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Le bateau ivre. Perspectives 2007-2008 pour l’économie mondiale

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Le bateau ivre. Perspectives 2007-2008 pour l’économie mondiale

| Presses de Sciences Po | Revue de l’OFCE 2007/2 - N° 101

ISSN 1265-9576 | ISBN 2-7246-3082-4 | pages 11 à 32

Pour citer cet article :

— Le bateau ivre. Perspectives 2007-2008 pour l’économie mondiale, Revue de l’OFCE 2007/2, N° 101, p. 11-32.

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P ERSPECTIVES 2007-2008

PRÉVISIONS

Avril 2007

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Perspectives 2007-2008 pour l’économie mondiale *

Avril 2007

* Cette étude a été réalisée au sein du Département analyse et prévision de l’OFCE. L’équipe, dirigée par Xavier Timbeau, comprend : Christophe Blot, Marion Cochard, Amel Falah, Éric Heyer, Sabine Le Bayon, Matthieu Lemoine, Catherine Mathieu, Paola Monperrus-Veroni, Hervé Péléraux, Mathieu Plane, Frédéric Reynès, Christine Rifflart, Danielle Schweisguth. L’équipe France est dirigée par Éric Heyer. La prévision intègre les informations disponibles au 13 avril 2007.

Depuis l’éclatement de la bulle Internet en 2000, la croissance mondiale a étonnamment bien résisté à l’instabilité géopolitique et à la flambée des cours du pétrole. L’année 2006 est un excellent cru avec 5,1 % de croissance, soit plus que les 4,7 % anticipés lors de notre prévision d’octobre 2006. Le retournement du marché immobilier américain contribuera à ralentir la croissance mondiale autour de 4,5 % en 2007 et 2008, mais celle-ci sera toujours soutenue par le dynamisme des économies asiatiques et la vigueur retrouvée de la zone euro. Initiée par l’accé- lération de l’investissement productif en 2006, la reprise dans la zone euro se poursuivra par la mise en place d’un cercle vertueux : les revenus supplémentaires générés alimenteront le recul du chômage et la baisse du taux d’épargne. Le rôle prépondérant de la demande interne conforte l’idée d’une autonomie grandissante de l’expansion européenne.

Outre-Atlantique, le caractère accommodant de la politique monétaire permettra d’éviter la contagion du krach immobilier au reste de l’économie. Les économies asiatiques se montreraient toujours aussi dynamiques, la Chine et l’Inde faisant course en tête tandis que le Japon renouerait avec une croissance durable. La résorption des principaux déséquilibres de l’économie mondiale n’aurait pas lieu à l’horizon 2008. Le déficit courant américain se réduirait partiellement si la reprise dans la zone euro se poursuivait. Sa soutenabilité ne serait donc pas remise en cause à brève échéance, ce qui permettrait d’éviter une chute du dollar dont les conséquences sur l’économie mondiale dominée par une finance globalisée pourraient être dévastatrices.

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epuis l’éclatement de la bulle Internet en 2000 et malgré l’instabilité géopolitique et la flambée des cours du pétrole, la croissance mondiale bat régulièrement des records. Ainsi, l’année 2006 a dépassé nos prévisions de septembre, la croissance mondiale s’étant établie à 5,1 % contre 4,7 % prévu. En dépit du retour- nement du marché immobilier américain, elle devrait rester dynamique à 4,6 % en 2007 et 4,5 % en 2008 grâce à l’essor des économies asiatiques, Chine en tête, et au dynamisme retrouvé de la zone euro (tableau 3). Mais la vigueur de la croissance en 2006 n’aura pas permis la résorption des déséquilibres, loin s’en faut. Ils se seront même aggravés, et s’accompagnent depuis le début de l’année 2007 d’un regain de volatilité sur les marchés (financiers et de change) dans un climat d’incertitude quant à l’orientation de la politique monétaire outre-Atlantique.

Le cycle amorcé depuis l’éclatement de la bulle Internet se démarque des cycles économiques habituels. La croissance ne se heurte pas à la loi des rendements décroissants qui voudrait que les sources de création de richesse viennent à se tarir. Elle ne bute pas non plus sur les tensions de tel ou tel marché qui obligeraient à calmer le jeu. Elle ne s’étouffe pas dans un surinvestissement qui conduirait à l’accumulation de capacités de production excédentaires et nécessiterait un ajustement brutal pour ramener chacun à la raison. Opérant sur un espace globalisé, appuyée à grande échelle par une finance triomphante, la logique de la croissance actuelle semble défier la raison. L’accès à l’éco- nomie de marché d’une moitié de l’humanité est une aventure fascinante.

Mais les piliers de cette croissance portent en eux ces fameux déséquilibres dont on imagine mal qu’ils puissent se résorber sponta- nément. Au fur et à mesure des années de croissance exceptionnelle, la globalisation, la financiarisation de l’économie s’accompagnent d’une moindre emprise des outils de politique économique sur la régulation macroéconomique qui fait craindre les pires séismes. La crise de 1929 a illustré combien les stratégies non coordonnées, les replis précipités, les politiques aux externalités multiples rendaient le monde incertain et les enchaînements catastrophiques. Que l’on pense aux stratégies commerciales, aux compétitions féroces pour accumuler des réserves or par les banques centrales, tous les remèdes proposés, au lieu de soigner les maux, les empiraient.

« Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants. » Arthur Rimbaud, Le Bateau Ivre, 1871

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15 1. Solde du compte courant en pourcentage du PIB

Plus de trente ans après l’implosion du système de Bretton Woods, dans un monde ou les capitaux sont mobiles et les changes flexibles, la question « jusqu’où cela peut-il aller sans craquer ? » est posée cruel- lement par l’évolution économique mondiale. La soutenabilité du déficit commercial (tableau 1) et de l’endettement extérieur américain suppose aujourd’hui plusieurs étapes :

– rétablir durablement la compétitivité américaine et rééquilibrer la position extérieure des États-Unis par davantage d’exportations ;

– conserver une croissance dynamique aux États-Unis et une renta- bilité du capital suffisamment élevée pour que cette croissance ne soit pas artificielle ;

– que l’Europe et le Japon s’ancrent sur une trajectoire dynamique afin d’alléger les déséquilibres entre l’Amérique et la Chine et contribuer au redressement de la position extérieure américaine ;

– réduire la surépargne des pays asiatiques et principalement celle de la Chine, pour que ces zones fournissent au monde autant de nouveaux consommateurs que de nouveaux producteurs.

Le premier point pourrait être acquis, le deuxième est mis à mal par la difficulté conjoncturelle des États-Unis, le troisième pourrait être la bonne nouvelle de 2007 et de 2008 et le quatrième point reste, pour l’instant, à l’état de vœu. Ainsi, la course en avant que le monde connaît aujourd’hui pourrait s’équilibrer.

D’autant que le risque d’une crise financière ou d’une crise de change est amplifié par le fait que les principaux acteurs de la politique économique mondiale voient les conséquences de leurs actions diffusées à l’échelle de la planète. La politique monétaire japonaise n’a de conséquences que très indirectes sur l’inflation japonaise. Elle requiert des inflexions marquées et durables pour n’atteindre que partiellement ses objectifs. Et cette politique active participe à la

Source: FMI.

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faiblesse des taux d’intérêt longs mondiaux. De même, le policy mix américain repose sur un creusement massif du déficit courant sans retour violent sur le dollar ou sur l’inflation américaine. Cette atténuation des conséquences directes favorise l’activisme mais imposerait une grande coordination pour traiter des problèmes globaux.

À moins d’un rééquilibrage bienvenu mais incertain, l’accumulation de déséquilibres rend la probabilité d’une crise globale de plus en plus grande. Or, sa régulation devient de moins en moins aisée.

Le scénario que nous avons retenu écarte toutes les branches catas- trophiques de l’arbre des possibles de la croissance mondiale. Il ne décrit cependant pas un scénario moyen. Il part des évolutions probables des principales économies et tente d’explorer la question de la solidité de ces trajectoires réunies, pour jauger de la capacité de l’économie mondiale à éviter le pire dans les deux années qui viennent.

Au ralentissement des États-Unis répond le rebond de la zone euro.

Les pays en développement continuent leur croissance par les expor- tations et le Japon a digéré la longue crise bancaire et financière des années 1990. L’endettement s’alourdit, stimulé par des taux d’intérêt longs qui restent bas. La croissance se nourrit de cet endettement et en assure la pérennité. Au total, le ralentissement outre-Atlantique est modéré et permet l’arrêt de la dégradation de la balance commerciale américaine. La pression sur les changes s’apaise et le dollar se stabilise face aux monnaies asiatiques. Nous passons dans un premier temps en revue les éléments conjoncturels pour les États-Unis et les pays en développement. Nous insistons ensuite sur les raisons d’un rebond de la croissance en Europe. Les scénarios d’instabilité sont enfin évoqués.

Le ralentissement américain…

Aux États-Unis, la croissance est entrée dans une phase de repli conjoncturel depuis le printemps dernier. Depuis 2004, la hausse des taux d’intérêt, sur fond d’endettement élevé des ménages, a fait plonger le marché de l’immobilier (voir dans ce dossier « La fin de l’American dream»). Les transactions immobilières se sont contractées et les prix commencent à baisser.

L’investissement en logement a diminué de 4,2 % en 2006 et l’ajus- tement devrait se poursuivre en 2007 avec un repli de 8,5 % selon nos prévisions. Mais jusqu’à présent, la contagion au reste de l’économie a été évitée. Les inquiétudes subsistent cependant sur le segment des subprime, ces prêts à haut risque qui ont permis à de nombreux emprunteurs jusque là exclus des circuits de financement de devenir propriétaires, depuis le dépôt de bilan de New Century, numéro deux du secteur. La consommation des ménages est restée dynamique, en

