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François Mitterrand s'accommode d'une Constitu- tion par lui tant combattue, il la «respecte», puisque le pays l'approuva, et concède qu'en somme les

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M

• tion par lui tant combattue, il la « respecte », puisque le pays l'approuva, et concède qu'en somme les institu- tions sont bonnes avec un président tel que lui...

Dans son pamphlet de 1964, le Coup d'Etat permanent, M . Mitterrand avait rapproché le retour au pouvoir du Général du coup d'Etat du Prince-Président et dénoncé « le régime » comme intrinsèquement pervers, puisque s'identifiant selon lui à une dictature :

« Le pouvoir d'un seul, même consacré pour un temps par le consentement général, insulte le peuple. L'abus ne réside pas dans l'usage qu'il fait de son pouvoir, mais dans la notion même de ce pouvoir. »

S'il invoquait « une doctrine constante en France », depuis un siècle et demi, d'opposition à la délégation de la souverai- neté populaire à un seul homme, M . Mitterrand ne montrait pas beaucoup de considération pour la maturité politique, au moins acquise !, du peuple français invité par le général de Gaulle à choisir « directement » le chef de l'Etat, ni d'impartialité dans l'analyse du nouveau système. Ce Léon Daudet de gauche, car quel talent de polémiste dans le Coup d'Etat permanent !, se gardait de relever la faculté toujours offerte à l'Assemblée natio- nale de censurer, de « renverser », le premier ministre choisi par le Président.

Et, en dehors de la « lettre », Y « esprit » de la Constitu- tion ! Le Général se retirait s'il avait perdu les législatives de

1967. Il a constamment « vérifié » par la procédure référendaire

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L E POUVOIR D ' U N S E U L 393 et les élections générales (1968) l'approbation de son action par le pays.

Après le désaveu populaire de 1969 sur le projet de décen- tralisation et de réforme du Sénat, Charles de Gaulle regagna son village (on parla, à tort ou à raison, ou plutôt à tort et à raison, de «suicide politique »).

M . Valéry Giscard d'Estaing décela un « exercice solitaire du pouvoir » par le Général, mais avant que de gouverner lui- même d'une façon beaucoup plus omnipotente et en entrant bien plus dans I' « exécution » que son illustre prédécesseur qui ne s'arrêtait qu'à l'essentiel : il n'y eut jamais autant de comités interministériels à l'Hôtel de Matignon qu'avec M . Debré pre- mier ministre.

L a « déviation » vers la présidentialisation de l'exécutif commence avec Georges Pompidou. Il demeurait le premier ministre qu'il avait longtemps été. Son successeur, quant à lui.

ne dépouillait pas le ministre des Finances. Il accorda cepen- dant une délégation de pouvoir — insuffisante malheureusement pour un assainissement plus poussé de l'économie française ! — à M . Barre reconnu officiellement, non seulement comme premier ministre — ce qui dépasse l'état de « premier des ministres » —, mais comme chef de gouvernement (la Constitution ne crée pas expressément ce titre, mais pose que « le premier ministre dirige l'action du gouvernement »). M . Barre aurait-il dû donner sa démission si on ne lui avait pas permis d'agir plus fort et plus vite, c'est là une autre question...

Q

u'y a-t-il derrière cette tradition républicaine que brandissait autrefois M . Mitterrand, à l'instar des grands orateurs radicaux d'antan ?

Avant d'exercer sa dictature personnelle, Robespierre s'of- fensait fort de l'autorité des décemvirs et de Cromwell !

Rien de pire que la dictature de la foule, ou d'un homme s'appuyant sur la rue. L a Révolution française fournit plusieurs démonstrations...

Cicéron avait fait la religion des « hommes de la Révolu- tion » en exaltant cette République romaine où le grand rhéteur trouva tant d'épanouissement personnel. O n en oubliait le poids des grandes familles sénatoriales qui, selon Polybe, faisait passer

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aux yeux des étrangers ce régime politique pour une aristo- cratie...

E n réalité le président à mortier Montesquieu défend l a robe avec sa théorie des « corps » dépositaires de la l o i , et sa fameuse « séparation des pouvoirs » s'inspirait de la vision des grands whigs d'une équilibration de la monarchie par les grands propriétaires et les hommes d'affaires.

