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Modèle de Prévision à Moyen Terme pour la Tunisie

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

la Tunisie

Moez LAJMI

Sihem EL KHADHRAOUI

Décembre 2013

Résumé

L’objectif de ce travail est de construire un modèle de prévision à moyen terme pour la Tunisie. Le modèle, qui dispose d’un fondement théorique néo-keynésien, est inspiré du modèle GPM développé par les services du FMI, tout en s’attachant à ce qu’il tient compte des spécificités de l’économie tunisienne. Il ressort des résultats de l’estimation que le modèle peut fournir globalement une in- terprétation économique cohérente des évolutions macroéconomiques. Les déterminants de l’inflation habituels ne suffisent pas, à eux seuls, pour expliquer la dynamique de l’inflation. L’impact de l’écart de production est assez lent et faible. Toutefois, l’influence des chocs d’offre a été persistante, notam- ment durant la période post-révolution. Les effets du taux d’intérêt demeurent limités, bien que cet instrument ait commencé à être de plus en plus actif au cours des dernières années.

Classification JEL : E17, E37, E52, E58.

Mots-clés : Inflation, Politique Monétaire, Prévision, Modélisation Macroéconomique.

Cette étude a été conduite par la Banque Centrale de Tunisie (Direction de la Stratégie de la Politique Monétaire) et la Banque de France (BdF) en partenariat avec la Banque Nationale de Pologne (NBP) dans le cadre du projet de jumelage visant à la mise en place, à la BCT, d’un cadre de politique monétaire axé sur le ciblage de l’inflation. L’objet de l’étude est le développement d’un modèle de prévision à moyen terme. L’étude a été élaborée sous la supervision de M. Michel JUILLARD et Mme Hélène EHRHART de la Direction Générale des Études et des Relations Internationales à la Banque de France. Les opinions émises dans ce document n’engagent que leurs auteurs. Elles ne sauraient impliquer d’aucune façon, la Banque Centrale de Tunisie.

Sous-directeur de l’Étude et de la Modélisation de la Politique Monétaire. Email : moez.lajmi@bct.gov.tn

Chef du Service de la Modélisation et de la Prévision à Moyen Terme. Email : sihem.elkhadhraoui@bct.gov.tn

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Table des matières

1 Introduction 4

2 Évolutions macroéconomiques et politique monétaire en

Tunisie 5

2.1 La politique monétaire et de change . . . 5

2.1.1 Politique du taux d’intérêt . . . 5

2.1.2 Politique du taux de change . . . 6

2.2 La croissance économique . . . 7

2.3 L’évolution des prix . . . 9

3 Structure du modèle 10 3.1 Courbe de Phillips . . . 10

3.2 Courbe IS . . . 11

3.3 Parité non couverte des taux d’intérêt . . . 13

3.4 Règle de politique monétaire . . . 14

3.5 Économie étrangère (Zone Euro) . . . 15

4 Estimation du modèle 16 4.1 Données . . . 16

4.2 Estimation bayésienne . . . 16

4.3 Choix des priors . . . 17

4.4 Résultats . . . 18

5 Simulations et analyses de politique monétaire 20 5.1 Décomposition de l’output gap et de l’inflation . . . 20

5.2 Réponses impulsionnelles . . . 21

6 Prévisions 22 7 Conclusions 23 A Annexes 26 A.1 Description du modèle . . . 26

A.2 Description des paramètres . . . 27

A.3 Priors et postérieurs des paramètres . . . 28

A.4 Évolution de l’inflation sous jacente et de principaux secteurs de l’activité économique . . 29

A.5 Réponses impulsionnelles . . . 30

A.6 Résultats d’estimation du modèle GPM pour un échantillon de pays. . . 32

Table des figures

1 Évolution des principaux taux d’intérêt du marché monétaire . . . 6

2 Évolution des parités Euro/Dinar et Dollar/Dinar . . . 7

3 Évolution des indices de taux de change du Dinar face à l’Euro . . . 7

4 Structure de la croissance économique en Tunisie . . . 8

5 Évolution de l’inflation et de l’inflation sous-jacente. . . 9

6 Décomposition de l’output gap . . . 20

7 Décomposition de l’inflation sous-jacente. . . 21

8 Prévision non conditionnelle (hors échantillon) de l’inflation sous-jacente . . . 23

9 L’inflation hors produits alimentaires frais et administrés et sa tendance . . . 29

(3)

10 Valeurs ajoutées en volume des principaux secteurs d’activité économique . . . 29

11 Réponses impulsionnelles à un choc de politique monétaire (d’un écart-type) . . . 30

12 Réponses impulsionnelles à un choc de prix (d’un écart-type) . . . 30

13 Réponses impulsionnelles à un choc de demande globale (d’un écart-type) . . . 31

14 Réponses impulsionnelles à un choc de demande étrangère (d’un écart-type) . . . 31

Liste des tableaux

1 Structure des échanges commerciaux avec l’Europe (27 pays) en % . . . 8

2 Paramètres calibrés . . . 18

3 Description des paramètres . . . 27

4 Distributions a priori et a posteriori des principaux paramètres . . . 28

5 Paramètres estimés . . . 32

(4)

1 Introduction

Il est reconnu depuis longtemps que la politique économique en général, et la politique monétaire en particulier, a besoin d’une dimension prospective compte tenu des délais relativement longs avec lesquels se transmettent les effets de ses actions à l’économie. Ce caractère prospectif nécessite un ensemble d’outils d’analyses et de prévisions qui synthétisent les informations pertinentes pour une meilleure évaluation des perspectives économiques en vue. Il est important pour une banque centrale de disposer de son propre modèle de prévision à moyen terme. Un tel modèle est un outil d’aide à la décision en matière de conduite de la politique monétaire.

Ce travail s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’un dispositif d’analyse et de prévision à la BCT.

Il a pour objectif principal la construction d’un modèle de prévision à moyen terme de la croissance économique et de l’inflation en Tunisie. Le modèle est de type néo-keynésien1 basé sur les hypothèses que les agents économiques ont des anticipations rationnelles et que la concurrence est imparfaite sur les prix et les salaires. Sa structure est inspirée du Modèle de Projection Global (GPM) du Fonds Monétaire International, notamment dans sa version présentée par Carabenciov et al.(2008) [5], tout en s’attachant à ce qu’elle retrace assez fidèlement les évolutions spécifiques à l’économie tunisienne. Initialement conçu pour l’économie américaine, le modèle GPM a été utilisé aux fins d’analyse et de prévision de l’inflation.

