Bull Soc Pathol Exot, 2004,97, 2, 139-141 139
Introduction
S
ur une population estimée à 7156406 habitants (recense- ment de 1996), la République de Guinée compte, à la fin de décembre 2001, environ 114 000 séropositifs avec une séro- prévalence nationale de 2,8 % (4, 5). De 1987 à 2001, le nombre cumulé de cas notifiés de sida est de 9 279, la plus grande pro- p o rtion (87,8 %) se trouvant dans la population sexuellement active, notamment celle âgée de 20-49 ans (7). L’âge moyen des malades est passé de 39 ans en 1989 à 26 ans en 2000 (7). La tranche d’âge de 20 à 30 ans étant très active dans le don de sang dans notre pays, et, étant donné que la transfusion sanguine constitue l’une des voies de contamination les plus directes, le re n f o rcement de la sécurité transfusionnelle est indispensable, notamment par le recrutement des donneurs de sang à faible risque. L’évaluation périodique de la situation épidémiolo- gique du VIH dans la population de donneurs de sang qui fréquentent le CNTS est une nécessité. La présente étude a pour but de déterminer la fréquence du VIH chez les donneurs de sang au CNTS de Conakry sur une période de 4 ans.Matériel et méthodes
L
’étude porte sur 21 245 donneurs de sang re c rutés au CNTS de Conakry durant la période de janvier 1997 à d é c e m b re 2000. Il s’agit de donneurs volontaires et bénévoles ainsi que de donneurs familiaux tout sexe et toutes catégories s o c i o p rofessionnelles confondus, d’âge compris entre 18 et 60 ans. Les donneurs volontaires et bénévoles n’ont pas été catégorisés en premiers donneurs et donneurs réguliers. Les donneurs familiaux étaient des parents de la famille sollicités pour un don de sang en faveur de leur malade. Ils n’ont béné- ficié d’aucun avantage en nature. Avant tout don de sang, le donneur, quel qu’il soit, a participé à un entretien médical de sélection au cours duquel un examen clinique systématique (tension artérielle, poids etc.) a été effectué pour vérifier son aptitude au don de sang. Les échantillons ont été systémati- quement analysés par test Elisa (HIV1+2 EIA 3.0 Plus Abbott) ou par les tests rapides unitaires en fonction de leur disponi- bilité durant la période d’étude (Test Pack HIV1+2 Abbott, HIV1+2 Spot Genelabs, Determine HIV 1+2 Abbott). LesB ilan de 4 ans de sérologie VIH au centre national de transfusion sanguine de Conakry.
Summary:4-year assessment of HIV serology in National Center of Blood Transfusion in Conakry.
From January 1997 to December 2000, 21 145 blood donations have been collected and tested for anti- HIV antibodies by the National Center of Blood Transfusion of Conakry (NCBT). 347 were positive, confir - med by Western Blot (312 HIV-1, 20 HIV-2 and 15 HIV1-2). HIV seroprevalence in tested blood dona - tions showed a slow decrease by year: 1.87% in 1997 to 1.79% in 2000. The distribution according to donation type was 1 % for volunteer donors and 2 % for family donors. Seropositivity HIV rates accor - ding to sex indicate that the female donors are more infected than male donors. Among 347 seroposi - tive, 83% were more than 20 years old. The seroprevalence is higher in soldier blood donors 3.72%
( 5 3 / 1 422) than in student donors 0.55% (43/7712). The number of seropositive results found during these 4 years is not really representative of the HIV spreading infection in Guinean population, but their distribution according to sex and age is very close to the distribution of the AIDS cases in Guinea.
Résumé :
De janvier 1997 à décembre 2000, 21145 dons de sang ont été collectés et testés pour la recherche d’anticorps anti-VIH par le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) de Conakry. Parmi ceux-ci, 347 étaient confirmés séropositifs au VIH par Western Blot, soit 1,6 % (312 VIH-1, 20 VIH-2 et 15 VIH1+2). La séroprévalence anti-VIH dans les dons de sang testés par an est marquée par une légère d i m i n u t i o n : 1,87 % en 1997 à 1,79 % en 2000. Ce taux varie selon le type de don. Il est de 1 % pour les dons bénévoles et de 2 % pour les dons familiaux. Le taux de séroprévalence VIH selon le sexe indique que les donneurs de sang féminins sont plus touchés que les donneurs masculins. La réparti - tion par âge des 347 donneurs séropositifs montrent que 83 % appartiennent à la classe d’âge de plus de 20 ans. La séroprévalence est plus élevée chez les donneurs de sang militaires 3,72 % et plus faible chez les élèves 0,55 %. Si le nombre de sérologies VIH trouvées positives dans ce bilan de 4 ans de dépistage n’est pas représentatif de l’épidémiologie de l’infection dans la population guinéenne, leur répartition par sexe et par âge est très proche de celle rapportée pour les cas de sida dans le pays.