N'osant pas toucher à la personne du roi sur qui flottait encore quelque chose de sacré (plus tard les bolcheviks n'ose- ront pas abattre ouvertement le tsar !), la Révolution maintint le roi, « nu », en provoquant son « veto », face à un tout-puissant législatif, et en se gardant de Mirabeau par l'interdiction du cumul de la fonction ministérielle et du mandat parlementaire.

Après le 10 août, l'Assemblée assume la responsabilité de l'exécutif au travers d'un comité exécutif provisoire à présidences changeantes, mais où Danton s'affirme. L a Convention illustre le « régime d'assemblée », avec à la tribune des affrontements qui aboutirent à l'exclusion des Girondins, à la mort des héber- tistes et des dantonistes, à Thermidor... Descente aux enfers d'une Révolution qui dévore successivement ses enfants sous la pression, nous dit le nouvel immortel Léopold Sedar Senghor citant le duc de Lévis-Mirepoix, du « troisième ordre : lés ouvriers agricoles et des manufactures qui n'avaient ni le nécessaire, ni le droit de vote ».

Les Anglais, par la voix d'Edmund Burke dans ses célèbres Reflexion on the Revolution in France, avertirent l'Europe que la France n'avait pas « copié » la Grande-Bretagne, qu'elle en était bien incapable, que la liberté politique s'apprenait...

Avant de s'engager sous la Restauration dans l'expérience du régime représentatif — d'où l'appel de M . Mitterrand à une tradition datant de cent cinquante ans — la France passa, heu- reusement pour elle, par le Consulat, par la Constitution de l'an V I I I , qui lui apporta des institutions administratives excep- tionnelles. Pas de cabinet, tout est dans le Premier consul, puis dans l'Empereur (Maret exerçant une simple coordination tech- nique de base), mais le Conseil d'Etat et les préfets. L a Banque de France. Une organisation militaire, d'enseignement, fiscale.

Dans le haut establishment administratif, une conjonction de Feuillants et de Jacobins modérés fusionne l a France. Ainsi

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L E POUVOIR D'UN S E U L 395 se créa dans la lumière classique du Consulat, puis sous l'horizon chargé de l'Empire, cet Etat moderne que l'Europe nous envie encore. Et qui fut un substitut de la monarchie héréditaire sous nos débiles républiques parlementaires.

Dans ce système autoritaire, le contreseing atteste l'obliga- tion par les ministres, au reste révocables ad nutum, de se plier immédiatement aux ordres du chef de l'Etat. L'évolution consti- tutionnelle du xix*- siècle aboutira à un renversement de situation, le contreseing ministériel mettant finalement le président de la République dans la dépendance du ministre lui-même « respon- sable » devant le Parlement, et qui connaîtra seul la réalité du pouvoir.

Le coup d'Etat de Louis Napoléon servit de nouveau trem- plin à toute la tradition républicaine de rejet du « pouvoir per- sonnel ». Par un envoûtement extraordinaire de l'histoire, la

France se donna à un homme dont elle savait au fond d'elle- même qu'il la violerait, comme l'oncle ! Mais on avait tout fait pour qu'il en fût ainsi : en limitant le mandat du Prince-Prési- dent à quatre ans avec interdiction d'une nouvelle candidature, en le privant de pouvoirs, en lui refusant le droit de dissolution.

S'appuyant sur une majorité parlementaire de droite, Odilon Barrot, doté du titre de président du Conseil, réunissait le Cabi- net pour envoyer des ultimatums au futur Napoléon III.

Louis Napoléon a décrit le 2 - Décembre comme l'opéra- tion consistant à « quitter la légalité pour entrer dans te droit ».

On sourit, mais c'est un fait que post eventum toutes les consul- tations, et d'abord tous les plébiscites (où la pression des préfets de l'Empire par les « candidatures officielles » ne s'exerçait pas), ratifiaient massivement, notamment en 1870, le second Empire.

