• Aucun résultat trouvé

LIRE EN L AUTRE COMME DANS UN LIVRE OUVERT

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "LIRE EN L AUTRE COMME DANS UN LIVRE OUVERT"

Copied!
21
0
0

Texte intégral

(1)

LIRE EN L’AUTRE COMME DANS UN LIVRE OUVERT Yves Érard, Layla Raïd, Joséphine Stebler

BSN Press | « A contrario » 2021/1 n° 31 | pages 3 à 22 ISSN 1660-7880

DOI 10.3917/aco.211.0003

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-a-contrario-2021-1-page-3.htm

---

Distribution électronique Cairn.info pour BSN Press.

© BSN Press. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(2)

3

Lire en l’autre comme dans un livre ouvert

Yves Erard, Layla Raïd et Joséphine Stebler

L

e présent volume rassemble les interventions issues de la quatrième édition des Journées d’étude du Cours de vacances de l’Université de Lausanne . Elles s’inti- tulaient « Apprendre à lire les autres avec soin » et se voulaient une réflexion sur les pratiques de la lecture par la pratique universitaire de la lecture . Vous trouverez des traces de ce processus dans les réponses aux contributions, qui forment un dialogue où s’entrecroisent contributions et réactions à ces contributions pour créer un réseau d’une conversation où chaque voix compte . Ce dispositif constitue une définition en acte de ce que ce volume d’a contrario revendique comme pratique universitaire de la lecture et donne à voir, de manière performative et concrète, ce qu’apprendre à lire les autres avec soin veut dire . Nous laissons le soin à la lectrice ou au lecteur de savoir si cet acte performatif est heureux, et d’en éprouver la vulnérabilité sur le même mode expérimental d’une hypothèse qui est confrontée au monde empirique, c’est-à-dire par l’expérience singulière de leur propre lecture .

Lire comme pratique occupe une place importante dans ce qui définit l’université autant dans le domaine des sciences sociales que dans celui des études littéraires, sans qu’existe une frontière bien nette entre les deux . On peut pallier cette diffi- culté en regroupant ces deux domaines sous le terme de « littératie universitaire » en empruntant sa définition à l’anthropologie de Jack Goody (1968) . Cette solution a l’avantage de jeter une lumière sur la didactique de la lecture à l’université au prisme d’autres recherches en didactique à d’autres niveaux (Delcambre & Lahanier-Reuter 2012 ; Messier et al . 2016) . Elle a, par contre, le défaut de s’inscrire dans un héritage structuraliste de l’anthropologie qui pense l’écrit comme une codification de l’oral . Les Journées d’étude du Cours de vacances partaient, quant à elles, d’autres présup- posés issus, d’abord d’une anthropologie de l’éducation (Stebler 2020), ensuite d’un dialogue avec la philosophie du langage ordinaire (Das 2014) et enfin d’une mise en perspective avec d’autres horizons anthropologiques plus récents (Abram 2013) .

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(3)

4

Dans ce numéro, on aura compris qu’il est fondamentalement question de pédago- gie universitaire . Les textes lus y jouent le rôle d’expériences de pensée qui contribuent à transformer la manière de voir de celui ou celle qui les lit selon le soin qu’elle ou il porte à sa lecture . De ce point de vue d’une éducation perfectionniste, la vertu d’une lecture tiendra à la capacité de la lectrice ou du lecteur de se transformer soi-même au contact des autres qu’elle ou il lit . Dessiner les contours d’une théorie pratique comme compréhension qui change les manières d’agir en changeant les manières de voir (Erard 2018), tel est l’enjeu d’« apprendre à lire les autres avec soin » .

Dans cet éditorial, nous aimerions présenter cet enjeu en suivant les coutures de sa formulation . Dans un premier temps, nous nous demanderons si « lire les autres » est une métaphore de « lire un livre » ou, au contraire, si « lire un livre comme une machine à lire » (ce volume : 25-26) ne serait pas une mauvaise métaphore mécaniste de notre humaine manière de lire . Dans un premier temps, nous provoquerons cette réflexion sur ce que l’on peut vouloir dire par métaphore quand nous parlons de « lire les autres » . Dans un deuxième temps, « apprendre à lire les autres », nous envisagerons cette lecture des autres dans son lien avec l’éducation des adultes . Dans un troisième temps, « lire les autres avec soin », nous réfléchirons au rapport entre lecture et éthiques du care . Dans un quatrième et dernier temps, « laisser aux autres le soin de me découvrir dans leurs lignes », nous mettrons à l’épreuve de la pratique une lecture qui sort du cadre des références théoriques des Journées d’étude du Cours de vacances pour entrer en conversation avec ce que dit Isabelle Stengers de la lecture en s’inspirant en même temps de Bruno Latour et de David Abram .

Lire les autres

Imaginez . Quelqu’un vous dit « je lis en toi comme dans un livre ouvert » . Quelles pour- raient être les circonstances d’une telle adresse ? Comment pourrait-on y répondre ? Je pourrais réagir avec joie : « c’est réciproque ! » ; avec étonnement : « je me pensais moins intelligible que ça » ; avec satisfaction : « je compte donc pour toi » ; avec confiance : « je n’ai rien à te cacher » ; avec agacement : « tu n’es pas dans ma tête ! » ; avec scepticisme :

« ah bon ? » ; avec inquiétude : « ce type est fou » . De cette adresse, « je lis en toi comme dans un livre ouvert », émane une inquiétante étrangeté . Elle a des conséquences qui mettent en jeu la relation des personnes qu’elle engage . Elle entre donc dans la défi- nition de ce qu’Austin appelle un « effet perlocutoire » et Stanley Cavell un « énoncé passionné » . Selon ce dernier, cet énoncé serait clairement performatif, il engagerait l’avenir commun des personnes qui se parlent :

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(4)

5

[…] fatalement, si l’on échoue à choisir le destinataire approprié dans l’énonciation passionnée, l’avenir de notre relation, en tant qu’elle fait partie du sentiment que j’ai de mon identité ou de mon existence, est […] radicalement mis en jeu. On peut dire que le

« vous » choisi entre en jeu relativement à la déclaration du « je » qui, de ce fait, assume de se définir lui-même sous une forme éventuellement désinvolte ou fatale. L’énoncia- tion performative nous invite à participer à l’ordre de la loi. Et peut-être peut-on dire que l’énonciation passionnée nous invite pour sa part à improviser avec les désordres du désir. (Cavell 2011 : 149)

L’énoncé « je lis en toi comme dans un livre ouvert » met donc en jeu le « je », mais aussi le « tu » qui choisit de répondre ou non à ce que « je » dit . L’expression « lire en quelqu’un comme dans un livre » suppose un inquiétant pouvoir sur les intentions de l’autre, une étrange puissance de divination . Nous montrerons dans cet éditorial combien le même type de rapport « passionné » ou émotionnel se joue dans la relation d’un lecteur ou d’une lectrice à l’auteur·e qu’elle ou il lit en montrant combien l’adresse d’un texte invite, pour reprendre les termes de Stanley Cavell, à « improviser avec les désordres du désir » . Par une analogie avec la situation d’analyse psychanalytique, on soutiendra que dans cette énonciation particulière qu’est la lecture où je dis l’autre en le lisant, l’identité ainsi que l’existence de celle ou celui qui lit sont radicalement mises en jeu .

