C AHIERS DE
TOPOLOGIE ET GÉOMÉTRIE DIFFÉRENTIELLE CATÉGORIQUES
« Charles Ehresmann : 100 ans »
Cahiers de topologie et géométrie différentielle catégoriques, tome 46, n
o3 (2005), p. 163-239
<http://www.numdam.org/item?id=CTGDC_2005__46_3_163_0>
© Andrée C. Ehresmann et les auteurs, 2005, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Cahiers de topologie et géométrie différentielle catégoriques » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
"CHARLES EHRESMANN : 100 ANS"
Amiens, 7-9 Octobre 2005
CAHIERS DE TOPOLOGIE ET
GEOMETRIE DIFFERENTIELLE CATEGORIQUES
Volume XL VI-3 (2005)
Ce fascicule des "Cahiers" est consacré à la
publication
des résumés des conférences données auColloque
International "Charles Ehresmann : 100ans", organisé
à Amiens àl’occasion du
1 OOeme
anniversaire de la naissance de Charles(1905-1979).
Les articlesdéveloppés s(er)ont publiés
sur le site internet consacré à Charles:http://perso.wanadoo.ft/vbm-ehr/ChEh Sur Charles
Charles a été un mathématicien intemationalement connu dont les travaux sont à
l’origine
de
plusieurs
notions fondamentales enTopologie (espaces
fibrés localementtriviaux,
variétés
feuilletées),
en Géométrie Différentielle(théorie
desjets, connexions, prolonge-
ment des variétés
différentiables),
en Théorie descatégories (structures locales, catégories internes,
théorie desesquisses).
Ces travaux lui ont valuplusieurs prix
de l’Académie desSciences,
et il a été nommé Docteur Honoris Causa de l’Université deBologne
en 1967.Ils sont
réimprimés
avec des commentaires les actualisant dans les 7 volumes de"Charles Ehresmann : OEuvres
complètes
et commentées"(Amiens, 1980-83).
Son oeuvre a eu et a encore de nombreuses
applications
non seulement dans diverses bran- ches desMathématiques,
mais aussi enPhysique Théorique,
enInformatique,
en Théoriedes
Systèmes
et enBiologie.
Fondateur des "Cahiers" en
1958,
Charles en est resté le Directeurjusqu’à
sa mort.Il a été successivement Professeur à l’Université de
Strasbourg,
à l’Université de Parispuis
Université Paris VII
(de
1957 à1975),
enfin à l’Université de Picardieaprès
sa retraite en1975. Ce
colloque
a lieu à Amiens car il s’estbeaucoup
investi dans cette dernière univer- sité àpartir
de1970, co-dirigeant
avec moil’équipe
de recherche "Théorie etApplications
des
Catégories,
Paris-Amiens"qui
aorganisé
à Amiensplusieurs
rencontres internationa- les. En reconnaissance de cetteimplication qui
aimpulsé
ungrand dynamisme
à la re-cherche
mathématique
àAmiens,
son nom a été donné à unamphithéâtre
de l’Université de Picardie Jules Veme.Le Colloque
Il se déroule sur 3
jours (7-9
Octobre2005).
Lepremier jour
est consacré à desrappels
d’intérêt
général
sur la vie et l’oeuvre deCharles,
ainsi que sesprolongements.
Pendant les deuxjours suivants,
3 sessions sontorganisées
enparallèle :
Session 1.
Topologie
et GéométrieDifférentielle,
Session 2. Théorie des
Catégories,
sous la forme d’une session du SIC(Séminaire
Iti-nérant des
Catégories, organisateur
ElisabethVaugelade), conjointe
à la82ème
session duPSSL
(Peripatetic
Seminar on Sheaves andLogic).
Session 3.
Applications multidisciplinaires
sous la forme duSymposium
ECHO Vdont les
co-organisateurs
sont :George
Farré(Washington),
Andrée Ehresmann et Jean- Paul Vanbremeersch(qui
avaientdéjà organisé
ECHO 1 à Amiens en1996).
Les résumés des conférences
publiés
dans ce fascicule sontregroupés
en 3parties :
Lesrésumés suivants directement ce texte sont relatifs à la
première journée,
en deuxièmepartie
se trouvent ceux des sessions 1 et 2(il
manque les résumés de 3 auteursqui
ne noussont pas parvenus à
temps
pour lapublication),
en troisièmepartie,
ceux de la session3,
ECHO V. Dans
chaque partie,
les résumés sont ordonnés dans l’ordrealphabétique
deleurs auteurs.