Bodin, le représentant du peuple tué sur les barricades, ne figurait plus dans les mémoires lorsque les républicains décidè- rent de lui ériger un monument et de provoquer un procès per- mettant à Gambetta de dénoncer « ce prétendant qu'entourent des gens sans talent, ni honneur, ni rang, perdus de dettes et de crimes ».

Les Français n'avaient jamais connu à la fois, et à ce degré, la prospérité, le plaisir, et la prééminence (la première place en Europe, dans l'effacement des traités de 1815, après le congrès de Paris de 1860). L a liberté politique se trouvait canalisée, certes, mais le pays se flattait de son accès au suffrage universel.

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et beaucoup, au Faubourg-Saint-Germain et au Barreau, s'accom- modaient sans le dire, et parfois même sans se le dire à eux- mêmes, d'une situation où l'on brocardait César dans les salons, et où on le bravait sous les préaux, sans que cessât pour autant la paix sociale, l'accroissement des richesses, et « la fête impé- riale ».

L a République de 1875 se fonda grâce au ralliement d'un groupe charnière du centre (le groupe Allain-Target) qui, dans un esprit de conservation sociale, troqua le roi contre un « Sénat campagnard » avec participation au droit de dissolution. On inscrivit sur les tables de la loi (article 6 de la loi du 25 février 1875) : « Les ministres sont solidairement responsables devant les Chambres de la politique générale du gouvernement... »

Une voix de majorité pour la République, comme pour la mort du roi ! Que valait cette voix, même au-delà de Caliban ?...

L a République se fit par un glissement du « centre droit » au « centre gauche » défini par Thiers comme « un groupe inter- médiaire, nombreux, intelligent, habile aux affaires, de nuance incertaine, à peu près indifférent sur la forme de gouvernement, orléaniste par occasion ».

Pour M . Mitterrand le centre gauche n'est le plus souvent qu'un travestissement du centre droit !

Ne parvenant pas à imposer ses vues à Jules Simon, le maréchal Mac-Manon, fort conseillé par le vicomte d'Harcourt, secrétaire général de l'Elysée, le remplaça par le cabinet de Broglie/Bardi de Fourtou. Intervint alors le fameux vote histo- rique du 21 juin de « l'ordre du jour des 363 » au nom de la

« défense républicaine », cette notion appelée à jouer un grand rôle sous la IIIe République, et à devenir parfois un mythe ou un alibi.

Le 16 mai Mac-Manon procède à la dissolution, mais les gauches conduites par Gambetta l'emportent avec 55 % . L'écart entre la droite et la gauche restera généralement jusqu'à nos jours à l'intérieur de cette fourchette 55/45 % .

Le successeur de Jules Grévy annonce qu'il « n'entrera jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels», mais exerce une magistrature d'in- fluence, écartant longtemps Gambetta, subissant finalement Ferry, pesant beaucoup sur Freycinet, dont i l obtint qu'il lui « parlât »

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L E P O U V O I R D ' U N S E U L 397

avant le Conseil des ministres de l'ordre du jour, et de ce qu'il y dirait...

Jusqu'à Albert Lebrun, les présidents de la République joueront un rôle très important dans les « affaires du dehors » — Grévy évite la guerre lors de l'affaire Schnœbelé. Rôle considé- rable de la présidence dans l'alliance franco-russe et l'Entente cordiale avec les Anglais — et parfois dans les « affaires du dedans » : Sadi Carnot contribua beaucoup à l'échec de Bou- langer par son influence sur le cabinet Tirard-Constant, et sur le baron de Mackau. Durant l'affaire Dreyfus, le président de la République conserva par sa maison militaire le contact avec les grands dignitaires de l'armée.

Cependant Clemenceau, président du Conseil, écarta Ray- mond Poincaré de la négociation du traité de Versailles qui créa les conditions de la Seconde Guerre mondiale...

Alexandre Millerand échouera dans son entreprise en faveur de l'élargissement du collège électoral présidentiel (le discours de Ba-Ta-Clan), et son engagement électoral en faveur du Bloc national (le discours d'Evreux) aboutira à la victoire du Cartel des gauches et à sa démission.