Pour peu qu’on accepte de prêter attention à l’expression « lire les autres », qui étend l’usage de « lire » au-delà des lignes d’un livre pour l’appliquer à une personne, on remarquera que cet usage est assez fréquent en français : lire sur les lèvres, lire dans les pensées, lire dans les yeux, lire dans le cœur, lire sur le visage, etc . Dans toutes ces expressions, lire l’autre veut dire lire le corps de l’autre, comme on lit une écriture .

Dans sa contribution, Stéphanie Pahud explore plus en détail cette possibilité que nos corps soient à lire sous l’aspect de la vulnérabilité de nos corps pris dans la lecture des autres mais aussi de notre propre corps pris dans le miroir de notre propre lecture . Mais nos corps ne sont pas des lignes de textes dont il est facile de se défaire, ce qui y est écrit résiste pour le pire mais aussi pour le meilleur . Dans une certaine vision perfectionniste du corps et de la voix humaine il ne s’agit plus de les faire « parler bien », mais de les faire « parler juste » . Les mêmes mots dans ma bouche et dans mon corps n’ont pas le même ton que dans la bouche et le corps des autres . Dans cette coordination différente se loge une subjectivité en rapport avec mon corps . Cette subjectivité dépendra d’une certaine appropriation ou un certain apprentissage

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(5)

6

de ces mots qui m’ont été donnés par d’autres et qui me servent pourtant à dire ma singularité, un ton qui ne dépend pas seulement des mots, mais aussi de ce corps qui m’accompagne tout le temps .

Dans le chapitre intitulé « Excursus sur la vision wittgensteinienne du langage » des Voix de la raison, Stanley Cavell s’interroge sur l’apprentissage de la signification d’un mot en se demandant ce que signifie pour un enfant de projeter un mot d’un contexte où il l’a appris à un nouveau contexte d’application qu’il ne connaît pas . Dans son raisonnement, Stanley Cavell s’appuie d’abord sur l’expérience de sa propre fille qui dit ses premiers mots et reprend ensuite les réflexions de Wittgenstein, dans la deuxième partie des Recherches philosophiques, sur le « sens “figuré” ou “secondaire” » d’un mot, dont il dit explicitement que ce ne sont pas des sens « métaphoriques » (Wittgenstein 2004 : 304) : « Wittgenstein se meut de manière plus concentrée dans des régions de l’usage d’un mot où celui-ci ne peut être assuré ni expliqué par le recours aux jeux de langage ordinaires (et, en cela, de tels usages sont bien comme des usages métaphoriques) . » (Cavell 2011 : 287)

Que gagne-t-on à dire que le mot « lire », dans l’expression « lire les autres », est

« comme » une métaphore, plutôt que de dire que c’est une métaphore ? Cavell s’en explique en conclusion :

Le phénomène que j’appelle « projeter un mot » est le fait de langage qui attire bien sou- vent, je pense, la réaction suivante : « Tout langage est métaphorique ». Peut-être vau- drait-il mieux dire : certes la possibilité de la métaphore se confond avec la possibilité du langage en général ; mais l’essentiel, dans la projection d’un mot, c’est qu’elle procède, ou qu’on peut la faire procéder, naturellement, alors que l’essentiel, dans une métaphore qui fonctionne, est que son « transfert » est non naturel – il rompt avec les directions éta- blies, et normales, de projection. (Cavell 2011 : 288)

On pourrait alors dire que « lire les autres » et son prolongement « lire les autres avec soin » font partie des expressions qui rompent avec les directions établies et nor- males de la projection des mots . Se servir de ces expressions explore en quelque sorte une possibilité inédite d’une manière de dire là où les jeux de langage laissent du jeu, laissent un espace à la création d’un nouveau jeu de langage : « Je suis donc enclin, même dans un jeu, à distinguer entre règles essentielles et règles inessentielles . Le jeu, aimerait-on dire, n’a pas seulement ses règles, il a aussi son astuce [Witz] . » (Wittgenstein 2004 : § 564)

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(6)

7

L’expression « lire les autres avec soin » s’inscrit dans l’esprit (Witz) de ce que « lire » veut dire . Reste à savoir qui est d’accord de jouer ce jeu, qui est d’accord de saisir cette occasion de transcender les critères d’application de nos mots :

Ce qui n’est pas naturel dans la métaphore tient à sa capacité à transcender nos critères ; pas qu’il s’agisse de les répudier, comme s’ils étaient arbitraires ; mais pour les détendre comme s’ils avaient été contractés […]. Et la métaphore transcende les critères non pas pour répudier nos accords mutuels mais pour mettre une certaine pression sur ces cri- tères (sous cette pression certains de nos accords avec les autres vont être mis en échec ; mais avec d’autres cet accord va être intensifié et affiné). Dans le cadre du figuratif, nos mots ne sont pas ressentis comme un enfermement mais comme une ouverture, pas comme une manière d’être enchaîné mais comme une manière d’être relié. (Ce cadre n’est ni en dehors ni à l’intérieur d’un jeu de langage.) (Cavell 1988 : 147-148, notre traduc- tion)

Dans ce volume nous avons voulu développer un lien dans le langage autour de l’expression figurative « lire les autres avec soin », considérée comme plus ou moins naturelle et selon les personnes plus ou moins métaphorique . En restant détendu·e·s, nous avons essayé de décontracter nos accords et nos désaccords et d’accepter la

« pression » exercée par cette expression sur les critères de notre langage, voir ce qui en ressortait, le jus de la pression, pour ainsi dire, sans répudier d’emblée cette nouvelle manière de parler en l’écartant du jeu comme relevant purement d’une métaphore .

Dans cette perspective, il s’agissait notamment de s’intéresser à l’une des sources du scepticisme anthropologique selon Stanley Cavell : le fait que l’on ne peut échapper à l’expression et donc au risque d’être lu et compris (Cavell 2012) . On peut se demander s’il ne faudrait pas ajouter au « mythe de l’inexpressivité » (Laugier 2011) – compris comme refus de se rendre intelligible – le refus d’être touché, le refus de se faire lec- trice ou lecteur .