Remerciements
Ce
Colloque
nepourrait
avoir lieu sans l’aidegénéreuse
offerte par : l’Université de Picar- die JulesVerne,
sa Faculté deMathématiques
etd’Informatique,
et son Laboratoire deMathématiques (LAMFA) qui
apris
encharge
leSIC,
le ConseilRégional
de Picardie et AmiensMétropole.
Je voudrais remercier
plus particulièrement
MichèleWeidenfeld, Doyen
de la Faculté deMathématique
etd’Informatique, qui
m’a aidée dans toutes les démarchesmatérielles,
etles
co-organisateurs
de ceColloque :
. Francis
Borceux,
Professeur à l’UniversitéCatholique
deLouvain, qui
asuggéré
et
permis
la tenue d’une session du PSSL à Amiens etqui,
par le biais d’invitationsconjointes
àLouvain-la-Neuve,
couvregénéreusement
les frais deplusieurs participants,
. Elisabeth
Vaugelade, qui
s’est entièrementoccupée
duSIC,
.
George Farré,
Professeur àGeorgetown University (Washington) qui
aorganisé
la Session
multidisciplinaire
ECHOV,
0 Jean-Paul
Vanbremeersch, qui
a créé et continue àgérer
le site internet consacré à Charles(ainsi
d’ailleurs que celui des"Cahiers").
A.C.E.
Autour d’Ehresmann : Bourbaki, Cavailles, Lautman
par Pierre AGERON
Ce travail se propose de documenter les
origines
de lasingulière pensée mathématique
deCharles Ehresmann. Deux
pistes
ont été suivies: saparticipation
au groupeBourbaki,
de1935 à
1950 ;
ses relations avec Albert Lautman et JeanCavaillès,
deuxphilosophes
dessciences exécutés par les Allemands en 1944.
1. La
participation
d’Ehresmann au groupe BourbakiLe fonds d’archives de Bourbaki n’étant pas encore mis à
disposition,
Liliane Beaulieu m’a laissé la liberté de le consulter via la base de donnéesqu’elle
élabore actuellement auxArchives Henri Poincaré de
Nancy.
Je l’en remercie très vivement.C’est le 18
juillet 1935,
dernierjour
ducongrès
fondateur deBesse-en-Chandesse, qu’il
futdécidé de proposer à Ehresmann la
place
abandonnée parLeray
"en état dedégonflage".
On lui
assigna
lerapport
sur lagéométrie, qu’il présenta
le 6juillet
1936 et suscita"quel-
ques
échanges
de vues sur la notiond’objet géométrique,
la notion d’invariant engéomé-
trie". En
septembre,
il était aucongrès
"de l’Escorial" où l’on discuta la notion de struc- ture.Bizarrement,
alorsqu’il
fut affirméqu’il s’agissait
d’une notionpremière
non suscep- tible dedéfinition, quelques
passages ducompte-rendu
en donnaient une définitiongéné-
rale
précise
ainsi que la définition d’une "structure locale" comme classe de structures localementéquivalentes
en unpoint
d’un espacetopologique (par exemple
les variétésdifférentiables).
Leurplace
dans lerapport
degéométrie suggère qu’Ehresmann
a contri-bué de manière
significative
à l’élaboration de cesdéfinitions;.
il en a lui-mêmetémoigné
en
privé
et Dieudonné l’a ainsi confirmé : "dès avant1940,
il rêvait d’une théorie abstraite de toutes lesespèces
de structurespossibles,
cequi
rencontraitquelques
réticences au sein du groupe Bourbaki". Tandisqu’Ehresmann s’acquittait
de rédactionsd’algèbre,
Delsarteet Dieudonné
rédigèrent
le Fascicule de résultats de théorie des ensembles de 1939 oùapparaît
cette fameuse définition de structure. Elle suscitera trèstôt,
et au sein même du groupe, de très sévères commentaires.La définition de B"structure locale" n’avait
guère
saplace
dans le livre sur les ensembles.Au
congrès
de Clermont(août 1942),
où Ehresmannprésentait
unrapport
sur les revête- ments en vue du livre detopologie générale,
il fut noté : "il y a intérêt à étendre la théorieau cas où les espaces sont pourvus d’une structure locale". Ceci conduisait "à insérer dans le même
chapitre
la définition de ces structures". Ehresmannpromit
une rédaction en cesens et mit aussi à l’étude "la
question
des revêtements dupoint
de vuealgébrique (rapports
avec la théorie des groupeslibres,
ou définis pargénérateurs
etrelations)".
Lescirconstances
interrompirent
cesprojets.
