G ERGONNE
Élémens du calcul. De l’identité entre les produits qui résultent des mêmes facteurs différemment multipliés entre eux
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 1 (1810-1811), p. 52-58
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ÉLÉMENS DU CALCUL.
De l’identité
entreles produits qui résultent des mêmes
facteurs différemment multipliés
entre eux.Par M. G E R G O N N E.
ON
sait que, dans unemultiplication numérique ,
onpeut ,
sanschanger
la valeurdu produit, prendre
lemultiplicande
pour mul-tiplicateur ,
etréciproquement ;
etqu’en général, lorsqu’on
veutdéterminer le
produit
deplusieurs facteurs ,
on peut, àvolonté , in- tervertir,
d’une manièrequelconque,
l’ordre desmultiplications qui
doivent conduire au résultat
qu’on
se proposed’obtenir.
Une
expérience qui
ne s’étaitjamais démentie,
etpeut-être
aussila difficulté
qu’on éprouvait à
démontrer cetteproposition
d’une ma-nière
satisfaisante ,
l’a fait admettrependant long-temps
aunombre
des
propositions
évidentes d’elles-mêmes. Cen’est
seulement que dans ces dernierstemps qu’en y
refléchissantmieux ,
on a com-mencé à
apercevoir
que, loin depouvoir
être classéeparmi
lesaxiomes ,
elle offre aucontraire ,
dans sonuniversalité,
un fait nonmoins
singulier qu’il
estimportant,
etqui
serait même pour nousun
sujet
desurprise si ,
en cette rencontre comme enbeaucoup
d’autres,
l’habitude de voir ne devenait un obstacle à notre éton- nement.Il n’est personne , à la
vérité , parmi
ceux àqui
lesnombres
sonttant soit peu
familiers, qui n’aperçoive
d’unepremière
vue que .2pris 3 fois,
et 3pris 2 fois ,
fontégalement 6 ; que
3pris 4 fois ,
et4 pris
3fois,
fontégalement
I2, et ainsi du reste ; mais il n’estpoint
du tout évident que , parexemple ,
il revienne au même d’a-jouter
235 fois à lui-même le nombreI73,
oud’ajouter
172 foisà lui-même le nombre
236;
et ces deuxopérations ,
soitqu’on
yprocède
par addition ouqu’on
y fasse usage de lamultiplication
dittèrent
trop
dans leur marche pourqu’on puisse prévoir
àl’avance
si
déja
l’on n’en étaitaverti , quelles
doivent conduire au même résultat. Aplus
forte raison la chose cesse - t - elle d’être claire d’elle -même,
si l’on admet deplus grands
facteurs et enplus grand nombre,
et elle le devient encoremoins,
si l’onprend
des facteurs fractionnaires ou irrationnels. Cettepropriété
est même tellementinhérente à la
qualité
abstraite desnombres, qu’elle
cesse d’être vraie du momentqu’on
les endépouille. Ainsi ,
parexemple,
tandis que lamultiplication
d’uneligne
par un nombre abstrait est uneopération parfaitement intelligible
et facilement exécutable avec larègle
etle compas , celle d’un nombre
abstrait par
uneligne n’est ,
aucontraire, qu’un
être de raison.On a donc très-bien fait de chcrc11er à
démontrer ,
dans les livresélémentaires,
que leproduit
deplusieurs facteurs
se compose de la même manière de chacun de cesfacteurs,
et en estconsdquemment unefonction symétrique; mais ,
desdémonstrations qu’on
a donnéesjusqu’ici
de ceprincipe ,
laplupart manquent
derigueur ,
degénéra-
lité ou de
simplicité ,
et les autres sont de véritablesparalogismes.
C’est ce
qui
me détermine àprésenter
ici celle que ,depuis plusieurs
années, j’ai adoptée
dans mes cours, etqui
meparait
ne rien laissera désirer.
Il est une vérité d’un ordre
plus élevé , qui
abeaucoup d’analogie
avec celle -
la,
etqui peut
être démontrée par le même tour deraisonnement ; je
veuxparler
de l’identité entre les résultatsauxquels
on
parvient,
dans la différentiation des fonctions deplusieurs variables ,
en intervertissant d’une manière
quelconque
l’ordre des différentiations successives: identitéqui , pendant long-temps ,
a aussi été admise54
sans être
prouvée ; j’en
diraiquelque chose, après
quej’aurai développa
la démonstration que
j’ai principalement
en vue.Cette démonstration suppose
qu’on
se soitdéjà
assuré de la vérité de laproposition
pour lesproduits
de deux et ceux de trois facteursentiers. Le moyen le
plus
naturel et leplus simple d’y parvenir
est
peut-être
de recourir à des considérationsgéométriques ,
commel’a fait M.
