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Le Courrier des addictions (20) – n° 1 – janvier-février-mars 2018 16

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Dépendances aux médicaments opioïdes : quelle prise en charge ?

Treatment of prescribed opioids

Alain Dervaux*, Benoît Letiers**

REVUE SYSTÉMATIQUE COCHRANE

Il s’avère qu’une revue systématique de la lit- térature du réseau Cochrane a récemment été publiée  (4) . Elle comprenait six études randomisées contrôlées, ayant évalué l’effi cacité des traitements substitutifs oraux (TSO) chez les sujets dépendants aux médicaments opioïdes détournés, répertoriées jusqu’à mai 2015.

Trois études ont montré que la fréquence de consommation d’opiacés durant les 30 derniers jours chez les patients était plus faible chez les sujets recevant de la buprénorphine que ceux traités par sevrage simple ou prise en charge psychologique seule (RR = 0,54 ; IC 95 : 0,31-0,93).

Les dosages des toxiques urinaires étaient moins fréquemment positifs (RR = 0,63 ; IC 95 : 0,43-0,91) [faible niveau de preuve].

Trois études ont montré qu’un traitement par buprénorphine était plus efficace qu’un traitement par sevrage ou prise en charge psychologique quant à la rétention dans les soins (RR = 0,33 ; IC 95 : 0,23-0,47) et quant à la survenue d’eff ets indésirables (RR = 0,19 ; IC 95 : 0,06-0,57) [faible niveau de preuve].

Deux ont montré que la fréquence de consommation d’opioïdes rapportée par les patients était similaire chez les sujets recevant de la buprénorphine et ceux recevant de la métha- done (RR = 0,37 ; IC 95 : 0,08-1,63) [niveau de preuve intermédiaire]. Les dosages de toxiques urinaires étaient également comparables dans les deux groupes (RR = 0,81 ; IC 95 : 0,56-1,18).

Trois ont montré que le maintien de l’abs- tinence était comparable chez les sujets rece- vant de la buprénorphine et ceux recevant de la méthadone (RR = 0,69 ; IC 95 : 0,39-1,22) [faible niveau de preuve].

Deux ont montré que la survenue d’effets indésirables était comparable chez les sujets rece- vant de la buprénorphine et ceux recevant de la méthadone (RR = 1,10 ; IC 95 : 0,64-1,91) [faible niveau de preuve]. Dans certains essais contrôlés, notamment celui de D.A. Fiellin et al., et dans les études observationnelles analysées dans la revue Cochrane, les traitements par buprénorphine étaient généralement associés à de la naloxone  (5) . Les auteurs de la revue Cochrane ont conclu :

Que les traitements substitutifs par buprénor- phine sont plus effi caces que le sevrage ou les prises en charge psychologiques isolées.

Que la méthadone et la buprénorphine ont une effi cacité comparable.

ÉTUDES RÉCENTES : DEPUIS JUIN 2015

Depuis cette méta-analyse, d’autres études ont été publiées. Une étude de S. Nielsen et al.  (6) a retrouvé que :

Les détournements de type “Purple Drank”, une association de dérivés codéinés, d’antihistaminiques et de soda à la mode chez les adolescents, ayant conduit à plusieurs cas de décès par surdose très médiatisés, ont incité les autorités françaises à interdire la vente libre en pharmacie de certains médicaments opioïdes. Un arrêté ministériel, en lien avec la Direction générale de la santé (DGS) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), a inscrit en juillet 2017 tous les médicaments opioïdes contenant de la codéine, du dextrométhorphane, de l’éthylmorphine et de la noscapine sur la liste des médicaments à prescription obligatoire. De ce fait, de nombreux sujets dépendants aux opioïdes détournés de leur usage thérapeutique, y compris des patients douloureux chroniques, sont venus consulter dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou les services spécialisés en addictologie.

En outre, ces événements sont survenus dans un contexte d’abus d’opioïdes et d’un nombre très important de décès par surdose aux États-Unis (45 000 entre février 2016 et janvier 2017) [1]. Enfi n, l’usage croissant de fentanyl détourné et des dérivés fentanyloïdes, substances opioïdes 100 à 10 000 fois plus puissantes que la morphine, disponibles sur Internet et à l’origine de très nombreuses surdoses en Amérique du Nord, notamment au Canada, et en Estonie, a soulevé de nombreuses inquiétudes (2, 3). Comme les cannabinoïdes de synthèse et les cathinones, les fentanyloïdes sont des nouveaux produits de synthèse (NPS) fabriqués clandestinement. Peu de travaux ont abordé la question des prises en charge spécifi ques des sujets dépendants aux médicaments opioïdes, par rapport à ceux dépendants à l’héroïne. Nous avons effectué une revue systématique de ces études.

* Service de psychiatrie et addictologie de liaison, CHU Sud, Amiens.

** Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances (GRAP - équipe de recherche INSERM ERI 24), Amiens.

Mots-clés : Dépendances - Opioïdes - Médicaments

Keywords: Dependences - Opioids - Drugs

While opioid medications were sold OTC until July 2017, policy makers in France changed the regulation of codeine, dextromethorphan, ethylmorphine and noscapine. The prescription of these opioids by a physician became mandatory prescribed, due to the spread misuse of opioids (such as “purple drunk”, very common among teenagers). Several deaths by opioid overdose were reported. As a result, many patients with prescribed opioids use disorders sought treatment in substance abuse settings.

Few studies investigated specific treatments regarding patients with prescribed opioid use disorders.

We performed a systematic review of these studies. A recent Cochrane review suggested that replacement therapies, coupled with psychosocial treatment, were the best treatment option for patients with opioid use disorders. Since June 2015, several studies have shown that opioid agonist treatments were effective for pharmaceutical opioid dependent people compared to taper or psychological treatment alone. Both methadone and buprenorphine-naloxone are more effective than abstinence-based treatment. There is a lack of specific data for fentanyl or non pharmaceutical fentanyl dependent people.