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progression de 3,2 % en 2006, soutenue par des revenus salariaux et un ralentissement des prix de détail en fin d’année grâce au repli des prix du pétrole. Les tensions inflationnistes ne sont pas pour autant absentes, l’inflation sous-jacente ayant accéléré au cours de l’année 2006 pour atteindre 2,7 % en fin d’année. Cette accélération était masquée au quatrième trimestre 2006 par la contribution négative de la composante énergétique, la hausse de l’indice des prix à la consom- mation étant limitée à 1,9 % en glissement annuel. La conduite de la politique monétaire sera donc délicate pour la Réserve fédérale qui devra trouver un équilibre entre risques récessifs et tensions inflation- nistes. Nous supposons ici que la baisse des taux sera suffisante pour alléger la pression financière qui pèse sur les ménages et éviter la propa- gation de la crise immobilière aux autres secteurs (tableau 7). Le risque est limité car seuls les ménages les plus modestes sont susceptibles de se retrouver en défaut de paiement, minimisant l’impact sur le reste de l’économie. La reprise ne viendra pas de la politique budgétaire, les États-Unis étant contraints à la maîtrise des dépenses publiques depuis que la guerre en Irak a creusé leur déficit. L’impulsion budgétaire sera certes moins négative en 2007 et 2008 qu’elle ne l’était l’an dernier, mais aucune marge de manœuvre n’est à attendre d’une amélioration conjoncturelle du déficit (tableaux 2 et 4). La croissance devrait ralentir à 2 % en 2007 et 2,5 % en 2008.

17 2. Contribution à la variation du solde public en 2006

En % du PIB

Note: un impact négatif de la conjoncture prend le signe (–) car il détériore la composante cyclique du solde ; une hausse de la charge d’intérêts prend le signe (–) car elle dégrade le solde public ; une politique discrétionnaire expansionniste prend le signe (–) car elle détériore le solde structurel primaire.

* Il s’agit de mesures temporaires, ayant pour effet une hausse de recettes, le plus souvent, ou une baisse de dépenses, plus rarement, et conduisant à une amélioration non structurelle du solde public (soultes, titrisations…).

Sources: Comptes nationaux, Eurostat, calculs et prévision OFCE avril 2007.

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… ne déprimerait pas la croissance mondiale…

Mais le ralentissement américain ne pénaliserait pas outre mesure la croissance mondiale, les États-Unis n’étant plus sa principale locomotive.

En parité de pouvoir d’achat, les Américains produisent 20 % du PIB mondial et la zone euro 15 %, alors que la part de l’Asie en dévelop- pement (hors Japon) approche 30 %, dont plus de 14 % pour la seule Chine. Le géant chinois devrait très rapidement dépasser la zone euro en parité de pouvoir d’achat. En terme de contributions à la croissance, l’écart est beaucoup plus marqué. L’Asie hors Japon est à l’origine de près de la moitié de la croissance mondiale en 2006 (2,5 points sur 5,1 %), alors que les États-Unis y ont contribué à hauteur de 0,7 point, la zone euro 0,4 point et le Japon 0,15 point.

Le dynamisme des économies asiatiques permettrait ainsi à l’éco- nomie mondiale de résister au ralentissement outre-Atlantique. La Chine a enregistré en 2006 sa meilleure performance depuis la crise asiatique, avec 10,7 % de croissance annuelle. Après un début d’année 2007 en fanfare, l’économie chinoise devrait connaître un rééquilibrage progressif de la demande intérieure en faveur de la consommation et une progression moins spectaculaire de l’excédent commercial. Portée par la perspective des jeux olympiques de Pékin en 2008, la croissance chinoise se maintiendrait autour de 10 % en 2007 et 9,5 % en 2008.

Le dynamisme de la zone Asie serait préservé, l’Inde se démarquant des tigres et dragons avec une croissance robuste de l’ordre de 8 %, soutenue par la demande intérieure. La consommation des ménages indiens serait alimentée par des progressions salariales conséquentes, tandis que l’investissement serait dopé par le besoin d’infrastructures.

C’est l’ensemble des pays en développement qui a connu en 2006 des rythmes de croissance record. L’Amérique latine a profité de l’envolée du prix des matières premières, dont elle est exportatrice nette, pour renforcer sa demande intérieure. Un cercle vertueux s’est enclenché puisque les bonnes perspectives de débouchés ont soutenu le taux d’investissement qui s’est sensiblement redressé depuis 2003 (entre 2,5 et 7 points selon les pays). L’Amérique latine enregistre donc une belle performance en 2006 avec une croissance de 4,7 %, comparée à une moyenne de 3 % sur les dix dernières années.

Une dynamique similaire s’est enclenchée en Russie où les revenus pétroliers ont permis l’amélioration de l’excédent commercial et la réduction de la dette publique, passée de 90 % à moins de 10 % du PIB en l’espace de sept ans. Cet afflux de devises a dopé la demande intérieure (consommation et investissement) qui a crû de près de 10 % en moyenne annuelle entraînant une hausse de 30 % des importations.

La croissance, qui a atteint 6,7 % en 2006 devrait rester élevée en 2007 à 6,4 % et ralentir modérément en 2008 autour de 5,2 %.

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19 3. Perspectives de croissance mondiale

Taux de croissance annuels, en %

1. Pondération selon le PIB et les PPA de 2005.

2. Croatie et Turquie.

3. Communauté des États indépendants.

Sources: FMI, OCDE, sources nationales, calculs et prévision OFCE avril 2007.