A laLibération,
laparticipation
d’Ehresmann à Bourbaki se fit moinsrégulière :
on blâma son absence aucongrès
"intercontinental" de Paris(juin 1945)
"sous le vainprétexte
decopies
àcorriger".
Ilpromit
des rédactionsqui
ne virent pas le
jour.
En mars1947,
Samuel exposa à Paris son formalisme desapplica-
tions universelles affrontant "une assez vive
opposition" :
Ehresmann fut seul favorable(avec Cartan)
à son insertion dans le livred’algèbre, "parce qu’on
yparle
du groupe libre(!)".
Las des controverses, Ehresmanns’éloigna progressivement
deBourbaki;
le derniercongrès auquel
ilparticipa
fut celui deNancy (février 1950)
et il donna un dernierexposé
au séminaire Bourbaki en décembre 1950.
Désormais
indépendant,
ilreprit
en 1951 1 l’étude des structureslocales, puis
édifia unevaste théorie fonctorielle des structures, réélaboration
profonde,
maisfidèle,
des idéesbourbakiennes des années 1930. On y retrouve le
point
de vue"algébrique"
dutransport
de structure(Gattungen
von lokalenStrukturen, 1957)
et celui de la construction de struc- tures(Catégorie des foncteurs
types,1960).
2. Ehresmann et les
philosophes : Cavaillès,
LautmanL’intérêt considérable pour
l’épistémologie
montré par Ehresmannjusque
dans les années1950, qui
semble né avec sa lecture deBergson,
renforcépeut-être
lors de sonséjour
au-près
deWeyl,
a étéparticulièrement
nourri par ses relations amicales et intellectuellesavec Cavaillès et Lautman.
Quelques
sourcespubliées permettent
de s’en faire une idée :une notice de Dieudonné
évoquant
leur rencontre à l’Ecole normalesupérieure;
une lettrede Cavaillès à sa soeur, avec un commentaire de
celle-ci,
mentionnant l’intérêt d’Ehres-mann pour son travail
(fin 1938);
une intervention d’Ehresmann et laréponse
donnée par Lautmanaprès
la conférence commune Cavaillès - Lautman de février1939 ;
uncompte-
rendu par Ehresmann des thèses de Cavaillèspublié
début1941;
un essai de Lautman écrit fin 1943dégageant
laportée
d’un théorèmetopologique d’Ehresmann ;
l’avertissement aulivre
posthume
de Cavaillèscosigné
en mai 1946 par Ehresmann etCanguilhem.
Ces sources montrent
qu’Ehresmann
était alors le mathématicienqui
suivait etcomprenait
le mieux les recherches des deux
jeunes philosophes.
Lespensées
de Cavaillès et Laut-man
s’opposant franchement,
onpeut
se demanderlaquelle
s’accordait le mieux auxconceptions
d’Ehresmann.Pour
Cavaillès,
lesmathématiques
ne sont rien d’autrequ’un développement historique
autonome effectué en actes. Dans son
compte-rendu précis
etélogieux,
Ehresmann a écritson
plein
accord avec cette thèse. Elle a certainement influencé sonapproche
de la ques- tion des fondementslogiques,
audacieuse etpragmatique:
"la contradiction n’est quel’expérience
d’unéchec",
relevait-t-il chez Cavaillès.Dans
l’ontologie
deLautman,
les êtresmathématiques s’intègrent
à des théoriesqui
sontautant d’ébauches de solutions
d’idées-problèmes dialectiques.
Ehresmannappréciait
cetaccent mis sur les
problèmes généraux qui
font l’unité desmathématiques,
mais contesta ladomination de la
métaphysique,
estimant que les idéesdialectiques
ont vocation à êtreexprimées
B"en termesmathématiques".
Là oùLautman,
enprécurseur, repérait
deux ma-nifestations différentes d’une même structure
dialectique (représentations
d’un groupe /interprétations
d’unsystème d’axiomes),
Ehresmannassignait
au mathématicien le travail d’unificationconceptuelle
des deux théories. Et tel fut bien le véritable sens de ses tra- vaux.Some of the things 1 learnt from Charles Ehresmann
by Jean BENABO U
The contributions of Charles Ehresmann to mathematics are so numerous and cover such
a wide
variety
ofdomains,
some of which hetotally
created orrenovated,
that it would be vain totry
to describe even themajor
ones. Vain also to list all of his ideas which weredirectly
influential to my own work.Thus 1 shall
mainly
concentrate on what hetaught
me about mathematics andbeing
a"working
mathematician".1 first met Ehresmann in 1956. I was at that time a
student,
undecided about what 1 wanted todo,
andknowing
very little mathematics.And,
even thatlittle,
1 had leamtby
thepain-
ful
reading
of a few volumes of Bourbaki. At the time the "ambiantideology"
was thatBourbaki was the ultimate standard
by
which mathematics should bejudged,
and 1 wasnot
ready
tospend
many years and a lot of work in such a formal environment.Thus to me Ehresmann was
quite
a revelation. Here was amathematician,
ofgreat talent,
who could
explain deep concepts by going
to the core, with almost no formalism atall,
with
elegance
andefficiency.
