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La nouvelle économie sociale et les exigences du développement sociétal

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Academic year: 2022

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La nouvelle économie sociale est fille et des grands soubresauts que le monde a connus à partir de la fin de la décennie quatre-vingt-dix et du recul de l’Etat-providence. Dans les pays du Sud, les grands déficits sociaux et l’essoufflement des modes de régulation en vogue ont propulsé sur le devant de la scène d’autres acteurs de la société civile. Le modèle de la démocratie économique et sociale où le social relèverait à la fois de l’Etat et de la société remet subrepticement en question l’exclusivité marchande dans le développement économique. Dans ce modèle, l’économie sociale ne saurait s’épanouir sans d’importants services collectifs. Le secteur de l’économie sociale a connu une expansion continue ces vingt dernières années par ses prouesses sur le terrain d’abord et par les efforts intellectuels qui en sont initiés.

Si dans les pays développés un certain nombre d’acquis socio- économiques sont indiscutables, force est de reconnaître que, pour la quasi- totalité des pays en développement, l’absence des filets sociaux de sécurité appelle un interventionnisme et une responsabilité publics plus soutenus à côté d’autres acteurs de la société civile.

L’économie sociale à l’heure de la mondialisation ne saurait faire l’économie d’une régulation mondialisée, une gouvernance globalisée est aussi indispensable qu’une gouvernance démocratique interne aux pays pour atténuer les différentes fractures socio-économiques qui rongent les équilibres incontournables à toute reproduction sociale. L’équilibre et le développement doivent être régis non par les seules sacro-saintes lois du marché mais par le développement harmonieux de tous les leviers de la société, en l’occurrence le capital civil, le capital public.

Genèse et évolution de la nouvelle économie sociale

Avec l’effondrement de l’empire soviétique et la chute du mur de Berlin, d’une part, et le recul de l’Etat-providence, d’autre part, l’économie sociale occupe une place centrale des agendas des pouvoirs publics et de la société dans sa totalité. Elle s’impose comme une approche qui invite à repenser

Mohamed Fouad Ammor

Faculté de droit de Salé (ammor75@hotmail.com)

et les exigences du développement sociétal *

* Communication présentée lors du Colloque international

« L’économie solidaire et le développement local », les 5, 6 et 7 avril 2001 à la faculté de droit de Salé (Maroc).

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les rapports entre l’économique et le social à l’échelle de la société en tant que telle et non plus à l’échelle d’une entreprise ou d’une institution prise séparément.

Dans les pays en développement, les déficits sociaux suite au désengagement relatif de l’Etat de certains secteurs à caractère social (santé, habitat, infrastructure, l’emploi…), et d’autres à caractère plutôt économique liés à la privatisation de certaines entreprises publiques, ainsi que les divers impacts induits par le(s) Programme(s) d’ajustement structurel remettent à l’ordre du jour les mécanismes de régulation sociale.

Ainsi, les pouvoirs publics participent activement – jusqu’à une certaine limite – à la valorisation de l’économie sociale, étant donné leur incapacité à créer de nouvelles solidarités alors que les anciennes s’effritent devant la montée du chômage et de l’exclusion sociale.

Certes, le débat sur l’économie sociale prête souvent à confusion, à telle enseigne que certains se demandent si l’on discute bien de la même chose et, en conséquence, s’il ne faut pas rejeter une fois pour toutes cette appellation. Le terme économie sociale est polysémique : tantôt il désigne une approche théorique qui remonte au moins à la première moitié du XIXesiècle (Charles Dunoyer publie un Traité de l’économie sociale en 1830), tantôt il se réfère à des pratiques économiques misant sur la démocratie et l’entrepreneuriat collectif plutôt que sur l’entrepreneuriat individuel et la seule recherche du profit.