Depuis, plusieurs travaux se sont succédés, en collaboration avec le Centre pour la Recherche Économiques et ses Applications (CEPREMAP), visant l’intégration d’autres régions et pays. Dans sa dernière version, le modèle GPM couvre plus de 85% du PIB mondial. Les prévisions issues de ce modèle ont permis aux experts du FMI ainsi qu’à beaucoup de banques centrales de bénéficier des projections multi-pays cohérentes dans l’ensemble. A côté de l’aspect prévisionnel, le GPM peut être utilisé dans les exercices de simulations macroéconomiques et dans l’analyse de la transmission de chocs et de leurs propagations d’un pays à un autre.

Notre modèle décrit une petite économie ouverte en présence des rigidités nominales et des anticipa- tions prospectives. Les équations formalisent le comportement de la demande, de l’inflation, du taux de change ainsi qu’une fonction de réaction propre aux autorités monétaires. Certains paramètres ont été estimés, d’autres sont calibrés, de manière à répliquer les évolutions économiques globales. A ce titre, une importance particulière a été donnée à la mesure de la production potentielle et le positionnement de la production effective par rapport à cette mesure, en présence d’un certain nombre de chocs.

La suite du travail sera organisée comme suit :La première partiesera consacrée à une description des principaux faits stylisés de l’économie tunisienne. La présentation de la structure du modèle sera déclinée dans la seconde partie. Les troisième et quatrième parties porteront sur la technique

1. Il s’agit d’un courant de la macroéconomie contemporaine qui s’efforce de fournir les fondements microéconomiques pour l’économie keynésienne.

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d’estimation employée, ainsi que l’analyse des résultats à travers la décomposition des écarts des prin- cipaux agrégats macroéconomiques par rapport à leurs valeurs d’équilibre et les fonctions de réponses impulsionnelles. Nous envisagerons dans la dernière partie la description du processus de prévision adopté.

2 Évolutions macroéconomiques et politique monétaire en Tunisie

2.1 La politique monétaire et de change

La Banque Centrale de Tunisie (BCT) a poursuivi, depuis les années 90, une politique monétaire discrétionnaire faisant recours à de multiples instruments. Cette orientation s’explique par l’attachement de l’institut d’émission à la réalisation de plusieurs objectifs à la fois en l’occurrence le soutien de l’activité économique, la préservation de la stabilité du système financier, la viabilité de la position extérieure et la maîtrise de l’évolution des prix. Cette démarche se justifiait non seulement par l’ambiguïté entourant la mission principale de la BCT qui consistait, selon l’ancienne loi portant création et organisation de la BCT, en la préservation de la valeur interne et externe de la monnaie nationale, mais surtout par l’absence d’un cadre analytique fiable lui permettant de mener à bien sa politique monétaire.

Chaque année, la BCT élabore un programme monétaire dans lequel est annoncé un objectif de croissance de la masse monétaire compte tenu d’un schéma macroéconomique préalablement établi par le Gouvernement. De ce fait, l’appréciation des tensions inflationnistes à travers le suivi de l’évolution monétaire était plutôt à titre indicatif et n’a pas eu une influence significative sur les décisions en matière de taux d’intérêt directeur. Ce n’est qu’à partir de l’année 2006 que l’ambiguïté entourant la mission principale de la Banque a été levée, à travers la consécration de la préservation de la stabilité des prix comme mission principale de la politique monétaire.

2.1.1 Politique du taux d’intérêt

L’examen de l’évolution du taux d’intérêt, au cours de la période comprise entre 2000 et 2008, laisse entrevoir une forte réticence de la BCT dans l’utilisation du taux d’intérêt en tant qu’instrument principal dans la conduite de la politique monétaire pour des considérations de stabilité financière. Ainsi, en dehors du mouvement baissier qui a accompagné une évolution modérée de l’inflation depuis 2000, le taux directeur n’a été revu à la hausse qu’une seule fois en 2006 de 25 points de base. Le taux du marché monétaire au jour le jour, qui constitue le taux de référence pour l’ensemble des instruments financiers, est demeuré longtemps très peu volatil à cause de la forte présence de la BCT sur le marché.

Cette politique monétaire, qui pourrait être qualifiée globalement par neutre avec rigidité du taux

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2,75%

3,25%

3,75%

4,25%

4,75%

5,25%

5,75%

6,25%

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Corridor

Taux directeur

Taux du marché monétaire

En réponse à la hausse du taux d’inflation En réponse à la

forte décélération de l’activité économique et l’augmentation des NPL notamment dans le secteur touristique

En réaction à l’accélération de l’inflation conformément à la nouvelle mission de la BCT

Soutenir l’activité économique fortement

affectée par la

contraction de la demande extérieure

Introduction des facilités permanentes et abandon des opérations ponctuelles

Allègement des charges financières des entreprises fortement touchées par les évènements survenus après la révolution

Figure1 – Évolution des principaux taux d’intérêt du marché monétaire

d’intérêt, a fait perdre au TMM tout contenu informatif sur la situation de la liquidité et a conduit à réduire de manière substantielle son rôle dans la conduite de la politique monétaire. Ce n’est qu’à partir de février 2009 avec l’institution des facilités permanentes de dépôt et de prêt à 24 heures et d’un corridor de 100 points de base autour du taux directeur, que le TMM est devenu plus flexible.

2.1.2 Politique du taux de change

Tout en s’attachant à l’hypothèse implicite d’un taux de change d’équilibre stable, les autorités moné- taires ont adopté, durant la période comprise entre 1994 et 2000, une politique de change visant la stabilité du taux de change effectif réel à travers l’ajustement du taux de change effectif nominal. Toutefois, la forte chute de l’euro face au dollar pendant les années 2000 et 2001, a conduit les autorités à mener une politique de change plus adaptée au nouveau contexte. En effet, et afin de préserver voire améliorer la compétitivité des exportations tunisiennes, la BCT a opté pour une dépréciation du taux de change réel.

Cette orientation, qui s’est accompagnée par une asymétrie dans la réaction de la BCT face à l’évolu- tion de la parité euro-dollar, visait principalement deux objectifs : soutenir les entreprises tunisiennes, y compris celles bénéficiant de programmes de mise à niveau, à faire face aux difficultés engendrées par l’ou- verture croissante de l’économie2d’une part, et aux risques auxquels a été exposé le secteur touristique après les évènements du 11 septembre 2001 et les attentats de Djerba en 2002 et qui se sont traduites par une forte hausse du taux des créances immobilisées (de l’ordre de 24% en 2003), d’autre part.