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Les nouveaux pays membres de l’UE profitent du redémarrage de l’économie allemande et de l’entrée massive d’IDE à la suite de leur adhésion à l’UE. Le risque de dérapage inflationniste s’amenuise, sauf en Hongrie, pays qui souffre de déséquilibres macroéconomiques persistants.

Dans leur ensemble, les nouveaux pays membres de l’UE auront connu une croissance record de 6,1 % en 2006. La croissance resterait dynamique en 2007 et 2008, progressant de 5,5 % et 5,1 % respectivement.

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4. Positions budgétaires aux États-Unis, en Europe et au Japon

* Opposée de la variation du solde structurel primaire. Un chiffre positif indique une politique budgétaire expansionniste.

Sources: Comptes nationaux, Eurostat, calculs et prévision OFCE avril 2007.

Le Japon, enfin, a vu sa croissance révisée à la baisse en 2005 et 2006. Avec une croissance de 2,2 % en 2006, la phase de reprise engagée en 2002 se poursuit, mais elle apparaît moins vigoureuse que lors de notre précédente prévision. Si 2006 a marqué la fin de la déflation au Japon, les effets de base liés au repli du prix du pétrole ont de nouveau entraîné le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation en territoire négatif en février 2007. Malgré l’assainis- sement de son secteur financier, le Japon peine à retrouver son rôle de leader du développement asiatique, plombé par une dette publique qui atteint 176 % du PIB en 2006 et une demande intérieure qui reste atone. L’effort budgétaire se poursuivra en 2007 et 2008, avec une

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impulsion cumulée négative de près de 1 point de PIB sur ces deux années (tableau 4). La croissance s’établira à 2,3 % en 2007 et 2,5 % en 2008 grâce à la poursuite du cycle d’investissement et au redémarrage de la consommation privée.

… ni celle de la zone euro plus autonome…

L’année 2006 a marqué le renouveau de la croissance dans la zone euro. Engluée dans une phase de croissance lente depuis l’éclatement de la bulle Internet, la zone euro a longtemps fait douter de sa capacité à récupérer des turbulences liées à l’éclatement de la bulle Internet, dans un environnement international pourtant très porteur.

Et c’est au moment où l’économie mondiale a donné des signes d’essoufflement, en particulier l’économie américaine, que la zone euro s’est engagée dans la phase de croissance post bulle qui avait profité plus tôt au reste du monde.

1. L’indicateur avancé*: la croissance quand même

L’année 2006 a été celle du renouveau conjoncturel de la zone euro. Hormis au troisième trimestre où la croissance s’est temporairement tassée, les taux de croissance trimestriels, proches de 1 %, ont rejoint des niveaux inconnus depuis le dernier pic cyclique de 2000 (tableau et graphique). L’indicateur a légèrement sous estimé l’ampleur du rebond en 2006, mais l’a annoncé dès le quatrième trimestre 2005 en suggérant que le passage à vide décrit par les comptes nationaux ce trimestre n’était que temporaire.

Les prévisions de l’indicateur ont été décevantes pour le quatrième trimestre 2006, 0,5 % contre 0,9 % selon les comptes nationaux, et n’incitent guère à anticiper pour le premier semestre 2007 un redressement des taux de croissance vers leurs niveaux de 2006. La vigueur de l’expansion au quatrième trimestre ne semble rien devoir à un effet « TVA allemande » qui aurait artifi- ciellement dopé la consommation outre-Rhin et que l’indicateur aurait été inapte

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* Pour une présentation de l’indicateur, voir Charpin F., « Indicateur à court terme de la zone euro », Revue de l’OFCE, n° 83, octobre 2002, pp. 229-242.

* prévisions de l’indicateur

Sources : Eurostat, calculs et prévisions OFCE.

Taux de croissance du PIB observé et prévu

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Sources: Eurostat, calculs et prévisions OFCE.

à retracer. Les achats d’anticipation en Allemagne ont bien eu lieu, mais plutôt au troisième trimestre qu’au quatrième où la consommation a fléchi. C’est le fort regain des exportations de la zone qui explique la vigueur de la croissance à la fin de l’année et force est de constater que l’indicateur n’a pu la retracer à sa juste mesure.

Le schéma de reprise autour duquel s’articulaient les prévisions de l’indi- cateur reposait principalement sur le dynamisme de l’enquête de conjoncture dans l’industrie. Ce dynamisme s’est estompé au second semestre 2006, en décalage avec les comptes nationaux, ce qui explique la mauvaise performance prédictive de l’indicateur au quatrième trimestre. Les hésitations du climat des affaires dans l’industrie au début de 2007 laissent attendre une poursuite de la dégradation de la contribution de l’enquête, qui, en partie sous l’influence du ralentissement américain, s‘annulerait puis deviendrait légèrement négative.