En effet, trois grands moments scandent l’évolution de l’économie sociale :

• Tout au long du XIXesiècle, l’économie sociale jouait, entre autres, une fonction d’humanisation de la transition d’une économie traditionnelle, voire artisanale, à une économie concurrentielle alors que “le laisser-faire”

dominait comme mécanisme de régulation.

• A l’époque du keynésianisme, l’économie sociale a été d’autant plus réduite que le marché et l’Etat ont réalisé une séparation et une hiérarchisation entre les activités marchandes et les activités non marchandes qui occupaient une fonction de soutien (redistribution), d’une part, les activités non monétaires (réciprocité) considérées comme résiduelles et en voie de disparition.

• Avec la crise du keynésianisme, la nouvelle économie sociale est redécouverte en raison de son potentiel d’implication des divers acteurs que sont entre autres les entreprises, les usagers et les professionnels dans les services collectifs, à travers un élargissement de la démocratie.

Plus précisément, pour la période de l’après-Seconde Guerre mondiale, trois modèles idéaux ont été proposés : (i) le modèle social-démocrate traditionnel où le social relève exclusivement de l’Etat et de la seule redistribution ; (ii) le modèle néo-libéral où l’économie est réduite au marché et où le social ne concerne que ceux et celles qui ne participent pas à l’économie de marché et qui constituent ainsi une demande insolvable.

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L’économie sociale tendrait alors à devenir « une économie de misère, une économie au noir ou une économie informelle » ; (iii) le modèle de la démocratie économique et sociale où le social relève à la fois de l’Etat (de la redistribution) et de la société.

Ce faisant, l’économie sociale remet en question l’exclusivité marchande dans le développement économique et, a fortiori, social. Les acteurs économiques seraient alors plus nombreux de manière à inclure non seulement les syndicats mais également les femmes, les groupes communautaires, les jeunes, etc. Dans ce modèle, l’économie sociale ne saurait s’épanouir sans des services collectifs.

En fait, l’introduction de la dimension sociale à l’économique, n’est pas nouvelle ; cependant, elle a, ces vingt-cinq dernières années, donné lieu à plusieurs appellations : l’« économie populaire », l’« économie solidaire », le « développement communautaire », l’« économie coopérative », le « troisième secteur », le « non-profit organisations » (USA), le « volontary sector », le

« community development » (Angleterre)… L’Union européenne parle de

« troisième système ». L’idée sous-jacente à ces différentes tentatives linguistiques, qui ne sont pas complètement identiques, est, d’une part, la réhabilitation de certaines formes anciennes de solidarité telles que les formes coopératives et associatives et, d’autre part, le renforcement d’un « troisième secteur », encore mal défini entre le secteur privé et le secteur public.

Ce troisième secteur existe d’une manière ou d’une autre dans toutes les communautés humaines, il renvoie aux formes de coopération et d’entraide pour certains pans humains de la société. Si les pratiques et formes de solidarité sont universelles, leurs manifestations actuelles sont sui generis.

Aucune idéologie ne peut ainsi revendiquer, à elle seule, une paternité exclusive de l’économie sociale dans sa forme moderne. On trouve les prémisses de ce troisième secteur dans la quasi-totalité des systèmes socio- économiques et socio-culturels.

Aujourd’hui, ce secteur est en expansion constante. Plusieurs travaux montrent bien la force montante de l’économie sociale au Nord (1) comme au Sud.

Globalement, il faut prendre acte de l’existence de près de 500 000 organisations non-gouvernementales (ONG) dans le monde dont plus de 20 000 déjà constituées en réseau et reliées entre elles par Internet (le réseau de l’Association for progressive communicationsou réseau APC), ce qui leur permet d’avoir à leur disposition des banques de données, les “infos”

d’une agence de presse alternative et des forums thématiques de discussion.

De même, on dénombre quelque 800 millions de coopérateurs à l’échelle mondiale et 110 millions de membres individuels d’organisations de type mutualiste. Au Maroc, on estime les membres des associations à quelque 100 000 membres qui sont actifs dans 30 000 associations qui œuvrent dans divers domaines et qui remplissent diverses prestations au profit de milliers de personnes.

