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Etude du comportement constructeur des poissons amphibies Periophtalmidæ

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Academic year: 2022

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Etude du comportement constructeur des poissons amphibies Periophtalmidæ

Charles Brillet

To cite this version:

Charles Brillet. Etude du comportement constructeur des poissons amphibies Periophtalmidæ. Revue

d’Ecologie, Terre et Vie, Société nationale de protection de la nature, 1969, pp.496-520. �hal-03531630�

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ETUDE DU COMPORTEMENT CONSTRUCTEUR DES POISSONS AMPHIBIES PERIOPHTALMIDJE

par Charles BRILLET

Institut de Neurophysiologie et Psychophysiologie, Département de Psychophysiologie comparée, C.N.R.S., Marseille.

On ne peut parcourir les mangroves tropicales sans remarquer Ja présence de nombreux Poissons amphibies qui déambulent sur les banquettes de vase émergées. Leur remarquable adaptation à la vie terrestre a depuis longtemps attiré sur eux l'attention. Mais si l'anatomie particulière de ces Périophtalmes (nageoires pecto­

rales aux rayons rigides, pourvues d'une articulation qui les transforme en véritables pattes) a fait l'objet de travaux (J.W.

Harms, 1929 ; B. Eggert, 1929, 1935 ; V.A. Harris, 1959), et si n'importe quel observateur a pu voir et signaler certains aspects de leur éthologie (par exemple l'existence de terriers), en réalité leur comportement demeurait presque inconnu.

La mangrove, habitat normal de ces Poissons, est une forma­

tion arborescente ou arbustive tropicale, localisée dans les vases d'estuaires ou de lagunes saumâtres, dans les limites du balance­

ment des marées (G. Lemée, 1967). Ces Périophtalmes sont liés de manière si étroite, par leur écologie et leur biogéographie, à cette formation littorale, qu'étudier leur répartition géographique re­

vient à rappeler celle des mangroves. Ce milieu particulier, avec ses eaux de salure variable, son sédiment meuble et consistant à la fois, les racines aériennes qui offrent à des animaux grimpeurs la possibilité d'échapper à la marée, sa végétation arbustive qui fournit à la vase sous-jacente des apports importants, permet, avec un taux de population souvent élevé, la vie des PeriophtnlmidEe, qui sont aussi bons marcheurs et même grimpeurs que nageurs.

J'ai étudié pendant deux ans au laboratoire des Périophtalmes originaires de Tuléar (Madagascar) (1) appartenant à l'espèce

(1) Cette étude a été rendue possible par l'obligeance de Mme Richard-Vindard et de M. R. Derijard et M. L.-A. Maugé, qui ont bien voulu se charger de leur capture et de leur expédition. D'autres observations (non rapportées ici) ont été faites sur des Périophtalmes reçus de Côte-d'Ivoire (Abidjan) grâce à M. J.-L. Tournier.

- 496 --

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Periophtalmus kœlreuteri Pallas. Une fois résolues les difficultés de transport, ces animaux se sont fort bien adaptés à leur séjour en serre tropicale (température: 25-30° ; H.R. : 65-85 %) dans des bacs en ciment ayant une surface de 0,88 m2 (80 x 110 cm) et une profondeur de 30 cm. Ces bacs, pourvus de vase prélevée en Camargue et d'eau saumâtre de salinité très variable, ont permis aux Poissons de montrer la plus grande partie de leurs conduites : comportement agressif avec une grande variété de postures de menace, comportement territorial, hiérarchie - objets de publica­

tions précédentes (C. Brillet, 1967 a, b, c, 1969 a, b, d) - ainsi que le comportement constructeur, auquel est consacré le présent travail. A condition d'offrir aux Périophtalmes, dans les bacs, des banquettes de vase molle dont le pied baigne dans une petite nappe d'eau, ils construisent leurs terriers sur la vase exondée tout aussi bien que sur les banquettes encore humides des man­

groves à marée descendante.

Bien des éléments présents dans le milieu naturel manquaient bien sûr en captivité, tout particulièrement les marées, dont je n'avais pas encore entrepris la reconstruction dans mes bacs. Un séjour de deux années à Madagascar m'a fourni l'occasion de com­

pléter ce travail, par l'étude de populations abondantes de Pério­

phtalmes dans les mangroves de Morondava (fig. 1). Ces obser-

··.;;.·

Fort -Dauphin

Fig. 1. - Répartition des Périophtalrnes sur les côtes malgaches (d'après A. Kiener, 1966).

- 497 -

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vations m'ont permis en particulier de découvrir la parade nuptiale des Périophtalmes (C. Brillet, 1969 c), mais aussi de confirmer et développer l'étude des autres aspects de leur comportement.

L'essentiel de ces observations nouvelles a été effectué dans la mangrove d' A varadrova (Moron da va) sur deux zones (fig. 2) qui diffèrent par leur degré d'ensoleillement, leur durée d'immer­

sion et leur situation par rapport aux points d'eau permanents.

Ces deux zones sont situées en deux stations distantes de quelques dizaines de mètres, à proximité du même chenal.

L'une des zones (A, fig. 2 a) est caractérisée par une végétation pauvre et un fort ensoleillement. Elle présente, sur la rive gauche du chenal, après un replat (a), une assez forte pente (M, puis un léger dos d'âne (y), et un chenal r(�siduel conservant des flaques d'eau même à marée basse. Lors des marées moyennes, la plus grande partie de cette zone est recouverte d'un mètre d'eau et plus ; même lors des mortes eaux, la banquette formant dos d'âne est inondée à chaque marée. L'autre zone (B, fig. 2 b), située à un niveau plus élevé, présente une végétation dense et un ensoleille­

ment plus faible. Lors de marées moyennes, la hauteur d'eau n'y dépasse pas 20 cm ; à certaines marées de mortes eaux, cette

Pas de terriers ZONE A

Chenal

ZONE B Terriers rares

Pas de terriers

ZONE C

Terriers nombreux

Niveau des marees hautes moyennes

Chenal Fig. 2. - Coupe de deux stations (a et b) riches en terriers de Périophtalmes dans la

mangrove d'Avaradrova (Morondava).