E n 1940 Albert Lebrun occupait l'Elysée. Mais comme disait le général de Gaulle, « il n'y avait pas de chef, il n'y avait pas d'Etat ».

Contrairement aux idées reçues, la présidence reprend de l'importance sous la I Ve République grâce à un homme et à des pratiques.

Si le président du Conseil « convoquait » le Conseil des ministres, c'est le président de la République qui dirigeait les débats, et M . Vincent Auriol ne s'en privait pas. Il avait la maîtrise du procès-verbal. Sous le gouvernement provisoire d'Alger, dont il était le secrétaire général avec M M . Edgar Faure et Raymond Offroy, M . Louis Joxe avait établi un relevé des décisions prises. Secrétaire général du gouvernement de 1947 à 1958, M . André Segalat fit de même.

Le président Auriol exigeait la communication de tous les textes diplomatiques et organisait parfois à l'Elysée des réunions discrètes qui préludaient quelque peu aux conseils restreints d'aujourd'hui.

Par cette magistrature d'influence, le président Auriol joua un rôle considérable dans l'éviction des ministres communistes,

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dans la loi sur les apparentements, dans le règlement de l'affaire scolaire, dans la division du R . P . F . et le retour au libéralisme économique. Il soutint fort l'idée européenne avec des réserves sur la C . E . D . , il poussa à des évolutions réglées dans les colonies et dans les protectorats.

Quant à M . René Coty, il nomma à Matignon M . Guy Mollet, et non M . Mendès France d'une opinion très différente sur 1' « Algérie française ». Plus tard il appela Charles de Gaulle..., pressant le pas avec la phrase qu'il convenait de prononcer :

« II ne peut être question de fixer dans le huis clos des groupes le destin de la patrie. »

L

e général de Gaulle rendit à la France l'immense service d'utiliser les procédures bonapartistes pour établir une monarchie dans la République.

Une monarchie républicaine, ou une république monarchi- que, suivant la lecture présidentialiste ou parlementaire d'un régime mi-présidentiel, mi-parlementaire. Un Consulat républi- cain diffère de la République consulaire !

Le Général écarta le système des Etats-Unis dangereux pour la France, et qui lui aurait laissé beaucoup moins de pou- voirs : le président des Etats-Unis, élu seulement pour quatre ans, et qui ne dispose pas du droit de dissolution, se trouve constamment dans l'obligation de négocier des compromis avec le Congrès qui dispose de l'intégralité du pouvoir législatif.

Le Général a agi en extraordinaire stratège, ne dévoilant pas ses batteries, et puis s'avançant par étapes vers une interpré- tation et des pratiques monarchiques, avec à l'heure du destin l'attaque frontale contre le plateau de Pratzen : le référendum sur l'élection du président de la République au suffrage universel direct, ce qui mit en complète déconfiture le « cartel des non », et toute l'opposition dite « républicaine ».

Le Général disposait de son immense prestige historique, d'une légalité tirée du vote populaire, et de « pouvoirs propres », c'est-à-dire sans contreseing : la procédure référendaire — le droit de dissoudre l'Assemblée nationale — les pleins pouvoirs en cas de crise extrême (l'article 16 de la Constitution).

De la nécessité cependant pour le Président d'avoir un premier ministre sûr et disposant d'une majorité au Palais-

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L E POUVOIR D ' U N S E U L 399 Bourbon. Le scrutin uninominal dégage cette majorité, au Prési- dent de posséder l'autorité suffisante pour que ce soit « sa » majorité, un reflet du consensus présidentiel qui doit surplomber les législatives !

Le 31 janvier 1964, le général de Gaulle déchira les voiles par la déclaration d'une quasi nouvelle Constitution :

« S'il doit être évidemment entendu que l'autorité indivi- sible de l'Etat est confiée tout entière au Président par le peuple qui l'a élu, qu'il n'en existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni judiciaire, qui ne soit confiée et maintenue par lui, qu'enfin il lui appartient d'ajuster le domaine suprême qui lui est propre avec ceux dont il attribue la gestion à d'autres, dans les temps ordinaires il importe de maintenir la distinction entre la fonction et le champ d'action du chef de l'Etat et ceux du premier ministre. »

L a Constitution exige le contreseing du premier ministre pour les décisions gouvernementales, mais l'instance décisive, c'est « le Conseil des ministres présidé par le président de la République », avec le secrétariat général du gouvernement à la disposition du chef de l'Etat pour la préparation et le suivi des décisions.

