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La protection du climat en droit international: éléments d'un régime juridique en émergence

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La protection du climat en droit international: éléments d'un régime juridique en émergence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. La protection du climat en droit international:

éléments d'un régime juridique en émergence. Swiss Review of International and European Law , 2010, vol. 3, p. 339-360

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:18492

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La protection du climat en droit international Eléments d'un régime juridique en émergence

par Laurence Boisson de Chazournes'

Table des matières

L Stratégies d'édification d'un régime juridique de protection du climat A. La nature holistique du régime

B. Une stratégie normative par étapes pour façoIUler une approche universaliste

n. Le droit, l'incertitude et les risques liés aux changements climatiques Hl Les contours de l'équité dans le régime des changements climatiques

A. L'universalité dans la différenciation

B. L'assistance financière et tcchnique et la nécessité d'un« plan Marshall )) climatique

lV Droit, économie et lutte conh'e les changements climatiques

A. GlobaLisation économique et lutte contre les changements climatiques B. Régionalisation et action universelle

V. Le régime des changements climatiques et les stratégies de promotion de respect du droit et de sanction du non-respect

VI. Conclusion

Introduction

Le phénomène des changements climatiques - aussi dénommé effet de serre ou réchauffement planétaire - fait immixtion dans l'agenda des préoccupations in- ternationales au COutS des années 1980. Le risque d'une augmentation signifi- cative de la température du globe au cours du XXI" siècle, provoquée par un accroissement des gaz à effelde serre dans l'atmosphère, conduit les Etats à accepter d'édifier un régime de contrôle des émissions de ces gaz. Renforçant la composante naturelle de l'effet de serre, les émissions d'origine anthropique sont tenues pour responsables de ce phénomène,' du fait notamment de la

Professeure à l'Université de Genève.

L:article 1, parAgraphe 2, de la Convcntion-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques se lit comme suit: «On entend par (changements climatiques) des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l'atmos- phère mondiale et qui viennent s'ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables.» Texte reproduit in L. BOISSON DE CHAZOURNl!S, R. DESGAGNE, M. MSF.NGUE et C. ROMANO, Protection internationale de ]'l;mvÎronnemcnt -Nouvelle édition revue ct augmentée, Pari,;;, Pedane, 2005, pp. 394-415.

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Article

consommation de combustibles fossiles tels le pétrole, le gaz et le charbon, mais également des émissions de méthane liées aux pratiques agricoles et fores- tières, De nombreux problèmes découleraient d'un accroissement significatif de la température, Ainsi en serait-il d'une élévation du niveau des mers, de la disparition d'écosystèmes, d'inondations ou encore de la dégradation des sols, Les conséquences humaines telles les épidémies, les pénuries alimentaires ou encore les phénomènes migratoires doivent aussi être évoquées, Les impacts pourront varier d'un Etat à un autre, sans qu'aucun ne soit épargné. Il s'agit d'un défi collectif et son appréhension ne peut se faire que de manière univer- selle, même s'il est vrai qu'un grand nombre de pays en développement risque d'en pâtir de manière plus importante, ceux-ci ne disposant pas toujours des moyens d'y faire face au travers de stratégies d'adaptation,

Pour cet enjeu global, un régime juridique de protection du climat est porté sur les fonts baptismaux au début des années 1990, Il a par la suite été progres- sivement développé, même s'il doit encore être très largement consolidé, Le régime de protection du climat fait usage d'un certain nombre de stratégies ju- ridiques qui seront analysées tour à tour, pour en faire ressortir les contours et la singularité, Mû par une armature juridiqne relativement étayée, le régime du climat ne souffre pas moins de contours évanescents qui demandent à être consolidés dans les prochaines années pour prévenir des conséquences graves projetées dans un futur lointain de quelques décades,

1. Stratégies d'édification d'un régime juridique de protection du climat

A. La nature holistique du régime

A partir des années 1980, des conventions internationales d'un nouveau genre dans le domaine de la protection de l'environnement sont négociées, La négo- ciation de la Convention-cadre sur les changements climatiques s'inscrit dans ce contexte, I:enjeu auquel doivent répondre ces conventions est de gérer au travers d'un cadre juridique unique un problème de protection de l'environne- ment dans son ensemble, sans le parcelliser, en prenant en compte l'interdépen- dance des phénomènes naturels et des actions humaines à l'origine des dégra- dations, Des actions doivent être menées à de nombreux échelons (universel, régional, national et local), Elles doivent se compléter et se renforcer.

Les distances géographiques ne peuvent constituer des remparts face à la dégradation de l'environnement et tous les Etats sont appelés à agir. Les consé- quences des dégradations sont et seront ressenties sous toutes les latitudes et

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l'action de chacun est nécessaire pour anticiper ou apporter des solutions à ces problèmes. La question du climat comme celles de la couche d'ozone, de la di- versité biologique ou encore des forêts s'inscrivent dans une telle dynamique.

Ces questions, qui relèvent de 1'« environnement global», mettent en reliefles solidarités et les interdépendances qui se dessinent dans la communauté inter- nationale aux fins de la préservation de l'environnement et de la protection d'intérêts communs à l'échelon universel.

Vune des caractéristiques de l'édification d'un régime universel dans le champ de la protection de l'environnement global a trait au caractère holistique de la régulation mise en place. La régulation juridique des changements clima- tiques s'inscrit dans ce mouvement épistémologique. Elle ne se limite pas à un aspect de la protection du climat mais couvre tous les pans qui s'y rapportent.

C effort de lutte contre les changements climatiques nécessite de porter son at- tention sur le « système climatique [ ... ] ensemble englobant l'atmosphère, l'hy- drosphère, la biosphère et .Ia géosphère, ainsi que leurs interactions» (article l, par. 3 de la Convention-cadre sur les changements climatiques, dite « Conven- tion climat»).

Une autre caractéristique importante de l'édification d'un régime universel tient à la formulation de droits et obligations propres à refléter juridiquement l'intérêt collectif qui doit être protégé. C'est dans ce sillage que les instruments internationaux relatifs à la lutte contre les changements climatiques font de la nécessité d'agir au plan universel, la clef de voùte des actions et stratégies juri- diques dessinées. Les Etats, déclarant qu'ils sont conscients que (des change- ments du climat de la planète et leurs effets néfastes sont un sujet de préoccupa- tion pour l'humanité tout entière» (préambule de la Convention, par. 1), ont tenté au travers de la mise en place de cadres d'action de transcender les rivali- tés et intérêts nationaux divergents. Cet exercice de recherche d'un équilibre au nom de la promotion d'un intérêt collectif universel explique que les instru- ments normatifs et institutionnels de lutte contre les changements climatiques soient le fruit de compromis issus de divergences entre intérêts nationaux ou régionaux ou d'assauts par ceux voulant remettre en cause le bien-fondé des stratégies élaborées ou proposées. Dans un tel contexte politique, le droit ne peut se départir de ces tensions et des compromis qui doivent être trouvés afin d'esquisser un cadre d'action pour tous les Etats. Le droit qui trouve application en ce domaine est d'une nature particulière, construit sur une échelle plurielle de droits et d'obligations aptes à servir de réceptacle à une perspective univer- selle au sens spatial, ou du moins «universaliste» au sens où elle tente d'asso- cier toutes les parties prenantes. Cuniversalité de l'approche ne rime pas avec l'uniformité du régime. La différenciation des droits et obligations est un élé- ment moteur de la construction du régime des changements climatiques.