Face à l’aggravation du déficit courant, la BCT a adopté un cadre de politique de change plus flexible

2. L’entrée en vigueur de la deuxième phase de l’accord d’association avec l’Union Européenne et l’élimination progressive des quotas prévus par les accords multi-fibres conjuguées à l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001.

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1,00 1,20 1,40 1,60 1,80 2,00 2,20

Euro/Dinar Dollar/Dinar

Figure 2 – Évolution des parités Euro/Dinar et Dollar/Dinar

75 85 95 105 115 125 135

Indice de taux de change nominal (Euro/Dinar)

Indice de taux de change réel (Euro/Dinar)

Figure3 – Évolution des indices de taux de change du Dinar face à l’Euro

en modifiant, au courant de l’année 2012, son mode d’intervention sur le marché de change et ce, en remplaçant le mode basé sur le taux de référence calculé sur un panier de monnaie par le fixing basé sur les taux interbancaires. Cette démarche visait à faciliter l’ajustement extérieur et à aider à réduire l’érosion des avoirs en devises.

2.2 La croissance économique

L’activité économique s’est bien comportée, au cours de la période comprise entre 2000 et 2008, malgré une année 2002 fortement affectée par la forte baisse de l’activité du secteur touristique à cause des re- tombées des attentats du 11 septembre 2001 et de Djerba, en avril 2002. Le taux de croissance s’est établi, au cours de cette période autour de 5% en moyenne grâce, notamment, à la vigueur de la consommation privée, principal moteur de croissance en Tunisie.

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-6,0 -4,0 -2,0 - 2,0 4,0 6,0 8,0

Exportations nettes de biens & services Variations de stocks

Formation brute de capital fixe Consommation privée Consommation publique P.I.B. aux prix constants (base 2005) (%)

Figure4 – Structure de la croissance économique en Tunisie

Si la Tunisie est parvenue en 2009 à bien gérer la crise financière grâce, notamment, à son faible degré d’intégration et des restrictions imposées sur les mouvements de capitaux, elle n’a pas pu éviter le ralentissement de l’économie qui est dû à la crise économique dans la Zone Euro.

Table1 – Structure des échanges commerciaux avec l’Europe (27 pays) en %

Exportations vers l’Europe Importations de l’Europe

2000 2005 2010 2000 2005 2010

Tunisie 80,3 80,1 73,2 72,0 69,7 61,2

Algérie 63,1 55,5 49,1 59,1 55,7 51,1

Égypte 41,0 34,1 30,0 38,1 25,2 32,2

Jordanie 4,2 3,6 3,7 34,2 24,6 20,6

Liban 22,9 11,3 18,1 45,7 40,1 35,8

Maroc 75,7 74,0 59,7 58,9 53,2 49,2

Syrie 68,3 44,5 40,5 32,9 12,3 25,3

Source : Pocketbook on Euro-Mediterranean Statistics, EUROSTAT 2012.

La structure des échanges a fait de la Tunisie un réel partenaire l’Europe avec des parts des exporta- tions et des importations devançant celles des autres pays de la rive sud de la Méditerranée. Ces niveaux élevés ont contribué à augmenter la vulnérabilité de l’économie tunisienne à la conjoncture en Europe.

En effet, selon De Bock et all. (2010)[8] un choc sur l’activité économique dans la zone Euro engendre une réaction significative au niveau de la croissance en Tunisie.

Cette forte dépendance, conjuguée à d’autres facteurs internes, ont mis en difficulté la reprise éco- nomique après la révolution. L’activité peine encore à retrouver sa vigueur compte tenu de la situation défavorable à laquelle fait face la Zone Euro aujourd’hui.

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2.3 L’évolution des prix

Malgré une politique monétaire plutôt orientée vers le soutien de l’activité économique et la préser- vation de la stabilité financière, la Tunisie est parvenue, au cours de la période comprise entre 2000 et 2010, à assurer une certaine maîtrise de l’inflation grâce à une politique d’administration des prix, qui a réussi durant cette période à contrecarrer les chocs sur les prix internationaux des produits de base et de l’énergie et contenir l’inflation dans des niveaux acceptables3.

Trois caractéristiques ont marqué l’évolution des prix au cours de cette période :

i. Une assez forte volatilité et un profil cyclique, moins perceptible dans l’inflation sous-jacente, avec une alternance de phases d’inflation portant la marque, essentiellement, de l’évolution des prix des produits alimentaires frais.

ii. La présence d’une tendance ascendante engendrée par la hausse des prix à l’importation suite, notamment, à la dépréciation du taux de change du dinar.

iii. La forte part des prix des produits administrés dans le panier à la consommation, malgré l’enga- gement de l’État dans un processus de libéralisation des prix. Ainsi, tout ajustement non anticipé des prix des produits administrés est de nature à provoquer un biais budgétaire dans la maîtrise de l’inflation et réduit l’impact du taux d’intérêt dans la transmission des impulsions de la politique monétaire.

0 1 2 3 4 5 6

Inflation

Inflation hors produits frais et administrés

(%)

Figure5 – Évolution de l’inflation et de l’inflation sous-jacente

Les évènements qui ont accompagné la révolution en 2011 se sont traduits par une dégradation de la situation sécuritaire, une prolifération du secteur informel et l’instauration d’un nouveau rapport de

3. Le seul dépassement a été enregistré au cours de la première moitié de 2008 et ce, suite à la flambée des prix des produits de base et de l’énergie.

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forces, sur le plan social4 aboutissant à des révisions disproportionnées des salaires. Ce contexte très particulier a contribué à la résurgence des tensions inflationnistes.

3 Structure du modèle

On considère un modèle macroéconomique semi-structurel, qui représente une petite économie ou- verte. Les équations décrivent essentiellement les dynamiques de la demande et de l’offre agrégées, du taux d’intérêt nominal et du taux de change réel. L’espace des variables est caractérisé par un nombre relativement réduit de variables observables. Quatre variables de l’économie tunisienne ont été utilisées, qui sont les taux de croissance du PIB réel et de change nominal, le taux d’inflation et le taux d’intérêt no- minal de court terme. De même, et au niveau de la Zone Euro, le choix a porté sur trois variables à savoir, l’output gap, le taux d’inflation et le taux d’intérêt réel. Les prévisions des variables tunisiennes, issues du modèle, sont conditionnelles aux projections des variables de la Zone Euro établies par le modèle GPM.

Globalement, le modèle s’appuie sur la même structure du modèle de projection global GPM, no- tamment, dans sa version présentée par Carabenciov et al.(2008)[4], avec quelques modifications, qui ne touchent pas les fondements économiques du modèle, à savoir :

– Les variables non stationnaires sont exprimées en différence logarithmique.

