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La profession de vétérinaire : des projets distincts selon le genre, dès la formation initiale

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151 | juillet-septembre

L'enseignement agricole, un chantier d'avenir

La profession de vétérinaire : des projets distincts selon le genre, dès la formation initiale

Practising veterinary medicine : different projects determined by gender, since initial training

Der Tierarztberuf : geschlechtsspezifische Projekte ab der Grundausbildung La profesión veterinaria : proyectos diferenciados según género, desde la formación inicial

Christine Fontanini

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/formationemploi/8487 DOI : 10.4000/formationemploi.8487

ISSN : 2107-0946 Éditeur

La Documentation française Édition imprimée

Date de publication : 1 novembre 2020 Pagination : 93-115

ISSN : 0759-6340 Référence électronique

Christine Fontanini, « La profession de vétérinaire : des projets distincts selon le genre, dès la formation initiale », Formation emploi [En ligne], 151 | juillet-septembre, mis en ligne le 03 janvier 2022, consulté le 06 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/formationemploi/8487 ; DOI : https://doi.org/10.4000/formationemploi.8487

© Tous droits réservés

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des projets distincts selon le genre, dès la formation initiale

CHRISTINE FONTANINI

Professeure des Universités en sciences de l’éducation, Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l’Éducation et de la Communication (LISEC UR 2310), Université Lorraine

Résumé n La profession de vétérinaire : des projets distincts selon le genre, dès la formation initiale

En France, la profession vétérinaire a atteint la parité. Toutefois, certains secteurs d’acti- vité sont plus prisés par les femmes ou par les hommes. Notre objectif est donc d’étudier comment les étudiant·e·s perçoivent l’exercice auprès des animaux de production et s’il leur semble compatible avec leurs représentations, leurs sentiments de compétences et leurs projets de vie personnelle. Les résultats d’une enquête qualitative mettent en évi- dence des obstacles et des freins que rencontrent les femmes quand elles se dirigent vers la spécialité « animaux de rente » et pour travailler en tant qu’associées libérales.

Mots clés : vétérinaire, étudiant, projet professionnel, orientation scolaire-professionnelle, division sexuelle du travail, genre, enseignement agriculture

Abstract n Practising veterinary medicine: different projects determined by gender, since initial training

In France the veterinary profession reached parity between men and women. However, some specific fields are leading by women or men. Our goal is to study what veterinary students think about working in large animals and if it is compatible with their skills, their private life and their representations. The results of the qualitative study show that women face obstacles and impediments when they choose to work in large animal prac- tice and as associated liberals.

Keywords: veterinarian, student, career project, school guidance & vocational guidance, gender based division of labour, gender, education by the ministry of agriculture

Journal of Economic Literature : : Q 19, I 23, J 24, J 16

Traduction : auteure.

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À partir de 1962, deux cents ans après la création de la première école vétérinaire à Lyon, les filles commencent à pénétrer dans les trois écoles1. Elles représentent 4,4 % des effec- tifs en 1962-63 et 8,4 % deux ans plus tard (Hubscher, 1999). Contrairement aux études de médecine et de pharmacie où les filles percent depuis la fin des années 1960, les études vétérinaires attirent peu d’étudiantes. En effet, à cette époque, l’exercice du métier de médecin des animaux est principalement focalisé sur les animaux de rente2, nécessitant force et endurance, des qualités considérées comme spécifiquement masculines. Entre 1970 et 1990, la croissance du nombre de vétérinaires est forte (Rault, 1993) suite au développement du phénomène social de l’animal de compagnie3. Cette explosion des vétérinaires pour la médecine canine et féline rend davantage possible, pour les femmes, l’exercice de cette profession, ce secteur d’activité étant estimé comme requérant plutôt des qualités dites féminines, telles que la douceur et la compassion (Hubscher, op. cit.).

La part des étudiantes dans les écoles vétérinaires augmente ensuite rapidement et régu- lièrement. Elle rejoint la barre des 50  % en 1990 et dépasse actuellement largement (75 %) celle des garçons (25 %) (MESR-DEPP, 2017). La profession se féminise progres- sivement et depuis le 1er février 2017, elle atteint la parité parfaite, puisque les femmes représentent 50 % des vétérinaires inscrite·s au tableau de l’ordre vétérinaire4. Désormais, en France, la profession vétérinaire est plus féminisée que celle de médecin5 (47 %) et de dentiste6 (45,1 %). Cette parité femmes – hommes dans la profession vétérinaire en France se retrouve dans toute l’Europe, qui compte 53 % de femmes (Chambon, 2017).

Toutefois, certains secteurs d’activité de la médecine vétérinaire sont plus prisés7 par les femmes ou les hommes. En France, elles exercent principalement (61,1 %) de manière exclusive la médecine des animaux de compagnie (41,5% d’hommes), mais peu la méde- cine des animaux de rente (6,2 % vs 17,8 % d’hommes) et la médecine mixte avec une dominante de ces derniers (6,3 % vs 14 % hommes). En revanche, elles pratiquent autant la médecine mixte, avec une prééminence des animaux de compagnie (17,5 %), que leurs

1. Lyon, Maisons-Alfort et Toulouse. L’école de Nantes a été créée en 1979.

2. Les animaux de rente sont détenus et élevés par des professionnels à des fins de rentabilité économique.

Ils comprennent notamment les bovins, ovins, caprins, porcins, lapins et volailles (Bouziani, 2018).

3. L’animal de compagnie désigne « tout animal détenu ou destiné à être détenu par l’homme pour son agrément » (article L214-6 du Code rural et de la pêche maritime). Ce segment comprend les chiens et chats, ainsi que les nouveaux animaux de compagnie (NAC) comme les rongeurs, oiseaux, reptiles, batraciens, poissons, etc. (Bouziani, op. cit.).

4. Revue de l’ordre, n°  61, 2017  : 9  119 femmes et 9  119 hommes inscrit·e·s au tableau de l’ordre des vétérinaires.

5.https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/communiques-de-presse/article/

demographie-des-professionnels-de-sante-qui-sont-les-medecins-en-2018-quelle, consulté le 2/10/18 6. http://www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/cartographie/, consulté le 2/10/18

7.https://www.veterinaire.fr/fileadmin/user_upload/documents/accueil/atlas-demographique.pdf, Consulté le 2/7/18.

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confrères (19,3 %), la médecine équine8 (4 %) et mixte, avec une prépondérance des équidés (2,5 %), que les hommes (respectivement 3 % et 1,6 %). Très peu de vétérinaires (2,4 % de femmes et 2,9 % d’hommes) ne traitent aucune espèce9.

Trois ans après leur sortie des écoles vétérinaires, 47 % des jeunes vétérinaires exercent auprès des animaux de compagnie, et parmi eux, 80 % sont des femmes ; 31 % sont vétérinaires mixtes, dont 70 % de femmes, et 14 % soignent les animaux de production, dont 47 % de femmes. Parmi les 5 % des jeunes vétérinaires exerçant d’autres emplois et les 3 % auprès des équidés, 80 % sont des femmes dans ces deux secteurs (StatEA, 2018).