Selon l'exégèse quasi officielle, « le secrétaire général du gouvernement est plus particulièrement l'organisateur du Conseil des ministres, dont chaque semaine il prépare l'ordre du jour à l'Elysée. L'importance de cette réunion du lundi entre le chef de l'Etat, le secrétaire général de l'Elysée, et le secrétaire général du gouvernement, ne saurait être trop soulignée » (Le Président de la République, par M . Jean Massot, conseiller d'Etat. Préface de M . Marceau Long, secrétaire général du gouvernement. A u x éditions de la Documentation française).

E n amont du Conseil des ministres, le président de la Répu- blique examine à l'Elysée, dans des conseils restreints auxquels participent des hauts fonctionnaires, tous les dossiers qu'il entend aborder directement.

L

a pratique de M . Mitterrand ne s'écarte guère de celle de ses deux prédécesseurs. O n assiste au même

«absolutisme », par une même lecture «présidentialiste » de la Constitution, auquel s'ajoute un style parfois quasi impérial.

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Le Président use au maximum de son droit d'évocation, tranche dans toutes les matières, choisit les hommes pour tous les grands emplois, et même d'autres. Son brain trust, assez étendu, suit de très près ce qui se passe au gouvernement. Il suggère parfois aux ministres la composition de leur cabinet...

Le chef de l'Etat est son propre ministre des Affaires étran- gères avec la collaboration de M . Cheysson et de M . Roland Dumas, et une liaison régulière avec « le Département » par le secrétaire général du « Quai », M . Francis Gutman. Des mis- sions politiques sont confiées à M . Mauroy, et à M . Mermaz, et aussi à des émissaires privés. Il y a « un secret du roi ».

La nature des choses impose ce que l'on appelle la « monar- chie nucléaire ». Le décret du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes stratégiques confia au Président la responsabilité de leur emploi. M . Mitterrand précisa publiquement, et c'était néces- saire pour la crédibilité externe de notre force de dissuasion, et pour clouer le bec au parti communiste : « L'arme nucléaire, c'est moi. »

Le grand domaine de l'Economie et des Finances relève, pour toutes les initiatives importantes, du Président qui s'est placé « en première ligne » pour la rigueur et les restructurations.

M . Mitterrand, longtemps premier secrétaire du « parti domi- nant » dont il fut l'inventeur, reçoit hebdomadairement les hiérar- ques : M . Mermaz, président de l'Assemblée nationale ; M . Lionel Jospin et M . Jean Poperen, à la tête de F « appareil » du parti ; M . Pierre Joxe, président du groupe parlementaire socialiste.

M . Mauroy est associé, parfois étroitement, à l'action du Président en politique étrangère (ainsi la négociation du voyage de Moscou ; le règlement du contentieux avec le Gabon ; le Tchad).

Le premier ministre est surtout considéré à l'Elysée comme le plus apte à faire passer auprès de l'électorat populaire le revi- rement du pouvoir socialiste, les sacrifices, et à rappeler au parti communiste la règle de la solidarité gouvernementale. Le chef de gouvernement joue son rôle normal vis-à-vis du Parlement, et veille particulièrement aux relations avec les syndicats.

Deux grandes questions se posent : la réforme électorale et l'attitude de M . Mitterrand en cas de victoire de l'opposition aux élections législatives.

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L E POUVOIR D ' U N S E U L 401 L a Constitution exige pour son bon fonctionnement une majorité homogène, donc un scrutin majoritaire. Si le pouvoir socialiste introduit la proportionnelle, et même seulement une part de proportionnelle, il pervertit les institutions en permettant à un « groupe charnière » d'arbitrer la République, pour peu que l'écart soit faible entre la droite et la gauche.