– Les chocs sur l’écart de production, les taux de croissance du PIB et du potentiel sont supposés contrôlés par les rapports des écarts-types.

– Le taux de change réel d’équilibre est supposé suivre un processus autorégressif.

– La règle de politique monétaire est augmentée par le taux de change réel.

3.1 Courbe de Phillips

La dynamique des prix est supposée décrite par une courbe de Phillips augmentée du taux de change réel. Cette version suppose que les anticipations d’inflation sont en partie adaptatives (backward-looking) et prospectives (forward-looking), et complémentaires à l’unité5. Cette hypothèse implique que l’inflation courante est influencée, en partie, par l’inflation future anticipée. Quand une entreprise établit son prix, elle doit être concernée par l’inflation dans l’avenir parce qu’elle ne peut pas pouvoir ajuster son prix pendant plusieurs périodes (Walsh (2003)[28]).

4. Processus de formation des salaires, grèves, sit-in, etc.

5. Bien que dans sa version originale, l’inflation est purement prospective (Walsh (2003)[28]), il est admis tant théorique- ment (Gali et al.(2001)[13]) qu’empiriquement (Palley (2003)[20], Dupuis (2004) [9], Roeger et al.(2012)[22]) que l’ajustement de l’inflation peut être lent à cause d’une composante inertielle dans la dynamique des prix.

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Le taux d’inflation est supposé alors décrit par le processus suivant :

πt=λ1Etπt+1+ (1−λ1t−1+λ2yt−1+λ3dZt+pt (1)

π le taux de croissance trimestriel annualisé de l’indice des prix à la consommation, y l’output gap, dZ le taux de croissance trimestriel du taux de change réel. Le paramètre λ1 mesure l’influence des anticipations prospectives dans la formation des prix courants. Le paramètre λ2 reflète le degré de répercussion des ajustements des coûts de production6 sur les prix. Le paramètreλ3 mesure le degré du pass-through des effets du taux de change vers les prix à la consommation7. Finalement, l’équation (1) intègre un choc stochastique,p, qui s’interprète comme un choc d’offre transitoire8.

3.2 Courbe IS

L’équation de la demande agrégée, qualifiée courbe IS, présume l’existence d’un niveau potentiel de production pour l’ensemble de l’économie autour duquel fluctue la production effective. Ces fluctuations, qui constituent un élément déterminant de l’évolution de l’inflation, sont supposées être définies comme suit :

yt=β1yt−1+β2Etyt+1β3rrt−1+β4zzt−1+β5yt−1eu +yt (2) oùy,rr,zzetyeusont, respectivement, la production domestique, les taux d’intérêt et du change réels, et la production de la Zone Euro, exprimés en termes d’écart par rapport à leurs niveaux de long terme.

Cette spécification traduit le fait que la décision de production prise au cours de la périodet, représentée par la variable yt, dépend des décisions prises au cours de la période passée et aussi des anticipations sur l’état futur de l’économie, qui reflètent les perspectives de l’activité. Ces dernières influencent les anticipations sur les revenus futurs des ménages, ce qui peut les encourager à consommer plus. L’effet attendu de cette composante est positif et expansif. Par ailleurs, un écart positif du taux d’intérêt réel, par rapport à ses mouvements de long terme, a un effet restrictif sur la demande intérieure. En effet, le renchérissement des coûts réels du crédit, suite à une hausse du taux d’intérêt nominal à court terme, pénalise à la fois la consommation et l’investissement.

L’influence de la demande étrangère sur l’output gap transite, essentiellement, par les effets des fluc- tuations du taux de change réel et de la production dans les pays partenaires, par rapport à leurs niveaux de long terme. Un écart positif du taux de change réel rend les produits tunisiens plus compétitifs sur le

6. Les ajustements de coûts répondent aux pressions exercées sur l’appareil de production pour satisfaire une demande additionnelle. Étant donné l’absence de séries chronologiques informatives sur ces coûts, il est souvent admis que l’écart de production constitue la bonne approximation.

7. Théoriquement, l’inflation dépend de la variation des termes de l’échange, mais en admettant la loi de prix unique, le taux de change réel est proportionnel aux termes de l’échange (Walsh (2003)[28] et Galí et Monacelli (2004) [13]).

8. Comme par exemple, des chocs sur les prix internationaux des produits de base et de l’énergie.

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marché étranger et un output gap positif dans la Zone Euro stimule la demande étrangère adressée aux produits tunisiens. Finalement, l’output gap peut être impacté par un choc de demande transitoire, y, telle qu’une augmentation non anticipée des dépenses budgétaires ou de la demande étrangère provenant d’autres pays en dehors de la Zone Euro.

Comme elles sont inobservables, les variables de long terme sont estimées par le modèle, simultanément et conjointement avec les paramètres. Afin de les apprécier, il s’est avéré nécessaire d’imposer un certain processus décrivant a priori leurs trajectoires. Tout d’abord, la production potentielle, principale variable de long terme, vérifie la définition suivante :

ytyt−1=dpibtdpibt (3) avec dpibet dpib sont, respectivement, les taux de croissance trimestriels du PIB observé et du poten- tiel. Le taux de croissance du potentiel est supposé égal à gt, augmenté d’un choc exogène permettant d’engendrer un changement permanent du niveau du potentiel :

dpibt =gt/4 +dpibt (4) A long terme, le taux de croissance du potentielgest supposé égal au taux de croissance à l’état station- nairegss. Toutefois, il peut dévier à cause d’un choc exogène transitoire,g, avant de revenir graduellement à son état d’équilibre :

gt= (1−ρg)gss+ρggt−1+gt (5) Faut-il noter qu’avec une telle spécification du potentiel de la croissance, il serait difficile d’évaluer de façon fiable l’output gap issu du modèle estimé, compte tenu de l’importance de l’incertitude engendrée par le choc qui a secoué l’économie tunisienne lors de la révolution du 14 janvier 2011. Une façon permettant de contourner cette situation d’incertitude consiste à prendre en compte des informations sur les résidus afin de contrôler leurs effets sur le potentiel et sur l’output gap. Ce contrôle se matérialise à travers la calibration du rapport entre les écarts-types des résidus de la courbe IS et de la dynamique du potentiel, de la manière suivante :

yt=β1yt−1+β2Etyt+1β3rrt−1+β4zzt−1+β5yeut−1+uyt (6)

dpibt =gt/4 +udpibt (7) gt= (1−ρg)gss+ρggt−1+ugt (8) oùyt =ψ1σguyt, dpibt =ψ2σgudpibt et gt =σgugt. Le paramètre σg est l’écart-type deg, ψ1 et ψ2

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sont, respectivement, les rapports des écarts-types de y et dpib sur g. Des valeurs élevées de ψ1 sont de nature à rendre le potentiel plus rigide et l’output gap plus sensible aux chocs affectant la production effective. Par ailleurs, des grandes valeurs de ψ2 impliquent plus de flexibilité du potentiel. Les résidus uyt,udpibt etugt sont supposés suivre une distribution N(0,1).