Let me mention a few
examples:
The infinitesimal structure of differentialgeometry
de- scribedby
his notion ofjets.
The intrinsic definition of connexion without the so calledtensor calculus and its tedious multi-indices. Most
striking
for me, both for mathematical andphilosophical
reasons, was thetheory
of localic structures. 1 had neverbelieved,
and 1still do not
believe,
that the space 1 livein,
or the time 1 feelflowing
were made ofpoints.
And here was a
perfectly precise,
andworkable,
notion of space not built up frompoints.
1had started
doing
a little work in differentialgeometry,
but tlie idea of localic structuresappealed
so much to me that 1 abandoned this work andexplored
the beautiful world of locales. And evento-day,
when 1 have leamt the moregeneral
notion of Grothendiecktopologies,
1 tend to think of them as"generalized
locales".1 could say,
forgetting
manyimportant things,
that what 1 leamt fromhim,
and which hasmost influenced my
work,
is: "find what isessential, and,
if isreally essential,
it should besimple".
1 shall finish
by saying
that Charles Ehresmannbelonged
to aspecies
whichunfortunately
tends to
disappear, apart
frombeing
an eminentmathematician,
in his relations with his students he was, notmerely
aprofessor,
he was a Master.Et si l’intuition devenait rigueur ?
La réponse de la géométrie différentielle synthétique
par Francis BORCEUX
Une fonction
/ : R 2013
R est continue en unpoint
a e Rquand
pour tout E il existe un ô tel que ...bla, bla,
bla!Mais
intuitivement,
la fonctionf
est continue en alorsqu’une
variation in- finitésimale auvoisinage
de a provoque une variation infinitésimale auvoisinage
de
f (a).
Et même si nous écrivonstoujours
nos démonstrations en termes dee et
6,
le cheminement intuitif de notre raisonnement - que nous nousgardons
bien d’avouer -
procède pourtant
souvent en termes d’infinitésimaux.Mais diable!
N’y
a-t-il pas moyen de donner un sensprécis
à la notiond’infinitésimal,
de manière àpouvoir
l’utiliser en touterigueur
dans lespreuves?
Une
première réponse, apportée
parl’analyse non-standard,
est de direqu’un
infinitésimal est une
quantité
tellementpetite qu’elle
est inférieure à tout nom-bre réel strictement
positif.
Etgrâce
à lamagie
de lalogique mathématique,
onconstruit effectivement un ensemble 7Z -
appelé
ensemble des nombres réels nonstandards -
qui
contient tous les nombres réelsusuels,
mais aussi des éléments infinimentpetits, plus petits
que tous les réels strictementpositifs.
Et surcette droite réelle non-standard R on
peut développer
toutel’analyse
en ter-mes d’infinitésimaux ... et retrouver comme corollaires tous les bons vieux théorèmes
classiques d’analyse
sur la droite réelle usuelle.Une autre
idée,
due à F. W. Lawvere et A.Kock,
est la suivante. Six estpetit, x2
est encoreplus petit.
Si x esttrès,
trèspetit, x 2
devient vraiment minuscule.Appelons
doncinfiniment petit
un nombre x telque x 2
= 0. Oncherche alors à
remplacer
la droite réelle R par un anneau R danslequel
est considéré comme l’ensemble des éléments infiniment
petits.
Mais si l’on veut
développer l’analyse
dans un telcontexte,
alors on doiten
particulier disposer
d’undéveloppement
deTaylor
pour de bonnes fonctionsf :
DuR,
à savoirEt
puisque
x est de carrénul,
cela se réduit àet une telle fonction
f
définie sur les infinimentpetits
est donc nécessairement dupremier degré.
Cela nous conduit à l’axiome
suivant, qui
est l’axiome de base de ce que l’onappelle aujourd’hui
lagéométrie différentielle synthétique.
Il existe des versionsencore
plus puissantes
de cet axiome.Observons d’emblée que si
est une fonction
quelconque
et a ER,
onpeut
considérer la fonctionqui
donc s’écrit de manièreunique
Faisant x = 0 on trouve aa =
f (a)
et bien sûr on définitCela définit la dérivée de
f
et - itérant le processus - on conclut que toute fonctionf :
R - R est infiniment dérivable!Absurde,
pas vrai? Et il y apire!