(1) Selon des estimations relatives à l’Union européenne, près de 12 millions d’emplois, près de 5 % du PIB, 5 à 7 % des emplois, une concentration à 75 % des entreprises d’économie sociale dans quatre secteurs névralgiques soit l’éducation, la santé et les services sociaux, la culture et les loisirs et 13 % des nouveaux emplois de la décennie 80. Les sources de revenus de cette économie sociale

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L ‘économie sociale dans les pays en développement

Dans les pays en développement – qui ne sont pas, loin s’en faut, un bloc monolithique –, l’économie sociale dans ses multiples manifestations ne date pas d’aujourd’hui, elle plonge ses racines dans leurs profondes traditions culturelles. Cependant, l’institutionnalisation de cette action, en dépit de son impact fortement positif sur la population, s’est souvent réalisée en l’absence d’une vision globale, complémentaire et cohérente quant à ses acteurs et ses bénéficiaires.

Cette situation a fait que plusieurs acteurs institutionnels (des ministères, des établissements publics…) participent directement ou indirectement à l’action sociale à côté d’autres acteurs de la société civile.

Il est à rappeler que, depuis le milieu des années quatre-vingt et suite à la série de réformes des structures économiques, les ONG dans ces pays, encouragées par un contexte international et par certains bailleurs de fonds, se sont avérées des partenaires réels de promotion des activités de proximité.

Un déficit social important

L’Etat dans les pays en développement dépense une partie importante de ses deniers dans les secteurs sociaux. Cependant, pour différentes raisons, l’efficacité de cette action est faible. Le déficit social accumulé est aujourd’hui très lourd, et sa résorption semble difficile à réaliser en l’absence d’une politique sociale forte et volontariste.

Ce déficit apparaît au niveau de la pauvreté, du chômage, de la santé, de l’éducation, de l’espace, de l’habitat, de la protection sociale. Le constat de faillite de la politique sociale suivie depuis l’indépendance est aujourd’hui unanimement admis (2).

L’implication de la société civile

Malgré un potentiel indéniable de mobilisation de la société civile, l’implication dans le processus de développement social reste encore faible, entravée par un manque de structuration de moyens matériels et humains, d’expérience et de formation et généralement d’un cadre juridique adéquat.

L’exacerbation des gaps sociaux accule les pouvoirs publics dans ces pays à davantage d’ouverture à l’égard des partenaires sociaux et plus particulièrement des acteurs de la société civile. Les actions des associations en sont des supports précieux. Les ONG peuvent jouer un rôle important dans le rapprochement avec les populations les plus marginalisées, dans les régions et les quartiers les plus démunis. De ce fait, leur implication dans la réalisation des programmes de lutte contre la pauvreté est une nécessité incontournable.

Les activités de proximité, en plus de leur rôle d’atténuation des contradictions internes, constituent aussi une forte réaction contre les méfaits de la globalisation. C’est une forme de résistance face au rouleau compresseur

proviennent à 47 % de la vente de biens et de services, à 43 % d’un soutien des pouvoirs publics et à 10 % d’une aide du secteur privé.

(2) Le directeur général de la Banque mondiale a reconnu en janvier 1999 qu’il fallait admettre, au vu du retour en masse de la pauvreté dans le monde depuis les années quatre-vingt, que les politiques menées par la Banque mondiale ces vingt dernières années avaient été de mauvaises politiques.

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de la mondialisation et de l’indétermination spatiale. Une grande complexité entache la mise en pratique des activités de proximité dans la mesure où celles-ci, dans leur acception moderne, constituent une perception nouvelle du développement social et que l’ingénierie sociale n’en est encore qu’à ses débuts. Ces activités de proximité appellent la logique de l’auto- prise en charge par la population vulnérable.