A. Loua* (1, 2), F. B. Magassouba (2), M. Camara (1), N. G. Haba (1) & A. M. Balde (2)
(1) Centre national de transfusion sanguine, BP 2737 Conakry, Guinée.
(2) Département de pharmacie, Université de Conakry B.P.1147 Conakry, Guinée.
Correspondance : Centre National de Transfusion Sanguine, BP 2737 Conakry, Guinée. Tél. : + 224 11 25 41 82, Fax. : + 224 46 35 06,e-mail : louacnts@yahoo.fr Manuscrit n°2561.“Santé publique”.Reçu le 2 avril 2003.Accepté le 13 février 2004.
seroprevalence HIV/AIDS blood transfusion Conakry Guinea Sub-Saharan Africa
séroprévalence VIH/sida transfusion sanguine Conakry Guinée Afrique intertropicale
A. Loua, F. B. Magassouba, M. Camara et al.
s é rums trouvés positifs sont soumis à un deuxième test mono- spécifique pour la confirmation et la détermination des séro- types du VIH (New Law Blot I et II Sanofi Pasteur ou Multispot Genelabs ou Combfirm PBS Orgenics). La com- paraison des résultats a été effectuée par le test du χ2.
Résultats
L
es résultats globaux obtenus entre le 1ejanvier1997 et le 3 1d é c e m b re 2000 ont porté sur des effectifs plus ou moins identiques.La fréquence globale du VIH durant les quatre années est de 1 , 6 3 %. Elle varie de 1, 24 % en 1999 à 1,87 % en 1997. La ten- dance de la séroprévalence VIH n’indique pas une différence significative entre les années (p = 0,504).
La fréquence par type de dons est de 1,08 % pour les donneurs v o l o n t a i res et bénévoles, contre 2,04 % chez les donneurs fami- liaux. La diff é rence est statistiquement significative (p < 0 , 0 5 ) . Aussi bien chez les donneurs volontaires et bénévoles que chez les donneurs familiaux, on note une diminution de la fréquence de 1997 à 1999 et une remontée en 2000 (tableau II).
Comme l’indique le tableau III, les donneurs de sang de sexe féminin ont une fréquence du VIH plus élevée que les don- neurs de sang masculins: 2,18% contre 1,57 %. La variation annuelle des fréquences suit la même tendance que celle de la fréquence selon le type de dons.
La tranche d’âge la moins touchée est celle de moins de 20 ans ( 1 , 0 8 %) et la plus touchée est celle des donneurs de sang âgés de plus de 45 ans (1,99 %). La fréquence chez les donneurs d’âge compris entre 20 et 45 ans est identique à la fréquence globale des 4 années d’étude, soit 1,64 % (tableau IV).
Les fréquences du VIH selon les catégories socioprofession- nelles se présentent comme suit : élèves 0,55 % (43/77 1 2 ) ; m i l i t a i res 3,72 % (53/1 4 2 2 ); fonctionnaires 1,86 % (38/2 0 3 9 ) et autres professions 2,13 % (213/9 972).
Les sérotypes de VIH trouvés durant la période ont été dans les pro p o rtions suivantes : 89,9 % VIH 1 (312/347) ; 5 , 7 % VIH 2 (20/347) et 4,3 % de co-infections VIH 1+2 ( 1 5 / 3 4 7 ) .
Commentaires
L
a prévalence globale du VIH chez les donneurs de sang au CNTS de Conakry était de 1,62 %. Cette prévalence est basse comparativement aux résultats d’autres études menées chez les donneurs de sang dans diff é rents pays de la sous- région africaine : 22 % au Malawi entre 1998 et 2000 (10) ; 3,8 % (531/808) au Ghana en 1999 (1); 5,9 % (155/2610) en Ethiopie en 2002 (8) ; 3,1 % (16/511) à Kinshasa (République démocratique de Congo) en 1997 (2). Cette situation pourr a i t s’expliquer par le degré d’infection des populations de ces pays. En effet, le Malawi est l’un des pays d’Afrique le plus infecté par le VIH (1). Avec un taux de 2,8 %, la Guinée fait partie des pays les moins touchés en Afrique (6).La fréquence du VIH selon le type de don dans notre étude montre que les donneurs de sang volontaires et non rémuné- rés sont les moins touchés (1,08 %), contrairement aux don- neurs familiaux de remplacement dont le taux de prévalence VIH obtenu est de 2,04 %. Cette diminution de fréquence p o u rrait s’expliquer par les eff o rts de fidélisation des don- neurs volontaires et bénévoles. Cela confirme l’hypothèse selon laquelle les donneurs non rémunérés sont à faible risque de transmission des maladies par la transfusion sanguine dans la mesure où ils reçoivent une information concernant l’im- p o rtance de la sécurité du sang et où ils sont soumis à un dépistage à chaque don de sang. La remontée de la séropré- valence du VIH en 2000 chez les donneurs pourrait s’expli- quer par le fait du re c rutement de nouveaux donneurs au CNTS.
