositions concernant le complément de revenu («Income Support»)

16. Selon la législation nationale appli- cable, le complément de revenu («Income Support») est une prestation accordée sous condition de ressources aux personnes âgées de 16 à  59  ans qui ne sont pas soumises à l’obligation de solliciter une allocation de demandeur d’emploi, parce que, par exemple, elles sont à un stade avancé de leur grossesse, incapables de travailler ou parents isolés. Le complément de revenu trouve sa base légale dans la loi relative aux cotisations et aux pres- tations de sécurité sociale de 1992 (Security Contributions and Benefits Act  1992, ci- après la «loi de 1992»). Selon l’article  124, paragraphe  1, sous b), de cette loi, le béné- fice du complément de revenu est soumis à la condition que les revenus de l’intéressé ne dépassent pas le «montant applicable»,

7 — JO L 112, p. 9.

c’est-à-dire le «montant ou l’ensemble des montants tels qu’ils peuvent être établis aux fins de cette aide» (article 135, paragraphe 1, de la loi de 1992). En vertu de l’article  135, paragraphe 2, de la loi de 1992, le pouvoir de fixer les montants applicables inclut celui de fixer un montant applicable égal à zéro.

17. En vertu de l’article 21 et de l’annexe 7 du règlement (général) de 1987 sur le complé- ment de revenu [Income Support (General) Regulations 1987], le montant applicable fixé pour une «personne de l’étranger» est de zéro, cette personne n’ayant ainsi pas droit à un complément de revenu. La «personne de l’étranger» est définie à l’article 21AA comme étant un «demandeur qui ne réside pas habi- tuellement au Royaume-Uni, dans les îles anglo-normandes, sur l’île de Man ou dans la République d’Irlande». En vertu de l’ar- ticle 21AA, paragraphe 2, aucun demandeur ne doit être considéré comme résidant habi- tuellement au Royaume-Uni à moins d’avoir un «droit de séjour». Le «droit de séjour» n’est pas explicitement défini, mais il est générale- ment admis qu’un droit de séjour permanent découlant de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen) [Immigration (European Economic Area) Regulations 2006, ci-après le «règlement de 2006»] constitue un droit de séjour à cette fin.

2. Les dispositions sur l’immigration

18. Le règlement de 2006 est entré en vigueur le 30 avril 2006. Il vise à assurer la transpo- sition en droit interne des dispositions de la directive 2004/38.

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19. L’article 15 du règlement de 2006 dispose:

«Droit de séjour permanent

1. Les personnes suivantes acquièrent un droit de séjour permanent au Royaume-Uni:

a) tout ressortissant de l’Espace écono- mique européen qui a séjourné au Royaume-Uni conformément au présent règlement pendant une période ininter- rompue de cinq ans;

[...]

2. Une fois acquis, le droit de séjour per- manent découlant du présent règlement ne se perd que par des absences du Royaume- Uni d’une durée supérieure à deux années consécutives.

[...]»

20. Le point 6 de l’annexe 4 du règlement de 2006 dispose:

«Toute période durant laquelle une per- sonne a exercé une activité ou a séjourné au Royaume-Uni conformément au règlement de 2000 sera considérée comme une période durant laquelle cette personne a exercé la- dite activité ou a séjourné au Royaume-Uni conformément au présent règlement aux fins

de la détermination des périodes d’activité et de séjour en vertu du présent règlement.»

21. Le «règlement de 2000» dont il est ques- tion est le règlement relatif à l’immigration au Royaume-Uni (Espace économique euro- péen) [Immigration (European Economic Area) Regulations 2000; ci-après le «règle- ment de 2000»], qui a été abrogé. En vertu de ce règlement, toute personne qui était, entre autres, un travailleur se voyait accorder un droit de séjour (articles 5, paragraphe 1, et 14, paragraphe 1). Le règlement de 2000 est entré en vigueur le 2  octobre 2000. Le règlement de 2006 ne contient aucune disposition per- mettant de prendre en compte les périodes de résidence antérieures au 2 octobre 2000 en vue de l’octroi d’un droit de séjour permanent accordé en vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous a).

II — Les faits

22. Mme Taouss Lassal possède la natio- nalité française. Elle est arrivée en 1999 au Royaume-Uni. Durant l’ensemble de la pé- riode allant de janvier 1999 à février  2005, elle était un «travailleur» au sens du droit communautaire.

23. En février 2005, Mme  Lassal a quitté le Royaume-Uni pour rendre visite à sa mère en France, pour une période de dix mois. À son retour au Royaume-Uni en décembre 2005, elle a commencé à chercher du travail.

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De janvier à novembre 2006, elle a perçu une allocation de demandeur d’emploi. En no- vembre 2006, elle a sollicité un complément de revenu en invoquant sa grossesse. Cette demande a été rejetée au motif qu’elle n’avait pas le droit de séjourner au Royaume-Uni.

24. Mme Lassal a formé, contre le rejet de sa demande de complément de revenu, un re- cours qui a été déclaré fondé par un Appeal Tribunal le 3  septembre  2007. L’Appeal Tribunal a décidé que Mme Lassal avait droit à un complément de revenu, parce qu’elle disposait d’un droit de séjour permanent au Royaume-Uni, en vertu de l’article 15, para- graphe 1, sous a), du règlement de 2006.

25. Le Secretary of State for Work and Pensions (ministre du Travail et des Pensions, ci-après le «Secretary of State») a formé un recours contre cette décision auprès d’un Social Security Commissioner et s’est pourvu ensuite devant la juridiction de renvoi contre la décision du Social Security Commissioner le déboutant.

III — La procédure devant la juridiction de renvoi

26. Selon le Secretary of State, Mme  Lassal n’a pas acquis de droit de séjour permanent au Royaume-Uni en vertu du règlement de

2006. Elle a certes séjourné au Royaume-Uni, conformément au règlement de 2000, durant la période située entre l’entrée en vigueur de ce règlement, le 2 octobre 2000, et son départ pour la France en février 2005. Ensuite, elle a cependant quitté le Royaume-Uni pendant une période de dix  mois environ et n’était, par conséquent, plus dans une période de résidence ininterrompue. Elle est retour- née au Royaume-Uni en décembre  2005 et par conséquent, au moment où elle a intro- duit sa demande de complément de revenu en novembre 2006, elle n’avait séjourné au Royaume-Uni que pendant une période inin- terrompue de onze mois. Le Secretary of State considère que cette situation est conforme à la directive 2004/38 8.