L’indice de confiance des consommateurs poursuivra son amélioration, mais à un rythme plus ralenti que par le passé, sous l’effet probablement de la hausse de la TVA en Allemagne. C’est par ce canal que pourrait donc transiter un éventuel effet défavorable de la hausse de la fiscalité outre-Rhin sur les prévi- sions. À la différence de la politique monétaire, qui apparaît moins accommodante que par le passé mais n’est pas restrictive malgré les hausses de taux par la Banque centrale européenne (BCE), le taux de change de l’euro contre le dollar contribue négativement à la croissance depuis le troisième trimestre 2006, accentuant l’impact d’un environnement extérieur désormais moins favorable.

Taux de croissance du PIB observé et prévu

En %, t/t-1

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La zone euro a éprouvé les plus grandes difficultés à s’extraire des désordres qui ont marqué le début de la décennie. La politique écono- mique en Europe est restée beaucoup plus frileuse qu’outre-Atlantique, où le volontarisme des politiques budgétaire et monétaire a rapidement sorti l’économie américaine de l’ornière. Au contraire, la réaction de la Banque centrale européenne a été timorée et la politique budgétaire est restée contrainte par le Pacte de stabilité et de croissance, condamnant la zone à l’inaction.

La faiblesse de la réactivité de la politique monétaire a retardé l’assai- nissement financier des entreprises qui supportaient des charges d’intérêt d’autant plus lourdes qu’elles étaient liées à un endettement excessif au sortir de la bulle. C’est finalement en 2006 que l’investis- sement et l’emploi se sont redressés, témoignant de la capacité retrouvée des entreprises à engager des dépenses. Par ailleurs, la dégra- dation des soldes publics en Europe a contraint les pays de la zone à mener des politiques budgétaires peu expansionnistes de 2001 à 2003, voire restrictives comme en témoignent les impulsions franchement négatives de 2004 à 2006.

Paradoxalement, le retard de l’Europe sur l’économie mondiale peut être vu comme de bon augure pour les deux années à venir.

Cette désynchronisation, qui a longtemps tenu la zone à l’écart du dynamisme extérieur, pourra cette fois jouer en sens inverse en préservant le sentier de croissance apparu en 2006 malgré la dégra- dation de l’environnement international et la force de l’euro. Le rôle prépondérant de la demande interne, avec une contribution de 2,5 points aux 2,8 % de croissance enregistrés par le PIB en 2006, conforte par ailleurs l’idée d’une autonomie grandissante de l’expansion européenne. Initiée par l’accélération de l’investissement productif en 2006, la reprise se poursuivra par la mise en place d’un cercle vertueux, le comportement plus offensif des entreprises en matière de dépenses d’investissement et d’embauche générant des revenus qui alimenteront l’impulsion de croissance initiale, le recul du chômage et la baisse du taux d’épargne.

Ce mécanisme aura d’autant plus de facilité à se mettre en place que les réserves de productivité accumulées au cours du ralentissement ont déjà été mobilisées au début de la phase de croissance actuelle.

Tout supplément de croissance devrait donc se traduire désormais davantage par des embauches que par une nouvelle accentuation de l’utilisation de la main d’œuvre. La création de revenu qui en découlera sera renforcée par la baisse du chômage qui, partant à l’heure actuelle d’un niveau inférieur de 3 points à celui de 1997, devrait se trans- mettre plus vite qu’à l’époque aux salaires individuels (voir dans ce dossier « NAIRU en zone heureuse »). Le constat, au dernier trimestre 2006, d’un retour du taux d’utilisation des capacités de production au niveau du pic de la fin 2000 fait écho à la situation de l’emploi : il

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laisse augurer une plus grande sensibilité de l’investissement productif aux stimulations de l’activité dans les trimestres à venir quand, dans le même temps, les conditions de financement resteront permissives.

La dette des entreprises atteint certes un niveau élevé, 65 % du PIB au troisième trimestre 2006 contre un précédent pic à 52 % au premier trimestre 1999, mais elle est assise sur des actifs plus solides et plus aptes à dégager des bénéfices qu’au moment de la bulle (encadré 2 « La situation des entreprises aux États-Unis et en Europe »). L’augmentation des profits en 2005 et 2006 en témoigne et est favorable à l’orientation des ressources, issues tant de l’autofi- nancement que de l’endettement, vers les dépenses en capital fixe dont la profitabilité restera attractive grâce au maintien des taux longs à un bas niveau.

La faible remontée des taux longs évitera aux pays de la zone euro, dans lesquels la hausse des prix de l’immobilier a été la plus vive depuis dix ans, une trop forte correction du marché comme celle en cours aux États-Unis. Le risque d’une transmission directe de la crise améri- caine à l’Europe est limité car les marchés immobiliers sont avant tout locaux et impliquent des acteurs majoritairement nationaux. La situation américaine, où le marché est gangrené par l’extension des crédits à risque, n’est donc pas transposable à l’Europe.

Même si une correction est probable en France et en Espagne du fait de l’arrêt de la baisse des taux longs, elle n’atteindra pas l’ampleur de celle observée aux États-Unis si les taux ne remontent que modérément. Et le marché immobilier allemand, resté complètement à l’écart de l’exubérance de ces dernières années, pourrait profiter d’un courant acheteur pour s’engager dans un mouvement de rattrapage.