Dans le cas de la lecture, l’inexpressivité se traduit par une incapacité à répondre . Simone Weil en donne un exemple dans son « Essai sur la notion de lecture » . Deux femmes reçoivent une lettre qui leur annonce la mort de leur fils . L’une s’évanouit, l’autre reste la même . De la deuxième Simone Weil dit qu’elle ne sait pas lire . Elle ajoute : « Ce n’est pas la sensation, c’est la signification qui a saisi la première, en atteignant l’esprit immédiatement, brutalement, sans sa participation, comme les sensations saisissent . Tout se passe comme si la douleur résidait dans la lettre, et de

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(7)

8

la lettre sautait au visage de qui la lit . » (Weil 1946 : 14) Comme un cri de douleur, une lecture est une manière de réagir à ce qu’on lit de manière immédiate et brutale sans

« participation de l’esprit » . Devenir lectrice ou lecteur consisterait alors à soigner sa réaction à ce qu’on lit, apprivoiser l’effet que fait sur nous ce qu’on lit .

Apprendre à lire les autres

Dans « Voix (non-)conclusives . Brayan et Perceval », qui clôt le présent volume, Claude Welscher nous met sous les yeux un exemple de lecture mutuelle entre un enseignant et un élève, porte-voix des autres élèves, un exemple où maître et élèves n’arrivent pas à lire parce qu’ils n’arrivent pas à se lire . Les mots qu’ils s’adressent restent inintelligibles . Claude Welscher montre que cette incompréhension a une fin, du moment que chacun accepte de se laisser dire par les mots de l’autre . Cette lecture de soi par les mots de l’autre exige un abandon de soi et une acceptation passive, une reconnaissance que la lecture de l’autre me lise aussi et par conséquent me dise aussi :

Ainsi, en (re)lisant les tribulations de Perceval et d’Arthur, Brayan et moi nous lisons mutuellement, engagés pour cela dans un rapport de tact qui suppose que moi aussi j’ac- cepte de me laisser instruire du fait qu’il existe des mots-y-en-a-des-qui-on-sait-même- pas-c’est-quoi. (Ce volume : 162)

« Lire les autres avec soin » consisterait à m’oublier dans leur expression, tout en y réagissant . Ceci sans me projeter dans leur expression, mais en acceptant qu’elle me touche, en y réagissant comme je réagirais à leur douleur . Ne pas réagir à leur douleur serait nier leur souffrance, ne pas réagir à leur expression serait nier leur voix . Com- prise ainsi, la lecture de l’autre serait une expérience de l’altérité .

Dans leurs contributions, « Peut-on décrire “ce qui ‘se passe réellement’ quand on lit ? » et « La lecture littéraire à l’université : pour un partage de l’intime », Florent Coste et Gaspard Turin développent cette conception de la lecture comme expérience, en mettant en relation ce que lire veut dire avec ce qu’apprendre à lire veut dire, en d’autres termes, ils interrogent chacun à leur manière la lecture par la pédagogie de la lecture .

Florent Coste oppose ainsi une lecture littéraire à une lecture ordinaire, montrant combien la conception de la première succombe au mythe d’une production de sens relevant d’une pure intériorité . Celle-ci nous ferait voir la lectrice et le lecteur comme un·e décodeur·euse, comme une machine à lire, ou comme une pure conscience

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(8)

9

intérieure . Présenter un texte comme une opération de déchiffrement à l’intérieur d’une boîte noire, a le désavantage de modeler un rapport distancié à l’acte de lire :

« L’initiation à la lecture littéraire repose donc sur un déniaisement et un refoulement conduisant le lecteur initié à un rapport froid, méthodique et scolastique, qui se tient à mille lieues de la lecture ordinaire qu’il peut pratiquer par ailleurs . » (Ce volume : 34)

Pour rétablir un rapport ordinaire à la lecture, Florent Coste en appelle « à une ethnographie des classes où l’on apprend à lire tout court, comme à lire de la littéra- ture » pour réactiver le circuit social en dehors de l’idéal scolaire (la scolastique) de la tradition lettrée .

Dans sa contribution, Gaspard Turin se propose d’explorer un dispositif d’ensei- gnement de la littérature en prêtant attention à l’usage que font des étudiant·e·s de textes littéraires et de la littérature secondaire . Son enquête se place au point où la lecture subjective (ou « ordinaire » dans les termes de Florent Coste) rencontre la médiation de lectures professionnelles de la littérature dans « un souci de com- prendre comment évolue et se transforme le regard littéraire, au fil d’une formation où ce regard s’accompagne immanquablement de questionnements identitaires » (ce volume : 52) . Il montre dans la production écrite des étudiant·e·s combien la voix des textes lus transforme la voix de lecteur·trice·s attentionné·e·s . Dans ce processus d’expression à partir de l’expression de l’autre, Gaspard Turin illustre la difficulté de la subjectivité : les mots que j’utilise pour m’exprimer moi-même sont les mêmes mots que les autres utilisent pour s’exprimer eux-mêmes . De ce point de vue, les mots des autres maîtrisent plus mon expression que je ne les maîtrise (mes mots et mon expression) . Le langage est un régime de plagiat généralisé, l’angoisse du plagiat sur- git d’une fausse image que l’on se fait de l’originalité et de la subjectivité .

Tant Florent Coste que Gaspard Turin explorent l’ambivalence des réactions au texte . En creux de leurs deux contributions se dessinent également un refus de lire, un refus de réagir à une expression littéraire et finalement un refus de comprendre les autres, de ne pas répondre à leurs expressions, de ne pas lire les autres avec soin .

Il faut prendre au sérieux la tentation de « fermer nos yeux à l’autre » (Cavell 1996 : 616-618) dans l’espoir qu’il fermera à son tour les siens sur nous . C’est ce que Cavell appelle la tentation du scepticisme . L’expression « lire en quelqu’un comme dans un livre ouvert » implique la possibilité de considérer quelqu’un comme un livre fermé . Mais un livre fermé ne montre plus ses lignes, ne dit plus rien, ne se laisse pas lire . Un

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(9)

10

livre n’est lisible qu’ouvert, une fois fermé, son contenu n’est pas protégé (mythe de l’intériorité), mais muet (mythe de l’inexpressivité) . L’étrange crainte que fait naître l’expression « lire en quelqu’un comme dans un livre ouvert » est la peur d’être expres- sif ou expressive . Vouloir être à l’égard des autres comme un livre fermé est ce que Cavell appelle la tentation de préférer l’inexpressivité au risque de se rendre intelligible au-delà de ce que l’on voulait rendre intelligible, une certaine angoisse de la réception .

Ce volume identifie et interroge ce risque de la lecture . En nous appuyant sur un certain nombre de travaux particulièrement attentifs à cette dimension de la lecture, les différents articles repèrent certaines manifestations de ce que de nombreux tra- vaux contemporains ont décrit comme une angoisse de la réception : refus de voir/lire ce qu’on voit/lit et qui est pourtant sous nos yeux (Chauviré 2003) ; refus de « l’aven- ture » des personn(ag)es (Diamond 2004) ; tentation de la « suspicion » (Moi 2017) ; mythologie de l’empathie comme « mindreading » (Sandis 2019) ; volonté de se « mettre à la place » des autres (Berliner 2013) sans « partager nos vies » avec eux (Ingold 2018 ; Motta 2019) ; et bien d’autres choses de ce genre dont dépendent nos manières de répondre et de nous exposer à notre tour dans la conversation .