L’entrée des femmes dans la profession vétérinaire, notamment auprès des animaux de rente, a fait l’objet de fortes résistances dans le monde paysan qui les estimait incompé- tentes auprès des gros animaux en raison de leur faiblesse physique supposée. Ces repré- sentations stéréotypées de nombreux vétérinaires et d’éleveurs ont abouti à une faible embauche de femmes vétérinaires (Hubscher, op. cit.). En 1967, un étudiant vétérinaire se demandait, dans sa thèse, si « la femme a sa place dans la profession vétérinaire  » et concluait que la profession « peut convenir à une femme. Toutefois, nous devons faire des réserves : la clientèle rurale stricte et sans aide restera fermée aux femmes. Cet inconvénient est tout de même minime, car bien d’autres débouchés lui sont possibles et de plus, une jeune fille faisant de telles études peut rencontrer aisément un mari qui aura les mêmes goûts qu’elle.

Le choix est tout de même très grand ». (Marquet, 1967, p. 48). Quinze ans plus tard, un vétérinaire (Borrel, 1983, p. 84) écrivait, à propos de l’exercice de ses consœurs auprès des animaux de rente : « Malgré le désir des femmes d’égaler les hommes en devoirs et en droits, il est des professions qui soumettent à des conditions de travail si rudes qu’elles risquent de conduire à l’échec toute personne insuffisamment aguerrie. La pratique rurale traditionnelle en fait incontestablement partie : la contention d’animaux aux réactions parfois très brutales et dangereuses, les vêlages effectués dans le fumier des étables exigent une force suffisante, de l’esprit de décision, une bonne résistance à la fatigue et une autorité sur les assistants. Seules des femmes douées d’un esprit particulièrement sportif sont aptes à ce métier. »

La représentation de l’incompétence féminine auprès des gros animaux est enracinée dans le monde agricole, où la division sexuée du travail est forte et basée sur un essentialisme, comme le manque de force physique et l’incapacité technique des femmes (Rieu, 2004).

Dahache (2012, p. 128) montre que les représentations genrées sont persistantes dans les discours institutionnels des pédagogues, des conseiller·e·s principaux/ales d’éducation et des directeurs/trices des instituts de formation agricole sur les formations de la pro-

8. Les vétérinaires spécialisés dans les équidés soignent principalement des chevaux, des ânes et des poneys (Bouziani, op. cit.).

9. Exercent principalement en tant que vétérinaires inspecteurs/trices de la santé publique vétérinaire et vétérinaires des armées, https://www.veterinaire.fr/fileadmin/user_upload/documents/accueil/atlas-demo- graphique.pdf, Consulté le 27/7/19.

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duction qui sont considérées comme « naturellement adaptées aux garçons », notamment aux fils d’agriculteurs. Ainsi, les équipes éducatives chargées de recruter les élèves pour les formations de la production tentent de dissuader les filles de s’y orienter. Les raisons évoquées par les membres de la communauté éducative concernent leur supposée fragilité physique et leur inaptitude à conduire une entreprise agricole.

Hubscher (op. cit.) note que depuis les années 1990, les jeunes diplômées sont davantage acceptées dans la profession. Toutefois, les statistiques présentées précédemment révèlent qu’actuellement, les femmes, quel que soit leur âge, pratiquent moins que leurs confrères la médecine vétérinaire pour les animaux de rente.

Dans ce contexte, notre objectif est d’étudier comment les étudiante·s des Écoles natio- nales vétérinaires (ENV) perçoivent l’exercice auprès des animaux de rente10 et s’il leur semble compatible avec leurs représentations, leurs sentiments de compétences et leurs projets de vie personnelle. Nous examinerons également si le marché du travail apparaît favorable à la pratique de la médecine des animaux de rente par les femmes.

Cette recherche s’inscrit dans les travaux portant sur les choix d’orientation scolaire et professionnelle sexués en fonction « d’une comparaison (d’un appariement) plus ou moins consciente que nous opérons entre l’image que nous nous faisons de nous-mêmes et l’image prototypique des personnes qui […] exercent […] » la profession. Pour qu’un type d’exercice

« puisse être pensé, puis retenu comme projet possible, il faut un certain degré de congruence, de ressemblance entre ces deux images » (Vouillot, 2007, p. 94). L’attrait pour la médecine des animaux de compagnie, animaux de rente ou équins est sans doute lié à ce processus en fonction des modalités d’exercice de la profession assez distinctes entre les hommes et les femmes dans leur ensemble.

Cette étude se situe également dans le cadre de la sociologie des professions et du genre.

Plusieurs recherches montrent qu’une entrée massive des filles dans certaines professions historiquement exercées par les hommes, telles que le professorat (Cacouault-Bitaud, 2007), le barreau (UJA, 2012), la magistrature (Boigeol, 1999), la pharmacie (Aïach, 1994), l’architecture (Lapeyre, 2006), la médecine humaine (Lapeyre & Le Feuvre, 2005) et le corps des commissaires de police (Pruvost, 2008) n’est pas synonyme d’égalité pro- fessionnelle entre les hommes et les femmes ; celles-ci ayant des revenus moindres qui sont corrélés avec des modes d’exercice différents des professions et avec l’occupation de fonctions ou de spécialités dissemblables. La sociologie des professions et du genre a éga- lement mis en évidence que la féminisation d’une profession est souvent perçue comme responsable « des dysfonctionnements dans la profession ou tout au moins de la détérioration de son image » (Cacouault-Bitaud, 2001, p. 101).

10. Nous nous focalisons sur les bovins car l’activité des vétérinaires ruraux, en France, est très concentrée sur ces derniers qui représentent 80 % du chiffre d’affaires lié aux animaux de rente (Bouziani, op. cit.). Qui plus est, les étudiant·e·s n’ont pas de stages obligatoires auprès des autres animaux de rente.

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L’augmentation des candidatures féminines dans des secteurs professionnels traditionnel- lement masculins a abouti à une tentative de freiner les admissions des femmes, comme par exemple en rendant des épreuves d’admission particulièrement sélectives pour les femmes commissaires de police (Pruvost, 2007) et en souhaitant établir des quotas pour les garçons dans les écoles vétérinaires11 (Cacouault-Bitaud, 2001, p.  101). Comme pour les médecins, les avocates, les juges et les enseignantes, les femmes vétérinaires ont été accusées de plusieurs évolutions dans la profession, telles que la désertion de ces professionnel·le·s des zones rurales et la modification des pratiques professionnelles.

Toutefois, selon Cacouault-Bitaud (2001), si les taux de féminisation baissaient, les « dif- ficultés » de ces professions ne disparaîtraient pas pour autant.

Dans un premier temps, nous présentons les conditions d’emploi des hommes et des femmes, différents éléments théoriques sur les projets professionnels et personnels, puis nous décrivons la méthodologie de la recherche et les caractéristiques de la population enquêtée. Dans un second temps, nous présentons les résultats de notre enquête en six parties. Elles mettent en évidence que les perceptions des étudiant·e·s de l’exercice auprès des animaux de production et de sa compatibilité avec leurs représentations, leurs senti- ments de compétences, leurs projets de vie personnelle et sur le marché du travail ne sont pas liés à leurs origines sociales et géographiques, mais à leur genre. Il existe une exception à ces résultats qui concerne le projet d’installation en associé·e·s libéral·e·s. Il n’est en effet envisagé que par des étudiant·e·s dont les parents appartiennent à la catégorie sociale professionnelle « cadres, professions intellectuelles supérieures et professions libérales ».