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A.oticle

B. Une stratégie normative par étapes pour façonner une approche universaliste

En adoptant la Convention-cadre sur les changements climatiques, ouverte à signature lors de la conférence de Rio de juin 1992 et entrée en vigueur en mars 1994, la communauté des Etats a marqué sa volonté de lutter contre le problème du réchauffement planétaire, même si des incertitudes subsistaient quant à l'ampleur et la portée des conséquences de celui-ci. La négociation de cet ins- trument a révélé les divergences d'intérêts entre différents groupes d'Etats, por- tant essentiellement sur les aspects économiques et financiers liés à une action en ce domaine. Ces divergences ont marqué de leur empreinte le contenu de l'instrument qui fut négocié2

En décembre 1997, l'adoption du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques' a constitué une étape sup- plémentaire sur la voie de la consolidation du régime du climat avec la fonnu- lation d'un objectif de réduction du total des émissions des Etats du Nord

«

d'au moins 5% par rapport au niveau de 1990 au cours de la période d'engagement aliant de 2008 à 2012»4 I.:universalisme se conjugua avec l'équité au sens d'une différenciation des droits et obligations, revendiquée par les pays du Sud.

La responsabilité de la réalisation de cet objectif commun ne devait reposer que sur les pays développés au nom du principe dit « des responsabilités communes mais différenciées».

Dans le contexte du façonnement d'une approche universaliste en matière de lutte contre les changements climatiques, le droit a un rôle à jouer, mais il doit le faire de pair avec d'autres disciplines scientifiques. On comprend de ce fait la diversité des fonctions assumées par le droit en matière de lutte contre les changements climatiques. Ses contours prescriptifs peuvent être soulignés, mais ils sont de peu d'utilité dans la phase d'élaboration du régime. D'autres fonc- tions doivent être soulignées, telles celle d'élaboration d'un langage commun et celle d'instrument de légitimation. Le régime de lutte contre les changements climatiques est de faclure très récente: le droit n'a tàit immixtion en ce do- maine que depuis une quinzaine d'années. Il a néanmoins déjà contribué à pré- ciser et asseoir la terminologie à utiliser en ce domaine, aidant à forger un lan- gage juridique et politique universel, commun aux différents acteurs, du Sud et

Voir D, BODANSKY, The United Nations Framework Convention on Climfltc Change: A commcntary, Yale Journal oflmernalional Law, Vol.18, pp. 451-558; L. BOISSON DE CHAZOURNES, Le droit inter- national au chevet de la lutte contre le réchauffement planétaire: éléments d'un régimt!, Mélanges en l'honneur du Professeur H. Thierry. Patis, Pedollc, 1998, pp. 43-55.

Article 3, paragraphe l, du Protocole de Kyoto. Texte reprmJuit in L. BOISSON Dt! CHAZOURNES, R. DESGAGN?:, M. MBENCHJE et C. ROMANO, op.cit., pp. 415--434.

Article 3, paragraphe l, du Protocole de Kyoto.

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du Nord, publics et privés. C'est un langage en évolution qui accompagne les connaissances qui se font jour, de même que les agréments qui se dessinent. Le droit ne cache pas pour autant les tensions présentes qui obligent à des arbitra- ges et compromis.

Le recours à la stratégie de la Convention-cadre est révélateur de ces situa- tions. Offrant un cadre juridique pour un compromis initial, le contenu d'un tel accord est suffisamment souple pour permettre à toutes les parties en présence d'y adhérer, même si leurs attentes peuvent varier.' Cette technique a pour autre vertu de fournir les assises d'un régime qui se consolide progressivement, au gré de l'adoption ultérieure d'instruments de nature juridique variée, qu'il s'agisse de protocoles additionnels, d'amendements ou encore de décisions des Etats parties à la Convention. La Convention-cadre sur les changements clima- tiques et le Protocole de Kyoto remplissent tous deux cette fonction. Dévelop- per une stratégie dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques entraînait en effet à bâtir un nouveau régime juridique puisque le droit existant à l'époque n'était pas doté des moyens d'action nécessaires.

Le Protocole de Kyoto s'apparente à un second accord-cadre. Sa négocia- tion a permis la consolidation des assises du régime mis en place en 1992 par la Convention, tout en appelant à la poursuite de nouveaux engagements. Adopté en 1997, son contenu a été précisé au travers d'âpres et parfois tendues négocia- tions à la suite de son adoption. Elles ont résulté en l'adoption d'un ensemble de trente-neuf décisions par les Etats parties à la Convention, connues aussi sous la dénomination des « Accords de Marrakech» du nom du lieu de réunion de la septième Conférence des Parties en 20016 Le Protocole, entré en vigueur le 16 février 2005, ne peut donc être compris et interprété qu'à la lumière de ces

«Accords de Marrakech» qu'a fait siens en grande partie, au travers de l'adop- tion de décisions, la première réunion des Parties contractantes au Protocole de Kyoto à Montréal en décembre 2005. Ces décisions pennettent son application. On le saisit, l'adoption du Protocole de Kyoto ne s'est pas faite sans heurts, montrant ainsi que la voie d'édification d'un régime de changements climati- ques est semée d'embûches politiques.'

Voir L. BOlSSON 1)J:i CHAZOURNE5, La gcstlon de l'intérêt conunun à l'épreuve des enjeux économi- ques: Le Protocole de Kyoto sur les changements climatiques. ArDl, 1997, p. 703 ct A. KISS, « Les traités-cadres: ulle technique juridique caractétistique du droit international de l'environnement», AFDJ, 1993, pp.792-797.

Texte disponible à: http://unfccc.intlcop7/documents/acconis_draft.pdf.