27. Mme  Lassal n’était pas représentée et n’a pas comparu devant la juridiction de renvoi. Le Child Poverty Action Group (ci- après le «CPAG») a été autorisé à intervenir auprès de la juridiction de renvoi au soutien de Mme Lassal et à déposer des observations au nom de celle-ci. Le CPAG affirme que Mme Lassal a acquis un droit de séjour perma- nent. L’intéressée a séjourné entre septembre 1999 et février 2005 au Royaume-Uni. Selon le CPAG, une période ininterrompue de cinq ans au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 peut inclure des pé- riodes qui ont pris fin avant l’expiration du délai de transposition fixé au 30  avril  2006.

8 — Étant donné que le gouvernement du Royaume-Uni reprend, dans ses observations devant la Cour, les arguments que le Secretary of State a fait valoir devant la juridiction de renvoi, il n’y a pas lieu de les reproduire ici en détail.

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Pas plus de deux ans ne s’étant écoulés entre février 2005 et la date du retour de Mme Lassal au Royaume-Uni, Mme  Lassal n’aurait par conséquent pas perdu son droit de séjour permanent conformément à l’article 16, para- graphe 4, de ladite directive 9.

28. La juridiction de renvoi rappelle que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, une personne doit avoir séjourné «légalement» pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, avant de pouvoir acquérir le droit de séjour permanent sur son territoire. Selon cette juridiction, le terme

«légalement» signifie la conformité au droit communautaire, et non pas la conformité à la législation nationale. À la lumière du dix-sep- tième considérant de la directive 2004/38, ce terme devrait être interprété comme se réfé- rant à un séjour au cours d’une période conti- nue de cinq ans «conformément aux condi- tions fixées par la présente directive».

29. La juridiction de renvoi observe que, si le terme «légalement» de l’article  16, para- graphe  1, de la directive 2004/38 doit être interprété conformément au dix-septième considérant, la question se pose de savoir si la référence aux «conditions fixées par la pré- sente directive» devrait être entendue comme incluant une référence aux conditions fixées

9 — Vu que, dans ses observations devant la Cour, le CPAG reprend les arguments qu’il a fait valoir devant la juridiction de renvoi, il n’est pas nécessaire d’en rappeler ici les détails.

dans des instruments de droit communau- taire antérieurs qui accordent des droits de séjour aux travailleurs. Selon la juridiction de renvoi, cette interprétation est correcte.

Par conséquent, le séjour de Mme  Lassal au Royaume-Uni remplirait les conditions de l’article 16, paragraphe 1, de la directive. En revanche, si la référence doit être interpré- tée comme se limitant uniquement au séjour conformément à la directive 2004/38, alors, le séjour de Mme Lassal ne remplirait pas lesdites conditions.

IV — La question préjudicielle et la procé- dure devant la Cour

30. Eu égard à ces doutes quant à l’interpré- tation de l’article 16, paragraphe 1, de la di- rective 2004/38, la juridiction de renvoi a, par décision du 10 mars 2009, parvenue au greffe de la Cour le 8 mai 2009, posé la question pré- judicielle suivante:

«Lorsque, conformément aux circonstances de l’espèce, i) une citoyenne de l’Union euro- péenne est arrivée au Royaume-Uni en sep- tembre 1999 en tant que travailleuse et y est restée en cette qualité jusqu’en février 2005, ii) cette citoyenne de l’Union européenne a alors quitté le Royaume-Uni et est retour- née pour une période de dix mois dans l’État

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membre dont elle est ressortissante, iii) cette citoyenne de l’Union européenne est retour- née au Royaume-Uni en décembre  2005 et y a séjourné de façon continue jusqu’en no- vembre 2006, et elle a alors demandé un com- plément de revenu:

l’article  16, paragraphe  1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 doit-il être interprété en ce sens qu’il accorde un droit de séjour permanent au citoyen de l’Union européenne en raison du fait que, conformément à des instruments de droit communautaire anté- rieurs qui accordent un droit de séjour aux travailleurs, il a séjourné légalement, au cours d’une période continue de cinq ans ayant pris fin avant le 30 avril 2006 (date à laquelle les États membres devaient avoir transposé la directive)?»

31. Le 10  mars 2010, la Cour a tenu une audience en présence des représentants du Royaume-Uni, du Royaume de Belgique, du CPAG et de la Commission européenne, qui ont complété leurs observations écrites et répondu à des questions.

V — Argumentation des parties

32. Le gouvernement du Royaume-Uni pro- pose de répondre par la négative à la question

préjudicielle. Suivant en cela l’approche du Secretary of State, ce gouvernement se fonde à cet égard sur deux lignes de raisonnement.

33. En premier lieu, ce gouvernement soutient que seul un séjour postérieur au 30  avril  2006 peut être pris en compte au titre de l’article  16, paragraphe  1, de la di- rective 2004/38. Dans ce contexte, il relève tout d’abord que le texte de l’article 16, para- graphe  1, de ladite directive n’est d’aucun secours. Cet article ne précise nullement si la période ininterrompue de cinq ans doit inter- venir après le 30 avril 2006 et il ne dit pas non plus que cette période peut se terminer avant le 30  avril  2006. Un droit de séjour perma- nent supposerait cependant, conformément à l’article  16, paragraphe  1, de la directive, un séjour légal de cinq ans au Royaume-Uni.

Le terme «légalement» visé à l’article  16, paragraphe  1, de la directive signifie que le séjour doit se dérouler conformément aux conditions fixées par la directive. C’est ce qui résulterait du dix-septième considérant, deuxième phrase, de la directive 2004/38.

En toute logique, un séjour conformément aux conditions fixées par cette directive ne pourrait cependant intervenir qu’après la transposition de celle-ci en droit interne à partir du 30  avril  2006. Ainsi qu’il résulte- rait de la communication de la Commission au Parlement du 30 décembre 2003 adoptée

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dans le cadre de la procédure législative 10, la seconde phrase du dix-septième considérant précise la signification du séjour légal, au sens de l’article 16 de la directive.