1I La profession vétérinaire :

des modalités d’exercice distinctes selon le genre

Les modalités d’exercice de la profession vétérinaire sont distinctes12 entre les hommes et les femmes. Celles-ci sont plus souvent collaboratrices libérales (6,3 %) et salariées du secteur libéral (47,7 %) que les hommes (respectivement 3,6 % et 19,2 %), mais moins libérales associées et individuelles (42,7 %) que leurs confrères (74,2 %).

Le temps de travail des femmes vétérinaires est inférieur à celui de leurs confrères en exercice libéral (Lassegue, 2017). Les femmes représentent 80 % des vétérinaires salariés (Bouziani, op. cit.) et 47,3 % travaillent à temps partiel, contre 25,5 % d’hommes (N’Guyen, 2016).

11. Un des membres de l’Ordre national des vétérinaires a écrit : « Devrons-nous bientôt établir des quotas pour préserver un minimum de places pour les garçons ? » dans la Revue de l’Ordre des vétérinaires, en 1998 (Cacouault-Bitaud, 2001, p. 101)

12.https://www.veterinaire.fr/fileadmin/user_upload/documents/accueil/atlas-demographique.pdf, Consulté le 2/7/18.

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D’après la presse professionnelle (Jeanney, 2011 ; Ricard, 2011), le temps partiel est sou- vent subi.

Ces conditions d’emploi pour l’ensemble des vétérinaires sont déjà présentes chez les jeunes, deux ans après l’obtention de leur diplôme d’écoles vétérinaires (StatEA, op. cit.).

Les femmes travaillent plus souvent à temps partiel et ce n’est un choix que dans un cas sur trois. Le temps partiel parmi les salarié·e·s est beaucoup plus important (23 %) chez les vétérinaires en activité exclusive « animaux de compagnie » que chez les vétérinaires

« mixtes » (8 %) et « animaux de production » (6 %). Les rémunérations brutes annuelles moyennes avec les primes étant corrélées avec le temps de travail moyen, ce sont donc les jeunes vétérinaires « animaux de production » qui perçoivent globalement les meilleurs revenus (38 542 €), suivi·e·s des vétérinaires « mixtes » (34 788 €), puis des vétérinaires

« animaux domestiques » (31 432 €).

Les vétérinaires en activité canine exclusive travaillent significativement moins que leurs confrères et consœurs en activité rurale et mixte à dominante rurale. Les vétérinaires mixtes à dominante canine sont répartis plus équitablement entre les différentes tranches de temps de travail annuel (Lassegue, op.  cit.). Cette répartition du travail est liée au fait que les vétérinaires5 exerçant de manière exclusive ou prédominante la médecine des animaux de compagnie sont beaucoup plus nombreux/ses (69,6 %) que ceux et celles qui travaillent auprès des animaux de rente (22,2 %). Cette distribution des vétérinaires répond à une demande sociale forte de soins aux animaux de compagnie, dont le nombre augmente régulièrement, mais aussi à une baisse des soins aux animaux de rente, avec une diminution du cheptel, et à un déclin des vétérinaires en zone rurale, bien que le chiffre d’affaires moyen des cliniques pour animaux de rente soit plus élevé que celui relatif aux animaux de compagnie (Bouziani, op. cit.).

Les recherches de Surdez (2009) et Sans, Mounier, Bénet & Lijour (2011) montrent que le détournement des vétérinaires vers la médecine des animaux de production n’est pas corrélé avec la féminisation massive des jeunes vétérinaires, ni avec leurs origines plutôt urbaines et leurs catégories sociales plutôt supérieures. Il serait lié à un manque d’attracti- vité pour la vie permanente en milieu rural et aux conditions de travail difficiles (Dernat

& Siméone, 2014) pour les femmes comme pour les hommes.

Le moindre attrait des territoires ruraux n’est pas propre aux vétérinaires. Il existe éga- lement, chez les médecins13, dont la densité est plus forte dans les grandes villes et plus faible dans les campagnes. Les attentes en termes d’environnement de travail, d’accueil familial et de qualité de vie par les jeunes générations14 de médecins semblent être davan- tage satisfaites en milieu urbain.

13.https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cnom_chiffres_cles_atlas_2018_0.pdf, consulté le 30/12/18

14. https://www.senat.fr/questions/base/2010/qSEQ10121144S.html, consulté le 30/12/18

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2I Quand les femmes doivent concilier projet professionnel et projet de vie

Selon Huteau (1982), deux catégories de représentations jouent un rôle fondamental dans la formation des préférences en matière d’orientation : d’une part, les représentations de soi et, d’autre part, les représentations des professions ou des formations constituant des

« prototypes ». Ces prototypes ont pour caractéristique de posséder certains attributs qui jouent un rôle majeur dans leurs définitions. Ainsi, lorsqu’un·e étudiant·e réfléchit à son choix de secteur d’activité, il/elle tend à chercher une congruence ou processus d’apparie- ment entre « ses représentations de soi » et les « prototypes ».

Or, la majorité des formations et des professions sont considérées comme plutôt fémi- nines ou masculines, même si ces représentations évoluent au cours des dernières décen- nies, parce qu’elles sont occupées majoritairement par des femmes ou des hommes, mais aussi parce qu’elles correspondent à des centres d’intérêt et des aptitudes jugés comme convenant davantage à l’un ou l’autre sexe (Vouillot, op. cit.). Les représentations sexuées des métiers proviennent de la socialisation de genre qui se décline par les rôles de sexe attachés aux femmes et aux hommes dans notre société et par le système inégalitaire qui lie masculinité et féminité (Parini, 2006 ; Mosconi & Stevanovic, 2007). Cette sociali- sation de genre traverse toutes les institutions de socialisation telles la famille, l’école, les médias… (Fontanini, 2015).

Le sentiment de compétence (Bandura, 1977) prend racine au sein de la socialisation de genre, puisqu’il désigne les croyances de chacun·e en ses capacités à réaliser des per- formances générales et particulières. Dans les représentations sociales, la pratique de la médecine vétérinaire auprès des animaux de production nécessite toujours force et endurance. Ces qualités étaient d’ailleurs érigées en principe et exigées des futurs élèves vétérinaires dès la création de la première école à Lyon. Encore en 1967, le Bureau uni- versitaire de statistique et de documentation scolaires et professionnelles présentait ces qualités comme incontournables pour exercer la médecine vétérinaire. Pourtant, depuis plusieurs dizaines d’années, diverses solutions existent pour compenser un manque de force physique, comme de bons moyens de contention, la technicité et l’aide des éleveurs/

ses (Hubscher, op. cit.).

Le choix du secteur d’activité nécessite de préciser son projet professionnel, mais aussi son projet personnel, car il peut avoir des impacts sur sa vie personnelle (Boutinet, 2005 ; Cacouault-Bitaud, 2007). Les femmes, malgré leur présence massive sur le marché du tra- vail, restent assignées au travail domestique et à la prise en charge des enfants (Roy, 2012).