Pour voir la connexion entre le genre de familiarité ou d’étrangeté que l’on peut entretenir avec des mots lus et la familiarité ou l’étrangeté impliquée dans nos lec- tures des (corps) humains que l’on rencontre, revenons aux remarques des Recherches philosophiques que Wittgenstein consacre à la lecture, en particulier à l’analogie qu’il propose entre reconnaissance des mots et reconnaissance des visages :

La simple vue d’une ligne imprimée est déjà tout à fait caractéristique, car elle consiste en une image vraiment particulière : les lettres ont toutes à peu près la même dimen- sion, elles s’apparentent aussi par la forme, et elles reviennent constamment ; la plu- part des mots réapparaissent continuellement et nous sont parfaitement familiers, tout comme des visages parfaitement familiers . (Wittgenstein 2004 : § 167, nous soulignons)

Quand nous apprenons à lire, suggère Wittgenstein, les mots nous deviennent familiers de sorte que « pendant qu’on lit, la lettre et le son forment une unité – pour ainsi dire un alliage . (Il se produit par exemple une fusion analogue entre le visage des hommes célèbres et le son de leurs noms . Tel nom nous paraît être la seule expres- sion qui convient à tel visage .) » (Wittgenstein 2004 : § 167)

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(10)

11

En apprenant à lire, les mots nous deviennent familiers, ils nous deviennent proches et nous développons ainsi un rapport intime avec eux . « Lire les autres avec soin » implique donc de nous éduquer à une autre familiarité avec les mots, à une intimité qui met à l’épreuve les critères d’usages de nos jeux de langage ordinaires et nous demande un effort de compréhension, un certain soin dans la lecture qui puisse nous rapprocher de ce qu’a voulu dire l’autre et ainsi nous éduquer au contact de son expression .

Mais, et c’est là toute l’ambivalence de la lecture, Stanley Cavell évoque aussi la position de la lectrice ou du lecteur comme celle d’un étranger :

La position du lecteur a été spécifiée comme étant celle de l’étranger. Lui écrire, c’est reconnaître qu’il est en dehors des mots, à bout de bras, et seul avec le livre ; que sa pré- sence à ces mots est parfaitement contingente, et que le choix de rester avec eux en per- manence lui appartient ; qu’ils sont ses points de départ et d’origine. Les conditions de la rencontre avec le mot sont que nous – écrivain et lecteur – apprenions à nous en éloigner, à les laisser là où ils sont, puis à y revenir, à nous y retrouver. (Cavell 1992 : 63, notre traduction)

Dans sa contribution, Gaspard Turin parle d’une « aire transitionnelle » entre l’enseignant·e de littérature et celle ou celui qui apprend à lire, susceptible d’accueillir

« le partage de l’intime – ou du moins la promotion intensive de la subjectivité dans les échanges et les analyses […] » (ce volume : 52) . Comme le suggère Stanley Cavell, ce type de rencontre qui est aussi à l’œuvre entre celle ou celui qui écrit et celle ou celui qui la·le lit demande un certain éloignement des mots pour découvrir le lieu d’où ils sont dits . Cela se cultive : cette distance est le fruit d’une patience .

Les mots nous viennent de loin ; ils étaient là avant nous ; nous sommes nés en eux. Les signifier, c’est accepter le fait de leur condition. Découvrir ce qui nous est dit, comme découvrir ce que nous disons, c’est découvrir l’endroit précis d’où cela est dit ; com- prendre pourquoi cela est dit juste là, et à ce moment-là. L’art de la fiction consiste à nous enseigner la distance, que les sources de ce qui est dit, le caractère de celui qui le dit, sont à découvrir. (« La parole n’existe que pour la commodité de ceux qui sont durs d’oreille » 1 […] Il ne s’agit pas d’une injonction contre la parole, mais d’une définition des locuteurs, c’est-à-dire de l’humanité.) Parler ensemble, face à face, peut sembler nier cette distance,

1 Citation tirée de Walden ou la vie dans les bois (Thoreau 1922 : 165) .

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(11)

12

nier que se confronter nécessite de reconnaître la présence de l’autre, de révéler nos posi- tions, de les trahir si besoin est. Mais nier de telles choses, c’est nier notre séparation. Et cela fait de nous des fictions l’un de l’autre. (Cavell 1992 : 64, notre traduction)

Apprendre à lire les autres avec soin

Pour aborder les mots et les corps humains tant dans leurs différences propres, que dans leur proximité familière, la lecture demande du tact et du temps : un ajustement délicat, sans cesse réélaboré, où l’on apprend et cultive la bonne distance . C’est pourquoi les contributions de ce volume mettent en lumière, chacune à leur façon, cette dimension d’éducation et de soin . Elles interrogent la lecture comme comportement méticuleux,

« consciencieux » et « soigneux » (Wittgenstein 2004 : § 173), et donc comme lieu parti- culièrement propice pour interroger nos concepts de souci d’autrui ou d’insouciance, d’attention et d’inattention . La lecture ainsi pensée requiert une attention à la singula- rité des circonstances et des personnes, aux menus détails des situations et expériences concrètes de nos vies ordinaires de lecteurs et lectrices (Laugier 2009 : 160) . Comme l’ont montré de nombreux travaux tissant le lien entre (apprentissage de la) lecture et éthiques du care (Gilligan 2008 ; Méchoulan 2017), la lecture relève du care – bien lire demande du soin –, tout autant que le care relève de la lecture – soigner demande d’ap- prendre à lire les autres .

Apprendre à lire les autres, c’est ainsi apprendre à prendre soin du monde et de nous-mêmes, pour reprendre la définition de l’activité de care par Joan Tronto (Tronto 1993), de nos liens (Erard 2017) et de nos formes de vie, voire à tenter de les réparer (Gefen 2017) . La lecture, vue au prisme du care, révèle la dimension réciproque de ce qui s’y joue : mon attention ou mon manque d’attention ou de soin à ce qui est exprimé me renvoie à mon propre besoin d’attention et de soin, et en définitive, à un sens de ma propre vulnérabilité et dépendance . La lisibilité et l’expressivité d’autrui me renvoient à ma propre lisibilité et à ma propre expressivité . Comme l’écrit Cavell, en apprenant à lire, nous apprenons à accepter réciproquement que nous sommes tous

« (toujours déjà) victimes de l’expression – lisibles à travers chaque geste et chaque son » (Cavell 2011 : 203) .

La littérature apparaît alors comme un lieu particulièrement approprié pour édu- quer notre perception à l’égard de ce qui compte et former notre attention aux détails des situations, expressions et relations particulières qui forment la trame de nos existences en compagnie d’autres humains .