Car des anneaux R satisfaisant l’axiome de Lawvere-Kock ... il est facile de prouver que cela n’existepas! Catastrophe?
Pas vraiment! Car pour établir cette
"catastrophe",
il faut utiliser leprincipe
du tiers
exclu,
c’est-à-direaccepter
la validité duprincipe
de démonstration par l’absurde. Mais si l’on s’en tient à unelogique
danslaquelle
ons’impose
de nefaire que des preuves
constructives,
de tels anneaux R existent bel et bien etl’on
peut
en construireexplicitement,
dans des universlogiques
constructifs que l’onappelle topos.
Bon, d’accord,
cela existe. Maisquel
intérêt y a-t-il àdévelopper l’analyse
ou la
géométrie
différentielle dans un contexte où toutes les fonctionsf :
R - Rsont infiniment dérivables? Cela n’a
plus
rien à voir avecl’analyse
et lagéométrie classique.
Et bien sijustement!
Parexemple,
tous les théorèmes degéométrie
différentielle que l’on
peut
prouver constructivement àpartir
de l’axiome deLawvere-Kock,
sontautomatiquement
de bons vieux théorèmesclassiques
degéométrie différentielle,
valables pour les variétés différentiablesparacompactes
... de classe C°° .
Et
oui!
Si engéométrie
différentielleclassique
on ne s’intéressequ’aux
A Mathematician’s Itinerary by Andrée C EHRESMANN
The aim of this abstract is not to
give
an overview of Charles’works,
but totry
to make clear the thread of ideas which led himnaturally
fromGeometry
toCategory Theory;
l’llconcentrate more on his
itinerary
from the late fifties on, which 1 know from first hand forhaving
been a constant witness of his research. All the references are to "Charles Ehres-mann : Oeuvres
completes
et commentées"(abbreviated
in0).
3periods
will be distin-guished
in his work: 1.Topology
andGeometry
from his thesis(1934,
under the direction of ElieCartan)
to the midfifties;
2. Intermediateperiod
with 3 seminal papers in1957-59;
3.
Category theory
in the sixties and seventies.1.
Topology
andGeometry
After his thesis
(0 1, 3-86)
which is astudy
of thetopology
ofhomogeneous
spaces, Charles worked onlocally homogeneous
spaces(0 1, 87-104), raising
theproblem:
howto ’localize’ a structure? His answer is the
theory
of structures associated to apseudogroup
of transformations
G,
obtainedby gluing
the maps of an atlascompatible
with G.Among
these structures, in the forties hedeveloped
thetheory
of fibre bundles(0
1 105-154), introducing
inparticular
the notion of aprincipal
bundle and of the associated bun-dles,
andgiving
anelegant
definition of connections in their frame(0 1, 179-203).
Thesehave
important applications
inPhysics.
He also introduced foliated manifolds( 1951,
0I, 155-178), developed
in the thesis of his student Reeb.Fibre bundles are at the root of the
theory
ofprolongations
of manifolds hedeveloped
inthe
early
fifties as a foundation for DifferentialGeometry,
based on a coordinate-free notionof derivative, namely
the notion of infinitesimaljets
which has now become folk- lore.(0 1, 207-235; 343-369).
These different works led him toidentify
aunifying
notionof "local structure"
(0 1,411-420 ;
0II, 4-20).
2. Three seminal papers
In the late
fifties,
he wrote 3 papers which can be seen as the basis of all hissubsequent
works.
They represent
thetuming point
when heexplicitly
used the notion of acategory (he
hadimplicitly
usedcategories
in theearly
fifties under the form ofgroupoids,
and indescribing
theproperties
of thecategories of jets).
2.1.
"Gattungen
von Lokalen Strukturen"(1957, O 1, 126-154) generalizes
thenotion of a
pseudogroup
of transformations into that of a localcategory (in
modem terms,a
category
internal to acategory
oflocales),
and he describes how such a localcategory
can act on a local space,
determining
what he calls a"species
of local structures". The main result is the "Theorem ofcomplete enlargement"
which describes the construction of thecomplete species
of local structures associated to agiven species
of local structures, andgeneralizes
thegluing
processby
which structures are associated to apseudogroup.
In
1960-63,
theconcepts
and results of this paper were extended in a series of papers(0
II, 75-92, 155-180, 257-316; 435-562;
summarized in 0II, 117-125)
to different kinds ofordered
categories
andspecies
of structures. Thesegeneralizations
were needed forappli-
cations in
Analysis
and in ageneral theory
of foliations(1961,
0II, 563-626).