Dans ce contexte, elles sont plus souvent amenées à devoir concilier vie professionnelle et vie familiale que les hommes et donc à choisir des horaires de travail assez stables et une possibilité de travailler à temps partiel (Duru Bellat, 2004) ; autant de conditions d’emploi plus faciles à trouver dans le secteur des animaux de compagnie que dans celui des animaux de production (N’Guyen, op. cit.).

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Ces différents éléments amènent à formuler l’hypothèse selon laquelle l’exercice plus marqué de la médecine des animaux de compagnie et du travail salarié, par les femmes, résulte d’au moins trois facteurs qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre :

La spécialité rurale est la plus difficile et épuisante en raison des déplacements et des horaires. Elle est difficilement compatible avec la prise en charge des enfants, encore largement estimée comme relevant principalement de la responsabilité des mères.

L’exercice auprès des animaux de compagnie est sans doute envisagé comme plus conciliable avec la gestion des enfants. Il en est de même pour le choix de l’activité salariée, qui permet des horaires plus fixes et limités.

Les femmes s’estiment plus « faibles » physiquement (moins de force et de résistance physique) que les hommes, ce qui les amène à ne pas se sentir « capables » d’exercer auprès des gros animaux. Cette croyance, largement partagée dans notre société, est renforcée par leur entourage. De plus, ce sentiment de faiblesse physique les conduit à craindre de ne pas arriver à être reconnues comme des professionnelles compétentes par les éleveurs et par les vétérinaires, notamment masculins, et donc à rencontrer des difficultés d’embauche en médecine des animaux de rente.

Les femmes ressentent un degré de congruence plus fort entre l’image de soi et l’exer- cice de la médecine des animaux de compagnie car l’image prototypique des vétéri- naires soignant ces derniers est constituée principalement de femmes. Qui plus est, elle renvoie aux qualités attendues chez les femmes dans notre société, telles que la douceur, la compassion et la bienveillance.

3I La méthodologie adoptée

Nous avons mené une recherche par entretiens auprès de cinquantes étudiant·e·s volontaires (18 garçons et 32 filles) en première année de l’École nationale vétéri- naire de Toulouse (ENVT). Notre grille d’entretien visait à recueillir le bilan de leur stage, effectué pendant trois semaines, en janvier, dont l’objectif est « la découverte de l’activité vétérinaire en structure vétérinaire à dominante rurale15 », et leurs projets pro- fessionnels à leur sortie de l’ENVT. Nous avons laissé les étudiant·e·s organiser leurs discours autour de ces deux thématiques et avons privilégié l’analyse de contenu par thème (Bardin, 1998), en raison d’une absence de recherche antérieure sur ce sujet.

Pour « recruter » des étudiant·e·s volontaires pour les entretiens, nous avons contacté des enseignant·e·s chercheur·e·s qui ont accepté que nous venions au début d’un de leurs cours pour présenter l’objet de notre enquête auprès des étudiant·e·s et leur

15. http://www.envt.fr/menu-og-31/les-stages, consulté le11/6/19.

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demander s’ils/elles seraient d’accord pour y participer. Si tel était le cas, ils/elles s’ins- crivaient sur une feuille et notaient leurs numéros de téléphone pour que nous puis- sions convenir ensuite d’un rendez-vous. Les entretiens ont eu lieu au cours de l’année universitaire 2017-2018, dans une salle de l’école. Ils ont duré entre une et deux heures.

Notre recours aux volontaires a induit le biais d’une surreprésentation des garçons dans notre population enquêtée, puisqu’ils représentent plus d’un tiers des interviewé·e·s, alors que les étudiants vétérinaires représentent en moyenne 25 % ces dernières années (MESR-DEPP, op. cit.). Toutefois, nous considérons ce biais comme positif car il nous permet de mieux comparer les discours des filles et des garçons en ayant un nombre d’entretiens suffisant avec ces derniers.

En revanche, le recours au volontariat n’a pas entraîné de biais sur les origines sociales et scolaires des étudiant·e·s, comme leurs lieux d’habitat pendant leur enfance et leur adolescence, puisqu’ils/elles ne se démarquent pas des autres promotions de l’ensemble des écoles vétérinaires (Sans, Mounier, Bénet & Lijour, op. cit.), comme le montre la partie suivante.

4I La population enquêtée : homogène et proche de l’ensemble des étudiant·e·s vétérinaires

Les parcours scolaires des étudiant·e·s de notre enquête sont caractérisés par l’excel- lence. La totalité de notre échantillon est composée de bachelier·e·s scientifiques à l’heure, voire en avance, titulaires d’une mention Bien (neuf filles/trente-deux et dix garçons/dix-huit) ou Très Bien (douze filles/trente-deux et quatre garçons/dix-huit) ou Félicitations du jury (deux filles et deux garçons) au baccalauréat S (scientifique). La grande majorité des filles (26/32) et la totalité des garçons ont été sélectionné·e·s sur dossier pour entrer en Classes préparatoires aux grandes Écoles (CPGE) scientifiques

« Biologie, Chimie, Physique, Sciences de la Terre (BCPST) ». Une étudiante a intégré une autre CPGE scientifique « Technologie Biologie (TB) » réservée aux meilleur·e·s élèves des baccalauréats technologiques « Sciences et Techniques de Laboratoire » et

« Sciences et Technologie de l’Agronomie et du Vivant » ; quatre filles, une « Année préparatoire spéciale pour technicien·ne supérieur·e (ATS)  Biologie  » ouverte aux excellent·e·s élèves titulaires d’un DUT16 ou d’un BTS17 du domaine biologique. Une étudiante a suivi une « Préparation aux Concours Agronomiques et Vétérinaires » à l’Université au cours de sa Licence 2 biologie, après une sélection sur dossier. Tous

16. Diplôme universitaire de technologie.

17. Brevet de technicienne·ne supérieur·e.

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ces étudiant·e·s vétérinaires ont passé un concours18 d’entrée très sélectif pour accéder à l’école vétérinaire. La répartition des étudiant·e·s de notre enquête entre les diffé- rentes filières suivies pour préparer les concours correspond à celle de tous et toutes les étudiant·e·s dans les quatre ENV qui, pour la majorité, ont suivi une préparation BCPST pour préparer au concours A qui offre le plus de places (45419 sur un total de 574 en 2018).

Les étudiant·e·s de notre étude sont aussi bien dotés socialement, puisque près des deux tiers des filles (dix-sept/trente-deux) et des garçons (douze/dix-huit) ont un père et une mère appartenant à la PCS « Cadres et Professions intellectuelles supérieures » (respectivement dix-sept filles/trente-deux et dix/trente-deux ; douze garçons sur dix- huit et huit/dix-huit). Aucun parent n’exerce la profession vétérinaire  ; un père est exploitant céréalier.

Les deux tiers des étudiants et des étudiantes ont habité en zone urbaine et périur- baine (de la petite ville à l’agglomération parisienne) pendant leur enfance et leur adolescence.

Les caractéristiques sociodémographiques mettent en évidence une forte homogé- néité de profils scolaires et sociaux de notre population enquêtée, comme celle de l’ensemble des étudiant·e·s vétérinaires dans les quatre Écoles nationales vétérinaires (Sans, Mounier, Bénet & Lijour, op. cit.).