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(12)

13

Dans « Penser les lieux du care : fiction, wonder et vies ordinaires », Dominique Hétu situe son approche de la lecture au croisement des études littéraires, des éthiques du care, et des wonder studies . Elle s’appuie sur une critique opposée par les chercheuses canadiennes Catherine Mavrikakis et Martine Delvaux, au tournant éthique en litté- rature . Ces deux chercheuses remarquent un impensé des réflexions académiques sur la littérature qu’elles désignent comme « classiste » . En effet, ces réflexions seraient essentiellement construites depuis les classes sociales dominantes . Dans le prolon- gement de leurs travaux, Dominique Hétu se penche sur les romans de l’écrivaine montréalaise Heather O’Neill, qui, dans la Ballade de Baby (2006) et Mademoiselle Samedi Soir (2014), décrit un monde blanc pauvre (« white trash »), accablé par la précarité et son lot de souffrances, mais luttant avec ce qui est au cœur de toute vie humaine : l’émer- veillement devant le réel . L’approche de Hétu met l’accent sur la dimension non morali- satrice des éthiques du care appliquées aux études littéraires . La lecture est une forme d’attention, qui nous amène à (tenter de) voir dans leur pleine réalité des vies parfois très différentes de celles du lecteur ou de la lectrice, différentes tant d’un point de vue moral que social . Il ne s’agit alors pas de catégoriser moralement ces vies différentes, dans leurs échecs éventuels, dans leurs violences éventuelles, mais, réservant le geste de la catégorisation, de s’ouvrir à la différence, à la complexité des situations, et de cultiver la recherche du détail, le désir d’en savoir davantage, au moment même où l’on ressent le besoin (humain) d’émettre un jugement .

Dans sa réponse à Hétu, « Spatialité, minimalisme et hospitalité(s) : de la capacité à répondre … à l’appel des êtres et des choses », Camille Roelens évoque de nom- breuses questions – notamment celle des lieux de l’éducation, celle de l’autorité dans son lien à l’auctorialité . Il ouvre un thème qui traverse différentes interrogations de ce volume : celui du perfectionnisme, que Camille Roelens associe à la question de l’hospitalité . Qu’est-ce que se rendre hospitalier, comment faire place à l’autre ? Ces questions sont essentielles dans le processus d’éducation par lequel on apprend à lire les autres . Camille Roelens commente le regard posé par Hétu sur les trajectoires des deux héroïnes de O’Neill, Baby et Noushka, en soulignant que l’effort (perfectionniste) demandé est d’essayer de les lire au plus près d’elles-mêmes : de regarder « misères et vulnérabilités au plus près sans misérabilisme ni victimisation » . Le wonder, l’émer- veillement, est la récompense de cet effort .

Ce point caractérise, plus généralement, l’approche qui anime la constitution de ce volume : celle d’une dé-moralisation de l’éthique (en particulier des éthiques du care), qui permet de ne pas réduire la mise en relation du care et de la lecture à une

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(13)

14

leçon de bienveillance et de soin . Il s’agit avant tout de se demander ce que cela veut dire de lire avec attention, ou sans souci de l’autre . Les réflexions de Cora Diamond (2004 et 2011) sont fructueuses ici : la lecture (littéraire, mais pas uniquement, Dia- mond interrogeant aussi ce qu’est lire une nécrologie dans un journal, ou encore une liste de noms sur un monument aux morts) nous met face à nos incertitudes quant à nos manières de vivre . Le questionnement éthique, selon Diamond, ne consiste pas à trouver comment fonder nos jugements moraux (par exemple sur des principes), mais, très différemment, à jeter un regard clair, faisant la traque aux faux-semblants, sur la manière dont nous vivons : quels concepts animent nos vies ? Quelles pratiques sont les nôtres, manifestant quelles valeurs ?

Dans « Se lire soi-même pour lire les autres : éthique du care, autoréflexivité et res- ponsabilité épistémique », Miranda Boldrini étudie les modalités du moment réflexif propre à un tel travail éthique . Poursuivant d’une autre manière les approches de Florent Coste et Gaspard Turin sur l’éducation à la lecture, poursuivant aussi l’explora- tion des points aveugles classistes développée par Dominique Hétu, Miranda Boldrini approfondit le thème de la lecture des autres à partir de l’injustice épistémique . Elle l’explore à partir des œuvres de Miranda Fricker, bell hooks et Iris Murdoch . S’adossant à la pensée de Weil, dont elle cite la Pesanteur et la grâce – « Chaque être crie en silence pour être lu autrement » –, Miranda Boldrini insiste sur le travail sur soi nécessaire pour lire les autres de manière attentive, et en même temps sur les limites caractéri- sant notre lecture des autres .

Dans la réponse qu’elle propose à Miranda Boldrini, « Lire les besoins de nouveau- nés prématurés : imagination, limite, témoignage », Line Rochat, dont la recherche s’inscrit dans les champs de l’anthropologie de la reproduction et des débuts et fins de vie, explore les limites de la connaissance des autres, en se penchant sur les lieux où l’on n’est pas toujours en mesure de répondre à l’autre d’une manière satisfaisante . Elle rapporte un épisode venu de son terrain de néonatologie, où les besoins du nou- veau-né sont parfois difficiles à lire : dans ces cas, ce n’est plus seulement de lire qu’il s’agit, mais d’interpréter (un concept différent, comme Wittgenstein y a insisté) . S’ap- puyant sur la manière dont les éthiques du care pensent la vulnérabilité, Line Rochat raconte la façon dont un infirmier, dépassé par les pleurs du nouveau-né, parvient à résoudre momentanément la difficulté, en lui avouant simplement son impuissance . Faire du tout-petit le seul pôle de vulnérabilité dans la relation serait une fuite, que Cavell appellerait un évitement de soi comme être vulnérable (un des ferments des tragédies qu’il étudie dans Le déni de savoir) . Line Rochat met en contraste ce cas avec

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(14)

15

celui d’une infirmière qui témoigne de ces moments de communication réussie où les prématurés, dit-elle, sont « comme des livres ouverts » – réjouissante confirmation des interrogations qui ont occupé ce volume .

Le rapport care-lecture est fécond aussi sur les terrains de l’apprentissage de la lec- ture par des non-lecteur·trice·s, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes (Stebler 2020), et ouvre une série d’interrogations sur ce qu’il se passe dans le cadre scolaire, sur ce que devient la lecture des mots et des autres dans ce cadre . Iris Murdoch raconte, dans un roman intitulé A Word Child, les infortunes d’un orphelin qui tente de trouver son salut dans l’école : l’orphelin, Hilary Burde, tombe amoureux des mots, ceux de la langue scolaire, transmise avec sa « grammaire », sous le regard d’un professeur qui lui accorde sa pleine et entière attention . L’adulte qu’il devient croit pouvoir trouver refuge dans la connaissance de cet ordre – il devient linguiste et antiquisant, per- sonne ne connaît comme lui la grammaire latine . Le roman a beau jeu de montrer alors le double piège où se trouve enfermé son antihéros : les mots ne sont jamais des refuges, et lire les mots ne libère jamais du besoin de lire les autres ; le roman est celui d’une éducation de l’« enfant des mots » à la lecture des autres, qu’il avait voulu fuir dans le refuge illusoire, non pas des mots finalement, mais de leur ordre supposé . Dans « L’enfant des mots : attention et connaissance d’autrui chez Iris Murdoch », Layla Raïd propose une analyse philosophique de ce roman, dont la lecture même est présentée comme un travail de l’attention, comme une éducation . Hilary Burde se décrit comme semblable à un observateur d’oiseau : il observerait les mots de la même manière, à distance, avec des jumelles, comme si les mots allaient sinon s’envoler . Ce sont bien les humains qui s’envolent de sa vie . La question de la bonne distance aux mots est un objet du livre, et s’avère être finalement la même question que celle de la bonne distance aux personnes .