S. MAUEAN-DuBOIS, La mise en route du Protocole de Kyoto ;\ la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climaliques, Annuaire français de droit international, 2005, pp. 433-463;

1. BOISSON DE CHAZOURNRS, De Kyoto à La Haye, en passant par Buenos Aires et Bonn: la régula- tion de 1 'effct de serre aux forceps, Almuaire français de droit international, 2000, pp. 709-718.

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Article

Au-delà de l'élaboration d'une terminologie, des principes d'action et des comportements devaient être formulés et des institutions devaient être mises en place. Le droit a permis leur élaboration et leur formalisation. Le régime de lutte contre les changements climatiques a pour l' heure pour pièces maîtresses la Convention et le Protocole et pour ramifications les décisions des Parties contractantes et les nombreux instruments adoptés au plan national et régional pour mettre en œuvre le régime. Un nouvel instrument doit venir compléter cet édifice juridique, les engagements de réduction prévus par le Protocole de Kyoto ne l'étant que jusqu'à 2012.

I:instrwnent juridique qui entérinera les comportements à adopter à partir de 2012 est l'objet de nombreuses incertitudes ainsi que la Conférence de Co- penhague tenue en décembre 2009 l'a révélé,' même si la réunion de Cancun de décembre 2010 a tenté de consolider les acquis d'un consensus minimal" Les stratégies et comportements qui pourront être entérinés dans un nouvel instru- ment pourront évoluer par rapport à ceux envisagés par le Protocole de Kyoto.

Alors que ce dernier prescrivait des engagements quantifiés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on peut se demander si telle sera la stratégie retenue dans l'instrument qui prendra sa suite. Il semble que la flexibilité soit de mise afin de s'assurer de l'implication de tous les Etats qui devront s'enga- ger sur la voie de la réduction des émissions de gaz, notamment les Etats-Unis, mais aussi sans doute les puissances économiques émergentes (aussi dénom- mées pays émergents), tels la Chine, l'Inde et le Brésil.

Alors que le Protocole de Kyoto a fait une place prédominante à des objec- tifs de réduction quantifiée d'émission et à des stratégies économiques de por- tée internationale pour satisfaire à l'objectif de réduction quantifiée d' émis- sions, on peut se demander si les arbitrages à venir, tout en prenant appui sur la logique de marché international du carbone, ne feront pas plus de place aux

«forces de l'intérieur» à J'échelon régional, national et local, pour trouver des solutions innovantes et de substitution à un recours trop pesant à l'énergie fos- sile. Des engagements précis et quantifiés au plan international feront sans doute place à des stratégies internationales visant des objectifs, tout en reposant sur la volonté de chacun pour les mettre en œuvre. Les débats SlLf un système de vérification internationale montrent que l'internationalisation du régime de ré- duction des émissions, si elle inclue les pays émergents, rencontrera des limites

Voir Je texle dudit Accord de Copenhague en date du 18 décembre 2009 à cette adre~se: hup:/I unfccc.inr!files/mectings/cop_15/applicationlpdf/cop153ph_auv.pdf. Voir E. GUt,RfN et M. WE- MAERE, The Copcnhagen Accord: What happened? 15 it a good deal? Who wins and who loses? What is next?, Publications lDDRI. Deccmber 2009, http://www.iddri.orgiPublications/CoJlectionsJ Idees-pour-le-debat/L%27accord-dc-Copenhague-Que-s%27est-il-passe-E.<;loce-un-bon-accord- Qui-y-gagne·et-qui-y-perd-Quellcs-sont-les-perspectivcs.

COP _16 LCA Decision: http://unfccc.int/2860.php

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dans sa formulation.'" Les législations nationales devraient dans ce contexte jouer un rôle majeur. Ces actions devront bien sûr s'inscrire dans un cadre de coopération internationale fondé sur des approches d'équité et de partage de responsabilités entre les pays du Nord et ceux du Sud, sachant que certains pays dits du Sud à savoir les pays émergents, seront appelés à des contributions par- ticulières, en prenant en compte leurs parts et les projections futures de celles-ci en termes d'émission de gaz à effet de serre.

eon ne connaît pas non plus la forme juridique de l'instrument à venir. Est- ee que le glas du Protocole de Kyoto sera sonné, et avec lui quelques uns de ses mécanismes? Le nouvel instrument s'inscrira-t-il dans le prolongement de la Convention-cadre? Le défi est celui de s'assurer que les engagements de réduc- tion seront pris et qu'ils seront respectés, même si leur profil pourra évoluer par rapport à Kyoto.

Il. Le droit, l'incertitude et les risques liés aux changements climatiques

Au-delà de la nécessité de protéger un intérêt collectif, la texture universaliste du régime s'impose en raison de la nature des risques gérés par les instruments relatifs à la lutte contre les changements climatiques. Ce sont des « risques glo- baux» et des (<risques incertains)) dont la maîtrise présuppose l'établissement de mécanismes de type universel. t:appréhension et la gestion de ces risques a servi, et continue de servir, de fer de lance à l'édification et la consolidation du régime des changements climatiques.

Le régime de la lutte contre les changements climatiques s'est en grande partie bâti sur la notion de risques de dommages significatifs, sinon irréversi- bles, engendrés par ce phénomène. Les risques ont été et continuent de consti- tuer la matrice de J'action. Il s'agit de risques entourés d'incertitude scientifi- que. La volonté d'objectiver ces risques a pris appui sur un processus de consultation et de coopération scientifique axé sur l'objectif de parvenir à lm consensus scientifique au niveau mondial SW" la nature de ces risques. La mise sur pied progressive d'un tel consensus au travers notamment des travaux du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution des changements du climat (GIEC) confère une certaine prévisibilité au régime juridique internatio- nal de protection du climat.ll t:action politique et juridique a été stimulée.

lU ldem.

Il Voir M. Mlll.JNGUE, Le Groupe d'experts intergouvernemental sur J'évolution du climat CGlEC): de l'expertise ex post à l'expertise ex ante en matière de protection internationale de l'environnement, in Colloque annuel de la SFDI, Le droit international face aux el~ieux environnementaux, pa-

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Article

Mais l'édification de ce consensus est avant tout un gage et un facteur d'univer- saJité afin de s'assw'er que tous, à un niveau ou à un autre, se perçoivent parties prenantes à l'édification du régime.

Le souci de coopération scientifique au plan universel témoigne d'un chan- gement de paradigme du droit international. Celui-ci devient poreux et perméa- ble à la «science des changements climatiques», science confrontée à certains niveaux - et non des moindres - à une plus ou moins grande part d'incertitude.

Aussi, le doute entre-t-il dans le droit, l'imprègne et favorise le rôle du principe de précaution en tant que pierre angulaire du régime. l' La Convention demande aux Etats de « prendre des mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atté- nuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes.