Avant leur stage en première année, l’examen des secteurs d’activités projetés par les étudiant·e·s après leurs cinq années d’études montre que la plupart n’avait pas encore un projet bien défini. Ainsi, nombre d’entre eux/elles envisageaient plusieurs sec- teurs d’activité et n’ont pas précisé les deux secteurs visés pour la médecine mixte20. Toutefois, les projets étaient déjà assez distincts entre les filles et les garçons, puisque ces derniers envisageaient principalement d’exercer la médecine mixte, alors que les étudiantes étaient partagées entre un attrait pour la médecine mixte, les animaux de compagnie et la faune sauvage. Ces résultats sont proches de ceux des promotions antérieures (Sans, Mounier, Bénet & Lijour, Ibid.).

18. Il existe six concours distincts pour chaque type de préparation ou d’études antérieures.

19. https://www.concours-agro-veto.net/spip.php?rubrique251, consulté le 30/12/18

20. Qui est pratiquée en général entre les animaux de rente et/ou animaux de compagnie et/ou équins.

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Tableau1. Secteurs d’activités projetés des étudiant·e·s avant leur stage

Filles Garçons Total

Médecine mixte 12 11 23

Animaux de compagnie 13 3 16

Animaux de rente bovins, ovins, caprins, porcins, lapins et volailles, élevés par des professionnel·le·s à des fins de rentabilité économique

3 3 6

Faune sauvage 9 3 12

Equins 1 0 1

Nouveaux Animaux de

Compagnie 0 1 1

Enseignement recherche 2 2 4

Total 40 23 62

(*) : Les animaux de rentesont détenus et élevés par des professionnels à des fins de rentabilité économique.

Source :  auteure.

En clinique vétérinaire à dominante rurale, un des objectifs du stage obligatoire, en pre- mière année, est de faire découvrir aux étudiant·e·s l’exercice du métier auprès des ani- maux de rente qu’ils/elles ne connaissent pas toujours avant leur entrée à l’ENVT et de susciter des vocations pour ce secteur d’activité qui manque de vétérinaires. Nous allons donc examiner quels sont les constats des étudiant·e·s de ce stage en clinique à dominante animaux de rente.

5I La médecine des animaux de rente : des conditions d’exercice difficiles

La plupart des étudiant·e·s interrogé·e·s, sans distinction d’origines sociales et de projets professionnels initiaux, évoquent la nécessité d’avoir une bonne condition physique pour supporter des conditions climatiques pénibles, notamment en hiver.

Les étudiant·e·s exposent également le nombre d’heures de travail journalier élevé à certaines périodes de l’année, car les interventions auprès des animaux peuvent être plus longues que prévues et des urgences surviennent en fin de journée. De plus, les vétérinaires doivent assurer des gardes de nuit, dont le nombre par personne dépend du nombre de vétérinaires par clinique ; plus le nombre est élevé, plus le nombre de gardes par personne est faible.

La grande majorité des étudiant·e·s explique que ces conditions climatiques pénibles et ces longues heures de travail entraînent de la fatigue physique chronique comme l’énonce, par exemple, cette étudiante : « Je pense que si on veut faire de la rurale, il faut

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être quand même résistant au niveau de la fatigue car mine de rien, travailler dehors tous les jours, ça fatigue beaucoup et il y a beaucoup de route à faire donc ça réduit forcément le temps de travail et du coup, on est obligé d’allonger toujours les heures. » (Une étudiante, origine urbaine, père technicien, mère professeure des écoles)

Quelques étudiant·e·s font état de la saleté des lieux où est exercée généralement la médecine des animaux de rente et mettent en avant les risques physiques. L’une d’entre elles déclare : « Véto rural, c’est un métier où il y a beaucoup plus de risques de se faire gravement blesser par une vache ou un cheval que par un chien, il peut mordre, certes, mais il va pas donner de gros coups de pattes dans les hanches ou dans les genoux ».

Ces constats n’ont pas amené les étudiant·e·s à affirmer qu’ils/elles se détourneraient de la médecine des animaux de rente, à l’exception d’une étudiante (origine urbaine, père directeur administratif, mère agent territorial des écoles maternelles, projets médecine mixte et faune sauvage) : « Les filles se tournent plus vers les chats et les chiens plutôt que les vaches ben oui, c’est logique parce que moi, ça me saoulerait si je faisais de la bovine, j’aimerais pas être toujours sale, c’est vrai, les hommes, ça les dérange moins. »

Le résumé d’un des étudiants (origine urbaine, chef d’entreprise, mère au foyer, pro- jets rural et mixte) met en évidence que les conditions d’exercice de la médecine des animaux de rente peuvent amener certains et certaines à s’en détourner, même s’ils/

elles ne l’ont pas mentionné : « C’est pas un métier qui attire de par son glamour. On travaille généralement dans le froid, dans la gadoue, ça pue et on a du sang sur soi. » Si les hommes prennent davantage soin de leur apparence depuis une vingtaine d’an- nées, en France (Amadieu, 2002), il n’en demeure pas moins que les filles, dès leur enfance, sont plus socialisées que les garçons à travailler leur apparence dans le but de l’améliorer, en portant des bijoux, en soignant leur coiffure, en privilégiant l’aspect esthétique de leurs vêtements et en évitant toute mauvaise odeur corporelle ou saleté sur leurs habits (Court, 2010). Les fillettes découvrent, d’ailleurs, très tôt, à travers les jouets (maquillage, bijoux…), les artifices de séduction qui leur apparaîtront « natu- rels » à l’âge adulte. Selon Löwy (2007, p. 94), « Les sociétés occidentales continuent à adopter une attitude radicalement différente envers la beauté masculine et la beauté féminine. (…) La femme stéréotypée est belle et préoccupée de son apparence ». Dans ce contexte, il apparaît, sans doute, plus difficile pour les étudiantes de s’imaginer habil- lées tous les jours travaillés en cotte marron criblée de salissures diverses et sentant l’odeur des bovins.

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6I Être grand et costaud

pour exercer la médecine de rente

La plupart des filles et des garçons interrogé·e·s, aux origines sociales diverses et envisa- geant des secteurs d’activités variés, mettent en avant le besoin d’avoir une force phy- sique et d’être suffisamment grand·e en taille pour exercer auprès des animaux de rente.

Toutefois, la grande majorité des filles considèrent qu’elles n’ont pas ces deux qualités physiques, ce qui les empêche de pratiquer cette médecine. Elles avancent leur petite taille, notamment leurs bras trop courts pour faire des fouilles de vaches, mais aussi leur manque de musculature pour la mise-bas des veaux, comme l’explique l’une d’elles (ori- gine urbaine, père consultant, mère auxiliaire de vie scolaire, projet médecine mixte) :

« Il faut de la force pour traverser la peau de la vache avec la seringue » et une autre : « On galère plus parce que quand on doit fouiller une vache, les garçons vont jusqu’au foie et nous non, parce qu’on a le bras plus court et pour porter une matrice, il faut être à deux filles, et un garçon, il peut le faire tout seul. » (origine urbaine, père chef entreprise, mère enseignante chercheuse, multiples projets).