2.2.
"Catégories topologiques
etcategories différentiables" (1959, O 1, 237-250)
defines the notions of a
topological
or differentiablecategory
and of itsactions,
which heproposes to consider as
defining generalized
fibre bundles. To recover aprincipal
fibrebundle,
atopological groupoid
must belocally
trivial(it
means that each unit x has anopen
neighbourhood
on which there exists a local section s of the codomain map such that dom-s is the constant map onx).
Charles proves that thetheory
oflocally
trivialgroupoids
is
equivalent
to that ofprincipal bundles,
and that the spaces on which such agroupoid
acts
correspond
to the associated fibre bundles. Later he reduced thetheory
ofprolonga-
tions of manifolds to the differentiable actions of some
categories of jets (0
I.251-274).
2.3 .
"Catégorie
desfoncteurs type" (1960,
0IV, 101-116)
is more abstract. Itgives
acategorical
basis to the notion of a structure as definedby
Bourbaki. Forthis,
Charles introduces the double
category
of natural transformations and constructs"typical
functors"
by completing appropriate sub-categories
of the doublecategory
of its squares.3.
Category Theory
3 .1. Structured
categories.
At thebeginning
of 1963(0 III, 1-4; 431-434),
Charles realized that the notions of ordered
categories, topological
or differentiable cate-gories
and doublecategories
introduced in the 3preceding
papers could be unifiedby introducing
the notion of what he called"p-structured categories"
and"p-structured
spe- cies ofstructures",
where p is a concretefunctor;
in modem term,they correspond
to in-temal
categories
and their intemal actions in a concretecategory.
Theirtheory
was madeprecise
anddeveloped
in several papers(0 III, 21-120; 125-279).
wheregeneral
theoremsare
given relying
onspecific properties of p.
Inparticular
different kinds ofcompletions
are
constructed, generalizing
the processes ofcomplete enlargement
andprolongations
ofmanifolds to various situations
(0 III, 443-447, 467-485;
0IV, 34-100, 117-279).
3.2. Sketches. In
1966, searching
for a definition of acategory
as an"algebraic"
structure, Charles introduced a
general
notion ofsketch,
of which oneexample
is thesketch of a
category (0
III591-677),
the models of which(he
called"generalized
struc-tured
categories")
are thecategories
internal to acategory. (Remark
that Benabou hadgiven
a different definition of an internalcategory
in1964,
but validonly
incategories
with
pullbacks,
that is not the case for thecategory
of differentiable manifolds and forsome
categories
of ordered spaces Charlesconsidered.)
In later papers(0
IV 19-31 andour joint
1972 paper in 0IV, 407-518),
to obtaingeneral
theorems the notion of a sketchwas restricted to that of a mixed
sketch,
or even of aprojective
sketch(or projective
to-pology
as definedby Benabou, 1967). Among
these main theorems: the construction of theprototype
and of thetype
of asketch,
and the construction of monoidal structures oncategories
of models of aprojective
sketch.Finally
weapplied
and refined this last result in the frame ofmultiple categories,
in a series of 4long
papers(0 IV, 545-764)
the fourthone
completed
when we were in thehospital during
Charles’ last illness.Though
hiscategorical
worksmight
seem veryabstract,
up to the end Charlesthought
ofthem as
parts
of ageneral theory
ofGeometry,
conceived as "thetheory
of more or lessrich structures, in which are
generally
intertwinedalgebraic
andtopological
structures".Charles Ehresmann,
aucarrefour des
structures
locales
etalgébriques
par René GUITART
En la
présente
occasionje
voudrais me faireporte-parole
de lagénération
de 1968des élèves
d’Ehresmann, génération
formée en réalitéconjointement
par Charles et Andrée Ehresmann -qui
travaillaient en commundepuis
1962 - etexprimer
notreamitié et nos
plus profonds
remerciements à eux deux. Nous nous souvenons de nombreuses soiréesauxquelles
Andrée et Charles nous conviaient - souvent avec des mathématiciens de passage au Sérrtiraaire - où amicalement les discussions roulaientsur de nombreux
sujets.
Parcequ’il
aimaitpartager
chaleureusement ses enthousi- asmes, nous savonsqu’Ehresmann
admirait leTaj Mahal,
Vermeer deDelf, Goethe, Bergson.
