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Il y a ensuite 5 % de la population active en situation de chômage d'exclusion et de retrait du marché de l'emploi

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Academic year: 2022

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La précarité et l'exclusion gagnent du terrain Entretien avec Serge Paugam

La vérité sur notre société est-elle si dérangeante ? En tout cas, le gouvernement vient de démanteler le CERC, dont le dernier rapport, Précarité et risque d'exclusion en France1, dresse un tableau d'une extrême gravité. S'appuyant sur une enquête de l'INSEE datant de 1986-87, il montre que trois millions de personnes (soit près d'un actif sur huit) vivaient alors avec moins de 2700 F par mois et par famille, tandis que 12 à 13 millions de personnes n'échappaient à la pauvreté que grâce à la protection sociale (RMI, minimum vieillesse, prestations). La société duale est donc déjà largement en place. Les précaires et chômeurs représentent environ 20 % des actifs, mais près d'un tiers des actifs est potentiellement exposé à un processus de précarisation, si bien que l'emploi stable non menacé ne concerne plus que 51,6 % des actifs. Le responsable de cette étude, Serge Paugam, a bien voulu répondre à nos questions.

Comment avez-vous établi vos différentes catégories ?

Une analyse sur l'ensemble des actifs - c'est-à-dire les personnes de 18 à 64 ans qui occupent ou recherchent un emploi - nous a conduit à distinguer trois grandes situations. D'abord la population intégrée, disposant d'un emploi stable avec dans l'ensemble des relations sociales et culturelles leur permettant de ne pas être menacée directement par l'exclusion. Cela représente à peu près à 80 % des actifs.

Il y a ensuite 5 % de la population active en situation de chômage d'exclusion et de retrait du marché de l'emploi. Entre les deux, il existe une frange représentant environ 15 % de la population active, constituée de toutes les personnes qui ont un emploi instable ou qui sont au chômage - mais pas un chômage d'exclusion - ces formes de précarité professionnelle se cumulant souvent avec des formes de précarité sociale, des difficultés de revenu, des problèmes de dégradation de vie.

A partir de ces trois catégories, à l'intérieur desquelles les situations sont contrastées, on a essayé de cerner les franges qui se trouvent en situation de vulnérabilité et qui risquent de connaître une évolution négative si la conjoncture économique et sociale reste la même.

Peut-on dire que nous sommes déjà dans une société à deux vitesses ?

Nous n'avons jamais voulu faire du sensationnel et dire qu'un Français sur deux vivait dans la grande misère. Cela dit, on doit quand même souligner qu'il existe bien des formes de précarité y compris dans le monde salarié. On a évalué à 30 % de la population active les salariés qui sont mal armés face à la perte d'un emploi. Mal armés, parce qu'ils ont déjà un bas salaire - car il ne faut pas oublier qu'il y a des bas salaires dans le monde du travail - et aussi parce qu'il y a des personnes qui vivent isolées, qui n'ont pas beaucoup de supports relationnels, et c'est très visible quand on prend en compte cette dimension de vulnérabilité. Enfin, à l'intérieur des 15 % intermédiaires, la moitié environ des personnes est susceptible de rejoindre la dernière strate, celle du chômage d'exclusion.

Le Monde a titré qu'un actif sur deux était en position de fragilité sociale ; ce n'est pas faux sur le fond mais ce n'est pas le message essentiel. On a surtout insisté sur l'idée que la pauvreté

Propos recueillis par Michel Husson pour Collectif, non publié.

1 Document du CERC n°109, 1993.

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correspond moins à un état qu'à un processus de disqualification sociale. Il ne s'agit plus seulement aujourd'hui de penser aux exclus et d'essayer de traiter socialement l'exclusion, mais il faut se préoccuper aussi des situations qui sont en amont du processus et réfléchir sur les moyens que la collectivité doit mettre en oeuvre pour éviter qu'augmente encore le nombre de personnes pris dans cet engrenage.

Ne peut-on pas aussi parler de cumul des handicaps ?

Ce qui nous a beaucoup frappé, en effet, c'est la corrélation entre la précarité professionnelle et un certain nombre d'autres dimensions de rupture sociale. On a ainsi pu établir que plus la précarité professionnelle est forte, plus l'instabilité conjugale augmente, et notamment pour les hommes.

L'analyse de la pauvreté renvoie à deux grandes évolutions structurelles : d'abord la dégradation du marché du travail et la crise du salariat, et d'autre part l'affaiblissement des liens sociaux qui commence par l'instabilité conjugale, mais qui peut concerner également l'affaiblissement des solidarités de proximité, et aussi des solidarités de classe. On n'est plus dans un monde structuré par la lutte de classes, par la résistance syndicale et politique aux inégalités. Le sentiment que l'on retrouvait autrefois dans les quartiers populaires de partager un même destin, de former une communauté autour du travail et de la socialisation s'est affaibli, en particulier dans les banlieues où se concentre le chômage.

Le travail reste-t-il le principal mode d'insertion sociale ?

Il est clair que le travail devient de moins en moins important dans notre société. Cela dit, il faut aussitôt mettre en évidence le fait que l'emploi salarié constitue la référence essentielle pour donner un statut social et pour reconnaître les valeurs d'un individu. On vit dans une société profondément productiviste, imprégnée par la compétence qui est donnée par le travail et qui est fondée sur l'activité professionnelle. Cela limite me semble-t-il beaucoup les possibilités de transformation des valeurs à la périphérie du monde professionnel. A l'heure actuelle, dans leur grande majorité, les chômeurs aimeraient retravailler, avoir un emploi, une position sociale.

Cela n'empêche pas que certains chômeurs, ou certaines personnes mal insérées trouvent des compensations au chômage, dans la sphère familiale ou des activités comme le travail au noir, où l'on essaie de trouver un équilibre de vie même s'il est marqué par une grande précarité. Mais je ne constate pas actuellement un mouvement social, une volonté de transformer fondamentalement le sens que l'on donne actuellement au travail, et je ne vois pas de solution autour du monde des loisirs pour ceux qui sont privés d'un travail. Le loisir est toujours défini comme ce qui vient après le travail. A partir du moment où il n'y a pas de travail, il n'y a pas de sens au loisir.

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