Les risques de remontée du taux d’épargne dans les pays où il avait baissé du fait de la hausse de la richesse immobilière demeurent faibles.

Une marge de baisse du taux d’épargne subsisterait même du côté allemand si le marché immobilier sortait de sa torpeur.

Tous les ingrédients pour que le rebond de 2006 n’ait pas été qu’un feu de paille semblent réunis. Les contraintes qui avaient étouffé dans l’œuf les précédentes tentatives de reprise se sont desserrées. Les déficits publics se sont éloignés de la barre des 3 % du PIB en 2006, et la poursuite de l’assainissement budgétaire en 2007 et 2008 sera compatible avec le retour à une impulsion neutre des budgets (tableaux 5 et 6). Il est probable aussi que la hausse des taux d’intérêt prévue au deuxième trimestre 2007 marquera la fin du cycle de hausses entamé en décembre 2005. La politique monétaire cesserait certes d’être accommodante mais ne prendrait pas un tournant restrictif propre à briser la reprise (voir dans ce dossier « Politiques monétaires : à petits pas »).

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Naturellement, un dérapage de l’inflation remettrait en cause ce scénario monétaire. Mais ici encore, les inquiétudes passées n’ont pas de raison de ressurgir, et la faiblesse de la répercussion de la hausse de la TVA allemande sur l’indice des prix allemands est symptomatique de la faible réactivité des prix en Europe à des chocs a priori infla- tionnistes. Par ailleurs, la progression modérée des prix des matières premières industrielles et du pétrole, attendu à 63 dollars à la fin 2008, préviendront la résurgence de l’inflation.

Principalement fondée sur la dynamique interne, la croissance européenne bénéficiera aussi d’exportations dynamiques, malgré une demande adressée progressant ces deux prochaines années un peu moins vite qu’en 2006. L’appréciation de l’euro pourra être partiel- lement compensée par la maîtrise des prix à l’exportation de plusieurs pays de la zone, l’abondance des profits permettant aux entreprises de consentir des efforts sur leurs marges sans pénaliser leur capacité d’autofinancement (voir dans ce dossier « Commerce mondial : crois- sance sans remous »).

La croissance dans la zone euro en 2007 et en 2008 dépassera celle des États-Unis pour la première fois depuis 2001. On peut se réjouir d’une telle inversion car elle témoigne d’un incontestable « mieux » pour la zone, comme les performances de 2006 l’ont montré.

Cependant, elle provient aussi d’un fort ralentissement américain. La convergence des performances de croissance sera donc davantage obtenue avec un alignement par le bas des États-Unis sur le régime européen de ces dernières années qu’avec un alignement par le haut de la zone euro.

25 5. Écart entre réalisations en 2006 et Programme de stabilité

de décembre 2005 dans la zone euro

En % du PIB

Note: un impact négatif de la conjoncture prend le signe (–) car il détériore la composante cyclique du solde, une hausse de la charge d’intérêts prend le signe (–) car elle dégrade le solde public, une politique discrétionnaire expansive prend le signe (–) car elle réduit le solde structurel primaire.

Sources: Comptes nationaux, Programmes de stabilité, calculs OFCE.

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Mais même sans gloire pour l’Europe, cette redistribution de la crois- sance est susceptible d’alléger les déséquilibres mondiaux. La meilleure performance relative européenne, qui dopera la demande adressée aux États-Unis, amortira le ralentissement outre-Atlantique et contribuera à la réduction du déficit extérieur américain.

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6. Politiques budgétaires dans la zone euro

Sources: Comptes nationaux, Programmes de stabilité, calculs et prévision OFCE avril 2007.

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2. La situation des entreprises aux États-Unis et en Europe Sous l’effet de la publication des résultats des entreprises en nette augmen- tation, les indices boursiers ont connu une forte hausse entre la mi-juin 2006 et la fin février 2007, atteignant des niveaux proches de leur sommets histo- riques de 2000 : l’Eurostoxx a crû de 30 %, le CAC 40 de 25 % et le Dow Jones de 17 % (graphique 1). En revanche, fin février, les places financières mondiales ont connu un mini crack boursier, suite aux fortes turbulences inter- venues sur le marché boursier chinois : en l’espace de cinq séances, le Nikkei a dégringolé de 9 %, l’Eurostoxx de 7 % et le Dow Jones de 5 %. Depuis ce point bas, les indices, soutenus par des fondamentaux bien orientés, se sont progressivement redressés compensant cette chute brutale. Cependant, cette chute a marqué une hausse de la volatilité implicite des indices, ce qui montre un accroissement de l’aversion pour le risque des investisseurs inquiets quant à l’évolution future des bourses.

27 1. Indices boursiers

100 au 01/01/2006

Sources: Thomson Financial, calculs OFCE.