Legendre,
dans son Essai sur la théorie des nombres(I),
etcmnme
je
le faisaisdéjà,
dans mescoursavantque
ce savant ouvrage me fûtconnu. Afin de
présenter
ici une théoriecomplète, je
vais d’abord traiterces deux cas
particuliers,
aussi brièvementqu’il
me serapossible.
Deux facteurs ne
peuvent
êtremultipliés
l’un par l’autre que de deux manièresdifférentes,
parcequ’il n’y
a que deux manières de choisir entre eux lemultiplicateur ,
et que , le choixfait,
lemultiplicande
setrouve
de lui-même déterminé.Quant
à troisfacteurs ,
onpeut
enformer
leproduit
de six manièresdifférentes,
parce
qu’il
y a trois manières de choisir entre eux le dernierfacteur ,
et que, dans
chaque
cas , il y a deux manières de former leproduit
des
deux premiers.
Si donc on prouveque
deux facteurspeuvent
donner deuxproduits,
et troisfacteurs,
sixproduits qui
soientégaux,
il seraprouvé
que tous lesproduits,
soit dedeux ,
soit detrois
facteurs,
sontégaux
dequelque
manièrequ’on
les forme.Or,
soitpremièrement
unrectangle
dont on ait divisé les deux côtés d’un mêmeangle
enplusieurs parties ;
que l’onconçoive,
par lespoints
de division de chacun de cescôtés,
desparallèles
àl’autre,
ces droites diviseront le
rectangle
total enrectangles partiels
dontle nombre sera le
produit
du nombre de ceuxqui
reposeront sur la base par le nombre des divisions de lahauteur ;
et, comme ilen reposera autant sur cette base
qu’elle
aura dedivisions,
on pourradire , plus simplement, que le
nombre desrectangles partiels
estle
produit
du nombre des divisions de la base par le nombre de(I) Voyez
pages 2 et suivantes.celles de la
hauteur;
et , comme onpeut prendre
indiheremment pour hau- teur chacun des côtesdivises,
il enrésulte
que le nombre de cesrectangles
pourra êtreexprimé
par deuxproduits
des mêmes fac-teurs, et que
conséquemment
deux semblablesproduits
sontégaux.
Soit ,
en secondlieu ,
unparallélipipède rectangle
dont on aitdivisé les trois arêtes d’un même
angle
enplusieurs parties ;
que l’onconçoive,
par lespoints
de division dechacune,
desplans parallèles
à la facequi
contient les deux autres , cesplans
divise-ront le
parallélipipède
total enparallélipipèdes partiels
dontle
nombre sera le
produit
du nombre de ceuxqui reposeront
sur la base où, cequi
revient aumême,
du nombre desrectangles compris
dans cette
base ,
par le nombre- des divisions de lahauteur ; mais
cette hauteur
peut
être indifféremment chacune des arêtesdivisées,
et , danschaque
cas , le nombre desrectangles compris
dans la basepeut, d’après
cequi précède,
être évalué de deux manières dif-férentes ;
d’où l’on voit que le nombre desparallélipipèdes partiels, compris
dans leparallélipipède total,
pourra êtreexprimé
par sixproduits
des trois mêmesfacteurs,
et queconséquemment
sixsemblables
produits
sontégaux.
Ayant
ainsiprouvé
que lesproduits
de deux et de trois facteurssont
toujours égaux,
dequelque
manièrequ’on procède
à leur for-mation , je
vais démontrer maintenant que , si l’on était assuréqu’il
en fût ainsi pour les
produits
de n-2 et pour ceux de n2013Ifacteurs,
on serait en droit d’en conclure que la
proposition
est vraie aussipour les divers
produits
que l’onpeut
former avec n facteursdonnés.
Soient en effet
comparés
entre eux deuxquelconques
de ces pro-duits ;
ou ils auront le même dernierfacteur ,
ou bien le dernier facteur sera différent dans chacun. Dans lepremier
cas , l’avant-dernier
produit
sera le même depart
etd’autre, puisqu’il
pro-viendra de la
multiplication
des n2013I mêmesfacteurs;
on auradonc , de part
etd’autre, à
la dernièremultiplication,
mêmemultiplicande
et même
multiplicateur
etconséquemment
même résultat.Si,
aucontraire ,
le dernier facteur n’est pas le même dans lesPRODUITS
deux
produits ,
on pourra , sans rienchanger
à leurvaleur ,
amener à l’avant-dernièreplace ,
danschacun ,
le facteurqui
se trouve ledernier dans
l’autre ;
car on ne fera .ainsiqu’intervertir
l’ordre desmultiplications
entre les n - i mêmesfacteurs ; alors ,
depart
etd’autre ,
les deux derniers facteurs seront lesmêmes,
et sepré-
senteront seulement dans un ordre
inverse;
et comme, depart
et d’autreaussi,
les facteursqui précéderont
les deux derniers seront lesmêmes
, et en nombre n 2013 2, ils donneront le mêmeproduit :
considérant donc ce
produit
comme un mêmepremier facteur,
il restera à former deux
produits
des trois mêmesfacteurs y produits qui , d’après
cequi précède,
seront nécessairementégaux.