34. En second lieu, le gouvernement du Royaume-Uni se fonde sur une interprétation différente de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, selon laquelle seul un sé- jour ininterrompu de cinq ans prenant fin le 30 avril 2006 ou après cette date pourrait être pris en considération. Cette interprétation tiendrait compte du fait qu’un droit de séjour permanent n’a été établi que le 30 avril 2006 et ne pouvait, dès lors, pas exister auparavant.

Un droit qui n’existe pas ne pourrait pas non plus être acquis. En outre, un droit de séjour permanent, avant même qu’il n’ait existé, ne pourrait pas non plus se perdre au sens de l’article 16, paragraphe 4, de la directive. Il ne serait par conséquent pas possible d’appliquer l’article 16, paragraphe 4, de la directive à des séjours ayant pris fin avant le 30 avril 2006.

Cela se révélerait problématique lorsque le séjour d’un citoyen de l’Union pendant une période de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil est éloigné dans le passé.

Dans ce cas, conformément à l’interprétation selon laquelle il y a lieu de prendre en compte, au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la di- rective, également des séjours ayant pris fin avant le 30 avril 2006, un droit de séjour per- manent naîtrait. Or, l’article 16, paragraphe 4, de la directive 2004/38, en vertu duquel le

10 — Communication de la Commission au Parlement européen conformément à l’article 251, paragraphe 2, deuxième ali- néa, du traité CE concernant la position commune arrê- tée par le Conseil en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur un territoire des États membres du 30  décembre 2003 [SEC(2003) 1293 final, p. 10].

droit de séjour permanent se perd par des ab- sences d’une durée de deux ans, ne pourrait pas être appliqué, puisque cette disposition ne vise que la perte d’un droit déjà acquis.

Une telle interprétation, qui confère un droit de séjour permanent également à des citoyens de l’Union qui, en raison de leurs absences de l’État membre d’accueil, ne présentent plus le niveau d’intégration requis, ne serait pas compatible avec l’objectif énoncé au dix-hui- tième considérant de la directive, consistant à encourager l’intégration des citoyens de l’Union dans l’État membre d’accueil.

35. Le gouvernement du Royaume-Uni considère que, pour la solution du présent li- tige, il est indifférent de savoir s’il convient de suivre la première ou la deuxième interpré- tation. En tout état de cause, pour les raisons susmentionnées, la troisième interprétation que le CPAG et la Commission proposent de donner de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, selon laquelle un séjour ayant pris fin avant le 30  avril 2006 devrait également être pris en compte, serait erronée.

Il conviendrait, en outre, de tenir compte du fait que le droit de séjour permanent au titre de l’article 16 de la directive 2004/38 consti- tue un nouveau droit qui ne dépend pas d’une activité économique. Par ailleurs, rien ne per- mettrait de conclure que la directive doit être appliquée rétroactivement. On pourrait plu- tôt déduire des énonciations au point 50 de

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l’arrêt Givane e.a. 11 qu’un séjour ininterrompu sur le territoire de l’État membre ayant pris fin avant la transposition de la directive 2004/38 peut ne pas être pris en compte. Les objec- tions du CPAG et de la Commission, selon lesquelles les interprétations défendues par le gouvernement du Royaume-Uni aboutiraient à des résultats arbitraires, sont, de l’avis de ce gouvernement, également dénuées de fon- dement. Il serait en effet dans la nature des choses qu’une règle selon laquelle un séjour ayant pris fin avant une certaine date, à savoir avant le 30 avril 2006, n’est pas pris en compte désavantage les citoyens de l’Union dont le séjour a pris fin juste avant cette date.

36. Le gouvernement belge propose de ré- pondre par la négative à la question préju- dicielle. Il estime qu’un séjour permanent d’une durée de cinq ans dans un État membre d’accueil, ayant eu lieu avant le 30 avril 2006, ne confère aucun droit de séjour permanent au titre de l’article 16 de la directive 2004/38.

37. Selon le gouvernement belge, la solution contraire aboutirait à une application rétroac- tive de l’article 16, paragraphe 1, de la direc- tive. Rappelant qu’une application rétroactive porte atteinte au principe de sécurité juri- dique, ce gouvernement observe que les actes communautaires ne peuvent, en principe, pas déployer des effets à une date située avant leur publication. Des dérogations ne seraient

11 — Arrêt du 9 janvier 2003 (C-257/00, Rec. p. I-345).

admises que lorsque cela est indispensable pour atteindre un objectif et que les attentes légitimes des personnes concernées sont dûment prises en considération. Ces condi- tions ne seraient cependant pas remplies en l’espèce. Les États membres disposaient de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 30 avril 2006, pour transposer la directive 2004/38. Le gou- vernement belge renvoie, également, au guide pratique commun du Parlement européen, du Conseil et de la Commission à l’intention des personnes qui contribuent à la rédaction des textes législatifs au sein des institutions com- munautaires 12, où il serait indiqué qu’un acte juridique ne peut avoir d’effet rétroactif que dans des cas exceptionnels et qu’un tel effet doit alors être prévu explicitement. Une ap- plication rétroactive ne serait cependant pas prévue par la directive 2004/38.

38. Le gouvernement belge considère qu’une application rétroactive de l’article  16 de la directive 2004/38 soulèverait aussi bon nombre de problèmes d’ordre juridique et pratique quant au critère à l’aune duquel il convient d’apprécier le caractère légal du séjour. L’application rétroactive de l’article 16 de ladite directive aboutirait à ce qu’une per- sonne qui, au 29 avril 2006, se trouvait dans l’Union en séjour illégal et ne disposait donc d’aucun droit de séjour acquière soudain un droit de séjour permanent. Le gouvernement

12 — Ce guide pratique commun a été publié en 2003 par les Communautés européennes et peut être consulté sur Internet à l’adresse http://eur-lex.europa.eu/fr/techleg/pdf/

fr.pdf.