Les garçons considèrent également que les filles rencontrent plus qu’eux des difficultés physiques à pratiquer la médecine des animaux de rente à cause de leur corpulence phy- sique. L’un d’entre eux explique : « Une fille qui est taillée 50 kg, qui s’occupe de bovins qui font 700 kg, elle va être beaucoup plus en peine qu’un colosse qui fait 90 kg, ça c’est clair et net. » (origine rurale, père exploitant céréalier, mère technico-commerciale bovins, projet faune sauvage). Un autre affirme que « véto en rural, c’est plus, enfin pour moi, un métier d’hommes que de femmes » (origine urbaine, parents restaurateurs, projet médecine mixte).

Aucun garçon n’a douté de ses compétences physiques, même parmi les plus petits et les plus frêles.

Ces étudiantes ressentent un sentiment d’incompétence vis-à-vis de la médecine des ani- maux de rente (Bandura, op. cit.). Ce manque de force et de résistance physiques exprimé par une large majorité des filles ne fait que refléter ce qui est encore communément admis dans notre société. Depuis Hippocrate, les femmes ont été définies, notamment par les médecins, comme des êtres faibles naturellement, ce qui a permis, à partir du 19è siècle, d’assoir la répartition des rôles des hommes et des femmes dans la société (Dorlin, 2006).

Actuellement, la faiblesse physique est encore une norme de la féminité que les filles incorporent (Dorlin, 2017) car au cours de leur socialisation, elles apprennent qu’elles sont fragiles et que les garçons sont forts physiquement (Dowling, 2001). Les filles sont rarement encouragées à pratiquer des sports avec des contacts physiques et à se battre, et comme le soulignent Cardi & Pruvost (2012) et Dorlin (2017), la force physique doit être développée pour qu’elle existe…

Ce «  manque  » de force physique pour les filles est repris par les garçons de manière presque caricaturale en parlant de celles qui mesurent 1m50 et qui pèsent 50 kilos, en

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oubliant toutes les autres et les garçons qui sont petits et fluets, ce qui montre bien l’inté- riorisation des normes corporelles des femmes et des hommes chez les garçons également.

Néanmoins, la plupart des filles relatent les solutions trouvées par des femmes vétérinaires pour exercer auprès des animaux de rente, comme le raconte, par exemple, une étudiante (origine urbaine, père technicien, mère professeure des écoles, projet médecine mixte) :

« Maintenant, on a quand même vachement de techniques qui nous permettent de pas avoir besoin d’autant de forces qu’avant entre guillemets, enfin, rien que les vêleuses » et une autre (origine rurale, père chauffeur routier, mère réceptionniste, projets animaux de compa- gnie et faune sauvage) : « Il y avait des vétos femmes, c’était intéressant de voir comment elles se débrouillaient à manipuler les gros animaux ; ça m’a permis de me rendre compte qu’une femme se débrouillait aussi bien qu’un homme pour faire de la rurale. Les femmes demandent aux éleveurs de les aider. »

D’autres étudiantes déclarent qu’à force de faire les mêmes gestes, les femmes s’étaient musclées et rencontraient donc moins de difficultés. Toutefois, ces solutions trouvées par des vétérinaires femmes ne semblent pas convaincre celles qui se considèrent comme pas suffisamment fortes physiquement et/ou trop petites. Nous pouvons avancer l’hypothèse qu’une partie des filles craint inconsciemment que le projet d’exercer la médecine des animaux de rente puisse leur faire perdre leur « féminité ».

Les discours de ces étudiant·e·s révèlent à quel point les représentations sociales sur la pratique de la médecine vétérinaire auprès des animaux de rente, nécessitant force et endurance, sont encore bien ancrées dans les esprits, même chez les jeunes générations.

Pourtant, diverses solutions existent pour compenser un manque de force physique, comme de bons moyens de contention, la technicité et l’aide des éleveurs et éleveuses (Hubscher, op.  cit.) et elles sont connues des étudiantes puisqu’elles y font référence.

Toutefois, la force des représentations sociales de la pratique vétérinaire auprès des ani- maux de rente apparaît comme plus prégnante que la réalité.

Ces représentations sociales sont notamment alimentées par les jouets et les jeux vidéo sur la profession vétérinaire (Fontanini, 2008) proposés plus particulièrement aux petites filles qui sont invitées à soigner des chiens et des chats très mignons dans les cliniques vétérinaires. Les rares fois où un garçon est présenté comme jouant au vétérinaire, il est en compagnie d’animaux de la ferme. Ainsi, ces jouets présentent les femmes comme plus aptes à soigner des animaux de compagnie dans un cabinet (à l’intérieur) et les hommes, des animaux gros et sales à la campagne (à l’extérieur).

L’examen précis de la boîte du jeu vidéo « Je soigne les animaux de la ferme » de la collec- tion « Mission vétérinaire » montre un vétérinaire masculin avec une blouse blanche et une adolescente qui porte dans ses bras un chevreau. Dans « Mission vétérinaire », une vétérinaire est en premier plan, mais elle démontre plus de tendresse pour le chien qu’elle porte dans ses bras que le vétérinaire n’en témoigne pour le perroquet qui est juste posé sur son bras. En outre, seul le vétérinaire porte un stéthoscope autour de son cou. Sur

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la boîte « Mission vétérinaire, soigne les animaux du zoo » est présentée une vétérinaire en train de caresser la tête d’un zèbre avec en arrière-plan un homme en train de nettoyer l’oreille d’un éléphant avec un balai. Cette vétérinaire porte une blouse blanche imma- culée et ses ongles des mains portent du vernis rouge. La présentation de cette vétérinaire interroge par rapport à la réalité des soins vétérinaires apportés aux animaux. S’agit-il de rassurer les petites filles sur la « féminité conservée » de cette vétérinaire ? En tous les cas, ces images sur les boîtes révèlent que les animaux de rente ne sont pas « destinés » aux filles. Elles présentent également les qualités professionnelles des vétérinaires masculins (soin ou diagnostic avec le stéthoscope) et des femmes vétérinaires (caresses rassurantes et sans se salir) qui renvoient à la division sexuée du travail, caractérisée par la maîtrise des outils techniques par les hommes et « le souci des autres » par les femmes. Comme ces dernières apprennent, dès leur plus jeune âge, à prendre soin des autres, elles s’estiment sans doute plus compétentes pour s’occuper de « petits animaux » et comprendre les émo- tions de leurs propriétaires. Cela amène les étudiantes vétérinaires à choisir davantage la médecine des animaux de compagnie que celle des animaux de rente qui sont désormais majoritairement élevés intensivement et sans relation affective avec les éleveurs.

Qui plus est, l’école vétérinaire de Toulouse ne propose pas aux étudiant·e·s de réfléchir aux enjeux et à l’évolution de leur futur métier, ni un travail distancié sur leurs représen- tations des différentes activités de la profession. Elle n’organise pas de rencontres entre les étudiant·e·s et des vétérinaires des deux sexes exerçant auprès des animaux de rente pour qu’ils/elles leur fassent part de leurs expériences et des moyens techniques utilisés pour surmonter leurs difficultés physiques éventuelles. Ces échanges pourraient être aussi utiles pour les garçons qui ne se sentent pas spécialement forts et endurants. Ces ren- contres permettraient également aux étudiantes de mieux se projeter concrètement dans cette activité en améliorant la congruence entre leur image d’elles-mêmes et l’image des femmes vétérinaires (Huteau, 1982). Actuellement, les étudiant·e·s restent seul·e·s face à leurs représentations sociales personnelles et collectives.