Si la droite gagnait la consultation de 1986, M . Mitterrand serait juridiquement en droit de rester jusqu'au terme de son mandat présidentiel, mais s'il ne se maintenait que par l'immo- bilisme, ou en « jouant » contre son premier ministre, il serait condamnable, car il est en charge de la nation. E n revanche, il ne lui est pas interdit de manœuvrer en faisant appel à celui que le président Pompidou appelait «l'Edgar du moment», ou d'adopter la solution, provisoire jusqu'à l'élection présidentielle, d'un cabinet d'union nationale.

U

ne profonde évolution culturelle se produit en France qui se traduira sur le plan électoral.

Une partie de l'opinion a été longtemps conditionnée par un enseignement très partial du passé, dispensé sincèrement ou avec la volonté de créer une sorte de déterminisme à des fins politiques.

Porte-parole du gouvernement, M . Max Gallo a relevé le développement d'une « école révisionniste du catéchisme de la Révolution française ».

« La Révolution est un bloc », dogmatisait Clemenceau montant à la tribune du Palais-Bourbon pour s'indigner d'une pièce de Sardou, Thermidor, où l'on osait en douter !

Cette « école de la Révolution », dont les vaincus font tous les frais, débute avec Thiers, se prolonge avec le best-seller de Lamartine, la Mort des Girondins, Jules Michelet, et puis Aulard et les historiens radicaux-socialistes, pour aboutir avec Soboul à la critique d'extrême gauche !

Les révolutionnaires partaient eux-mêmes d'une vision spé- cieuse de l'histoire romaine. Mommsen et Victor Duruy fournis- sent du « césarisme » une vision plus équitable. Celui-ci n'ou- vre-t-il pas la voie à I' « universalisme » et à la « splendeur de la paix romaine », comme disait saint Augustin. Exemple unique dans les annales, dans les chroniques, que les Antonins, ces rois-

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philosophes ! Si personne n'ignore Vitellius, les prétoriens, les vicissitudes du Bas-Empire romain, on sait aussi que le dominât était une magistrature dont le titulaire se trouvait en charge de la res publica, de la lex romana.

Vainqueur jusqu'à la Loire, Clovis accepte avec fierté de l'empereur Anastase, qui sauvait la face, le titre de Patrice et les insignes du consulat. Le roi des Francs, puis des Français, disposera du mundium germanique, ou autorité de décider par la parole, et du ban, pouvoir d'ordonner et d'interdire, mais aussi de ce qui s'attache à la majestas romaine.

Les préjugés de beaucoup de Français contre « le pouvoir d'un seul » viennent de ce qu'ils ne connaissent pas assez l'his- toire, et qu'ils ne distinguent pas toujours «l'homme royal», comme disait Platon, la royauté paternelle, la monarchie limitée, ou le charisme d'un Périclès, de la dictature aventuriste qui en est le contraire...

Les erreurs et les fautes de la monarchie française n'ont pas à être escamotées. De bonnes institutions ne garantissent pas absolument des précellences dans les œuvres ! Comme l'observe M . Michel Debré, elles procurent à la fois Richelieu et Brienne.

Les hommes sont les hommes, et l'on retrouve toujours la ques- tion de l'Ecriture : « Qui gardera le gardien ? »

Mais seule la centralisation du pouvoir permettait à la France... son édification, en mettant fin à la féodalité, en boutant hors du royaume l'Anglais, l'Allemand, l'Espagnol, et en avan- çant continûment vers les frontières naturelles.

D'abord i l fallait s'opposer à la prétention du « roi des Romains » de considérer le roi des Français comme « un roi provincial » dans son empire universel. Contre l'école de Bolo- gne, et ses bartolistes, Guillaume de Plaisians apporta la répli- que : « Le roi de France est empereur dans son royaume. »

L a France dut se soustraire ensuite à la volonté théocra- tique de la papauté qui atteignit son maximum avec Boni- face V I I I et la démonstration implacablement logique de la bulle Unam Sanctam. Les « légistes du roi » trouvèrent de quoi répondre, et tout cela se terminera par une solution négociée, un « paritarisme », un accord « c o n s e n s u e l » : en 1516, le concordat de François Ie r, la procédure mixte pour la nomina- tion des évêques, le fameux droit de présentation : « nobis nomi- nare débet ». Bossuet élèvera ensuite une voix gallicane.