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belge note, cependant, que la directive n’a pas pour objectif de régulariser un séjour illégal hérité du passé. Un droit de séjour perma- nent devrait en effet être considéré comme la consolidation d’un droit de séjour tempo- raire préexistant. Si quelqu’un ne dispose, au 29  avril  2006, d’aucun droit de séjour, il ne pourra pas, à l’expiration du délai de trans- position de la directive 2004/38, acquérir un droit de séjour ni a fortiori un droit de séjour permanent. Dans le présent cas d’espèce, il importerait dès lors de savoir si Mme  Lassal disposait, au 30  avril 2006, d’un droit de séjour. L’intéressée ayant été absente à cette date du territoire du Royaume-Uni pour des raisons différentes de celles visées à l’ar- ticle 16, paragraphe 3, de la directive, seul son séjour au Royaume-Uni à partir de décembre 2005 pourrait entrer en ligne de compte. En novembre 2006, elle ne disposait dès lors pas encore d’un droit de séjour permanent. Dans ce contexte, il faudrait aussi tenir compte du fait que, selon l’article 6, paragraphe 2, de la directive 68/360 et l’article  6, paragraphe  2, du règlement no  1251/70, qui étaient en vi- gueur avant le 30 avril 2006, une absence de six mois consécutifs entraînait la fin du droit de séjour antérieur. Le gouvernement belge en déduit que l’absence de Mme Lassal de plus de six mois affectait par conséquent la validité de sa carte de séjour.

39. Le CPAG et la Commission proposent de répondre par l’affirmative à la question préjudicielle. Ils rappellent que le droit de séjour au titre de l’article  16 de la directive 2004/38 vise à faciliter l’intégration d’un

citoyen de l’Union dans l’État membre d’ac- cueil dans lequel il s’est installé durablement et avec lequel il a, de ce fait, un lien étroit.

L’article 16, paragraphe 1, de la directive exige seulement qu’il y ait un séjour légal ininter- rompu de cinq ans. Par voie d’interprétation, le gouvernement du Royaume-Uni et le gou- vernement belge déduiraient de l’article  16, paragraphe  1, de la directive une condition supplémentaire qui n’est pas couverte par le libellé de cette disposition. Ni l’article 16, pa- ragraphe 1, ni aucune autre disposition de la directive 2004/38 n’établiraient qu’un séjour dans l’État membre d’accueil ayant eu lieu avant l’entrée en vigueur de ladite directive, c’est-à-dire le 30 avril 2004, ou bien avant la transposition de celle-ci ou l’expiration de son délai de transposition, c’est-à-dire le 30 avril 2006, ne peut pas être pris en compte au titre de l’article 16, paragraphe 1. Mme Lassal rem- plirait les conditions énoncées à l’article 16, paragraphe 1, et n’aurait pas perdu ce droit au regard de l’article 16, paragraphe 4, puisque son absence du Royaume-Uni a duré moins de deux ans.

40. La Commission, soutenue par le CPAG, observe que des droits de séjour existaient déjà au titre des articles 4 et 6 de la directive 68/360. Il s’agissait, toutefois, d’un droit de séjour non pas permanent, mais accordé pour une durée de cinq ans renouvelable automa- tiquement. Il existait, en outre, un droit de séjour permanent au titre de l’article 2, para- graphe  1, sous b), du règlement no  1251/70

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qui a été entre-temps abrogé. Cette disposi- tion étant reprise mot pour mot à l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, cet article de la directive devrait être inter- prété en ce sens qu’il y a lieu de prendre éga- lement en compte les séjours ayant pris fin avant le 30 avril 2006. Il ne saurait avoir été dans l’intention du législateur que, pour pou- voir acquérir un droit de séjour permanent au titre de l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, une personne doive avoir séjourné dans l’État membre d’accueil pendant une période de deux ans après expi- ration du délai de transposition de la directive 2004/38, c’est-à-dire après le 30  avril 2006.

Cette règle valable dans le cadre de l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 serait applicable au droit de séjour permanent au titre de l’article  16 de cette même direc- tive. Bien que cet article confère un droit qui est plus généreux que celui accordé en vertu de la directive 68/360, il n’est pas différent au point que l’écoulement de périodes accom- plies sous l’empire de la directive 68/360 ne puisse pas être pris en compte pour l’acqui- sition du droit de séjour permanent au titre de la directive 2004/38. Le législateur aurait tenu pour tellement évident que des périodes accomplies sous le régime antérieur à celui de la directive 2004/38 devaient être prises en compte, qu’il n’aurait pas jugé utile de le pré- voir explicitement.

41. De l’avis de la Commission, il ne saurait être déduit de l’arrêt Givane

e.a. 13, invoqué par le gouvernement du Royaume-Uni, qu’un séjour dans l’État membre d’accueil ayant pris fin avant la transposition de la directive 2004/38 ou avant l’expiration, le 30 avril 2006, du délai de trans- position de celle-ci ne doit pas être pris en considération dans le cadre de l’article  16, paragraphe 1, de ladite directive.

42. D’après le CPAG et la Commission, la prise en compte de séjours ayant pris fin avant le 30 avril 2006 est également compatible avec la deuxième phrase du dix-septième considé- rant de la directive 2004/38. Cette phrase se réfère à un séjour effectué conformément aux conditions fixées par la directive 2004/38. Elle ne saurait être comprise comme limitant l’exi- gence d’un séjour légal à un séjour postérieur à la transposition de la directive ou à l’expira- tion, le 30 avril 2006, du délai de transposition.

Le CPAG considère que la deuxième phrase signifie simplement que, pour le calcul de la période au titre de l’article16, paragraphe 1, de la directive, il faut respecter les règles éta- blies à l’article  16 de la directive, et notam- ment son paragraphe  3. À supposer même qu’il y ait une contradiction entre le libellé de l’article 16, paragraphe 1, et celui des consi- dérants, la lettre des considérants ne pourrait pas l’emporter sur le libellé clair de l’article 16 de la directive. Selon la Commission, la deu- xième phrase signifie que le séjour dans l’État membre d’accueil doit être légal au regard des dispositions communautaires applicables au moment où ce séjour a eu lieu. Il conviendrait de tenir compte du fait que la directive est liée aux dispositions qui l’ont précédée en matière de droit de séjour. Le CPAG et la Commission

13 — Précité à la note 11.

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observent, en outre, que la lecture qui est faite par le gouvernement du Royaume-Uni et par le gouvernement belge de la seconde phrase du dix-septième considérant aboutirait à ce qu’un droit de séjour permanent naîtrait au plus tôt le 29 avril 2011. Il ne serait cependant pas concevable que le législateur ait visé un résultat aussi surprenant sans le mentionner dans la directive.

43. Par ailleurs, le CPAG et la Commission font valoir qu’une prise en compte de séjours ayant pris fin avant le 30 avril 2006 n’abou- tit pas à des effets rétroactifs inadmissibles.