Ensuite, les mouvements à long terme du taux d’intérêt réel ex ante, r, sont supposés suivre le processus suivant :

rt = (1−ρr)rss+ρrrt−1 +rt (9)

rt =rtrrt (10)

rt=itEtπt+1 (11)

avecietrsont, respectivement, les taux d’intérêt nominal et réel à court terme,rssest le taux d’intérêt réel de l’état stationnaire. Cette équation implique que le taux d’intérêt réel de long terme peut diverger de son niveau de l’état stationnaire en réponse à un choc exogèner.

Finalement, les mouvements de long terme du taux de change réel sont supposés suivre le processus autorégressif suivant :

dZt=κdZt−1 +Zt (12) zzt=dZtdZt+zzt−1 (13) oùdZ etdZ sont les taux de croissance trimestriels du taux de change réel et de son niveau de long terme. Le paramètreκmesure la persistance inertielle dans la dynamique de taux de change réel. Alors que le terme résiduelZ résume les chocs exogènes qui peuvent engendrer des déviations transitoires de dZ.

3.3 Parité non couverte des taux d’intérêt

Afin d’évaluer la dynamique du taux de change réel, le modèle fait appel au concept de parité non couverte du taux d’intérêt (PTINC). Bien que cette parité soit remise en question dans la pratique, elle demeure, toutefois, une référence pour les économistes, tout en apportant à chaque fois certains changements de ses hypothèses.

Par conception, la PTINC établit que la différence entre les taux de change futur anticipé et courant est compensée par le différentiel des taux d’intérêt domestique et étranger. Cette définition exige une substituabilité parfaite entre les actifs financiers dans les deux pays et par conséquent, une prime de risque nulle. La confrontation de cette relation avec les données observées a remis en cause les hypothèses de la formation des anticipations et de la prime de risque.

Dans un contexte d’incertitude et d’absence d’information complète sur les évolutions des marchés

(14)

financiers, les anticipations des agents économiques ne peuvent pas être purement rationnelles. De ce fait, l’anticipation du taux de change courant peut s’écrire comme une combinaison linéaire des anticipations adaptatives et prospectives :

Zte=φEtZt+1+ (1−φ)Zt−1 (14) Souvent, une certaine prime de risque est introduite pour expliquer les écarts de la PTINC. Par exemple, les interventions des banques centrales sur le marché de change, quand elles ne sont pas anticipées par les agents, peuvent induire des déviations temporaires de la PTINC. C’est notamment le cas si elles ont pour but de soutenir la monnaie nationale alors que le différentiel de taux d’intérêt suggérait une dépréciation de celle-ci. La spécification retenue de la PTINC, en présence des anticipations combinées et des primes de risque, s’écrit comme suit9:

4(ZteZt) = (rtrteu)−(rtrteu) +zzt (15) oùreuest le taux d’intérêt réel dans la Zone Euro etreu est son niveau d’équilibre. La composante rreu est une prime de risque d’équilibre sur les actifs financiers en Tunisie. Le terme résiduel zz s’interprète comme une autre prime de risque relative à l’évolution conjoncturelle. Le réarrangement de ces deux dernières équations permet d’écrire :

4((φ−1)dZt+φEtdZt+1) = (rtreut )−(rtrteu) +zzt (16)

dZt=dSt+πeutπt (17)

dZ et dS sont les variations trimestrielles du taux de change du dinar vis-à-vis de l’Euro en termes réel et nominal. La variableπeu est le taux d’inflation trimestriel dans la Zone Euro.

3.4 Règle de politique monétaire

A travers une règle de politique monétaire, notamment une règle de type Taylor10, nous cherchons à décrire la politique monétaire à différentes périodes et à appréhender le comportement de la banque centrale en matière d’ajustement du taux d’intérêt de court terme. La construction d’une telle règle est fondée sur le calcul d’un taux d’intérêt compatible avec l’objectif de stabilité de prix. D’un point de vue normatif, la comparaison du taux d’intérêt issu de la règle de Taylor au taux d’intérêt à court terme observé sur le marché permet de juger de l’adéquation des actions de politique monétaire aux évolutions

9. La différence de taux de change réel est multipliée par 4 pour avoir le taux annualisé comparable à celui des taux d’intérêt.

10. J.Taylor a proposé une règle pragmatique du comportement du taux d’intérêt, tirée de l’expérience de la Federal Reserve Bank des États-Unis. Vu la simplicité de cette règle, elle s’est progressivement imposée comme une règle de référence pour la plupart des travaux empiriques.

(15)

des variables macroéconomiques fondamentales.

La règle retenue est une version modifiée de celle du modèle GPM6, augmentée du taux de change réel.

A travers cette règle, le taux d’intérêt nominal de court terme est supposé décrit de la manière suivante : it=γ1it−1+ (1−γ1)((rt+πt) +γ2tπt) +γ3yt+γ4dZt) +it (18) avec i le taux d’intérêt de court terme, π le taux d’inflation désiré ou cible et r le taux réel neutre (ou taux d’intérêt réel assurant l’équilibre à long terme). Cette règle implique qu’à long terme, le taux d’intérêt i est égal à son niveau d’équilibre. Toutefois, à court et moyen termes, il peut s’écarter pour répondre à un écart d’inflation, de production ou à une variation du taux de change réel. Les actions discrétionnaires de la politique monétaire sont incorporées dans le terme d’erreurs i, qui s’interprète comme un choc de politique monétaire.

3.5 Économie étrangère (Zone Euro)

Dans le modèle, les partenaires commerciaux de la Tunisie se limitent uniquement aux pays de la Zone Euro11. Trois indicateurs macroéconomiques de la Zone Euro sont alors utilisés, à savoir, l’output gap, le taux d’inflation et le taux d’intérêt réel, qui sont supposés suivre les processus suivants :

yteu=θyeut−1+yteu (19)

πteu= (1−τ)πeuss+τ πt−1eu +pteu (20) rteu= (1−ρeu)reuss+ρeurt−1eu +rteu (21) reut = (1−ρeu)reuss+ρeureut−1+reu

t (22)

avec yeu est l’output gap de la zone euro, πeu est le taux de croissance trimestriel de l’indice de prix à la consommation harmonisé (IPCH), πeuss et reuss sont, respectivement, le taux d’inflation et le taux d’intérêt réel de l’état stationnaire. Les termes résiduels yeu, peu , reu et reu

résument les chocs de demande, d’offre et de taux d’intérêt dans la Zone Euro. En matière de prévision, les projections générées par le modèle GPM6 sont supposées les plus probables pour la Zone Euro et sont retenues pour la prévision de la croissance et de l’inflation en Tunisie. A signaler que le modèle GPM6 intègre la plupart des économies du monde (plus de 85% du PIB mondial) et génère mensuellement de nouvelles prévisions.