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L E POUVOIR D ' U N S E U L 403 Le grand jurisconsulte Bodin présentait une monarchie royale ordonnée au service de l'Etat, Richelieu s'en fit le servi- teur, et Louis X I V , très pénétré de ses obligations, pensait aussi à ses devoirs lorsqu'il tranchait «l'Etat c'est moi», précisant

que « le caractère propre de son autorité souveraine était l'esprit de conseil, de justice et de raison ».

On ne gouverne pas durablement par la seule contrainte.

« Le mystère de l'obéissance civile », dont parle Bertrand de Jouvenel, ne trouve son explication que dans une relative adhésion intellectuele et morale des populations. D'où l'im- portance, au regard de l'efficacité, du ménagement des intérêts et des croyances.

L'Eglise considérait le pouvoir royal comme une fonction, un office, un ministerium, et reconnaissait le droit et même le devoir de résister aux tyrans.

Dans le droit de l'Ancien Régime, le roi est l'organe du commun profit, en charge de la garde générale du royaume ! L a maxime fondamentale, « ce qui plaît au roi a la vigueur de la loi», signifie, non pas la recherche de l'avantage personnel du souverain, mais l'utilité pour le pays.

Le roi se servait dans les ordonnances de l'expression : « la

République (res publica) de notre royaume ». Et tous les juris- consultes indiquent que le monarque veille à « la paix du roi », à

« la sauvegarde des personnes », qu'il respecte les privilèges et franchises, et pour les grandes matières « gouverne en grand conseil ».

Le thomisme politique portait quand même un coup au droit divin. L a majestas du Grand R o i suppléait. L ' « utilité ».

d'autre part, s'imposait plus que jamais dès lors que l'on en venait avec Loyseau à prétendre, par extension du droit privé, que seule la durée paisible créait le droit du monarque : pres- cription, après usurpation...

L'incapacité de Louis X V I , entouré de la cour de Versailles, de réaliser des réformes explique la Révolution.

S

elon saint Thomas d'Aquin, toujours d'actualité, le pouvoir doit s'adapter aux données de temps, de lieu, de caractère (in particularibus). Deuxièmement, on le jugera aux résultats, sur sa « finalité ». Enfin, le meilleur régime sera

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généralement l'autorité d'un seul, mais dans un régime bien dosé (bene commixta), et accordant surtout au peuple au moins une part dans l'élection de son chef : Rex a deo per populum.

L a V * République satisfait aux conditions : elle est adaptée à nos mœurs gauloises. Elle a redressé la France. Et le respon- sable suprême tire sa légitimité de l'élection populaire.

Cependant ce régime s'accompagne de l'alternance avec une nation divisée en deux grands camps presque égaux, dont l'un incline à pratiquer l'opposition « systématique », plutôt que « de conscience », en vue de prendre, ou de reprendre, plus sûre- ment le pouvoir.

Cette situation heurte notre sensibilité et l'axiomatique aris- totélicienne de l'unité de la vérité, laquelle nous est plus fami- lière que la dialectique hégélienne...

M . Michel Debré nous rassure à l'égard de la bipolarisa- tion : vieux peuple que le peuple français, et qui a le sens de la majorité, et qui respecte les principes fondamentaux de la démo- cratie, sous réserve de pouvoir en changer régulièrement !...

A u reste, « la bipolarisation ne doit pas être celle de la société tout entière, mais se manifester seulement sur le plan politique dans des structures démocratiquement acceptées ».

Il y avait cette pensée cachée dans l'esprit des fondateurs de la Ve République : une droite nationale, vigoureuse, géné- reuse — « le gaullisme » — réussirait à conserver le pouvoir au moins pendant deux décennies...

Le Général, lui, n'écartait pas du tout l'éventualité d'une alternance de gauche. Son idée fondamentale était que le prési- dent de la République, élu au suffrage universel par plus de la moitié des électeurs, devait dépouiller aussitôt « le candidat », et par son action au service de l'intérêt général, et sa pédagogie, parvenir à un consensus élargi, quitte à décevoir et à trahir une partie de ses troupes...

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