Quand bien même les périodes antérieures au 30 avril 2006 seraient prises en considération pour l’acquisition d’un droit de séjour per- manent au titre de l’article 16 de la directive 2004/38, cela n’impliquerait pas, contraire- ment au point de vue du gouvernement belge, qu’un droit soit né avant le 30 avril 2006. Le droit de séjour permanent ne naîtrait qu’à la date de mise en œuvre de la directive ou à l’expiration, le 30  avril 2006, du délai de transposition. Par conséquent, dans le cadre de l’article 16, paragraphe 1, des séjours anté- rieurs à l’expiration du délai de transposition pourraient être pris en considération. Non seulement l’article 16, paragraphe 1, de la di- rective, mais également les paragraphes 3 et 4 de cet article s’appliqueraient à ces séjours.

Ainsi, un citoyen de l’Union ayant séjourné pendant une période ininterrompue de cinq

ans sur le territoire de l’État membre d’ac- cueil, mais qui, au 30 avril 2006, en était déjà absent depuis plus de deux ans, n’acquerrait aucun droit de séjour permanent.

44. Enfin, le CPAG et la Commission sou- lignent que les interprétations suggérées par le gouvernement du Royaume-Uni conduisent à des résultats arbitraires et que, de surcroît, les deux lignes de raisonnement se contredisent.

45. À titre subsidiaire, la Commission évoque l’arrêt Trojani 14, selon lequel le res- sortissant d’un État membre ayant séjourné légalement sur le territoire d’un autre État membre pendant un certain temps peut invo- quer le principe d’égalité de traitement. Ce principe s’appliquerait également aux presta- tions d’aide sociale. Il en irait ainsi même si le ressortissant ne peut pas prétendre à un droit de séjour communautaire dans l’État membre d’accueil.

VI — Appréciation juridique

46. La question préjudicielle porte sur l’inter- prétation de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38. En premier lieu, nous re- placerons brièvement cette disposition dans l’économie générale de la directive 2004/38

14 — Arrêt du 7 septembre 2004 (C-456/02, Rec. p. I-7573).

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(A), avant d’aborder ensuite la question pré- judicielle (B).

A — Le droit de séjour permanent au titre de l’article 16 de la directive 2004/38

47. En adoptant la directive 2004/38, le légis- lateur communautaire a développé en droit dérivé le droit, pour un citoyen de l’Union, de séjourner dans un autre État membre, droit qui résulte, en droit primaire, des liber- tés fondamentales et des règles relatives à la citoyenneté de l’Union 15. À cet effet, la direc- tive prévoit trois types différents de droit de séjour, à savoir, premièrement, le droit de séjour jusqu’à trois mois 16, deuxièmement, le droit de séjour de plus de trois mois 17 et, troisièmement, le droit de séjour permanent.

Le chapitre IV de la directive est consacré au droit de séjour permanent; les dispositions matérielles relatives à l’éligibilité à un tel droit figurent dans la section I de ce chapitre, aux articles 16 à 18.

48. Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, première phrase, de la directive, les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pen- dant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil ac- quièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. L’acquisition d’un droit de séjour

15 — Voir premier et deuxième considérants de la directive.

16 — Article 6 de la directive.

17 — Article 7 de la directive.

permanent est donc soumise à deux condi- tions, à savoir, en premier lieu, que le citoyen de l’Union ait séjourné pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil et, en second lieu, que ce séjour ait été légal.

B — Sur la question préjudicielle

49. La juridiction de renvoi doit statuer dans une affaire dans laquelle une citoyenne de l’Union, de nationalité française, a séjourné pendant une période ininterrompue de sep- tembre 1999 à février 2005 au Royaume- Uni, et dont le séjour dans cet État membre d’accueil était légal au regard de la réglemen- tation communautaire qui était applicable à cette époque. Ce séjour a cependant pris fin en février 2005, donc avant le 30 avril 2006, date à laquelle le délai de transposition de la directive 2004/38 a expiré et date d’entrée en vigueur de la loi nationale de transposition.

La juridiction de renvoi éprouve des doutes sur le point de savoir si un tel séjour est également susceptible de créer un droit de séjour permanent au titre de l’article 16, para- graphe 1, de la directive.

50. La principale objection que le gouverne- ment du Royaume-Uni et le gouvernement belge soulèvent à l’encontre de la prise en compte d’un tel séjour est tirée du fait qu’une

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interprétation en ce sens de l’article 16, para- graphe 1, de la directive 2004/38 conduirait à une application rétroactive de cette dispo- sition. Dans les développements qui suivent, nous examinerons cette objection tout en prenant également en considération, dans ce contexte, les autres objections que ces gou- vernements ont soulevées.

51. En ce qui concerne l’application rétroac- tive de dispositions, la Cour fait une distinc- tion entre les règles de fond et les règles de procédure 18. L’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, qui établit les conditions d’acquisition et de perte d’un droit de séjour permanent, constitue une règle de fond. Par conséquent, nous n’aborderons ci-après que la jurisprudence concernant l’admissibilité d’effets rétroactifs du droit matériel.

52. Pour ce qui est des règles de fond, la Cour opère une distinction entre deux situations différentes.

53. Selon la Cour, des effets rétroactifs entrent en ligne de compte lorsque le point de départ de l’application dans le temps d’un acte est fixé à une date antérieure à celle de

18 — Arrêts du 12 novembre 1981, Salumi e.a. (212/80 à 217/80, Rec. p.  2735, point  9); du 6  juillet  1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission (C-121/91 et C-122/91, Rec. p. I-3873, point 22), et du 9 mars 2006, Beemsterboer Coldstore Services (C-293/04, Rec. p. I-2263, points 19 à 21).

sa publication 19. Il s’agit de cas dans lesquels les conséquences juridiques d’une mesure interviennent déjà avant son entrée en vi- gueur. Cela est en principe inadmissible, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l’exige et que la confiance légitime des inté- ressés est dûment respectée 20.