Dans les pays en développement, trois stades peuvent être identifiés quant à l’intérêt porté aux activités de proximité.

1960-1980 : une logique d’assistance publique

Dès les années d’indépendance politique, les pouvoirs publics des pays nouvellement indépendants ont créé des établissements publics destinés à dispenser l’aide et l’assistance aux populations nécessiteuses, à subventionner partiellement certains biens de première nécessité, etc.

Les résultats de ces établissements, en tant que filet de sécurité, n’ont pas toujours été probants en dépit des multiples efforts déployés. Le constat est que l’action sociale qui draine une part importante des deniers publics ne profite que très partiellement aux personnes nécessiteuses (dispersion des efforts, disparité sociale et catégorielle).

Le début des années quatre-vingts a coïncidé avec de grands déséquilibres des finances publiques dans la majorité de ces pays. De ce fait, une quête de rationalisation des dépenses publiques fut appliquée, le social en a pâti.

1980-1995 : une logique de marché exclusif

Durant cette période, la rationalisation des dépenses publiques s’est traduite par une baisse sensible des efforts à l’égard des secteurs sociaux et de l’action sociale. Celle-ci fut reléguée au second plan en tant que priorité publique.

Au terme des programmes d’ajustement structurel, le constat est le suivant : – les ressources publiques destinées au social ne bénéficient pas particulièrement aux catégories défavorisées, d’où la nécessité d’un

« recentrage et d’une rationalisation des interventions de l’Etat » ; – avec un retard au niveau de la santé publique, de l’alphabétisation, de la mortalité infantile et un revenu faible par habitant, les pays en développement sont en général classés dans les derniers rangs du développement humain ;

– le chômage atteint des proportions alarmantes dans des sociétés fortement inégalitaires, dualisées et paupérisées. Cette situation appellera une nouvelle approche.

A partir de 1995 : une logique d’autonomisation sans véritables mesures d’accompagnement

Sous le poids des contradictions sociales et de la menace des implosions de tous ordres, la question sociale dans ces pays commence à occuper une place de choix dans l’agenda des programmes gouvernementaux et de la

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classe. Les éléments-clés de la stratégie de l’action sociale sont : le recentrage de l’action la rationalisation de la gestion, le ciblage de la population vulnérable, l’autonomisation des efforts par les activités de proximité, le partenariat avec les collectivités locales, les ONG.

Il est certain que la réussite de cette stratégie est tributaire d’une batterie de variables relevant :

– du comportement de l’Administration qui doit se transformer de facteur de blocage en facteur de facilitation ;

– du dynamisme de la société civile et surtout des ONG. Celles-ci ont besoin d’une mise à niveau dans les domaines de l’information, de la formation/compétence et de la coordination ;

– de l’implication des partenaires internes et externes.

De ce qui précède il ressort que les activités de proximité s’insèrent dans une équation à plusieurs variables. La détermination de la nécessité de développer ce créneau, d’une part, et la conjugaison des efforts de tous, d’autre part, peuvent faire de cette catégorie d’activités un véritable deus ex machina de la pauvreté et du chômage dans ces pays et de la confirmation des principes de la nouvelle économie sociale.

Mesures de promotion de l’économie sociale et du développement sociétal La prise en considération des multiples déficits à caractère social impose la mise en place de stratégies nationales qui définissent des priorités claires et hiérarchisées.

Dans ce cadre, les chantiers sociaux prioritaires des pouvoirs publics sont la lutte contre le chômage, l’atténuation de la pauvreté, des inégalités et l’exclusion sociale, la promotion de l’alphabétisation et de l’éducation de base, l’amélioration des soins de santé essentiels, la réforme de la protection sociale et l’encouragement du logement social.