Suite au mini crack de fin février-début mars, la remontée des indices boursiers dans la zone euro a été plus forte que celle observée aux États-Unis, confirmant la tendance entamée depuis décembre 2006 d’une progression plus soutenue des places européennes qu’américaines, et ce malgré la hausse des taux d’intérêt à long terme dans la zone euro. Cette différence s’explique d’une part par les publications des résultats des entreprises, plus favorables dans la zone euro qu’aux États-Unis : les profits des sociétés cotées européennes ont connu en effet une croissance très soutenue au dernier trimestre 2006 (plus de 30 % en glissement annuel) alors que ceux réalisés par les entreprises améri- caines ont moins progressé (17 %) (graphique 2). D’autre part, les investisseurs

* Le PER est le rapport entre le cours d’une action et le bénéfice par action.

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semblent préoccupés par l’ampleur du ralentissement de l’immobilier aux États- Unis et son impact sur l’économie américaine alors qu’au contraire la zone euro profite de perspectives de croissance favorables. D’ailleurs, les anticipations des analystes concernant les bénéfices par action pour les douze prochains moins poursuivent leur tendance baissière aux États-Unis alors qu’elles ne baissent pas dans la zone euro. En février 2007, elles s’établissaient à 9 % pour la zone euro et à 7 % pour les États-Unis.

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2. Bénéfices des sociétés cotées

t/t-4, en %

Sources: Thomson Financial, calculs OFCE.

Alors que la très forte augmentation des indices boursiers de la fin de la dernière décennie s’est traduite par une forte hausse des Price Earning Ratio* (PER), la hausse des marchés boursiers depuis le point bas de 2003 n’a pas donné lieu à une augmentation rapide des PER dans la zone euro. Les PER aux États-Unis ont même baissé durant cette période. La dernière phase d’expansion des marchés boursiers de 1998 à 2000 reposait sur des perspectives de profits très élevés dans le secteur des nouvelles technologies qui ne se sont jamais produites, ce qui a conduit par la suite à un ajustement drastique des places financières. Contrairement à cette phase, la progression des indices boursiers de ces dernières années est plus en lien avec les fondamentaux de l’économie, les entreprises affichant une hausse rapide de leurs profits.

Les entreprises présentent une rentabilité élevée car elles profitent pleinement de la faiblesse du coût du crédit pour financer leurs investissements et leurs opérations financières (refinancement de leur dette, fusions-acquisitions, opérations de rachat avec effet de levier). Le faible coût de l’endettement est lié à la fois à des taux longs bas mais aussi à des primes de signature modérées sur les obligations privées. La solidité actuelle des bilans des entreprises, illustrée par le très bas niveau des taux de défaut en particulier dans les catégories les plus spéculatives, leur permet de bénéficier d’une bonne qualité de signature du crédit. Des emprunts bancaires bon marché par rapport à un coût des fonds propres relativement élevé (rachat d’actions aux États-Unis et politique de

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dividendes généreuse en Europe) a conduit les entreprises à recourir au crédit dès 2004 aux États-Unis et à partir de 2005 dans la zone euro. Le taux d’endet- tement brut des Sociétés non financières (SNF) de la zone euro a progressé de plus de 4 points de PIB depuis début 2005 pour s’établir à 60,9 % du PIB au troisième trimestre 2006. Le taux de croissance annuel des prêts consentis par les institutions financières et monétaires aux SNF de la zone euro continue d’accélérer et a dépassé 13 % en rythme annuel en janvier 2007, soit un rythme supérieur à celui atteint lors du pic précédent en 2000. Les entreprises ont donc utilisé le levier de l’endettement pour améliorer la rentabilité de leurs fonds propres (voir dans ce dossier « Des équilibres instables ») et poursuivre leur croissance externe, ce qui a soutenu les performances boursières. Dans la zone euro, le montant des opérations de fusions-acquisitions financées en numéraire ou par endettement, réalisées par des sociétés non financières, a atteint 270 milliards d’euros en glissement annuel à la mi-2006, soit un niveau proche de celui atteint en 2000 au moment du pic de la bulle Internet. Plus généralement, les indicateurs concernant les opérations de fusions-acquisitions de part et d’autre de l’Atlantique affichent un rythme soutenu.

Si à l’heure actuelle les entreprises affichent une rentabilité élevée, une remontée brutale des taux d’intérêt, un durcissement des conditions de crédit ou une dégradation de la qualité de la signature des emprunteurs pourraient conduire à une baisse rapide des bénéfices, notamment pour les entreprises exposées au risque de taux et ayant abusé des effets de levier. Les marchés financiers ne tarderaient pas alors à répondre en opérant une correction rapide des valeurs boursières. Dans un contexte de défiance des marchés, les entre- prises seraient alors contraintes de se désendetter, ce qui aurait indéniablement des conséquences sur l’économie, notamment en matière d’investissement.

… à condition d’éviter un dérapage du dollar

La conjoncture est donc plutôt favorable à un atterrissage en douceur et à une redistribution géographique de l’activité en 2007.

Cependant, la situation n’est pas exempte de risques. L’équilibre de la croissance mondiale repose sur une abondance de liquidités qui permet de financer à bas coût le déficit courant américain. Échaudés par les crises financières de la fin des années 1990, les pays en développement sont contraints de maintenir une épargne élevée afin d’accumuler des réserves de change qui leur permettent de préserver la stabilité de leurs taux de change et de se prémunir contre d’éventuelles attaques spécu- latives. L’épargne dégagée par les pays asiatiques et les pays producteurs de pétrole finance la croissance américaine et explique le bas niveau des taux longs. Elle a permis aux États-Unis de financer leur déficit en évitant une dépréciation significative du dollar.