Quand il y a risque de perturbations graves ou irréversibles, l'absence de certi- tude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer l'adoption de telles mesures ( ...

»>

(article 3, par. 3 de la Convention).

Par le biais de la précaution, le régime juridique des changements climati- ques impose aux Etats d'orienter leurs décisions dans le sens d'une prise en compte des risques liés aux activités humaines. Le principe de précaution, qui trouve précisément sa raison d'être dans J'incertitude scientifique, se distingue de ce fait du principe de prévention qui s'appuie sur la science, la prévision et l'expertise pour orienter les décideurs publics. Au cours des années, la certitude a pu gagner du terrain sur l'incertitude dans Je domaine des changements cli- matiques, eu égard notamment aux sources d'émission et aux projections en ce domaine, et de ce fait la précaution laisse place, peu à peu, à certains égards à la prévention.

I:évolution de la connaissance scientifique des risques liés aux changements climatiques a été facilitée par ['établissement de passerelles entre les diverses communautés scientifiques au niveau national, régional et international. Ces passerelles ont permis le façonnement progressif d'un discours scienti fique

« commun» devant servir de substrat au discours normatif. Les rapports du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) sont

raitre). De manière plus générale, voir M. MUJ:!NGUE, Essai sur une théorie du risque en droit inter- national public: l'anticipation du risque environnemental Cl sanitaire, Pcdone, 2009, 373 p.

11 1. BOISSON DE CHAZOURNES, Precaution in International Law: Refiection on Its Composite Nature», in T. M. Ndiaye et R. Wolfi:um (cds.), Law of the Sca, Environrncntal Law and Settlement ofDîs- putes - Liber Amicorum Judge Thomas A. Mensah, Maltinus Nijhoff, La Hague, 2007, pp. 2J-34.

Voir aussi A. EPTNEY ct M. SCHBYU, Strukturprinzipien des Umweltvôlkerrechts, Nomos Verlag, Baden-Baden 1998, pp.89-92. Sur les contours du principe de précaution au regard du droit de l'OMC, voir G. MARCEAU, La Jurisprudence sur le principe de précaution dans le droit de l'Organi- sation Mondiale du COimnercc (OMC), Economie Poliey and Law, VoU (3), May 2005, p. 20.

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significatifs de l'évolution des connaissances dans le domaine concerné.13 I:instrument normatif négocié pour la période allant au-delà de 2012 fera sans doute une plus large place à la prévention, tout en s'appuyant sur le principe de précaution car nombre de phénomènes liés aux changements climatiques, par exemple en matière d'impacts, ne sont encore que partie11ement connus.

III. Les contours de l'équité dans le régime des changements climatiques

A. L'universalité dans la différenciation

Les négociations de la Convention-cadre sur les changements climatiques, comme celles du Protocole de Kyoto et celles qui entourent les négociations d'un régime pour la période post-20l2, ont été et continuent d'être traversées de divergences d'intérêts des différents groupes d'Etats portant essentiellement sur des aspects économiques et financiers. A l'opposition entre les pays du Nord et ceux du Sud sur le partage des responsabilités, s'ajoutent des divergen- ces au sein de chacun des groupes d'Etats. A ses débuts, l'universalisme s'est conjugué avec une équité revendiquée par les pays du Sud, celle selon laquelle la responsabilité de la satisfaction de l'objectif commun ne devrait reposer que sur les pays développés au nom du principe des responsabilités communes mais différenciées. Ce type d'équité trouve un reflet dans la Convention-cadre et le Protocole de Kyoto.

Outre des engagements de réduction d'émissions14, les pays industrialisés sont assujettis à l'obligation de fournir des ressources financières nouve11es et additionnelles, ainsi qu'à celle d'encourager, faciliter et financer le transfert de technologies à destination des pays en développement. Dans ce contexte, le Fonds d'environnement mondial (FEM), mis conjointement en place par la

Voir Deuxième Rapport d'évaluation du GIEC, Changements climatiques, 1995, Résumé à l'inten- tion des décideurs, Genève, GlEC, 1995, disponible sur: http://www.ipcc.ch;Bilan2001 des chan- gements climatiques: les éléments scicntifiques, Contribution du Groupe de travail 1 au troisième Rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), publié sous la direction de 1. T. Houghton, Y. Ding, D. 1. Griggs, M. Noguer, P. J. van der Linden et D. Xiaosu, disponible sur: http://www.ipcc.ch; Changements climatiques 2007: les éléments scien- tifiques, Contribution du Groupe de travail 1 au quatrième Rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, Résumé à l'intention des décideurs, Résumé techni- que et questions fréquentes, publié sous la direction de S. Solomon, D. Qin, M. MamIÎng, Z. Chen, M. Marquis, K. Averyt, M. Tignor et H.L. Miller Jr., Genève, GIEC, 2007, disponible sur: http://

www.ipcc.ch.

Voir l'article 3, paragraphe 1, du Protocole de Kyoto, op.dt. La technique de mesure utilisée repose sur un système d'unités de quantité attribuées (UQA).

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Article

Banque Mondiale, le PNUD et le PNUE, constitue le mécanisme financier chargé de fournir des ressources financières sous forme de dons ct prêts conces- sionnels.15 D'autres mécanismes financiers ont ensuite été créés dans le sillage du Protocole de Kyoto. 16 Ils sont chacun marqués de l'empreinte de l'équité dans le bénéfice des subsides à destination des pays du Sud ainsi qu'au travers des systèmes de gouvernance mis en place. 17

Des engagements communs à tous les Etats visent notamment la constitu- tion d'inventaires d'émission de gaz à effet de serre et la mise en place progres- sive de politiques sectorielles tendant à la réduction de ces émissions en recou- rant à des méthodes comparables. En outre, les Etats doivent encourager la mise au point et la diffusion de technologies qui permettent de maîtriser les émis- sions anthropiques de gaz à effet de serre, notamment dans les secteurs de l'énergie, des transports, de l'industrie, de l'agriculture, des forêts et de la ges- tion des déchets, Ces informations doivent être conul1uniquées aux organes du Protocole, rendant ainsi accessibles des informations indispensables à l'évalua- tion de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, ainsi qu'à l'adoption éventuelle de nouvelles mesures nécessaires pour satisfaire à l'objectif ultime de la Convention,

Le régime qui doit être élaboré pour la période de l'après-2012 est l'objet de vastes tractations. Il s'agit de prendre en compte les évaluations du Groupe d'experts sur l'évolution du climat CGIEe), et notamment celles de son qua- trième rapport18 Elles appellent à des efforts incommensurables au regard des actions présentes. C'est une véritable dé-carbonisation de l'atmosphère qui est prônée avec l'objectif de 50% de réduction des émissions d'ici 2050. I.:un des principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre, à savoir les Etats- Unis, jusqu'alors absent du cercle conventionnel du Protocole de Kyoto, devra être partie prenante au nouveau régime. Les négociations sont conduites à cette fin, Les autorités américaines semblent enclines à promouvoir une stratégie ju- ridique hors du cadre du Protocole de Kyoto, dans le but de n'y être liées d'au- cune façon. 19

15 L. BOISSON DE CHAZOURi'ŒS, Le Fonds pour l'environnement mondial: recherche ct conquête de son idcntîté,AFDJ, 1995, pp.612--632.