La mise en œuvre de ces chantiers a supposé la révision budgétaire des dépenses sociales. Les lois de finance depuis le milieu des années quatre- vingt-dix se sont tout particulièrement intéressées aux budgets des ministères à caractère social. La part croissante qui leur est consacrée au sein du budget général de l’Etat va en augmentant pour se situer dans une fourchette de 30 à 45 %.

Il est évident que sans une croissance élevée et sans l’amélioration du pouvoir d’achat des couches vulnérables, toute stratégie de développement social aura du mal à générer ses bienfaits. La croissance économique n’implique pas uniquement une dimension quantitative mais aussi et de plus en plus une dimension qualitative, appréciée par sa capacité d’intégrer et de promouvoir la cohésion sociale des différents groupes de population dans le système productif. Le premier aspect met en cause la faiblesse des seuils historiques du taux de croissance qui tournent autour de 2 à 3 % dont l’amélioration, dans la perspective de leur doublement,

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paraît être une nécessité absolue, au regard du développement en général et de la réduction du « gap social » en particulier.

En effet, les simulations sur les effets de scénarios alternatifs de croissance économique ont établi de manière claire que le relèvement du niveau de vie des ménages à revenu limité à travers la croissance, plus soutenue, offrirait des perspectives prometteuses. Ainsi, l’hypothèse d’un taux de croissance annuel du PIB de 6 à 7 % conduirait à une amélioration sensible de la consommation (2,5 % par an), ce qui permettrait de faire baisser l’indice numérique de la pauvreté de 7 % par an. Compte tenu des projections de croissance démographique (2 % par an ), cela se traduirait par une réduction du nombre de pauvres d’environ 5 % annuellement.

Autrement dit, la lutte contre la vulnérabilité de larges couches de la population doit nécessairement passer par la relance d’une croissance économique élevée et durable. Or, celle-ci dépend en grande partie de l’augmentation du taux d’investissement et suppose la réalisation d’un certain nombre de conditions dont, en particulier, l’assainissement du cadre macro- économique, le soutien au secteur privé, la réforme du cadre juridique de l’activité économique, poursuivie par les autorités de ces pays, depuis la mise en place des programmes d’ajustement structurel, et dont la mise en œuvre s’inscrit dans la durée.

En effet, pour permettre à l’économie sociale de remplir pleinement sa fonction de promotion sociale des couches précaires, il est nécessaire de procéder à la mise en application d’un certain nombre de mesures notamment : (i) ériger les ONG en partenaires dans les stratégies de développement social aussi bien national, régional que local ; (ii) établir une charte qui définisse les modalités du partenariat afin que la société civile s’engage avec ses associations dans un partenariat concret et efficace. Cet engagement se fera sur la base de réalisation de projets ; (iii) réviser les textes législatifs relatifs aux associations, aujourd’hui inadaptés au nouvel environnement ; (iv) concevoir une stratégie de communication et de sensibilisation en matière sociale à l’attention de tous ceux qui œuvrent dans l’économie sociale ; (v) sensibiliser les administrations et les communes à l’importance de l’action des ONG et aux problèmes relatifs aux conditions et mécanismes du partenariat. Ce développement doit impliquer pleinement les institutions et se faire dans la transparence, le respect de l’autonomie et de l’indépendance de l’autre et en tenant compte des obligations mutuelles. Il peut être tri ou multi-partite, en impliquant d’autres organisations, le secteur privé et des bailleurs de fonds ; (vi) renforcer les capacités de gestion des associations, notamment par des formations appropriées (de responsables d’associations et d’animateurs de projets) et en leur facilitant l’accès aux moyens de travail. Cette mesure peut se concrétiser en mettant une logistique et des moyens matériels et humains à la disposition des associations les plus actives pour leur encadrement dans le cadre de la réalisation des projets retenus. Peuvent

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être mis à leur disposition, par exemple, des leaders d’associations, des membres du personnel sous-utilisés des ministères, des communes et des établissements publics. Ce personnel peut gérer les fonds alloués aux associations, examiner la faisabilité des projets retenus et effectuer le suivi et l’évaluation des projets ; (vii) inciter à fédérer les associations poursuivant les mêmes objectifs afin qu’elles se constituent en réseaux, clubs, fédérations, partenaires ; (viii) créer une bourse de projets qui pourrait récompenser certains projets initiés par des ONG œuvrant dans le domaine social. Ici les fonds sociaux de développement existants ou à créer sont le cadre idoine pour ce type d’action.