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1. Moyenne sur la période. 2. Variation par rapport à la période précédente, en %. Sources: Taux de change et pétrole : relevé des cotations quotidiennes. Taux courts à 3 mois : certificats de dépôts aux États-Unis, EURIBOR pour la zone euro, taux interbancaire au Japon et au Royaume-Uni. Taux longs : T-Bond à 10 ans aux États-Unis, Benchmark à 10 ans au Japon, cours moyen des obligations d’État à 10 ans pour la zone euro, obligations d’État à 10 ans au Royaume-Uni. Matières premières industrielles : indice HWWA (Hambourg). Prévision OFCE avril 2007.

7. Principales hypothèses de taux de change, taux d'intérêt et matières premières

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Mais des taux d’intérêt bas en phase de reprise économique ne sont pas exempts d’effets pervers. Une situation de surévaluation est apparue sur les marchés immobiliers de nombreux pays et la baisse des prix en cas de remontée brutale des taux d’intérêt pourrait déstabiliser les économies des pays concernés. Le bas coût du financement a encouragé l’endettement des entreprises, en particulier via les opérations de LBO (Leverage By Out) (acquisitions d’entreprises avec effets de levier), qui atteint aujourd’hui un niveau très élevé. L’économie mondiale a développé une sensibilité accrue aux mouvements de taux d’intérêt et l’équilibre actuel pourrait s’effondrer comme un château de cartes si l’un des piliers se fissurait.

Or la conduite de la politique monétaire américaine est devenue un exercice périlleux. D’une part le marché immobilier américain se retourne, privant la consommation des ménages du soutien des mortgage loansqui avaient pour collatéral un bien immobilier, et d’autre part les tensions inflationnistes sont toujours présentes. La baisse du chômage a induit l’accélération des salaires, et des risques géopolitiques (nucléaire iranien…) ou une accélération de la demande en matières premières pourrait conduire à une nouvelle flambée des prix du pétrole.

Le principal risque est donc celui d’un resserrement des taux d’intérêt, qui pourrait plonger l’économie américaine en récession. Les consé- quences s’enchaîneraient alors comme un parcours de dominos et affecteraient l’économie mondiale. Tout d’abord une croissance plus faible aux États-Unis détériorerait la soutenabilité du déficit courant américain, qui atteignait 5,8 % du PIB au troisième trimestre 2006. Le dollar, jusqu’à présent soutenu par des anticipations de croissance robuste de l’économie américaine, pourrait dévisser, passant au dessus du seuil de 1,35 dollar pour un euro. Ce décrochage du dollar entraî- nerait un retournement des anticipations des intervenants sur le marché des changes. En particulier, les investisseurs détenant des positions ouvertes en yen sous forme de carry trade couperaient leurs positions afin de se prémunir contre les pertes liées à la dépréciation de la monnaie dans laquelle ils ont investi. Cette fuite soudaine et massive de capitaux précipiterait la chute du dollar. Cette chute pourrait être accentuée par une diversification des réserves de change des pays asiatiques, qui ne verraient plus dans le dollar une monnaie de réserve suffisamment solide.

Un tel décrochage du billet vert aurait des conséquences très domma- geables pour l’économie mondiale (voir dans ce dossier « Des équilibres instables »). Pour les États-Unis, elles se limiteraient à un risque d’inflation importée qui pourrait se traduire par de nouvelles hausses de taux, alimentant le mécanisme décrit ci-dessus. Mais pour le reste du monde et l’Europe en particulier, l’appréciation de l’euro accentuerait les pertes

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de parts de marché à l’exportation. Privée d’un moteur de croissance externe, la reprise en cours en Europe pourrait bien tourner court.

D’autant que le vieux contient serait également affecté par la hausse des taux longs, dont les évolutions sont très corrélées aux taux américains.

Les marchés immobiliers espagnol et français pourraient se retourner, les marchés boursiers corrigeraient privés du soutien des LBO et de la dégradation des perspectives de profit. La recrudescence des faillites de ménages ou d’entreprises surendettés engendrerait la hausse des primes de risque et l’on pourrait assister à un credit crunch. Il faudrait alors beaucoup plus qu’un simple retournement de tendance sur le marché des changes pour rétablir la situation.

Mais si les conséquences sur la croissance de ce scénario

« catastrophe » seraient négatives, il permettrait au moins la résorption d’une partie des déséquilibres mondiaux. Les marchés immobiliers retrouveraient des niveaux de valorisation plus conformes au pouvoir d’achat des ménages, le déficit courant américain se résorberait sous la double influence d’une moindre croissance aux États-Unis et d’une compétitivité-prix accrue des exportations américaines et les excédents commerciaux des pays asiatiques diminueraient, incitant ceux-ci à privi- légier une croissance davantage tirée par la demande interne.

Achevé de rédiger le vendredi 13 avril 2007.

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