16 Voir inji'u.

17 L. BOISSON DE CHAZOURNt:S, Lcs nouvcaux mécanismcs dc financement du développement dans le cadre des changements climatiques, in G. Venturini (eds.), Le nuove forme di sostegno allo sviluppo nella prospettiva dei diritto internazionale, G. Giappichelli, Torino, 2009, pp.167-191.

IK Tcxtc du rapport disponible à: http://www.ipcc.chlpublications_and_data/publications_and_data_

reports.htm#l.

19 Voir les réflexions de L. RAJAMANT, From Berlin to Bali and Beyond: Killing Kyoto Softly, Interna- tional and Comparative Law Quarterly, October 2008, nO 4, p. 2.

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En outre, les pays du Nord veulent déconstruire l'apparente solidarité de corps du groupe des pays du Sud et impliquer les puissances économiques émergentes (notamment la Chine, l'Inde et le Brésil) en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. r;équité revendiquée par les pays du Nord s'appuie sur les taux d'émission actuels et projetés des puissances économiques émergentes, à la lumière des conditions de concurrence économique au plan mondial. Si ces pays semblent accepter le principe d'une action, celle-ci ne s'apparente pas pour l'heure à un engagement contraignant en faveur d'une ré- duction chiffrée des émissions de gaz à effet de serre soumis à un véritable système de vérification internationale.'o En outre, les engagements de ces pays seraient liés à l'octroi d 'lUle assistance financière sinon à leur bénéfice, en tout cas à celui des pays en développement.

Le principe des responsabilités communes mais différenciées sera sans doute réinterprété, voire réorienté dans le cadre du nouvel instrument. Les pays émergents, à savoir ceux dont les émissions atteignent un certain seuil, devraient assumer de nouvelles responsabilités. Cela se fera sans doute dans un contexte qui fera place à des approches particulières à l'échelon national, laissant heau- coup de flexibilité à chacun des Etats. Une telle approche pourra-t-elle satis- faire à l'amhition d'une réduction de 50%, sinon 80% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux émissions de l'année 1990, année de référence identifiée par la Convention-cadre et le Protocole de Kyoto?

B. L'assistance financière et technique et la nécessité d'un" plan Marshall» climatique

r;assistance financière et technique dans le domaine des changements climati- ques a pour objet de fournir une aide en matière d'atténuation (ou mitigation en anglais) et d'adaptation. Si l'atténuation est l'objectif recherché par une réduc- tion importante des émissions de gaz à effet de serre, cette action n'est pas suffisante pour pallier les conséquences des changements climatiques. Les me- sures d'adaptation sont donc nécessaires, même si elles ne s'attachent pas à la cause du problème qu'est l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Laide financière en matière d'atténuation vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre, par exemple, de projets concernant l'utili- sation d'énergies renouvelables et les moyens de transport. r;assistance finan- cière en matière d'adaptation procure des moyens financiers aux Etats afin qu'ils renforcent leur résilience face aux impacts négatifs des changements cli- matiques.

20 Voir le texte dudit Accord de Copenhague, paragraphe 5; COP _16 LCA Dccisien, paragraphe 16.

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Article

1: adaptation aux changements climatiques concerne prioritairement les pays les moins avancés. Elle est, tout comme l'atténuation, indissociable du proces- sus de développement. Se pose toutefois la question de l'additionnalité de J'as- sistance financière et tecJmique en faveur des changements climatiques telle que revendiquée par les pays en développement, ce critère devant s'apprécier par rapport aux sources de financement de l'aide au développement. La gestion de J'assistance financière dans le domaine des changements climatiques entre- tient de ce fait d'étroits liens avec l'aide au développement.

Depuis le début des années 1990, de nombreux mécanismes financiers ont été créés. Le Fonds pour l'environnement mondial a été le premier mécanisme financier global destiné à octroyer des moyens financiers pour couvrir les sur- coûts de mesures visant à protéger l'environnement global et notamment la lutte contre le réchauft'ement planétaire. D'autres mécanismes ont été créés par la suite. Il en est ainsi du « Mécanisme de développement propre» mis en place par le Protocole de Kyoto en 1997, du Fonds d'adaptation, du Fonds pour les pays les moins avancés et du Fonds spécial pour les changements climatiques, ces trois derniers mécanismes financiers ayant été créés par les décisions de la Conférence des Parties à Marrakech en 2001. D'autres mécanismes financiers ont été mis en place au sein de la Banque mondiale, tel le Fonds prototype car- bone créé en 1999. En juillet 2008, le conseil d'administration de la Banque mondiale a approuvé la création de deux nouveaux fonds d'investissement, le Fonds pour les technologies propres et le Fonds stratégique pour le climat.

Ceux-ci pourraient occuper une place importante au sein du mécanisme de gou- vernance de J'assistance financiere de la période post-Kyoto.21

Moyens de coopération entre les pays développés et les pays en développe- ment, les mécanismes financiers soulignent les responsabilités particulières des pays développés et les besoins des pays en développement. Ce partage des res- ponsabilités a pour but la promotion d'un intérêt collectif, à savoir celui de la stabilisation des émissions de gaz à eft'et de serre <d un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du systeme climatique». Ce niveau devra être atteint « dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la production ali- mentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d'une manière durable» (art. 2 de la Convention climat).

21 L. BOISSON 1)" CI'AZOURNES, Les nouveaux mécanismes de financement du développement dans le cadre des changements climatiques, op.cil., pp.167-191 ; sur les mécanismes financier.:: voir L BOIS-

SON DE CHAZOlJRN"ES, Technical and financial assistance, in D. Bodansky, 1. Drunnée et E. Hey (cds.), The Oxford Handbook oflnternational Envirorunental Law, Oxford University Press, 2007, pp. 948-- 972.