L’ensemble des mesures définies dans le cadre d’une stratégie intégrée de développement social vise à faire reculer les proportions des déshérités.

Dans la mesure où les facteurs de pauvreté et d’exclusion sont multiples et interdépendants, il y a lieu de veiller à mettre en œuvre une vision globale intégrée multiforme menée à tous les niveaux, aussi bien national, régional que local.

Une mobilisation forte, dans ce sens, de tous les acteurs de développement est un préalable nécessaire à la réussite de cette stratégie.

Elle permettra l’implication et la participation des différents acteurs du champ social à la réalisation des programmes, projets et plans d’action contenus dans la stratégie.

L’objectif ultime est de rétablir les équilibres sociaux de la société dans ces pays et favoriser la cohésion sociale par une solidarité nationale agissante.

A ce niveau, les actions de proximité s’avèrent être une variable incontour- nable de l’économie sociale. Certes, ces actions de proximité renvoient à des contenus différents selon qu’il s’agit d’un pays développé ou d’un pays en développement. Dans le premier cas, la finalité de ces actions vise essentiellement la lutte contre le chômage, tandis que dans le second, elle se réfère à l’atténuation du fossé de la pauvreté.

Les composantes de la nouvelle économie sociale

Face aux différentes fractures sociales et à l’essoufflement des mécanismes de régulation, l’économie sociale est appelée à relever plusieurs défis, si toutefois l’environnement social et politique le permet.

Aussi, les secteurs d’activité de l’économie sociale sont-ils d’une telle diversité qu’on y intègre l’emploi, la santé, le crédit, l’agriculture, la pêche, l’habitat…

L’importance de l’économie sociale peut s’analyser à travers la masse du travail bénévole fourni et à fournir à la société. L’émergence de l’économie sociale, difficile à chiffrer, est parallèle à celle de la société civile. Son champ d’action concerne aussi bien le domaine des activités marchandes que celui des activités non marchandes. Elle se situe aussi bien dans le secteur formel que dans le secteur informel.

A l’approche stricto sensu de l’économie sociale la plus courante dans la littérature économique, à la fois historique et institutionnelle, réduisant

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le champ d’action de l’économie sociale aux mutuelles, aux associations et aux coopératives, nous privilégions, quant à nous, une approche plus ouverte, plus téléologique et éthique. Dans cette optique, l’économie sociale serait l’ensemble des activités directement et/ou indirectement économiques (tels que l’habitat social, le secteur informel, le micro-crédit, l’emploi) destinés prioritairement aux couches vulnérables (tels que les handicapés, les personnes de troisième âge, les femmes au foyer, les enfants des rues, les chômeurs, les sans-domicile fixe, les marginaux) dont la finalité est une meilleure régulation sociale. Les acteurs y sont aussi bien les pouvoirs publics que les associations et les individus.

La définition conventionnellement admise de l’économie sociale dans les pays développés est fortement institutionnelle et restrictive, elle met l’accent sur les activités économiques exercées par des sociétés, principalement les coopératives, les mutualités et les associations, dont l’éthique se caractérise par la finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que de profit et dont la gestion interne est démocratique. Cette approche de l’économie sociale reflète foncièrement la réalité des pays développés.