54. La Cour considère en outre que, en vue du respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, les règles de fond du droit communautaire doivent, en principe, être interprétées comme ne visant que des situations acquises posté- rieurement à leur entrée en vigueur 21. Une dérogation à ce principe s’applique dans la mesure où il ressort clairement des termes, des finalités ou de l’économie de ces règles de droit matériel qu’elles visent également des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur 22. Certes, dans ce cas de figure, à la différence du cas précédent, il n’y a pas d’effets juridiques avant l’entrée en vi- gueur de la disposition en question; il n’existe donc pas d’effet rétroactif au sens propre du

19 — Arrêts du 25  janvier 1979, Racke (98/78, Rec. p.  69, point  20), et du 24  septembre  2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C-74/00  P et  C-75/00  P, Rec.

p. I-7869, point 119).

20 — Arrêts Racke (précité à la note 19, point 20), ainsi que Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (précité à la note 19, point 119).

21 — Arrêts Salumi e.a. (précité à la note 18, points 9 et suiv.);

du 15 juillet 1993, GruSa Fleisch (C-34/92, Rec. p. I-4147, point  22); Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (précité à la note 19, point  119), ainsi que Beemsterboer Coldstore Services (précité à la note 18, point 21).

22 — Arrêts Salumi e.a. (précité à la note 18, points 9 et suiv.);

GruSa Fleisch (précité à la note  21, point  22); Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (précité à la note 19, point 119), ainsi que Beemsterboer Coldstore Services (pré- cité à la note 18, point 21).

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terme 23. Mais, même dans ce contexte, le res- pect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’impose, puisque des effets juridiques, pour le présent ou le futur, sont attachés à une situation pas- sée qui, en tant que telle, ne peut plus être modifiée 24.

55. S’agissant du présent cas d’espèce, il convient de constater d’abord que l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 n’impo- serait pas d’effets juridiques pour le passé, même si un séjour ayant pris fin avant le 30  avril  2006 était pris en compte dans le cadre de cette disposition  (1). Il importe, dès lors, seulement de savoir s’il résulte des termes, de la finalité ou de l’économie de cette disposition qu’elle vise également des séjours dans l’État membre d’accueil ayant pris fin antérieurement à son entrée en vigueur (2).

23 — Arrêt du 14  janvier 1987, Allemagne/Commission (278/84, Rec. p.  I, point  35). À juste titre: Berger, T., Zulässigkeitsgrenzen der Rückwirkung von Gesetzen, Peter Lang, 2002, p. 180 et spécialement p. 196 et suiv., note que la Cour prend en considération des éléments structurels en se fondant également sur la portée ratione temporis de la disposition concernée. C’est le point de départ de l’appli- cation dans le temps d’une disposition par rapport à la date de sa publication qui constitue le critère déterminant de la rétroactivité.

24 — Arrêts Salumi e.a. (précité à la note 18, point  9), GruSa Fleisch (précité à la note 21, point 22); Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (précité à la note 19, point 119), ainsi que Beemsterboer Coldstore Services (précité à la note 18, point 21).

1.  Absence d’application rétroactive d’effets juridiques

56. Contrairement au point de vue que le gouvernement belge semble défendre, il ne s’agit pas, en l’occurrence, de l’application rétroactive d’effets juridiques. Un droit de séjour permanent au titre de l’article 16, para- graphe 1, de la directive 2004/38 ne naît, en l’espèce, qu’à partir du 30  avril  2006, donc, après l’entrée en vigueur de la directive le 29 juin 2004 et également après la transposi- tion de la directive en droit national le 30 avril 2006. Cela reste vrai même si l’article 16, pa- ragraphe  1, de la directive est interprété en ce sens qu’un séjour dans l’État membre d’ac- cueil ayant pris fin avant le 30 avril 2006 est pris en compte pour l’acquisition d’un droit de séjour permanent (naissant au plus tôt le 30 avril 2006).

57. Le renvoi du gouvernement belge aux points 20.3.1, 20.8 et 20.9 du guide pratique commun du Parlement européen, du Conseil et de la Commission à l’intention des per- sonnes qui contribuent à la rédaction des textes législatifs au sein des institutions com- munautaires 25 est dès lors dépourvu de fon- dement. Ces points visent le cas de figure, non pertinent en l’espèce, dans lequel un acte communautaire doit produire des effets juri- diques avant même son entrée en vigueur.

25 — Précité à la note 12.

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58. Dans la mesure où le gouvernement belge objecte, en outre, qu’une interprétation de l’article  16, paragraphe  1, de la directive 2004/38, selon laquelle un séjour ayant pris fin avant le 30 avril 2006 serait pris en compte, impliquerait qu’un séjour illégal effectué par le passé dans l’État membre d’accueil devien- drait soudain légal, cet argument n’est pas non plus convaincant. Puisque le droit de séjour permanent au titre de l’article 16, pa- ragraphe 1, de la directive ne peut naître, en l’espèce, qu’à partir du 30 avril 2006, il ne sau- rait régulariser un séjour illégal ayant eu lieu avant cette date.

2. Sur le point de savoir si l’article 16, para- graphe  1, de la directive 2004/38 peut être interprété en ce sens que les séjours ayant pris fin le 30 avril 2006 sont pris en compte

59. Dans le cas qui nous occupe, il importe seulement de savoir si l’article  16, para- graphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens que les conditions qu’il énonce visent un séjour qui a déjà pris fin avant le 30  avril 2006. Comme nous l’avons évoqué précédemment, la Cour, conformément au principe de sécurité juridique et de protec- tion de la confiance légitime, interprète les règles de fond en principe comme ne visant pas des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur. Une dérogation s’ap- plique dans la mesure où il ressort clairement

des termes, de la finalité ou de l’économie de la disposition en cause qu’un tel effet doit lui être attribué, et que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée.