Boi~son de Ch<1zournes 350 SZlERIRSDIE 312010

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Depuis l'adoption de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques en 1992 et du Protocole de Kyoto en 1997, le régime juridique des changements climatiques a progressivement émergé. Il est maintenant en quête de consolidation. Alors que désormais la très grande majorité des scientifiques reconnaît l'impact des activités humaines sur le réchauffement du climat, le débat porte maintenant sur les contours du régime à mettre en place pour la période post-2012. Dans ce contexte, aussi bien à Bali en décembre 200722 que postérieurement, les Etats ont insisté sur le fait que l'octroi de ressources finan- cières et les investissements devraient être des piliers importants de toute straté- gIe à venir.

I:assistance financière pour l'adaptation aux changements climatiques est désormais considérée comme cruciale. La contribution en termes d'émissions de gaz à effet de serre de beaucoup de pays en développement, si l'on met de côté les puissances économiques émergentes, a été, et continue d'être, margi- nale, mais ces Etats sont très vulnérables aux impacts des changements climati- ques. De nombreux mécanismes financiers ont été mis en place pour assister les pays en développement. Il devient cependant urgent d'augmenter le montant total de l'aide financière. Le principe des responsabilités communes mais diffé- renciées joue dans ce contexte un rôle dans la détermination des moyens juridi- ques et financiers nécessaires.

I:engagement des pays du Nord en matière d'assistance financière est sans doute le pas le plus significatif réalisé lors des réunions de Copenhague et de Cancun. Le document adopté en 2009 précise en effet que <d'engagement col- lectif des pays développés est de fournir des ressources nouvelles et supplémen- taires, y compris la foresterie et des investissements via les institutions internationales, approchant 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012, avec une répartition équilibrée entre l'adaptation et l'atténuation. Le finance- ment de l'adaptation sera prioritaire pour les pays en développement les plus vulnérables, tels que les pays les moins avancés, les petits Etats insulaires et l'Afrique. Dans le cadre d'actions significatives d'atténuation et la transpa- rence sur leur mise en oeuvre, les pays développés s'engagent à mobiliser conjointement un objectif de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement. Ce financement proviendra d'une grande variété de sources, publiques et privées, bilatérales et multilaté- rales, y compris les sources alternatives de financement. Un nouveau finance- ment multilatéral pour l'adaptation sera mis à disposition par le biais d'arrange- ments financiers efficaces et eff1cients, avec une structure de gouvernance

22 Voir le texte de la déclaration de Balî à: http://unfccc.intimectings/cop_13/items/4049.php.

SZIER/RSDIE 312010 351 BoÎsson de Ch:lZol1rnes

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Article

permettant une représentation égale des pays développés et en développement»23.

Un nouveau mécanisme financier doit être créé pour gérer une grande partie de ces montants. Il est dénommé «Fonds climatique Vert»'4. Les questions de gou- vernance seront clefs dans la négociation pour ce qui sera des liens de ce méca- nisme avec la Conférence des Parties de la Convention, celle du Protocole ou celle éventuellement de l'instrument à venir. Les relations entre ce nouveau mécanisme financier et ceux existants devront aussi être abordées afin d'éviter des phénomènes de concurrence, de fragmentation, sinon de conflits en matière d'orientation des politiques suivies.

IV. Droit, économie et lutte contre les changements climatiques

A. Globalisation économique et lutte contre les changements climatiques

Vempreinte de la globalisation économique est saillante dans le régime de lutte contre les changements climatiques, notamment dans l'appréciation des efforts à mener ainsi que dans les stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre à poursuivre. L'économie est devenue un prisme prédominant d'action et une très large place est réservée aux stratégies économiques forgées au gré de l'antienne des avantages comparatifs, au moyen d'échanges de crédits d'émis- sion au travers de projets d'investissement, par la création de marchés de droits d'émission de gaz à effet de serre, ou par l'imposition de taxes. Ces mécanis- mes, nourris de la logique de l'économie de marché, peuvent constituer des moyens incitatifs importants pour les Etats et pour le secteur privé. Ils sont conçus autour d'une double finalité: d'une part, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'autre part, la génération de revenus qui peuvent être ré- investis dans la recherche de technologies propres ou utilisés pour parer aux effets des changements climatiques qui menacent les plus démlmis. Dans ce contexte, le secteur privé est considéré comme un acteur incontournable par les instruments inten1ationaux. Il est d'ailleurs expressément mentionné dans le Protocole de Kyoto25, ce qui révèle bien que les actions publiques ne peuvent pas suffire pour faire face aux changements climatiques. Vaction à mener doit être enracinée dans la vie économique des sociétés.

23 Paragraphe 8 dudit Accord de Copenhague (traduction française non officielle disponible à http://

www.mediaterre.org/international/actu,20091222125 5 29 .html).

24 Voir le paragraphe 10 duditAccord de Copenhague; COP _16 LCA Decision, paragraphes 102 à 112.

25 Voir article 6 et 12 du Protocole de Kyoto.

Boisson de Chazournes 352 SZIER/RSDIE 312010

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Des problèmes doivent être mentionnés. En effet, les mécanismes sont très techniques et la logique lucrative pourrait tendre à prendre le dessus, détachant les mécanismes prônant Utl marché du carbone de leur prisme d'explication qu'est celui de la défense d'un intérêt collectif tenant à la protection du climat.

Pourtant, la raison d'être de la mise en place des mécanismes du marché, no- tamment la promotion d'un développement durable pour tous les pays, ne doit pas être oubliée. Le rôle que la société civile peut assumer afin de vérifier que cette double finalité ne soit pas sacrifiée sur l'autel de compromis faciles de- vient, par ce biais, primordial. I:accès à l'information et le principe de partici- pation publique permettent d'étayer ce rôle.

I;aléa de la fragmentation du droit doit aussi être évoqué. Les corps de nor- mes régissant les mécanismes économiques portent le risque de se replier sur eux-mêmes et d'enh·er en conflit avec d'autres normes et objectifs liés à la luite contre l'effet de serre, tels ceux liés à l'équité et la satisfaction des besoins hu- mains. Le recours à des mécanismes économiques et financiers n'a pourtant de sens que s'il s'inscrit dans le cadre général du régime de luite contre les chan- gements climatiques, s'alimentant de considérations écologiques et de sécurité humaine et étant interprété en ce sens. Cette symbiose entre considérations de diverse nature révèle l'une des spécificités du cadre juridique international de lutte contre les changements climatiques et doit être préservée.