Mais nous savons d’abord quepar-dessus
tout il aimait lacompréhension mathématique
des choses - sa recherche et sonpartage - qu’il pensait
que leplus
difficile en
mathématique
consiste à trouver la bonnedéfinition,
que les théories abouties devraient infine
tenir enquelques
pages,quoique
le processus d’invention de structures soit sans fin. Nous savons incidemment que - enprofond
admira-teur d’Archimède - il n’aimait pas que l’on
dénigre
l’idéed’espace
affine - aliasle calcul des
équilibres
depoints
matériels - auprofit
del’espace vectoriel,
celui-ci n’existant
géométriquement qu’attaché
au choix d’unpoint d’origine
dans leditespace
affine,
et ne prenant sa valeur naturelle que croisé avec legroupoïde
destranslations entre les
points.
Sonenseignement
était ainsi souvent de tellessimples
indications. Ehresmann était très attentif à ses
élèves,
méditaitlonguement
cequ’il
allait leur
dire,
leurindiquer, personnellement
enprivé
ou bien en cours,qui
pour- rait les inciter à écrireeffectivement,
àpoursuivre
par eux-mêmes :"écrivez,
écrivez..."
encourageait-il.
Nous avons tous le souvenir de ses cours, trèspréparés
enfait,
mais
où,
au bout dequelque
minutes ilcommençait
à modifier encore une fois cequi
avait étésoigneusement prévu,
bref à faire desmathématiques
dansl’instant,
àpenser en direct devant nous, et en
géoTnètre
bien sûr. Unjour,
lors d’une discussionsur
l’analyse
non-standard et lerapport possible
avec le calcul desjets,
il m’avertit:"Guitart,
vous raisonnez comme unlogicien" .
C’est que pour lui larigueur
devaitoeuvrer à valoriser les intuitions
géométriques,
à les rendrevraies, plutôt qu’à
lesbarrer en les
rejetant
au nom de schèmes depensées présupposés,
voire de véritésétablies ;
faire desmathématiques
c’était cherchertoujours
l’exactdéploiement
denouvelle vérités.
A cette
époque là,
Ehresmann nous instruisait de deux idées : structures locales et structuresalgébriques
- desproblèmes
associés : construction decomplétions d’atlas,
construction de structures libres - et des outils de calculs afférents : recol- lements etquasi-quotients.
Sapratique
inventive était sous condition d’unepulsation
entre le local et
l’algébrique,
et dans la volonté de pensermathématiquement
cettepulsation :
il oeuvrait à convaincre que le cadre desgroupoïdes
et descatégories
enoffrait la
possibilité.
Le but étaitplus profond
qued’empiler
les donnéesalgébriques
sur un cadre local - comme
jadis
avec ses fibrés - mais bien de penser l’un commede même nature que l’autre. Ce faisant se
dégageait déjà
laproblématique générale suivante,
celle de la construction deprototype
et de la théoriegénérale
desesquisses.
Les structures locales - où les
variétés,
les espaces fibrés et lesfeuilletages,
lesrevêtements,
les espacesétalés,
trouvaient à s’unifier - étaient définiesdepuis
1951.Une
espèce
de structure locale W est uneespèce
de structure telle que pour toute structure s sur un ensembleE,
s EW (E),
il existe une structure induite sur certainesde ses
parties,
cesparties
formant les ouverts d’unetopologie,
les inductions étanttransitives,
et avec l’atome du recollement : si E =UiE jEi
et si pour tout i de Ion a une structure si sur
Ei
tellesque Ei n Ej
soit ouvert dansEi
etEj
et que lesstructures induites
de si
et sj surEi
nEj
soientidentiques,
alors il existe sur E uneunique
structure s, notéewJE( (Si)iEI)
= s, oubrièvement f s2
= s, dont lesEi
soientdes ouverts et induisant les si . En
fait,
à une structure locale s sur E est associé lepseudogroupe rw (E, s)
de sesautomorphismes locaux, qui
est ungroupoïde ordonné, qui
constitue l’essentiel de la structurelocale,
comme anciennement le groupe d’un espace d’unegéométrie
de Klein en était le coeur. Par là -après
avoirremplacé
dans la définition les
topologies
par des treillislocaux,
cequi dispensait
del’usage
des
points
- Ehresmann va, dans les années60, développer
la suite de la théoriedu local comme une théorie des
groupoïdes ordonnés, puis
descatégories
ordonnées.On
appréciera aujourd’hui
le lien et l’écart avec lepoint
de vue de la théorie destopos
deGrothendieck,
ultérieure aux structures locales et treillis locaux.Au début des années
60,
Ehresmannprojetait
un livre sur lescatégories
or-données. Il modifia ce
projet
car, notant le rôle de l’oubli pord :Ord -Ens,
il visaquelque
chose deplus vaste,
via l’axiomatisation despropriétés
d’un telfoncteur, et, examina,
pour des foncteursquelconques
p : C - Ens l’idée d’une donnée cqui
soit unecatégorie p-structurée.