60. Le libellé de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 ne permet pas de parve- nir à une conclusion certaine [a)]. Une ana- lyse systématique des règles de fond de la di- rective 2004/38 concernant le droit de séjour permanent [b)] et une prise en considération de la genèse et de la finalité de l’article 16 de la directive [c)] plaident cependant en faveur d’une prise en compte de séjours ayant pris fin avant le 30 avril 2006. En revanche, les ob- jections qui sont tirées de la notion de légalité du séjour au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive [d)], de l’inapplicabilité de l’ar- ticle 16, paragraphe 4, de la directive [e)] et des dispositions de la directive 68/360 ou du règlement no 1251/70 [f)] n’emportent pas la conviction. Enfin, le principe de protection de la confiance légitime ne s’oppose pas non plus à une interprétation selon laquelle les séjours ayant pris fin avant le 30 avril 2006 sont éga- lement pris en compte [g)].

a) Le libellé

61. Ainsi que le gouvernement du Royaume- Uni, le CPAG et la Commission l’exposent à juste titre, les termes de l’article  16, pa- ragraphe  1, de la directive 2004/38 ne

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permettent pas de tirer une conclusion cer- taine. L’article 16, paragraphe 1, de la direc- tive se réfère uniquement à un séjour ininter- rompu d’une durée de cinq ans, sans préciser quand cette période de cinq ans doit s’être déroulée.

b)  Sur le lien systématique de l’article  16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 avec les autres règles de fond concernant le droit de séjour permanent

62. Comme évoqué plus haut 26, outre l’ar- ticle  16 de la directive, ses articles  17 et  18 énoncent également des règles de fond rela- tives à l’acquisition du droit de séjour per- manent. L’article  17 de la directive prévoit que certaines personnes acquièrent un droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil avant même l’écoulement du séjour ininterrompu de cinq ans. Acquiert ainsi un droit de séjour permanent en vertu de l’ar- ticle  17, paragraphe  1, sous b), de la direc- tive le travailleur salarié ou non salarié qui, séjournant d’une façon continue dans l’État membre d’accueil depuis plus de deux ans, cesse d’y exercer son activité à la suite d’une incapacité permanente de travail.

26 — Voir point 47 des présentes conclusions.

i) Sur la nécessité d’une prise en considération rétrospective, dans le cadre de l’article 17, pa- ragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, de séjours ayant pris fin avant le 30 avril 2006

63. En vertu de l’article  17, paragraphe  1, sous b), de la directive 2004/38, ainsi qu’en vertu de son article 16, paragraphe 1, l’acqui- sition d’un droit de séjour permanent est soumise à la condition d’un séjour préalable ininterrompu dans l’État membre d’accueil pendant une certaine durée, l’article 17, para- graphe 1, sous b), de la directive n’exigeant à cet égard qu’un séjour d’une durée de deux ans. Par conséquent, en ce qui concerne cette disposition, la question se pose également de savoir s’il convient de prendre en compte un séjour ayant pris fin avant le 30  avril  2006.

S’agissant de l’article  17, paragraphe  1, sous b), de la directive, la seule réponse possible à cette question est qu’un séjour ayant pris fin avant le 30 avril 2006 doit être pris en compte.

64. Dans ce contexte, il convient en effet de prendre en considération le lien existant entre l’article  17, paragraphe  1, sous b), de la directive 2004/38 et la disposition qu’il a remplacée, à savoir l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1251/70. C’est en des termes presque identiques que l’article 2, pa- ragraphe 1, sous b), du règlement no 1251/70 réglait le droit d’un travailleur frappé d’une incapacité de travail de demeurer sur le terri- toire de l’État membre d’accueil. Le règlement

(21)

no  1251/70 a expiré le 30  avril 2006 27. Son abrogation a été prononcée eu égard au fait que, à l’expiration du délai de transposition de la directive  2004/38, le 30  avril 2006, l’article  17, paragraphe  1, sous  b), de cette directive remplace l’article  2, paragraphe  1, sous  b), du règlement no  1251/70 et que le droit de séjour d’un travailleur frappé d’in- capacité de travail résulte par conséquent de l’article  17, paragraphe  1, sous b), de la directive 2004/38 28.

65. Si des séjours ininterrompus d’une durée de deux ans dans l’État membre d’accueil, effectués avant la survenance de l’incapacité permanente de travail et ayant pris fin avant le 30 avril 2006, n’étaient pas pris en compte dans le cadre de l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, il ne serait pas à exclure que les travailleurs ayant acquis un tel droit en vertu du règlement no 1251/70 au titre d’un séjour ayant pris fin avant le 30 avril 2006 n’auraient plus, à l’expiration de l’autorisation de séjour délivrée sur la base du règlement no  1251/70, un droit de séjour correspon- dant. Selon le règlement no 1251/70, les États

27 — L’abrogation a été réalisée par le règlement no  635/2006.

Une abrogation prononcée directement par l’article  38 de la directive 2004/38 n’était pas possible du fait que la Commission avait adopté le règlement no  1251/70 sur la base de l’article 39, paragraphe 3, sous d), CE, qui confé- rait une compétence exclusive à la Commission dans le domaine du droit pour les travailleurs de demeurer sur le territoire d’un État membre.

28 — Ainsi qu’il résulte des premier et deuxième considérants du règlement no 635/2006, il en a été ainsi compte tenu de la circonstance que la directive 2004/38 a regroupé en un texte unique la législation concernant la libre circulation des citoyens de l’Union et que, dans son article 17, elle reprend l’essentiel des dispositions du règlement no 1251/70 et les modifie en conférant aux bénéficiaires du droit de demeu- rer un statut plus privilégié, à savoir le droit de séjour per- manent. Egger, J., «Die neue Aufenthaltsrichtlinie der EU», dans Recht, Wirtschaft, Kultur: Herausforderungen an Staat und Gesellschaft im Zeitalter der Globalisierung: Festschrift für Hans Habitzel zum 60. Geburtstag, 2005, p. 95 et suiv., spécialement p. 103 et 111, note que la disposition appli- cable de la directive 2004/38 correspond pour l’essentiel, avec des adaptations, à celle du règlement no  1251/70 et vise à la maintenir.

membres étaient, en effet, seulement tenus de délivrer des autorisations de séjour à durée déterminée 29. À l’échéance d’une autorisation de séjour (carte de séjour) délivrée conformé- ment à l’article  2, paragraphe  1, sous b), de ce règlement, un travailleur dont le séjour de deux ans a pris fin avant le 30 avril 2006 ne peut plus, désormais, solliciter un renouvelle- ment en application du règlement no 1251/70, puisque celui-ci est venu à expiration le 30 avril 2006. En outre, un travailleur frappé d’une incapacité de travail ne pourrait pas invoquer l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, du fait que son séjour a pris fin avant le 30 avril 2006. Cette disposi- tion ne lui conférerait donc pas non plus un droit de séjour permanent. Par conséquent, pour un tel travailleur, un droit de séjour cor- respondant à l’article  2, paragraphe  1, sous b), du règlement no 1251/70 ou à l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 n’existerait plus du tout à l’échéance de son autorisation de séjour.