En effet, dans les pays en développement en général, le processus de prise de décision dans les associations, les mutuelles et les coopératives, et a fortioripour les personnalités de proue dans le domaine de l’économie sociale à l’image du contexte historique et culturel de ces pays, est loin d’être démocratique. Le renouveau de l’économie sociale n’est-il pas parallèle à la croissance du chômage et à la montée de l’exclusion des années quatre- vingts ? Le renouveau de cette « nouvelle économie sociale » est concomitant au renouveau de son champ conceptuel : la gouvernance, la communauté, la proximité, la réciprocité, la solidarité, le capital social, la participation, le partenariat, la formation, l’environnement, le développement durable, l’équité salariale, le genre…

Il est intéressant de constater que les acteurs de base de l’économie (Etat, entreprises) deviennent éventuellement acteurs d’appui de l’économie sociale.

Les acteurs de base en sont les individus eux-mêmes, les ONG, les fondations.

Si par le passé l’Etat interventionniste arrivait, tant bien que mal, à réguler l’économie nationale, de nos jours cette fonction est en perte de vitesse eu égard aux exigences de la mondialisation. Cependant, l’Etat doit aussi faire face aux multiples fléaux sociaux qui ne cessent de s’imposer et de menacer les équilibres sociaux et économiques. C’est dans ce contexte que d’autres acteurs sociaux sont sinon interpellés du moins autorisés à pallier les carences des pouvoirs publics : le mouvement associatif s’avère un des acteurs cruciaux de l’économie sociale.

En outre, non seulement l’économie politique a montré son incapacité à reproduire les équilibres sociaux, mais elle a généré de l’exclusion et de la marginalisation de certaines catégories de population telles qu’une partie des femmes, des jeunes, des enfants (au travail et des rues), parfois, même dans un contexte de taux de croissance relativement soutenus ! En somme,

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tous ceux qui ont besoin d’assistance et de soutien pour survivre et pour participer à la promotion de la société.

Les Etats dans les pays en développement ont à gérer leur économie sociale dans le cadre de la mondialisation. Gérer la chose publique, c’est faire des choix à partir de contraintes dont il faut optimiser l’output en vue d’atteindre un objectif donné. Cette gestion s’avère d’autant plus complexe qu’elle est conjuguée au social. Qui plus est dans un environnement international compétitif !

La problématique fondamentale est la quête d’un équilibre subtil entre, d’une part, la compétitivité économique et, d’autre part, la solidarité sociale régie par un esprit de partage, de générosité et de compassion. A l’échelle internationale, les deux organismes qui cristallisent parfaitement ces deux logiques sont l’OMC (l’Organisation mondiale du commerce) dont les règles du marché constituent l’alpha et l’oméga de toute activité économique et l’OIT (l’Organisation internationale du travail) qui tient compte de la dimension sociale en tant variable nodale de la régulation sociale.

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Eléments de définition de l’économie sociale Caractéristiques et règles de l’économie sociale – Proximité – Formel/informel Mixage de l’économie marchande et non-marchande – Redistributive – Logique civique – Démocratie partenariale – Rentabilité sociale – Participation

Finalité Régulation sociale

Secteurs d’activité Promotion d’un secteur civil à côté des deux autres secteurs (Etat et marché) Emploi pour personnes vulnérables Habitat social Secteur informel Micro-crédit Alphabétisation Formation Insertion sociale Destinataires: personnes vulnérables Chômeurs Personnes sans domicile ou habitant dans des conditions précaires Travailleurs dans l’informel Populations précaires mais laborieuses Population analphabète. Pauvres et marginaux Handicapés, marginalisés,enfants des rues,personnes du troisième âge Acteurs selon l’approche conventionnelle (Les composantes certaines) Les ONG Les coopératives Les mutuelles Acteurs selon l’approche conventionnelle Les composantes incertaines: 1.entreprises à participation ouvrière; 2.entreprises mixtes en partenariat avec une municipalité; 3.Entreprises publiques ayant une certaine autonomie de gestion 4.entreprises privées en partenariat avec un syndicat