Une autre caractéristique de la globalisation a trait à l'impact des règles commerciales dans le domaine des changements climatiques, que ce soit du fait de la promotion d'activités économiques qui favorisent les émissions de gaz à effet de serre, du fait de mesures prises à fin de réduction d'émissions de ces gaz ou à fin de protection à l'encontre d'Etats qui ne suivraient pas un compor- tement semblable à celui qui les impose.'6 Cévocation de possibles conflits entre le régime de l'OMC et celui des changements climatiques est fréquente", et il est invoqué à cet effet, que cela pourrait se produire au travers de mesures unilatérales adoptées par un Etat, sous le couvert d'une taxe ou d'une mesure de restriction à l'importation. Que l'on puisse considérer que certaines de ces me- sures pourraient se justifier au regard du droit de l'OMC ou qu'elles ne le pour- raient pas, les pays émergents et d'autres pays en développement en ont fait un cheval de bataille, notamment pour ce qui est des mesures aux frontières pour le carbone, afin de les proscrire. La question est celle de savoir comment déjouer la possibilité d'un recours à des mesures unilatérales en l'absence d'un cadre

26 S. CHARNOVITZ, Trade and Climate: Potentinl Conflicis and Synergies, in E. Diringer, Beyood Kyoto: Adv<l.ncing the International Eff0l1 Agaillsi Climale Change, Pew Center for Global Climate Change.

21 Voir H. VAN ASSELT, F. SINDICO et M.A. MF:HLlNG, Global Climate Change and the Fragmentation of International Law, Law & Poliey, Vol. 30, nO 4, 2008, pp. 423-449.

SZIER/RSDlE 3/2010 353 Boisson de Chazournes

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Article

multilatéral en faveur de la protection du climat pour la période post-2012.28 Et si la corrununauté des Etats parvenait à adopter un instrument contraignant, il faudrait encore que celui-ci prévoit des dispositions de cohabitation avec les accords de l'OMe. La Convention-cadre sur les changements climatiques avait lancé un appel en ce sens.2(,1 I.:instrument à venir devrait en tout cas se pronon- cer sur la question des relations entre actions de Intte contre les changements climatiques et droit des échanges internationaux, mais le fera-t-il de manière suffisarruuent précise30? Le principe du soutien mutuel prôné par d'autres ac- cords de protection internationale de l'environnement devrait être rappelé, bien qu'il ne puisse pas par lui-même apporter des réponses à tous les problèmes susceptibles de se poser.3111 requiert que les négociateurs et institutions compé- tentes ajustent et modifient leurs politiques en vue d'une déférence de chaque régime l'un à l'égard de l'autre.

B. Régionalisation et action universelle

I:action universelle et la recherche d'équité au sein de la communanté des Etats ne doivent pas occnlter la diversité des approches, et cela est fortement souligné dans les négociations du régime juridique pour la période post-2012. Les ac- tions régionales peuvent être des véhicules de la différenciation des approches.

I:action européenne montre en quelque sorte la voie possible vers une régiona- lisation de l'action dans le domaine des changements climatiques. Les discns- sions à l'échelon de l'Union européenne ont permis que se forge un consensus conduisant l'organisation à s'engager sur la voie d',me réduction de 20% des émissions d'ici 2020, voire de 30% si, dans le cadre de la négociation de l'ins- trument post-Kyoto, les autres Etats développés s'engageaient aussi en ce sens et si les puissances économiques élnergentes montraient leur détennination à agir dans cette direction.

Les actions envisagées au sein de l'Union européenne imbriquent étroite- ment celles des autorités publiques et ceUes du secteur privé. Cette perspective

28 Voir Passerelles - Mise à jour COP J 5, disponible il: http://ictsd.orgldownloads/2009/12/pdf- templarc-bridges-copenhagen-update-french_3.pdf.

2~ Voir article 4, paragraphe 5. de la Convention-cadre. L. BOISSON 013 CHAZOURNIJS, ((The United Na- tions Framework Convention on Climate Change: On the Road towards Sustainable Development», in R. Wolfrum (cd.), Enforcing Environrncntal Standards .. Economie Mechanisms as Viable Means"l, Bcitriige zum AusHindischen Otfcntlichen Recht und Vôlkerrech!, Vol. 125, Berlin. Springer, 1996, pp. 285·-300.

30 Voir Passerelles -Mjse ajour COP15, op.cil.

31 L. BOISSON DE ClL\ZOURNf:S et M. MBENGUE, A propos du principe du soutien mutuel- les relations entre le Protocole de Cartagena et les accords de l'OMC, Revue Générale de Droit International Public, 2007, no. 4, pp. 829-862.

Boi<;~on de Chazournes 354 SZlERIRSDΠ3/2010

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régionale a pour vocation de s'enchâsser dans l'élaboration du régime universel à venir, tant dans l'élargissement possible du système d'échanges de crédits d'émission ou de permis d'émission que dans le contrôle du système d'obser- vance à mettre en place. D'autres stratégics régionales pourraient expérimenter différents angles d'approche (par exemple, la réduction de l'intensité énergéti- que par secteur proposée dans le cadre de l'initiative Asie-Pacifique (APEC)).

Les caractéristiques régionales de ces stratégies pourraient refléter plus spécifi- quement les données climatiques, économiques ou sociales d'une région.J2

Le Protocole de Kyoto avait d'ailleurs fait place à la possibilité d'actions à caractère régional au travers d'actions conjointes en matière de réduction d'émissions (Article 4 du Protocole de Kyoto). Ces actions conjointes peuvent s'accompagner, en outre, d'un statut différencié pour les Etats qui en sont par- ties prenantes. La «Bulle communautaire» constituée sur la base de l'article 4 du Protocole de Kyoto est illustrative d'une telle approche située]}

Au cours des deux dernières décades, le droit a contribué à bâtir et solidifier un cadre d'action universel dans le domaine des changements climatiques. Il doit maintenant permettre de faire en sorte que la stratégie esquissée s'enracine dans l'action humaine quotidienne, que les objectifs et engagements définis à l'échelon universel deviennent des paramètres d'action de chacun. Diverses stratégies sont prônées pour répondre à cet objectif, qu'elles soient économi- ques ou régionales. I:émulation entre celles-ci doit pennettre que l'intérêt col- lectif dans le domaine des changements climatiques - «préoccupation pour l' humanité tout entière»34 - soit promu, et ceci sans que certains intérêts pren- nent le dessus aux dépens d'autres intérêts, sans que l'équité au bénéfice de certains ne soit préjudiciée par d'autres considérations.

J2 PH. LE PRESTRE, Géopolitique régionale du climat ct cooperation internationale, in Droit, Sciences et Technologies, Dossier Thématique Droit et Climat, CNRS Editions, nQ 2, 2009, pp.85-I09.