66. Ce résultat irait manifestement à l’en- contre de la volonté du législateur com- munautaire qui, en adoptant la directive 2004/38, entendait consolider et renforcer le

29 — Voir article  6, paragraphe  1, sous b), du règlement no 1251/70.

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droit de séjour des travailleurs 30. On ne sau- rait admettre que, en adoptant la directive 2004/38, le législateur communautaire ait voulu atteindre le résultat évoqué plus haut.

Cela contredirait l’article  38 de la directive 2004/38 ainsi que l’intention, qui est expri- mée au quatrième considérant, de dépasser, grâce à la directive 2004/38, une approche sectorielle et fragmentaire en vue de régir le droit de circuler et de séjourner librement.

L’élaboration de la directive devait, en effet, renforcer et consolider dans un acte législatif unique les droits de séjour qui étaient aupara- vant régis par une multitude de textes de droit dérivé 31.

67. Dans le cadre de l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, il convient dès lors d’interpréter la notion de séjour inin- terrompu de deux ans en ce sens qu’un séjour ayant pris fin avant le 30 avril 2006 doit égale- ment être pris en compte.

30 — Voir troisième considérant de la directive 2004/38. Voir également Iliopoulou, A., «Le nouveau droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille: la direc- tive 2004/38/CE», Revue du droit de l’Union européenne, 2004, p. 523 et suiv., spécialement p. 530, qui, en renvoyant au point 114 des conclusions de l’avocat général Geelhoed présentées le 5  juillet 2001 dans l’affaire Baumbast et R (arrêt du 17  septembre 2002, C-413/99, Rec. p.  I-7091), considère que l’article  18  CE assume, au niveau du droit primaire, une fonction de garantie à l’égard des droits de séjour déjà accordés, que le législateur communautaire est tenu de respecter.

31 — Hofstötter, B., «Die aufenthaltsrechtliche Dimension der Unionsbürgerschaft im Spiegel aktueller Entscheidungen», Annuaire suisse de droit européen, 2005, p. 267 et suiv., spé- cialement p. 277 et suiv., parle de consolidation et d’évolu- tion ultérieure.

ii)  Sur l’applicabilité à l’article  16, para- graphe 1, de la directive 2004/38

68. Ainsi que cela ressort de l’économie de la directive 2004/38, il existe un lien étroit entre les articles 16, paragraphe 1, et 17, para- graphe 1, sous b). L’un et l’autre figurent dans le chapitre consacré au droit de séjour perma- nent, à savoir dans la section définissant les conditions matérielles d’acquisition d’un tel droit. En outre, en utilisant la formule intro- ductive «[p]ar dérogation à l’article 16, ont un droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil, avant l’écoulement d’une période ininterrompue de cinq  ans de séjour», l’ar- ticle 17 de la directive met en évidence qu’il existe également du point de vue du contenu un lien étroit entre l’article 16 et l’article 17 de la directive.

69. Compte tenu de ce lien étroit unissant les deux dispositions, il y a lieu, en principe, de considérer que les conditions énoncées en des termes presque identiques à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 («ayant séjourné [...] pendant une période ininter- rompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil») et à l’article  17, para- graphe 1, sous b), de la directive («séjournant d’une façon continue dans l’État membre d’accueil depuis [...] deux ans») doivent être interprétées de la même manière. Dans ce cas, il convient de prendre également en compte, dans le cadre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive, un séjour ayant pris fin avant le 30 avril 2006.

(23)

70. Le gouvernement du Royaume-Uni objecte, à cet égard, que le droit de séjour permanent au titre de l’article 16 de la direc- tive 2004/38 constitue un droit qui, jusque- là, n’était pas encore prévu en droit dérivé.

Pareille objection ne convainc pas. Dans le cadre, d’une part, de l’article  17, para- graphe 1, sous b), de la directive, et, d’autre part, de l’article  16, paragraphe  1, de cette même directive, le législateur communau- taire aurait facilement pu établir une distinc- tion pour ce qui est de l’application rétros- pective à des situations de fait apparues dans le passé. Or, il ne l’a pas fait. L’utilisation de conditions d’application presque identiques dans les deux dispositions constitue un indice fort que, sur ce point, le législateur commu- nautaire a suivi une approche uniforme dans les deux dispositions.

iii) Sur l’arrêt Givane e.a.

71. À l’audience, le gouvernement du Royaume-Uni a invoqué l’arrêt Givane e.a. 32. Selon ce gouvernement, il résulte des énonciations au point  50 de cet arrêt qu’un séjour ininterrompu de cinq ans au sens de l’article  16, paragraphe  1, de la directive 2004/38 ne saurait être un séjour ayant pris fin avant le 30 avril 2006. La Cour aurait en effet souligné dans ce point de l’arrêt qu’un droit de séjour pour les membres de la famille d’un travailleur n’existe au sens de l’article 3,

32 — Précité à la note 11.

paragraphe  2, premier tiret, du règlement no 1251/70 que si la période prévue de deux années de résidence du travailleur précède immédiatement le décès de celui-ci. Le gou- vernement du Royaume-Uni estime que cette interprétation devrait être appliquée à l’ar- ticle 16, paragraphe 1, de la directive, de sorte qu’un séjour ayant pris fin avant le 30  avril 2006 ne pourrait pas être pris en compte.

72. Cette objection est également sans fonde- ment. On ne saurait tirer pareille conclusion de l’arrêt Givane e.a. Dans cet arrêt, la Cour a interprété l’article 3, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1251/70. Cette disposi- tion prévoyait que les membres de la famille d’un travailleur qui était décédé au cours de sa vie professionnelle, et avant d’avoir acquis le droit de demeurer sur le territoire de l’État en question, avaient le droit d’y demeurer à titre permanent à condition que le travailleur ait résidé, à la date de son décès, de façon continue sur le territoire de cet État membre depuis au moins deux années. Aux termes de l’article  4, paragraphe  1, deuxième phrase, de ce règlement, la continuité de résidence prévue à l’article 3, paragraphe 2, n’était pas affectée par des absences temporaires ne dépassant au total trois mois par an, ni par des absences d’une durée plus longue dues à l’accomplissement d’obligations militaires.

73. Dans l’affaire Givane e.a., le travailleur avait certes résidé pendant une période de deux ans sur le territoire de l’État membre

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