11. Plus de 70% des transactions commerciales sont effectuées avec des pays de la Zone Euro, notamment, la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne.

(16)

4 Estimation du modèle

Le modèle12 décrit précédemment est composé de 17 équations et de 41 paramètres. L’estimation par les méthodes économétriques traditionnelles semble inappropriée étant donnée la taille relative- ment réduite de l’échantillon. Pour pallier cette insuffisance, nous avons opté pour la méthode bayé- sienne. Cette technique qui est devenue l’outil privilégié des macro-économistes, à l’instar de Smets et Wouters(2003)[24], Fernandez et al.(2006) [10] et Wieland et al.(2012)[29], consiste à combiner l’infor- mation livrée par les données avec des a priori sur les paramètres du modèle qui sont généralement synthétisés dans des travaux antérieurs ou tout simplement déduits de la théorie économique.

4.1 Données

Les données utilisées dans l’estimation sont celles de l’Institut National de la Statistique (INS), de la Banques Centrale de Tunisie et du réseau GPM (CEPREMAP). La période d’estimation s’étend du deuxième trimestre 2000 au dernier trimestre 2012. Les variables observables retenues sont :

– Le taux de croissance trimestriel du PIB hors agriculture aux prix constants de 200513.

– Le taux d’inflation sous-jacente, défini comme le taux de croissance trimestriel annualisé de l’indice des prix à la consommation hors produits alimentaires frais et produits administrés (base 100=2005).

– Le taux d’intérêt nominal à court terme, qui n’est autre que la moyenne trimestrielle du taux du marché monétaire (TMM).

– Le taux de croissance trimestriel de l’indice de taux de change nominal bilatéral Euro/Dinar (base 100=2005).

– L’écart de production de la Zone Euro mesuré par l’écart entre le PIB réel (année de base 2005) et son niveau potentiel estimé par le modèle GPM (6 régions), Cf. Carabenciov et al (2011).

– Le taux d’inflation de la Zone Euro défini par le taux de croissance trimestriel annualisé de l’indice des prix à la consommation harmonisé (base 100=2005).

– Le taux d’intérêt réel ex ante de la Zone Euro14 qui est égal à la différence entre le taux d’intérêt nominal de court terme Euribor (3 mois) et le taux d’inflation futur anticipé.

4.2 Estimation bayésienne

Durant les dernières années, l’approche bayésienne est devenue très répandue auprès des économistes et des modélisateurs. Deux principales raisons peuvent expliquer son succès. La première étant d’ordre conceptuel, concerne la prise en compte de l’informationa priorisur les paramètres structurels du modèle.

12. Voir annexe 1 pour une description détaillée du modèle.

13. La composante agriculture est exclue à cause de sa volatilité liée essentiellement aux facteurs climatiques.

14. Ce taux est calculé à partir du modèle GPM6.

(17)

La deuxième raison est plutôt numérique et en relation avec la révolution technologique, qui a permis le développement des logiciels et des procédures de calcul numérique facilitant l’adoption de cette approche.

Emiriquement, l’approche Bayésienne commence par la formulation du modèle. Ensuite, nous formulons une distribution a priori sur les paramètres inconnus du modèle, qui doit capter nos croyances de la situation avant l’observation des données. Après l’observation de quelques données, nous appliquons la formule de Bayes pour obtenir une distributiona posteriori pour ces paramètres, qui tient compte tant du prior que des données (Neal(1998) [19]).

Explicitement, l’application de l’approche bayésienne suppose que l’on connaît les quantités suivantes : – La densité a priori du vecteur des paramètres, qui résume l’information dont on dispose sur les paramètres. Elle nécessite de choisir les valeurs de l’espérance et de l’écart-type ainsi que la loi de distribution jugée appropriée pour chaque paramètre.

– La densité jointe des variables endogènes conditionnelle aux paramètres, qui consiste à calculer la vraisemblance à partir des données observées.

– La formule de Bayes qui détermine la loia posteriori à partir de la densitéa priori et la vraisem- blance :

p(θ/Y) = p(Y /θ)p(θ)

R p(Y /θ)p(θ)p(Y /θ)p(θ) (23)

avecθle vecteur des paramètres,p(θ/Y) la densitéa posteriorisachant le modèle,p(θ) la densitéa priori, caractérisant l’information postulée a priori, p(Y /θ) la vraisemblance ou la densité jointe du modèle sachant les paramètres, incorporant l’information amenée par les données.

L’inférence des postérieurs suscite un certain nombre de commentaires. Tout d’abord, la comparaison des variances a priori et a posteriori peut renseigner sur la pertinence de l’information apportée par les données par rapport à celle donnée par les priors. Dans un contexte où nous disposons de peu de données, la prise en compte des croyancesa priori permet d’accroître la précision de l’estimation. Dès lors que l’on apporte de l’information, la variance postérieure devrait être plus faible que la variance de l’estimateur de vraisemblance (MV). De plus, si l’informationa priori est plus importante que l’information empirique (provenant des données) alors l’espérance postérieure sera plus proche de l’espérance a priori que de l’estimateur MV (Adjemian (2008)[1]). Finalement, la densité postérieure peut être utilisée pour générer des fonctions de réponse et des densités prédictives des variables observables.

(18)

4.3 Choix des priors

Le choix des priors constitue une étape importante dans la procédure d’estimation bayesienne. Il se fait de manière subjective et dépend des croyances de l’économiste sur les paramètres décrivant les comportements des variables d’intérêt. Les appréciations des modélisateurs peuvent fournir un critère acceptable pour fixer les limites du domaine ou de l’intervalle de définition du paramètre15. Une chose essentielle pour reproduire ces croyances sous forme de densités paramétrées.

Bien que les sources d’appréciation des paramètres soient multiples, les formes des densitésa priori sont pratiquement les mêmes. Formellement, les paramètres strictement positifs suivent une distribution Gamma, et ceux inférieurs à un sont de distribution Bêta. Alors que si les croyances sont vagues, la distributionNormale est la plus appropriée. Par ailleurs, les écarts-types des résidus sont généralement distribués selon la loiGamma-inverse, ce qui garantit qu’ils soient strictement positifs.