Dans sa réponse à Layla Raïd, « Attention, amour et aveuglement moral », Miranda Boldrini rappelle l’insistance avec laquelle Iris Murdoch regrette une frilosité carac- téristique d’une partie importante de la philosophie morale contemporaine : sa réti- cence à penser l’amour, et à l’inclure dans les concepts fondamentaux de l’éthique . Murdoch pense au contraire l’attention morale en termes d’amour, la caractérisant dans la Souveraineté du Bien, à la suite de Weil, comme « a just and loving gaze directed upon an individual reality » . Miranda Boldrini discute alors une objection naturelle, selon laquelle l’amour rendrait aveugle, loin de ce « regard juste » que lui associe Murdoch . Comme voie de résolution, Miranda Boldrini propose de distinguer entre l’amour entendu (trop simplement) comme une émotion, qui l’associe dès lors à la

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(15)

16

possibilité de l’aveuglement, et l’amour entendu plus largement comme un travail sur soi orienté vers l’autre, éventuellement associé à des émotions, mais ne se confondant pas avec celles-ci . Dans cette perspective, si apprendre à lire les autres, c’est apprendre à leur accorder une forme d’attention se raffinant avec le temps et les rencontres, alors cet apprentissage est un travail de l’amour au sens de Murdoch et Weil .

L’expression « je lis en toi comme dans un livre ouvert » ne précise pas ce que le

« je » lit . Sa lecture est-elle transparence à travers laquelle le « je » s’élève ligne par ligne en suivant l’écriture d’un autre que soi ou sa lecture est-elle miroir dans lequel le « je » se reflète en voyant ses propres mots dans les mots de l’autre ? Cette question pose également celle de la rencontre de la lectrice ou du lecteur avec ce qu’il lit : lec- ture-miroir qui produit toujours le même « je » ou lecture-transparence qui produit toujours de l’autre . Ne faudrait-il pas une voie moyenne de la lecture entre beaucoup trop de « je » et plus du tout de « je » ?

Laisser aux autres le soin de me découvrir dans leurs lignes

En conclusion de Réactiver le sens commun (2020), Isabelle Stengers nous propose un éloge de cette « voix moyenne » . Elle la définit à partir de Benveniste : « cette manière évoque la torsion syntaxique correspondant à ce que les grammairiens appellent la “voix moyenne” en contraste avec, d’un côté, la voix active où le sujet syntaxique désigne ce qui agit et, de l’autre, la voix passive où le sujet syntaxique est celui qui subit l’action » (2020 : 165) . En passant par Bruno Latour, elle précise l’alternative de cette

« voix moyenne » en disant qu’il faut « associer non pas la reconnaissance générale que nous ne sommes pas auteurs souverains de nos actions, mais le souci et le soin de nos manières d’être attachés » (ibid. : 167) . Nous reconnaissons dans ce souci et ce soin à nos attachements la figure de l’autonomie comme conscience de nos dépendances telle que la définissent les éthiques du care . Cette « voix moyenne » est « disponibilité cultivée au “changement du sujet” » (ibid.) . Ici, la tonalité d’Isabelle Stengers prend des accents de perfectionnisme moral, elle le devient encore plus quand elle explore, pour notre modernité, « la possibilité de son devenir civilisé » (ibid. : 175) .

Cette possibilité passe par la possibilité d’être touché par le monde, et c’est à ce point de son raisonnement que la lecture comme pratique moderne apparaît chez Stengers dans son usage de ce qu’en dit David Abram (2013) à propos de notre monde qui s’est alphabétisé . Selon lui l’écriture aurait participé au désenchantement pro- gressif de notre rapport animiste au monde . Isabelle Stengers ne se résout pas à cette perspective : « Animistes nous fûmes et animistes nous sommes toujours, et même

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(16)

17

plus que jamais . La participation, ou l’accordage, “avec” les choses, par quoi elles s’animent et nous animent en retour, n’a pas été interrompu – elle ne peut l’être – mais elle a changé de site . » (Stengers 2020 : 184) Ce nouveau lieu de l’animisme est celui de l’écriture et les lettré·e·s seraient en quelque sorte des animistes, mais qui auraient perdu en passant d’une lecture sensible du monde à la lecture de caractères d’écriture

« saturée d’intentionnalité » leur capacité à s’étonner (ibid. : 185) . Isabelle Stengers ne se résout pas pour autant à rendre le passage à l’écrit mécaniquement responsable de ce désenchantement . Elle sauve au contraire l’écriture en nous invitant à ne pas en méconnaître la puissance : puissance d’une rencontre entre un texte et une personne qui lit . Cette rencontre a un potentiel « métamorphique » qu’elle définit ainsi :

Elles [les pratiques nées de l’écrit] peuvent, comme l’écrivait Gilles Deleuze, « faire de nous des larves », c’est-à-dire défaire les intentions et les habitudes d’un « je » qui n’est plus alors « dans le monde », mais qui est pris, transi, « initié ». En bref, expulsé de sa position de lecteur en voix active, décryptant ce que l’auteur veut lui faire savoir, mais affecté sur le mode que j’ai associé à la voix moyenne. (Ibid. : 186)

Nous comprenons la conception d’Isabelle Stengers de la voix moyenne comme une tentative perfectionniste d’éducation de la voix dans le lien qu’elle tisserait avec d’autres voix en trouvant son expression dans d’autres intonations et d’autres gestes sans pour autant entonner la même chanson . Sa proposition de réactiver l’âme de nos mots comme des « animistes » est séduisante . La référence à David Abram (1996) qui voit une coupure entre notre sensibilité au monde qui serait directe quand il s’agit de nos sens et indirecte quand il s’agit de notre accès au monde par le biais de l’écriture nous fait perdre de vue que nos sens d’êtres humains seraient muets sans le langage et que les mots bien loin d’ériger une barrière à notre véritable accès au monde en constituent la seule porte . Le langage ne double pas nos sens, il en constitue un pro- longement dans une forme de vie où les activités que nous pratiquons avec des mots ne viennent pas s’intercaler entre nos sens et le monde, mais en constituent la sensibilité et l’expression . Le langage humain est comme une canne d’aveugle : y a-t-il un sens à se demander si les aspérités du sol raboteux sont ressenties au bout de la canne ou dans la main ? Main et canne ne font qu’un . Corps et mots ne font qu’un . Le langage est une activité qui prolonge l’activité de nos sens quand nous explorons le monde à tâtons . La pratique de la lecture est une manière de réanimer nos vies dans le langage et, du coup, dans le monde . Et puisqu’il s’agit de retrouver l’âme de nos mots par la lecture, on pourrait appeler cette réanimation une conception thérapeutique de la lecture . Mais de quoi ce type de lecture est-il censé nous guérir ?