7I Des éleveurs et des vétérinaires ruraux réticents face aux femmes vétérinaires ?

Les étudiant·e·s rapportent que certains éleveurs ne sont pas ouverts à la pratique vété- rinaire des femmes. Certains vont même jusqu’à refuser la visite de femmes vétérinaires.

Quelques étudiant·e·s constatent que des vétérinaires masculins préfèrent embaucher des hommes que des femmes pour soigner les animaux de rente. D’une part, pour ne pas contrarier des éleveurs réfractaires aux femmes et d’autre part, car ils doutent aussi des capacités physiques et de la disponibilité pour les gardes de leurs consœurs, mais aussi pour ne pas avoir à « gérer » des congés maternité potentiels, comme l’a rapporté une étudiante (origine urbaine, père militaire, mère technicienne) : « J’étais en stage dans une

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clinique mixte où ils avaient le choix entre un jeune homme qui avait fait son école et qui aspirait à faire de la mixte, et une jeune femme, et sans rien dire, ils ont préféré prendre le jeune homme, parce que, pour faire des gardes, pour physiquement, il n’aura pas de congé maternité, et c’est vrai que à dossier égal, ils prenaient sans hésiter l’homme. »

La plupart des garçons estiment qu’ils ont « plus de chances de se faire embaucher en rural et même en général quand on est un homme et qu’on veut être vétérinaire ».

Les constats de ces étudiant·e·s montrent la persistance de la méfiance de certains éleveurs et vétérinaires vis-à-vis de l’exercice de la médecine des animaux de rente par les femmes.

En outre, certains vétérinaires apparaissent comme ayant encore une vision traditionnelle des femmes en les considérant toutes comme des mères potentielles qui se désinvestissent ensuite de leur activité professionnelle.

Les jeunes hommes vétérinaires, devenant de plus en plus rares, sont certainement recher- chés, notamment dans l’exercice auprès des animaux de rente, car ils permettent de faire perdurer cette pratique « au masculin ». Ce contexte professionnel en faveur des hommes vétérinaires explique, sans doute en partie, la part plus restreinte des femmes dans ce secteur d’activité.

Toutefois, quelques étudiant·e·s ont remarqué, lors de leurs stages, que certains éleveurs ont évolué et qu’ils sont plus ouverts à la pratique féminine car ils reconnaissent que les femmes sont aussi compétentes que les hommes, comme le relate une étudiante : « Ils m’ont dit que les femmes, elles avaient moins de force, mais du coup, elles trouvaient des tech- niques et tout pour y arriver. Et c’était très bien, c’était tout aussi bien » et une autre : « qu’on soit un mec ou une fille, et qu’on sort de l’école, et qu’on va dans une exploitation, il faut faire ses preuves. Avec les éleveurs, c’est juste montrer ce qu’on sait, et puis voilà ».

8I La vie familiale : une affaire de femmes

Près de la moitié des filles et environ un tiers des garçons interviewé·e·s ont abordé spon- tanément leur souhait d’avoir des enfants plus tard et la difficulté de concilier vie familiale et professionnelle en exerçant notamment la médecine des animaux de rente, à cause des gardes de nuit et des week-end. La plupart de ces garçons ne savent pas comment concrè- tement ils résoudront ce problème car ils n’y ont pas encore réfléchi. Les autres espèrent avoir une conjointe non vétérinaire compréhensive ou une conjointe vétérinaire qui exer- cera en canine car « c’est plus souple niveau horaire, y’a pas toutes les urgences et les gardes à faire le soir ». Aucun étudiant n’envisage de travailler à temps partiel et lorsque nous leur proposons cette « solution », la réponse est catégorique : « non, quand même pas ! ».

Un tiers des filles ayant le souhait d’avoir une vie familiale dans quelques années n’ont pas non plus avancé de solution pour mener de front leur vie professionnelle et leur vie

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familiale. En revanche, les autres disent qu’elles vont devoir « faire un choix » et projettent alors de ne plus faire de gardes et de travailler à temps partiel pour pouvoir passer du temps avec leurs enfants. Une seule étudiante espère avoir un compagnon disponible pour la prise en charge des enfants et une autre envisage d’avoir « une nounou et une femme de ménage ».

L’anticipation et la prise en charge de la vie familiale différenciées entre les femmes et les hommes ne sont pas propres aux étudiants et étudiantes vétérinaires, mais communes à d’autres étudiant·e·s (Fontanini, 2015).

9I Devenir libéral·e ou rester salarié·e

La totalité des étudiant·e·s interrogé·e·s projettent de travailler en tant que salarié·e·s dans les années suivant l’obtention de leur diplôme pour acquérir de l’expérience, savoir quels types de cliniques leur conviennent plus et dans quelle ville ou région s’installer. La plu- part des étudiant·e·s ne savent pas encore quel type d’exercice du métier les satisferait le plus. Les rares étudiant·e·s ayant déjà réfléchi à leur devenir professionnel projettent de s’associer avec d’autres vétérinaires dans une clinique en travaillant en libéral pour « gérer la clinique et prendre des décisions », « ne pas avoir de patron », percevoir des revenus plus confortables et avoir plus de temps libre. Ces étudiant·e·s ont des parents faisant partie de la catégorie sociale professionnelle « cadres, professions intellectuelles supérieures et professions libérales », ce qui laisse supposer une influence des conditions de travail de leurs parents (avec des responsabilités professionnelles, une souplesse et une autonomie dans la gestion de leur travail) sur leurs aspirations professionnelles.

L’exercice libéral exclusif décline au profit du salariat chez les vétérinaires21, notamment féminines, qui représentent 68,2 % des vétérinaires salarié·e·s et 76,2 % des salarié·e·s de moins de 40 ans. Il en est de même chez les médecins22, dont la part des salarié·e·s est en augmentation, atteignant 47 % en 2018 et celle des nouveaux et nouvelles inscrit·e·s à l’ordre national des médecins, 62 %. Les nouvelles générations de médecins pour les humains souhaitent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle que les générations précédentes, les femmes encore plus que les hommes (Lapeyre, 2006) ; il en est probablement de même pour les futur·e·s jeunes vétérinaires.

Ainsi, les femmes qui désirent travailler en tant que salarié·e·s et/ou à temps partiel se tournent probablement plus vers les cliniques orientées vers les animaux de compagnie

21.https://www.veterinaire.fr/fileadmin/user_upload/documents/accueil/atlas-demographique.pdf, consulté le 29/12/18

22.https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cnom_chiffres_cles_atlas_2018_0.pdf, consulté le 29/12/8

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car elles proposent plus ce type d’emplois que celles à dominante animaux de produc- tion (Jeanney, op. cit.) ; ce qui explique, au moins en partie, l’exercice plus prononcé des femmes vétérinaires auprès des animaux de compagnie.