Certains paramètres ont été calibrés, compte tenu de la difficulté de les identifier dans les données. Un nombre de priors a été déduite du modèle GPM6, notamment celle relative à la Zone Euro. Le reste des priors reflète plutôt nos appréciations de l’économie tunisienne. Les paramètres calibrés sont présentés dans le tableau suivant :

Table 2 – Paramètres calibrés

Paramètre Interprétation Prior

π Taux d’inflation d’équilibre 4%

ψ1 Rapport des variances deyetg 4,0

ψ2 Rapport des variances dedpib etg 0,1

πeuss Taux d’inflation d’équilibre de la ZE 2%

reuss Taux d’intérêt réel à long terme de la ZE 0,5%

τ Persistance de l’écart de production de la ZE 0,5

θ Persistance de l’inflation de la ZE 0,5

ρeu Persistance intrinsèque du taux d’intérêt réel de la ZE 0,5 ρeu Persistance intrinsèque du taux d’intérêt réel de long terme de la ZE 0,5

4.4 Résultats

Les résultats de l’estimation bayésienne sont présentés dans le Tableau 4. Globalement, les postérieurs ne s’éloignent pas trop de ce que nous avons fixé comme priors. Premièrement, l’inertie de la courbe IS est confirmée par le modèle (β1= 0,67). Cette persistance intrinsèque est liée essentiellement à la croissance soutenue de la consommation privée. De plus, les anticipations de la demande future ont un impact assez significatif sur le niveau courant de l’output gap162= 0,12).

Les impulsions de la politique monétaire, qui transitent par l’écart du taux d’intérêt réel, demeurent

15. Ces jugements aident à pallier à plusieurs problèmes de calcul numérique et de convergence des estimateurs.

16. Les anticipations sont souvent sensibles aux chocs exogènes, tels que, l’attentat de Djerba (11 avril 2002) et la Révolution du 14 janvier 2011.

(19)

limitées (β3= 0,07) à cause de l’évolution relativement uniforme du taux d’intérêt nominal sur une longue période. Par ailleurs, la contribution de la demande étrangère à la demande agrégée est relativement importante, reflétée par les effets de l’écart du taux de change réel (β4= 0,16) et de l’output gap de la Zone Euro (β5= 0,20).

Deuxièmement, les paramètres estimés de la courbe de Phillips, accordent une importance particulière aux anticipations prospectives (λ1= 0,67) reflétant en quelque sorte la tendance inflationniste observée au cours des dernières années (figure 9). Faut-il préciser à cet égard que ce type d’anticipations joue un rôle crucial dans la conduite de toute politique monétaire ayant la stabilité des prix comme objectif principal.

En fait, si elles ne sont pas fortement arrimées aux objectifs de la banque centrale, ces anticipations risquent d’engendrer des écarts importants par rapport aux niveaux d’inflation désirés et de compromettre, par conséquent, l’efficacité de la politique monétaire17. L’effet de l’écart de production sur l’inflation en Tunisie est relativement faible comparativement à d’autres pays. En effet, la relation output gap-inflation a été fortement affectée par les évolutions post-révolution, période au cours de laquelle la hausse des salaires n’a pas été accompagnée d’une amélioration équivalente au niveau de la productivité. Les résultats des estimations suggèrent aussi que les prix s’ajustent, en grande partie, aux chocs d’offre.

Troisièmement, les résultats d’estimation de la règle de politique monétaire sont globalement cohérents avec ce que nous pensions a priori. Le degré de lissage γ1 est relativement important (γ1 = 0,93), reflétant la forte rigidité du taux d’intérêt à cause de la réticence des autorités monétaires au recours à cet instrument par le passé. En outre, ce dernier répond fortement à l’output gap (γ3= 0,44), traduisant une préoccupation de stabilisation de l’activité économique. La réponse du taux d’intérêt au taux de change bilatéral réel est assez importante (γ4 = 0,16), ce qui signifie que la politique monétaire s’est attachée à limiter l’appréciation du taux de change du dinar face à l’euro à travers la baisse du taux d’intérêt, afin de préserver la compétitivité des exportations tunisiennes.

Finalement, le taux de croissance de la production potentiellegss estimé à 3,65% est plus faible que la valeur fixée a priori à savoir 4%. Les incertitudes entachant ce paramètre sont importantes, puisqu’il semble difficile aujourd’hui de déterminer avec certitude si la révolution du 14 janvier 2011 a eu un impact durable ou transitoire sur la production potentielle. Toutefois, les retombées de la révolution sur l’activité économique sont non négligeables. En effet, le secteur des services, principal moteur de l’économie tunisienne, a été directement affecté par la crise au même titre que l’industrie (figure 10). La période post-révolution a fait apparaître de sérieux déséquilibres sous forme de déficits public et extérieur, qui peuvent entraver la réalisation d’une croissance élevée, et risquent d’affecter à terme le niveau du PIB potentiel.

17. Les anticipations à la hausse de l’inflation constituent une source d’accroissement des revendications salariales qui risquent d’entraîner une spirale prix-salaires qui est de nature à alimenter les pressions inflationnistes. En identifiant les sources de formation des anticipations, la politique monétaire peut intervenir afin de les contrecarrer.

(20)

5 Simulations et analyses de politique monétaire

Cette section est destinée, dans un premier temps, à l’examen de la décomposition des variables d’intérêt pour la politique monétaire et à l’analyse, dans un deuxième temps, des fonctions de réaction en réponse aux différents chocs exogènes.

5.1 Décomposition de l’output gap et de l’inflation

Il ressort des résultats d’estimation que l’évolution du PIB réel s’écarte souvent de sa tendance estimée par le modèle. La décomposition18de l’output gap rend compte de la contribution importante des chocs aussi bien de la demande domestique qu’étrangère. Depuis 2002, la demande agrégée tunisienne a été sujette à une succession de chocs exogènes qui ont impacté sa dynamique intrinsèque, notamment, suite aux attentats de Djerba, en 2002, le démantèlement tarifaire et l’entrée en vigueur des accords multifibres en janvier 2005, la crise financière de 2009 et finalement la Révolution de 2011, qui a engendré, au cours du premier trimestre 2011, un arrêt quasi-total de l’activité avant d’entamer une phase de redressement lente. Par ailleurs, la politique monétaire apparaît accommodante, notamment depuis 2009 et durant la période post-révolution.