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(17)

18

Dans Themes out of School (Cavell 1984 : 51), Stanley Cavell propose de faire une ana- logie entre lecture et psychanalyse . Il nous invite à voir la pratique de la lecture d’une manière qui fasse place aux désirs inconscients de celle ou celui qui lit en s’écartant d’une vision de la lecture comme simple transmission d’une information intention- nelle d’un·e auteur·e à un·e lecteur·trice (ce que la lecture peut aussi être par ailleurs) et qui nous fait perdre de vue tout ce qui échappe à la conscience dans le langage (et la lecture) .

Au-delà de sa philosophie du langage ordinaire, Stanley Cavell s’intéresse à la pra- tique de la lecture comme ce qui peut révéler les manières dans lesquelles les signi- fications spécifiques des mots sont constituées et maintenues . Cette révélation peut mener à une compréhension plus profonde de la nature des mots et du langage, une manière de reconsidérer les critères de leur usage . Elle révèle jusqu’à quel point nos mots signifient et jusqu’à quel point nous pouvons être tenu·e·s pour responsables en voulant dire ce que nous disons avec eux bien au-delà de ce que nous reconnaissons initialement dans nos mots .

Cette manière de récupérer notre langage à travers la lecture montre d’une part que le langage a une vie indépendante de la nôtre et d’autre part que cette vie est intimement liée à des êtres humains . A cet égard, la manière de répondre au langage ressemble au réenchantement du rapport « animiste » dont Isabelle Stengers parle à propos d’un rapport aux choses du monde qui en soigne l’intérêt . En bref notre manière de répondre aux mots facilite le réenchantement des mots et de notre vie avec ces mots d’une manière qui nous les fait reconnaître comme des êtres autres qui ont une vie dans une forme de vie qui est langagière . La pratique de la lecture dont parle Stanley Cavell fonctionne comme une allégorie de la pratique plus générale de la reconnaissance du monde . Elle est une pratique qui permet à une personne de se lais- ser lire par les mots et de leur laisser le soin de lui manifester leur vie autonome et de l’emmener à travers leur complexité de sens pour créer ou retrouver des connexions et des associations de sens dans cette complexité . Ce travail des mots est un travail sur soi où le soi ne travaille pas, mais se laisse travailler pas les mots, les mots des autres . Stanley Cavell décrit ainsi cette passivité :

Premièrement le langage est un héritage. Les mots existent avant que je ne sois. Deuxiè- mement la question de savoir si je les dis ou si je les cite en les disant – en les disant de première main ou de seconde main comme ils étaient – ou en d’autres termes si je pense ou si j’imite, est la même question que celle de savoir si j’existe en tant qu’être humain, et c’est

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(18)

19

une question qui exige une preuve. Troisièmement, l’écriture, qui participe à cet esprit, est une expression de cette preuve du dire « je », d’où l’affirmation que l’écriture est une question, disons de choix entre la vie et la mort. Cela aboutit à une manière d’hériter du langage et de s’approprier les mots qui ne les retire pas de la circulation, mais les remette plutôt en circulation comme dans la vie. (Cavell 1988 : 113-114, notre traduction)

Stanley Cavell entend préciser cette pratique de la lecture qui doit nous aider à trouver nos propres mots dans les mots des autres en nous aidant à les reprendre à notre compte sans succomber à la tentation de les répéter sans âme, en nous aidant à les remettre en circulation . Cette circulation des mots entre le texte et la personne qui les lit a selon Stanley Cavell une forte analogie avec la relation qui s’établit entre un patient en analyse et l’analyste dans une psychothérapie, le texte étant l’analyste et la personne qui lit le patient en analyse :

La pratique qui m’est suggérée en transformant l’image de l’interprétation d’un texte en celle d’être interprété par le texte devrait être guidée, je pense, par trois idées prin- cipales : la première, l’accès au texte est donné non pas par le mécanisme de projection, mais par celui de transfert […] ; la deuxième, le plaisir de l’apprécier est atteint au risque de la séduction et, la troisième, ce risque vaut la peine d’être pris parce que le but de la rencontre n’est pas complétude, mais liberté. Libération de quoi et pour quoi faire ? Dans l’analogie de la cure psychanalytique, jouer le rôle de son patient, de celle ou celui qui souffre, sa victime […], le but est la libération de la personne de son auteur… On peut supposer que nous n’aurions pas besoin d’une thérapie dont la structure participe de la séduction pour défaire la séduction, à moins que nous ayons déjà été séduits. (Cavell 1988 : 51-53)

Projection et transfert participent les deux à l’actualisation de désirs inconscients . La différence tient à ce que la projection est un déni et un rejet qui localise les désirs inconscients en l’autre, lui niant ainsi toute autonomie et toute différence . Elle conduit à une incapacité de reconnaître l’altérité de l’autre . En retour, ne pas recon- naître la séparation revient à ne pas reconnaître sa propre autonomie . Le danger pour le lecteur et la lectrice dans le cas de la projection serait d’obliger le texte à se confor- mer à ses propres désirs . Au contraire le transfert exige de respecter l’autonomie du texte et de rester dans un rapport dialogique avec le texte, seule manière que le texte nous apprenne quelque chose sur nous-mêmes en nous soignant de nous-mêmes . Il faut se soumettre à sa séduction pour s’en libérer, c’est-à-dire il faut que la lectrice ou le lecteur reconnaissent ses propres désirs inconscients dans le texte sans pour

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(19)

20

autant que le texte (et son auteur·e) respecte l’autonomie de celle ou celui qui le lit . Le texte doit fonctionner comme une expérience de nos pensées rejetées qui reviennent à nous avec splendeur . Mais pour que cette lecture nous fasse progresser dans la reconnaissance de nos idées fixes et que nous les remettions en mouvement dans la circulation de nos mots, il faut que nous en fassions le deuil pour ouvrir la possibilité de renaître à nos mots . Ce dont on fait le deuil c’est un état du moi donné et ce qui en est espéré est la liberté pour le moi d’atteindre un nouvel état du moi .

En faisant ce détour par la psychanalyse, on voit mieux ce qu’Isabelle Stengers entend par « voix moyenne » . Il s’agit pour la lectrice ou le lecteur d’être séduit·e·s par un texte non pas pour projeter ses désirs sur lui, mais pour y reconnaître ses désirs inconscients qui lui reviennent dans les mots de l’autre . Il ne s’agit pas non plus de succomber à leur expression, mais plutôt de travailler à leur dépassement en se déga- geant de la personne de l’auteur·e, en lui laissant son autonomie et en découvrant la nôtre .