Cequi
incluait commeexemples
lescatégories doubles,
et, via lesgroupoïdes ordonnés,
les structureslocales,
et aussi les groupes etgroupoïdes topologiques
ou différentiablesindispensables
à ses théories sur lesprolongements
de structures et calculs dejets.
Cette idée est alors au centre de samise en scène. En
fait, rétrospectivement,
il y a d’uncôté,
en omettant c, un lien entre l’étude de p et la théorie desfoncteurs fibrants
- cequi
chez Ehresmann avait deuxaspects : catégories d’opérateurs
etfoncteurs
à structuresquasi-quotients
-et de l’autre
côté,
en omettant le foncteur p et en negardant
que lacatégorie
C et ladonnée c, il
s’agit
de ce que l’onappelle aujourd’hui
unecatégorie
c interne à C(dont
la
première
définition est due à Bénabou en1964).
Cequi
se pense naturellement aussi dans l’idéed’ esquisse (mixte)
d’uneespèce
destructure,
introduite en 1966.Une
esquisse projective
est uncouple (J = (S, P)
où S est ungraphe multiplicatif,
et P un ensemble de cônes
projectifs
p =(pk :
II -Bk)kEK
dans S’. Unecatégorie
S de structures est dite
esquissée
par u si elle estisomorphe
à lacatégorie
Enso desréalisations R de (J dans
Ens, qui
sont les ’foncteurs’ R : S- Ens transformantchaque
p =(pk :
II -->Bk)kEK E
j’ en un cône limiteprojective
dans Ens. Cequi
fait que toute pêchez : II 2013 B de Sdevient,
dans la réalisationR,
une’composition’
WR dite ’en R’. Ce que l’on écrit ainsi :
Ainsi par Ú)R =
R(w).(=-1)
des éléments xk desR(Bk),
pour les k deK, supposés compatibles
entre eux c’est-à-dire bienagencés
- soit tels que pour toute flèche t : k - k’ dans K on ait xk’ =R(Bt)(Xk)
-,peuvent
être"composés"
pour formerWR((Xk)kEK) qui
est un élément x deR(B),
cequi
estnoté,
enrappelant
enpré- exposant que w est
une loi de c- -ce que l’on
rapprochera
devu
plus haut,
avecwf,
recollement deW,
à laplace
deow, opération
de 0’, et E à laplace
deR,
pourcomprendre
que lesesquisses projectives
sontanalogues
auxespèces
de structures locales.Dans ce cadre on trouve aussi les lois de
compositions
binaires : si K ={1,2},
alors iln’y
a pas de condition decompatibilité,
etWR((Xk)kE{I,2})
= x est notésimplement
x1.wx2 = x ou xl.x2 = x. Et
plus généralement
on trouve les structuresalgébriques
‘partout
définies’ unisortes deLawvere,
et lesmultisortes,
de Bénabou.L’esquisse projective,
suite auxtopologies projectives
de Bénabou et auxcatégories marquées
deChevalley,
est le milieu naturel ou coexistentl’opération algébrique
Xl-X2 = x et lerecollement f si -
s. Ainsi sont de même nature le faitalgébrique
que 2 fois 3 fasse 6 et le faitgéométrique qu’en
collant deuxsegments [0, 1]
et[0’, 1’]
par leursextrémités - en
posant
0 - 0’ et 1 - 1’ - on obtienne un cercleS’1.
On obtient des
esquisses projectives
pour des loispartielles, et,
parexemple
il existeune
esquisse
ucat de la structure decatégorie,
de sortequ’une catégorie
C soitassimilable à une réalisation C : ucat -
Ens,
etqu’ainsi
Cat ci EnsO"cat. Alors lescatégories
c internes à C sont les réalisations de ucat dansC,
et forment lacatégorie Cat(C) =
CO"Cat. Il y a aussi bien sûr uneesquisse
orGrd pour lesgroupoïdes,
uneesquisse
crord pour les ordres. Et via cesesquisses,
les structures localespeuvent
sespécifier
comme desgroupoïdes
internes auxordres,
voire comme réalisations dans Ens del’esquisse
oGrd 0 0’0,d . Mais lerapport
du local àl’algébrique
est aussi autre :les
esquisses projectives
sont comme desespèces
de structures localesgénéralisées.
Ce