Acteurs selon la réalité des PED Les ONG Les coopératives Les mutuelles Les pouvoirs publics (centraux,régionaux et locaux) Les ONG (nationales et internationales) Les individus La gouvernance globale (corrigeant les méfaits de la mondialisation)

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En guise de conclusion

Faut-il rappeler que, sur le plan heuristique, le social a toujours été pensé en fonction de l’idéologie économiciste ? De ce fait, l’économique a longtemps été vu comme relevant de la production, donc de la création des richesses, alors que le social, lui, est plutôt perçu du côté de la répartition, donc de la consommation. Aussi, le social est-il souvent distingué de l’économique non pour établir une nouvelle hiérarchie des valeurs dans les décisions politiques mais souvent sous la pression des échecs multiples de l’approche économique. Aujourd’hui, nombre d’études montrent que le social, cristallisé notamment dans les activités de proximité, est aussi créateur de richesse et d’équilibre socio-économique. Ceci est de plus en plus reconnu par les chantres du libéralisme, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Si l’économie sociale permet de répondre aux problèmes les plus urgents, elle laisse également entrevoir une nouvelle façon de repenser les solidarités et de relier l’économie et le social. Dans cette perspective, l’économie sociale devient partie prenante d’un renouvellement de l’Etat- providence au profit d’un Etat partenaire (Enabling State) qui se distingue à la fois de la solution providentialiste et de la solution néo-libérale.

L’économie sociale constitue le noyau dur de tout projet de société et de tout développement sociétal. Tout projet et tout engagement social en ont besoin, faute de quoi ils s’essoufflent ou risquent de dévier en étant soumis à de véritables perversions de sens. La réaction par rapport à une globalisation écrasante se fonde sur la recherche de sens. C’est à partir de cette recherche et de sa concrétisation dans des pratiques sociales variées,

“rebelles”, que les sociétés résistent à la dépendance économiciste qui les menace toutes.

Dans les sociétés où domine le marché et où la capacité régulatrice du politique est dangereusement affaiblie, il est important que s’affirment des citoyennetés vivantes, attentives et créatrices, pour « ré-enchâsser l’économie dons l’éthique et le social » et repenser le sens des logiques en cours.

Afin de mettre fin à l’envahissement idéologique de la rhétorique dominante (la pensée unique), il est salutaire de se rappeler qu’il existe au moins trois pôles en économie : le pôle capitaliste dominé par les détenteurs de capital, le pôle public dirigé par l’Etat et le pôle communautaire, ou

« tiers système » ou « capital civil » pris en charge par les travailleurs et les usagers et fonctionnant sur le mode de la réciprocité ou de la solidarité.

En Europe, des groupes à la marge renouent actuellement avec l’économie sociale, tandis que dans le Sud foisonnent les initiatives micro-sociales de survie précaire ou même d’alternative durable annonciatrices de nouveaux modes d’équilibre des forces en présence.

L’action sociale dans les pays en développement, qui draine une part importante des deniers publics, ne profite que très partiellement aux

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personnes nécessiteuses à cause de la dispersion des efforts et de la disparité sociale et catégorielle, d’où la nécessité de recentrage des efforts déployés, de rationalisation des dépenses publiques par un ciblage adéquat en direction des populations nécessiteuses afin de les autonomiser dans le cadre d’un véritable partenariat. Pour ce faire, il est nécessaire d’appréhender le social dans sa complexité et sa multidimensionnalité en réunissant les conditions de sa réussite.

Face à la mondialisation et à la régulation par le marché, un certain nombre d’événements et d’agissements tentent de limiter « la casse » causée par ce rouleau compresseur, notamment la montée et la confirmation d’une société civile mondiale constituée essentiellement par des ONG, le développement d’une économie solidaire et les prémisses de nouvelles formes de coopération internationale. Une nouvelle forme de régulation globalisée reste à inventer pour éviter l’approfondissement des grandes fractures.

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