Figure 6 – Décomposition de l’output gap

La décomposition des écarts du taux d’inflation par rapport à un taux choisi de 4% rend compte de la contribution importante des chocs d’offre19, en particulier durant la période post-révolution. Bien que ces chocs soient de nature transitoire, leurs effets risquent de persister à travers les anticipations de l’inflation

18. La description des différents chocs figurant dans le graphique est présentée dans l’annexe 2.

19. Ces chocs découlent en grande partie des troubles des circuits de distribution internes, des spéculations et des expor- tations illicites vers la Libye.

(21)

future. Le ralentissement de l’activité économique, dont le rythme de croissance demeure en dessous du potentiel, contribue à l’apaisement des tensions inflationnistes.

Figure7 – Décomposition de l’inflation sous-jacente

5.2 Réponses impulsionnelles

Les réponses aux impulsions demeurent l’un des instruments les plus indiqués pour expliquer les sources de propagation des chocs. Elles permettent de synthétiser l’essentiel de l’information contenue dans la dynamique interne du modèle. La figure 11 (en annexe) décrit l’ensemble des réponses impulsionnelles des variables clés à un choc de politique monétaire. Une augmentation du taux d’intérêt nominal d’un point d’écart-type engendre à court terme une appréciation du taux de change réel. Ce durcissement des conditions monétaires conduit à un ralentissement de l’économie au bout d’un an. L’appréciation du taux de change conjuguée à un écart de production négatif engendrent conjointement un apaisement des tensions inflationnistes jusqu’à 10 trimestres.

Par ailleurs, en réponse à un choc positif sur les prix (figure 12), le taux de change réel s’apprécie instantanément. La politique monétaire réagit à ces tensions inflationnistes en augmentant le taux d’in- térêt nominal au bout de deux trimestres. En conséquence, la demande agrégée baisse progressivement et le maximum d’impact est atteint après 6 trimestres. Une augmentation du taux d’intérêt nominal, implique une hausse du coût du crédit, ce qui pénalise la consommation des ménages et l’investissement des entreprises et par conséquent la demande agrégée.

En outre, un accroissement de la demande globale, suite à un choc positif d’un écart-type (figure 13), engendre des pressions sur les capacités de production et par conséquent des tensions sur les coûts réels de production. Ces derniers poussent l’inflation à la hausse sur le court terme. Le taux d’intérêt nominal

(22)

augmente graduellement pour atteindre un maximum au quatrième trimestre. Ces développements en- gendrent un ralentissement de l’activité économique et un apaisement des tensions inflationnistes à moyen terme.

Finalement, une demande additionnelle de la Zone Euro adressée aux produits tunisiens conduit à une hausse de la demande globale à court terme (figure 14). Les pressions sur les coûts de production, afin de satisfaire cette demande, contribuent à l’accélération de l’inflation. Le taux de change Euro/Dinar s’apprécie à très court terme (1 trimestre) puis commence à se déprécier afin de soutenir cette relance par la demande étrangère. La politique monétaire n’entrave pas ce processus mais répond aux tensions inflationnistes d’une manière graduelle et très lente. Le maximum d’impact est atteint 6 trimestres après le choc.

6 Prévisions

Le modèle présenté dans ce travail est utilisé trimestriellement pour effectuer des prévisions de l’in- flation et de la croissance sur un horizon allant de deux à trois ans. Le processus d’établissement des projections peut se limiter aux prévisions non conditionnelles, comme il peut intégrer les jugements et les appréciations des spécialistes, du fait qu’ils peuvent repérer d’autres facteurs importants omis par le modèle. Cette dernière approche est souvent privilégiée par les banques centrales et les institutions internationales.

Les jugements concernent les évolutions futures les plus probables des variables aussi bien exogènes qu’endogènes. Pour les variables exogènes, ils proviennent du suivi des évolutions économiques et finan- cières mondiales, en général, et des pays partenaires, en particulier. Ils permettent l’identification des sources d’incertitude afin de les incorporer dans la prévision centrale, ainsi que dans la construction des scénarios alternatifs. Les jugements sur les variables endogènes sont souvent limités aux prévisions à court terme (un à deux trimestres) qui sont, généralement, issues de modèles qui ne possèdent pas nécessai- rement les mêmes spécificités du modèle de prévision à moyen terme. En effet, les modèles de prévision à court terme cherchent généralement à incorporer une large gamme d’informations conjoncturelles (in- dicateurs économiques, enquêtes,...) afin de réduire au maximum les erreurs de prévision. D’après les expériences passées, ces modèles sont plus performants, en termes de prévision, sur le court terme. C’est pour cette raison qu’ils sont utilisés comme des points de départ (starting points) pour les prévisions à moyen terme.

(23)

0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 7,0

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Inflation hors produits frais et administrés

(%)

Figure8 – Prévision non conditionnelle (hors échantillon) de l’inflation sous-jacente

7 Conclusions

Ce travail a pour objet le renforcement du dispositif actuel d’analyse et de prévision à la BCT par le développement d’un modèle de prévision trimestrielle de l’inflation et de la croissance pour la Tunisie.

Les spécifications retenues nous semblent cohérentes avec les hypothèses explicites sur les mouvements de long terme, les anticipations et les données tunisiennes. En se basant sur une estimation bayésienne, nous sommes parvenus à des résultats satisfaisants et cohérents, dans l’ensemble. En particulier, les fluctuations économiques, par rapport à une tendance de long terme, incorporent une composante inertielle relative- ment importante. L’impact du taux d’intérêt sur ces fluctuations est relativement faible. Néanmoins, les effets du taux de change réel ainsi que l’output gap de la Zone Euro sont nettement significatifs. Par ailleurs, les paramètres estimés de la courbe de Phillips indiquent un poids important pour la composante prospective de l’inflation, tirée par la tendance inflationniste, qui s’est accélérée durant la période post- révolution. L’output gap semble peu influent sur la dynamique de l’inflation. Le degré de pass-through est relativement comparable aux pays similaires. Le poids des chocs d’offre est important, notamment depuis 2012 et risque de peser sur l’inflation future. Les paramètres de la règle de Taylor semblent être raisonnables, avec un degré de lissage relativement élevé, reflétant le comportement inertiel du taux d’in- térêt, sur la période d’estimation.

Finalement, la poursuite du développement du modèle apparait possible et nécessaire. Elle pourrait s’étendre à une prise en compte explicite de la décomposition de l’inflation ; et permettrait aussi de désa- gréger la demande globale en séparant les comportements des agents privés et publics et en utilisant cette séparation pour élaborer des scénarios cohérents des politiques monétaire et budgétaire.

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