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La prescription au long cours d’un TSO était associée à une diminution de la consommation de médicaments opioïdes et à une meilleure adhérence aux traitements et aux psychothé- rapies, par rapport aux sevrages ou aux psycho- thérapies seules.

Le traitement substitutif par méthadone n’était pas supérieur au traitement par bupré- norphine (niveau de preuve faible à inter- médiaire).

A. Srivastava et al. ont publié récemment une mise au point destinée aux médecins généra- listes canadiens, particulièrement confrontés à la recrudescence d’opioïdes détournés, notam- ment au fentanyl (7). Ils ont recommandé la buprénorphine-naloxone en première inten- tion chez les sujets présentant des troubles de l’usage des opiacés (critères DSM-5). En effet, la buprénorphine- naloxone était plus efficace qu’un sevrage seul (niveau de preuve II : 1 ou 2 essais randomisés contrôlés), avec des taux de rétention dans les soins plus élevés (66 % à 14 semaines) par rapport au sevrage ou à la psychothérapie seule (11 %) et du potentiel de détournement plus limité (niveau de preuve IV : faible niveau de preuve scientifique). Plusieurs études de cohortes non randomisées ont également retrouvé que les patients dépendants aux opioïdes détournés recevant de la buprénorphine-naloxone présen- taient un taux de rétention suffisamment satis- faisant (de 59 à 65 %) [8, 9]. A. Srivastava et al.

ont souligné que la méthadone pouvait de toute façon être utilisée en cas de difficultés avec la buprénorphine-naloxone, traitement plus faci- lement maniable que la méthadone en médecine de ville.

D’autres études comme celles de RD. Weiss et al.

et BE. McCabe et al. vont dans le même sens, sans associer nécessairement de la naloxone à la bupré- norphine dans des groupes importants de patients (n=870) [10, 11]. Enfin, une étude complémentaire de RD. Weiss et V. Rao a retrouvé que 49 % des patients sous buprénorphine-naloxone étaient abstinents contre seulement 7 % des patients sevrés par décroissance progressive de 4 semaines (12).

EN MILIEU PÉNITENTIAIRE

En milieu carcéral, une revue systématique de la littérature a conclu que la buprénorphine-na- loxone était recommandée en raison de la fréquence très importante de mésusage, par voie intranasale (sniff), de la buprénorphine (13).

TRAITEMENTS

PAR ANTAGONISTES OPIACÉS

Une étude de G.E. Woody a montré que les patients dépendants aux médicaments opioïdes, et ne souhaitant pas recevoir de traitement de substitution agonistes des récepteurs opiacés

mu cérébraux, pouvaient être aidés par des médicaments antagonistes de ces récepteurs, comme la naltrexone. Les sujets dépendants aux médicaments opioïdes détournés sont générale- ment plus insérés socialement (certains méde- cins, par exemple) et plus à même de recevoir de la naltrexone que les usagers d’héroïne (14).

DES SPÉCIFICITÉS POUR LE FENTANYL ET LES FENTANYLOÏDES ?

Aux États-Unis, le taux de sujets pris en charge pour dépendance au fentanyl ou aux fentany- loïdes est passé de 9 à 15 %, entre 2013 et 2016, dans une population dépendante aux opioïdes (15). Cependant, aucun essai contrôlé n’a été mené spécifiquement chez ces sujets, et aucun n’est recensé à ce jour sur ClinicalTrials (https ://clinicaltrials.gov). Dans une étude de cas, un patient douloureux chronique recevant des patchs de fentanyl à hautes doses et dépendant a été substitué par buprénorphine. Néanmoins, il a rapidement été perdu de vue, en raison de douleurs chroniques mal contrôlées (16).

AUTRES TRAITEMENTS

Dans la littérature, il n’y a pas de spécificité des autres traitements, notamment psychothéra- peutiques, pour les addictions aux médicaments opioïdes détournés. La prise en charge psychoso- ciale y est systématiquement associée (17). Très peu d’études ont exploré la fréquence des troubles psychiatriques et des troubles de la personnalité dans cette population. Dans les études épidé- miologiques comme la NESARC (pour National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions), les sujets dépendants aux opiacés illégaux, comme l’héroïne, n’étaient pas distingués des sujets dépendants aux opioïdes détournés.

On peut cependant imaginer que les comorbi- dités sont très fréquentes, comme dans toutes les addictions. Par conséquent, la prise en charge des troubles psychiatriques, des addictions associées et des troubles de la personnalité est nécessaire et intégrée dans le traitement de ces patients. Pour les patients douloureux chroniques, la prévention devrait être accentuée, notamment en repérant les sujets les plus à risque (17).

CONCLUSION

Plusieurs études ont retrouvé que les TSO étaient efficaces chez les sujets dépendants aux médica- ments opioïdes par rapport au sevrage ou à une prise en charge psychologique seule, avec un niveau de preuve intermédiaire. La méthadone et la buprénorphine ont une efficacité comparable.

D’après plusieurs auteurs, la buprénorphine,

associée ou non à de la naloxone, serait plus intéressante en médecine de ville. Il manque cruellement de données spécifiques pour les patients dépendants au fentanyl et aux fentany- loïdes. Il serait important de mener des études spécifiques sur les comorbidités psychiatriques, en particulier la dépression, les troubles de person- nalité et la douleur, dans ces populations.

A. Dervaux déclare des liens d’intérêts avec AstraZeneca, Janssen, Lundbeck, Indivior et Otsuka, sans rapport avec cet article.

B. Letiers déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliograhiques

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