Il est donc
prouvé
maintenant que laproposition
serait vraie pour nfacteurs,
si l’on était certainqu’elle
le fût pour n - 2 etn 2013 i
facteurs; mais, puisqu’elle
est vraie pour 2 et 3facteurs,
elledoit l’être
pour 4 ;
l’étantpour 3
et4 ,
elle le sera pour5,
et ainsi desuite : elle est donc
générale.
Voilà pour ce
qui
concerne les nombresentiers,
considérés abs- traction faite de leursigne ;
et , comme il est aisé de prouver, ilpriori,
que le
signe
duproduit
deplusieurs
facteursdépend uniquement
dunombre des facteurs
négatifs,
et nonpoint
du rang suivantlequel
ilsse
présentent ,
on enpeut
conclure que , même enayant égard à
leur
signe ,
leproduit
deplusieurs
facteurs entiers est encore unefonction symétrique
de cesfacteurs ; enfin,
lesrègles
de la multi-plication
desfacteurs ,
soitfractionnaires ,
soitradicaux , prouvent
quele même
principe
leur estégalement applicable..
De là il est facile de
conclure ,
I.° que, siplusieurs
nombres doi- pent êtrecombinés
entre euxuniquement
par foie demultiplication
et de
division, on peut intervertir,
comme on levoudra,
l’ordredes
opérations qui
doivent conduire aurésultat,
pourvuqu5on opère
constamment de la même manière avec les mêmes
nombres;
2.° que., si l’on doit élever successivement un même nombre à diversespuis-
sances, et en extraire diverses
racines,
onpeut aussi,
sans altérerle
résultat final, intervertir,
commeon levoudra,
l’ordre desopérations.
Voici
Voici encore une autre
proposition dépendant
des mêmesprincipes.,
et
qui,
bienqu’on
la suppose tacitement dans une multitude de cal-culs,
ne se trouve néanmoins démontrée ni même énoncéenulle part:
c’est que , si l’on a à
former
leproduit
deplusieurs f acteurs ,
onpeut,
pourparvenir
aubut,
distribuer d’abord cesfacteurs
enplu-
sieurs groupes,
prendre
ensuiteséparément
leproduit
desfacteurs
de
chaque
groupe, etmultiplier enfin
entre eux lesproduits
ainsidéterminés.
Supposons ,
eneffet, qu’il soit question
de prouver queon y
parviendra
par cette suited’équations, conséquences
nécessaires les unes des autres , et duprincipe
fondamental que nous avonsétabli :
lesquelles ,
étantmultipliées
entreelles , donneront ,
par lasuppres-
sion des facteurs
identiquement
les mêmes dans les deuxmembres, l’équation qu’il s’agissait
d’établir. Enprocédant
deproche
enproche
on
parviendra
à prouvergénéralement
queabc ... ka’b’c’...k’a"b"c"... kif.. =
(abc ...
k) (a’b’c’. ...k’) (a"b"c"... k") ...Je revient actuellement aux coefficiens différentiels des fonctions de
plusieurs
variables. Soit z une fonction de tant devariables t,
u, v,...qu’on voudra ;
on prouverafacilement ,
par lacomparaison
des divers
développemens
dont la fonction variée relative a deux et à troisvariables
estsusceptible ,
queTom. I. 8
58 PRODUITS FACTEURS.
et que
et, une fois la vérité de ces
propositions
reconnue , un raisonnement absolumentpareil à
celuiqui
a étéappliqué plus
haut auxproduits
des facteurs entiers et
positifs,
dont le nombre excèdetrois ,
prouveraque
généralement la forme
d’uncoefficient différentiel
d’unefonction, quel
que soit l’ordre de cecoefficient,
etquelles
que soient les va- riablesauxquelles
il estrelatif,
est tout àfait indépendante
de lamanière dont on
fait
succéder les unes auxàutres
lesdifférentia-
lions nécessaires pour l’obtenir.
STATIQUE.
Sur
unenouvelle forme de l’équation de la chaînette uniformément pesante.
Par M. G E R G O N N E.
ON
saitqu’en désignant
par x les coordonnéeshorisontales,
et pary les coordonnées
verticales ,
etprenant x
pour la variableindépen-
dante, l’équation
différentielle de la chaînette uniformément pe-sante est :
dans
laquelle b
est une constante arbitraire.On