La séroprévalence selon l’âge montre que la tranche d’âge en dessous de 20 ans est la moins touchée (1,08 %), et la plus touchée est celle de plus de 45 ans (1,99 %). Aussi, notre étude montre qu’avec une fréquence de 0,55 %, les élèves sont les moins touchés, contrairement aux militaires parmi lesquels on a trouvé une fréquence de 3,72 %. Nos résultats sont simi- l a i res à ceux d’une étude menée au Malawi où la plus faible pré- valence a été observée chez les donneurs de sang de la tranche d’âge de 15-19 ans et chez les étudiants (9).
La faible prévalence du VIH trouvée chez nos donneurs élèves et ceux âgés de moins de 20 ans pourrait être le résultat des campagnes de sensibilisation sur le VIH/sida débutées il y a quelques années en direction de ces populations. Une étude e ffectuée au Mozambique de 1997 à 1999 a montré que 39,1 % des donneurs de sang militaires étaient infectés par le VIH
Santé publique 140
Tableau I.
Fréquence globale du VIH chez les donneurs de sang au CNTS de Conakry de janvier 1997 à décembre 2000.
Total HIV frequency among the blood donors at the NCBT of Conakry from January 1997 to December 2000.
années effectif positifs %
1997 5083 95 1,87
1998 5165 84 1,63
1999 5161 63 1,24
2000 5836 105 1,79
total 21245 347 1,63
Tableau II.
Fréquence du VIH selon le type de don chez les donneurs de sang au CNTS de Conakry de janvier 1997 à décembre 2000.
HIV frequency according to blood donation type at the NCBT of Conakry from January 1997 to December 2000.
donneurs bénévoles donneurs familiaux années effectif positifs % effectif positifs %
1997 2334 21 1,87 2749 74 2,69
1998 2480 20 1,63 2685 64 2,38
1999 1620 24 1,24 3441 39 1,13
2000 2487 32 1,79 3349 73 2,17
total 8921 97 1,08 12224 250 2,04
Tableau III.
Fréquence du VIH selon le sexe chez les donneurs de sang au CNTS de Conakry de janvier 1997 à décembre 2000.
HIV frequency according to blood donors sex at the NCBT of Conakry from January 1997 to December 2000.
masculin féminin
années effectif positifs % effectif positifs %
1997 4177 74 1,77 906 21 2,32
1998 4224 65 1,54 941 18 1,91
1999 4153 46 1,11 908 17 1,87
2000 4826 88 1,82 1010 26 2,57
total 17380 273 1,57 3765 82 2,18
Tableau IV.
Fréquence du VIH selon les tranches d’âge chez les donneurs de sang au CNTS de Conakry de janvier 1997 à décembre 2000.
HIV frequency according to blood donors age at the NCBT of Conakry from January 1997 to December 2000.
< 20 ans 20-45 ans > 45 ans années effectifpositifs % effectif positifs % effectif positifs %
1997 398 7 1,76 4364 76 1,74 321 12 3,74
1998 455 4 0,88 4370 70 1,60 340 9 2,65
1999 434 4 0,92 4009 53 1,32 618 6 0,97
2000 644 6 0,93 4664 90 1,93 528 9 1,70
total 1931 21 1,08 17407 285 1,64 1807 36 1,99
(3). Même si ce taux est largement supérieur à nos résultats, il confirme la thèse selon laquelle cette catégorie de donneurs serait la plus touchée.
L’analyse du taux de portage selon le sexe indique que les donneurs de sang féminins sont plus touchés que les don- neurs masculins : 2,18 % contre 1,57 %.
La répartition des sérotypes de VIH montre que les prévalences du VIH2 et des co-infections VIH1+2 étaient faibles 5,7 % et 4,3 % respectivement, tandis que celle du VIH1 était prédo- minante (89,9 %). Cette répartition est proche des résultats publiés par le Programme national de lutte contre le IST/sida dans la population générale (7).
Conclusion
A
u cours des quatre années, nous avons dépisté 347 don- neurs de sang séropositifs au VIH. Ces résultats ne sont pas représentatifs de la séropositivité de la population géné- rale, mais sont des indicateurs de la situation dans notre pays et leur analyse représente un intérêt prédictif. En tenant compte de cette situation, les eff o rts du Centre national de transfusion sanguine doivent être concentrés sur la promotion et l’en- couragement du don bénévole ainsi que sur le re c ru t e m e n t des donneurs de sang parmi les jeunes de moins de 20 ans et les élèves.Bilan de 4 ans de sérologie VIH au Centre national de transfusion sanguine de Conakry.
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