Par ailleurs, quelques étudiant·e·s ont remarqué, au cours de leurs stages, que les vétéri- naires déjà installé·e·s n’étaient pas forcément favorables à une association supplémentaire avec une consœur en raison de potentiels congés maternité ou parentaux ou de demande d’arrangement des jours travaillés, comme l’explique une étudiante : « En canine, je m’étais un peu liée de confiance avec une salariée véto qui s’occupait de faire les chirurgies. Et cela faisait quatre/cinq ans qu’elle faisait ça. C’était une clinique associée, dont deux femmes et deux hommes. Et je lui ai demandé si elle n’avait pas envie de s’associer et elle m’a dit qu’elle aurait bien aimé, mais les deux femmes déjà associées avaient leurs mercredis, leurs avantages et donc elles voulaient un homme pour pas que la troisième associée ait envie d’avoir elle aussi son mercredi, ni son vendredi ou finisse plus tôt le soir ou un truc comme ça… donc en gros, elles ne s’associeraient pas avec une femme, même si elle faisait un énorme travail. »

Par conséquent, le nombre plus élevé de femmes salariées, comparativement à leurs confrères, n’est sans doute pas lié seulement à leur moindre souhait d’association, mais aussi à une résistance d’une partie des vétérinaires à s’associer avec une ou plusieurs femmes considérées comme chargées de famille réelles ou potentielles, donc moins dis- ponibles dans le cadre de l’exercice de leur profession (Chaintreuil & Epiphane, 2013).

10I Un nouveau profil d’étudiant·e·s où prime la relation à l’animal

Selon une inspectrice générale de la santé publique vétérinaire (Moquay, 2016), la déser- tion des vétérinaires en milieu rural s’amplifie et s’explique par le nouveau profil des étudiant·e·s qui sont souvent très soucieux et soucieuses de la bientraitance animale et de la limitation de la consommation de viande (végétarisme).

Quelques étudiantes ont abordé le « statut » des bovins qu’elles n’appréciaient pas car ils sont bien souvent estimés par les éleveurs pour leur valeur marchande, ce qui les amène fréquemment à choisir l’euthanasie pour une vache malade dont le traitement coûterait plus cher que son prix. De ce fait, elles considèrent qu’il faut être très détaché « affective- ment » des bovins que l’on soigne et cela ne correspond pas à leur conception du métier de vétérinaire.

Une étudiante a évoqué également le fait qu’elle ne supporte pas de voir les conditions de vie des vaches : « qui sont dans un espace réduit, elles marchent dans leur merde, c’est vrai- ment… ils mettent juste de la paille dessus, ça leur parait bénin pour eux, mais moi…voilà, c’est la rentabilité… » (origine urbaine, père agent territorial).

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Le souci de la bientraitance animale et le manque de considération des bovins amènent ces étudiantes à rejeter la médecine des animaux de production et à se tourner vers la médecine auprès des animaux de compagnie. La maltraitance animale est depuis une dizaine d’années mieux connue, car elle est dénoncée par certaines associations et relayée par les médias et réseaux sociaux, dont certains sont très prisés des jeunes. Nous postulons que les filles sont plus soucieuses des conditions de vie des animaux que les garçons en raison d’une socialisation différenciée des filles les « préparant » davantage à la sensibilité et à la compassion (Fontanini, 2015). Selon diverses études23, les personnes végétariennes seraient plutôt des femmes de moins de 35 ans et vivant en milieu urbain. Le souci de bientraitance des animaux apparaît ainsi plus marqué dans les jeunes générations fémi- nines urbaines, dont font partie les étudiantes vétérinaires.

Conclusion

Les résultats de cette étude permettent de combler le manque de recherches sur les étudiant·e·s vétérinaires, dont la profession a énormément évolué depuis plus de trente ans.

En effet, ils mettent en évidence que les étudiants et les étudiantes vétérinaires, suite à leur stage en clinique à dominante animaux de rente, font les mêmes constats à leur entrée en formation vétérinaire, sans distinction de leurs origines sociales et de leurs projets professionnels. Ils/elles considèrent que les conditions d’exercice auprès des animaux de rente apparaissent difficiles en raison du travail souvent extérieur soumis aux intempéries, aux heures passées sur les routes pour visiter les élevages et aux horaires chronophages liés aux urgences et aux gardes. Ces conditions expliquent probablement, en partie, le moindre attrait pour la médecine des animaux de rente, parmi les étudiantes et les étu- diants (Dernat & Siméone, op. cit.).

Cette recherche révèle également les freins que rencontrent les femmes pour se diriger vers cette spécialité et pour travailler en tant qu’associées libérales. La plupart des étudiant·e·s estiment nécessaire d’être fort·e·s et endurant·e·s physiquement et d’être disponibles nuit et jour pour exercer auprès des animaux de rente. Or, les étudiantes pensent que ces dis- positions leur font souvent défaut. Par ailleurs, certain·e·s étudiant·e·s constatent que des éleveurs et vétérinaires ne sont pas favorables à l’exercice de la médecine des animaux de rente par les femmes. En outre, l’association des femmes avec d’autres vétérinaires dans les cliniques pour animaux de compagnie ou de rente n’est pas toujours considérée comme souhaitable par certains ou certaines d’entre eux/elles car elle pourrait remettre en cause des équilibres existants dans les temps professionnels de ces derniers ou dernières.

23.https://www.e-marketing.fr/Thematique/media-1093/Breves/Portrait-Conso-Qui-sont- vegetariens-253925.htm; https://o.nouvelobs.com/food/20180703.OBS9086/en-france-le-vegetarien-est- plutot-une-femme-trentenaire.html, consultés le 9/1/19.

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Ces constats faits par les étudiant·e·s au cours de leur première année de formation peuvent évoluer grâce à un autre stage obligatoire auprès des animaux de rente en qua- trième année et à plusieurs semaines de formation en clinique bovine à l’école, en troi- sième et quatrième années. Toutefois, sans doute que ce contexte professionnel et sociétal incite les femmes vétérinaires à davantage se détourner de la médecine des animaux de rente et de l’association libérale comparativement à leurs confrères et les amène à exercer majoritairement auprès des animaux de compagnie et à être salariées.

Finalement, les étudiantes vétérinaires choisissent des spécialités dissemblables et des modes d’exercice différents de leur profession, comme d’autres étudiantes ayant opté pour des professions autrefois très masculines. Il apparaît donc que malgré la forte fémi- nisation de la profession vétérinaire ces trente dernières années, cette dernière conserve une image prototypique masculine pour certaines modalités d’exercice et spécialisations qui ne permet pas encore aux étudiantes d’investir toutes les facettes de cette profession.

Ce contexte professionnel est sans doute transitoire puisqu’actuellement, le nombre de vétérinaires masculins spécialisés en animaux de rente24 quittant la profession est plus élevé que celui des entrants. C’est l’inverse pour les vétérinaires féminines, le nombre d’entrantes étant supérieur à celui des sortantes et dans les années à venir, la balance entrant·e·s /sortant·e·s sera encore plus en faveur des femmes, puisque ce sont essen- tiellement des hommes qui partent en retraite et des femmes nouvellement diplômées qui entrent dans la profession. Ces dernières seront par conséquent de moins en moins mises à l’écart par certains vétérinaires ruraux et éleveurs. Elles auront également plus de modèles de femmes vétérinaires exerçant auprès des gros animaux, leur permettant ainsi de dépasser leur manque supposé de force et d’endurance physiques.

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