JJ La Communauté européenne et ses Etats-membres se sont conjointement engagës, dans le cadre d'un ensemble, à atteindre un objectif commun chiffré de réduction de leurs émissions de gaz à effet de sene. Voir la décision du Conseil, du 25 avri12002, relative à J'approbation au nom de la Com- munauté européenne, du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les chan- gements climatiques et l'exécution conjointe des engagements qui en découlent, JOCE L 130/1. Pour plus de détaÎls voir A.-S. TArIAU. Les interactions de~ contrôles internatÎonal et communautaire de la mise en œuvrc du Protocole de Kyoto, Thèsc, Université de droit, d'économie et de sciences d'Aix- Marseille III, pp.18, 80, 110 et 115.

34 Al. 1 du Préambule de [a Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

SZIERlRSDlE 3/2010 355 llois.'ion de Chazournes

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Article

V. Le régime des changements climatiques et les stratégies de promotion de respect du droit et de sanction du non-respect

La promotion du respect de la règle de droit s'est accompagnée ces dernières années d'une attention plus soutenue aux modes de règlement des différends.

Des mécanismes juridictionnels ont été créés de même que d'autres mécanis- mes de règlement des différends. Ainsi en a-t-il été des procédures et mécanis- mes de contrôle du respect des accords environnementaux multilatéraux (AEM).J5 Ces derniers, portant le sceau générique de procédures de non-res- pect, ont de prime abord souvent été qualifiés de procédures non contentieuses, pour souligner leur caractère diplomatique. Or, cette qualification procède, dans certains cas, d'une analyse trop simple de la dynamique matérielle et fonction- nelle des procédures de non-respect. Ces procédures révèlent de plus en plus l'image d'une mosaïque complexe. En leur sein, le contentieux côtoie le non- contentieux et le juridictionnel convoite [e diplomatique.'6 Certaines procé- dures de non-respect font ainsi une place plus marquée aux aspects de procé- dure contentieuse et juridictionnelle que d'autres. La procédure de non-respect du Protocole de Kyoto en est une illustration patente. Tirant inspiration d'autres procédures de non-respect, elle opère un saut qualitatif parmi [es techniques élaborées pour promouvoir la mise en œuvre du droit international.17

Cette situation tient au fait que le Protocole de Kyoto a posé les jalons d'un régime international original et complexe." La question du contrôle de son res- pect et celle de la réaction à d'éventuels manquements sont apparues dès les débuts de la négociation du Protocole comme cruciales eu égard à la portée des engagements. Les Etats ne sont toutefois pas parvenus à trouver un accord sur les mécanismes et les procédures appropriés de contrôle du respect du Proto- cole au moment de son adoption. Ces derniers furent l'objet d'ultimes négocia- tions qui aboutirent à Marrakech en 2001. Les Procédures et mécanismes rela- tifs au respect des dispositions du Protocole de Kyoto ont d'abord été adoptés

J~ L. BOISSON DE CHAZOVRNES, La mise en œuvre du droit international dans le domaine de la protec- tion de l'environnement: enjeux et déHs, Revue génêrale de droit international public, 1995, nO 1, pp. 37-76.

36 Voir T. Treves el al. (eds.), Non-Compliance Procedures and Mechanisms and the Effectîvcness of International Environmental Agreements, TMC Asser Press, La Hague, 2009.

37 1. VOïNOV-KoHLER, Le mécanisme de contrôle du rcspe<:1 du Protocole de Kyoto sur les changements climatiques, Schulthess, 2006.

38 J. BRUNNÉE, A Fine Balance: Facilitation and Enforccment in the Design of a Compliance Regime for the Kyoto Prol0col, Tulane Environmentul Law Journal, VoLt3, 11° 2, 2000, pp. 223-270.

Boisson de Chazourncs 356 SZlER/RSDIE 3/2010

i.!

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par la Septième Conférence des Parties à Marrakech (COP 7) en 200139, puis approuvés et adoptés en 2005 par la Première Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto (COP/MOP 1) dans la Déci- ,ioll 27/CMPI.

I.:originalité et la complexité qni caractérisent le régime' du Protocole se re- trouvent dans ces procédures et mécanismes. Tout en tirant inspiration d'autres procédures mises en place dans le domaine de la protection de l'environnement, ils n'en présentent pas moins des traits particuliers. Le saut qualitatif opéré avec les procédures relatives au respect du Protocole confère à ladite procédure une texture juridictionnelle marquée'·, afin de garantir l'etYectivité, la viabilité et l'efficacité du régime juridique prévu dans le Protocole.

Le Comité de contrôle du respect des dispositions du Protocole exerce ses fonctions dans le cadre de deux chambres, à savoir la chambre de la facilitation et la chambre de l'exécution. La chambre de la facilitation est chargée de don- ner des conseils, d'apporter une aide aux Etats Parties aux fins de l'application du Protocole et de promouvoir le respect des engagements qu'ils ont pris en vertu du Protocole, et ce, en tenant compte du principe des responsabilités com- munes mais différenciées et des capacités des Etats Parties. La chambre de la facilitation apparaît de prime abord comme un organe diplomatique chargé de promouvoir l'application du Protocole de Kyoto.

La chambre de J'exécution est chargée d'établir si les Etats Parties respec- tent ou non, inter alia, leurs engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des émissions au titre de l'article 3 du Protocole, les dispositions pré- vues en matière de communication d'informations à l'article 5 et à l'article 7 du Protocole et les critères d'admissibilité aux instruments économiques énoncés aux articles 6, 12 et 17 du Protocole. La procédure devant la chambre de l'exé- cution comporte des aspects qui s'inscrivent dans une logique proprement juri- dictionnelle.

La procédure est enclenchée au moyen d'une communication, par l'intermé- diaire du Secrétariat, provenant d'une Partie au Protocole qui soulève une ques- tion concernant sa propre mise en œuvre, d'une Partie au Protocole qui soulève une question de mise en œuvre concernant une autre Partie ou du fait de ques- tions de mise en œuvre contenues dans les rapports d'experts conduits en appli- cation de l'article 8 du Protocole, lesquels relèveraient des dysfonctionnements.

39 Décision 24/CP.7, Annexe, Procédures et mécanismes relatifs au respect des dispositions du Protocole de Kyoto, doc. FCCC/CP/2001113/Add.3. Le texte est reproduit dans L. BOiSSON OF. C1f"~

ZOURNES, R. DESGAGN~:, M. M. MBIlNGUIl, C. ROMANO, op.cit., p. 733.

40 L. BOISSON DI! CHAZOURNES ct M.M. MnENGuE, A propos du caractèrejuridiclionnel de la procé- dure de non-respect du Protocole de Kyoto, in S. Maljean-Dubois (éd.), Changements c1imatiques- Les enjeux du contrôle international, Centre d'Etudes et de Recherches lnternationales ct Commu- nautaires, Universite Paul Cézanne. Aix-Marseille m, 2007, pp. 73-109.

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