Lire l’autre avec soin acquiert alors une signification bien précise . Le soin dont il est question est la patience qu’il faut à une lectrice ou à un lecteur pour se reconnaître dans les mots des autres, mais ce soin est aussi le respect qu’on doit aux mots des autres pour les lui laisser . Le mouvement qui va de la séduction à la liberté est à ce prix : « La condition pour se rencontrer sur des mots est que nous – la personne qui écrit et celle qui lit – apprenions comment partir d’eux, les laisser à l’endroit où ils sont ; et ensuite revenions à eux et nous retrouvions nous-mêmes encore ici . » (Cavell 1992 : 63)

Il se pourrait bien alors que nous voyions ainsi une autre image de l’expression « je lis en toi comme dans un livre ouvert », où la personne qui dit « je » serait le livre et

« le livre » serait la personne qui lit . Drôle de retournement que d’imaginer un livre qui s’adresse à nous en susurrant à l’oreille de nos yeux : « je lis en toi comme dans un livre ouvert » .

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(20)

21

Références

Abram David (2013), Comment la terre s’est tue, Paris, La Découverte/Les Empêcheurs de penser en rond .

Berliner David (2013), « Le désir de participation ou Comment jouer à être un autre », L’Homme, no 206, pp . 151-170 .

Cavell Stanley (1984), Themes out of School : Effects and Causes, Chicago, University of Chicago Press .

Cavell Stanley (1988), In Quest of the Ordinary. Lines of Skepticism and Romanticism Disowning Knowledge in Six Plays of Shakespeare, Chicago, University of Chicago Press . Cavell Stanley (1992), The Senses of Walden. An Expanded Edition, Chicago, University of Chicago Press .

Cavell Stanley (1996), Les voix de la raison. Wittgenstein, le scepticisme, la moralité et la tragédie, Paris, Seuil .

Cavell Stanley (2011), Philosophie des salles obscures. Lettres pédagogiques sur un registre de la vie morale, Paris, Flammarion .

Chauviré Christiane (2003), Voir le visible. La seconde philosophie de Wittgenstein, Paris, PUF .

Das Veena (2014), The Ground Between. Anthropologists Engage Philosophy . Durham, Duke University Press .

Delcambre Isabelle & Lahanier-Reuter Dominique (2012), « Littéracies universi- taires : présentation », Pratiques, no 153-154, pp . 3-19 .

Diamond Cora (2004), L’esprit réaliste. Wittgenstein, la philosophie, l’esprit, Paris, PUF . Diamond Cora (2011), L’importance d’être humain, Paris, PUF

Erard Yves (2017), Des jeux de langage chez l’enfant. Saussure, Wittgenstein, Cavell et la transmission du langage, Lausanne, BSN Press .

Erard Yves (2018), « Apprendre à reconnaître : de l’éducation des adultes à l’éducation du regard », a contrario, no 26, pp . 23-51

Gefen Alexandre (2017), Réparer le monde. La littérature française face au XXIe siècle, Paris, Corti .

Gilligan Carol (2008), Une voix différente. Pour une éthique du care, Paris, Flammarion . Goody Jack (1968), Literacy in Traditional Societies, Cambridge, Cambridge University Press .

Ingold Tim (2018), L’anthropologie comme éducation, Rennes, PUR .

Laugier Sandra (2010), Wittgenstein. Le mythe de l’inexpressivité, Paris, Vrin .

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(21)

22

Lorenzini Daniele (2015), Ethique et politique de soi. Foucault, Hadot, Cavell et les tech- niques de l’ordinaire, Paris, Vrin .

Méchoulan Eric (2017), Lire avec soin : amitié, justice et médias, Paris, ENS Editions Messier Geneviève et al. (2016), « Développement des compétences en littératie uni- versitaire : des résultats de recherche à la mise en place d’un cours de baccalauréat », Language and Literacy, no 18 (2), pp . 79-112 .

Moi Toril (2017), Revolution of the Ordinary. Literary Studies After Wittgenstein, Austin, and Cavell, Chicago, University of Chicago Press .

Motta Marco (2019), Esprits fragiles. Réparer les liens ordinaires à Zanzibar, Lausanne, BSN Press .

Raïd Layla (2019), « Iris Murdoch et Simone Weil : l’attention », in Mélanges en l’hon- neur de René Daval, P . Frath et V . Leru (dir .), Reims, Presses universitaires de Reims pp . 175-194 .

Raïd Layla (2019b), « The Misfortunes of a Word-Watcher: a Reading of Iris Murdoch, A Word Child », Etudes britanniques contemporaines, no 59, URL : http://journals .openedi- tion .org/ebc/9888, consulté le 20 mars 2021 .

Sandis Constantin (2019), « Making Ourselves Understood . Wittgenstein and Moral Epistemology », Wittgenstein-Studien, vol . 10, no 1, pp . 241-259 .

Stebler Joséphine (2020), La lecture, un jeu d’enfant. Scènes d’apprentissage et d’anthropo- logie, Thèse de doctorat, Université de Lausanne .

Stengers Isabelle (2020), Réactiver le sens commun, Paris, La Découverte/Les Empê- cheurs de penser en rond .

Thoreau Henry David (1922), Walden ou la vie dans les bois, Paris, Gallimard .

Tronto Joan (1993), Moral Boundaries. A Political Argument for an Ethic of Care, New York, Routledge .

Weil Simone (1946), « Essai sur la notion de lecture », Les études philosophiques, vol . 1, no 1, pp . 13-19 .

Wittgenstein Ludwig (2004), Recherches philosophiques, Paris, Gallimard .

© BSN Press | Téléchargé le 14/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

Références

Documents relatifs

Reprenant les conclusions de ses travaux précédents sur l’entre-deux guerres, l’auteur met notamment en valeur le fait que les pays dont les banques ont une taille

Une fois le résumé fini, je te demande de m’expliquer en 4-5 lignes, pourquoi tu recommanderais ou ne recommanderais pas la lecture de ce livre à tes camarades..

Je vous propose des exercices supplémentaires sur la langue française, tout simplement… Je pense qu’ils pourraient être bénéfiques pour certains parmi vous

➢ Savoir calculer les coordonnées du 4 ème sommet d’un parallélogramme en connaissant les coordonnées des 3 autres points. ➢ Savoir calculer les coordonnées

Tu dois alors te faire cette remarque : quand des étrangers instruits, qualifiés et hautement compétents quittent leur terre natale pour aller travailler « chez nous

Pour deux raisons, Freinet rejette l'expression catégorique et conceptuelle : d'une part, parce qu'il ne prétend pas à la re- cherche scientifique mais plutôt à

10 séquences tests sont présentées dans ce que nous pouvons appeler « contextes connus », des contextes que les enfants ont écrit et lu dans les cahiers comme

Rappelons également que les médicaments génériques sont considérés comme des médicaments très sûrs car ce sont, par définition, des molécules de référence (plus de 10 ans