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zone ne sera même pas inondée ; les Périophtalmes ne rejoignent pas le chenal situé à une quinzaine de mètres. Une troisième zone riche en terriers (C, fig. 2b) n'a pas été soumise à des observations prolongées, car ses conditions d'ensoleillement sont proches de celles qu'offre la zone A.

Sur des surfaces délimitées de 16 m2, j'ai dénombré 21 terriers dans la zone A (dont 9 en a, 2 en �. 10 en y), 27 terriers dans la zone B et 19 dans la zone C.

Cette étude dans la nature apporte des faits nouveaux, et aussi des résultats qui peuvent différer de ceux obtenus au labo­

ratoire. Mais la captivité, si elle modifie quelquefois les comporte­

ments naturels, ne peut créer ex nihilo ; les variations observées sont forcément puisées dans le stock de conduites de l'animal. Les différences entre les résultats du laboratoire et ceux obtenus dans la nature s'interprètent souvent de manière aisée, et dans un très grand nombre de cas les actes observés et les structures réalisées par le comportement constructeur sont identiques. Ainsi le mode de fouissement et les remparts édifiés autour de l'orifice du terrier des Périophtalmes, qu'on les observe dans la nature ou en serre tropicale, sont semblables.

Fig. 3. - Deux orifices primaires forés dans la vase et leur rempart en tronc de cône.

Depuis longtemps les terriers creusés par les Périophtalmes dans la vase des banquettes exondées étaient connus, mais on savait en fait peu de choses sur le comportement constructeur proprement dit. Seul G. Petit (1922, 1928) avait apporté des infor­

mations : il avait bien noté en milieu naturel le prélèvement de - 499 -

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Fig. 4. - Creusement dans le sable, au pied d'un obstacle. Au-dessus de la cuvette réalisée contre un morceau de bois, on distingue les bouchées de sable rejetées par

le Poisson.

Fig. 5. - Rempart édifié dans une banquette de terre exondée. La forme évasée du rempart est due sans doute à la consistance de ce matériau inhabituel.

500 -

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Fig. 6. - Quatre orifices primaires à des stades différents de l'édification du rempart.

A -premier stade: autour du trou ébauché, couronne de boulettes de vase (a)·

B - Troisième stade ; présence de deux remparts concentriques (B, y) et de la cou­

ronne externe (a)·

C - Quatrième stade : le rempart a sa forme définitive.

D -Rempart cc géant » (18 cm), cylindrique, adossé à la paroi de verre de l'aquarium.

On voit bien les bouchées déposées au cours du travail ; et, sur la paroi de verre, la trace des bouchées de vase liquide cràchées à quelque distance par le Poisson.

9

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bouchées de vase par le Poisson, leur disposition autour de l'orifice du terrier (d'où surrection d'un rempart circulaire) et le rythme du travail. J'apporte moi-même des informations supplémentaires en ce qui concerne la structure du terrier, le choix de l'emplacement où commence le travail de construction, la technique de creuse­

ment et ses phases successives, enfin le rôle du terrier dans la vie de l'animal.

1. - CHOIX DE L'EMPLACEMENT. FACTEURS ÉCOLOGIQUES DÉTERMINANTS.

L'étude en serre tropicale m'a permis de déceler quels étaient, au laboratoire, parmi les facteurs écologiques modifiables, ceux qui jouaient ou non un rôle déterminant dans le choix de l'empla­

cement du terrier.

1°) La nature du substrat conditionne de manière impérative la réalisation du terrier. Si le Périophtalme accepte de creuser dans tous les substrats meubles : vase, terre, sable vaseux, sable pur (figs 3, 4, 5), seuls les trois premiers lui permettent le forage de véritables terriers. Le sable pur ne se prête pas au forage de galeries : quand l'animal tente d'y creuser un tunnel, celui-ci s'effondre ; le Poisson se contente de déterminer près d'une pierre ou d'une branche une dépression en cuvette où l'eau s'accumule (fig. 4).

2°) Le contact ou le voisinage d'un objet dur (paroi en ciment du bac, pierres, branches) paraît déterminant. C'est au contact de ces. objets que le Poisson, dans une proportion importante des

Fig. 7. - Orifice primaire au niveau de l'eau.

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cas (1) commence le forage du terrier (orifice primaire) (fig. 3, terrier de gauche ; fig. 6, C, D).

3°) Le voisinage de l'eau est également un facteur impor­

tant (1) : l'orifice primaire s'ouvre fréquemment au bord de l'eau (fig. 3, terrier de droite ; fig. 7).

4°) La lumière pouvait être un facteur déterminant étant donné que les mangroves présentent des degrés de couvert extrê­

mement variables. J'ai tenté quelques expériences (obscurcissement d'une partie d'un bac), mais le résultat n'a pas été significatif, les animaux construisant indifféremment dans les zones ombragées ou éclairées. Cependant les Périophtalmes amorcent fréquemment leur travail pendant la nuit, même dans l'obscurité profonde (alors que tout le reste de leur activité apparaît su'rtout diurne). Ceci explique peut-être cela.

5°) La salure de l'eau ne paraît pas intervenir. Les Périophtal­

mes en élevage construisent aussi bien dans des eaux salées qu'en eau douce.

Dans la nature, l'action de ces facteurs mis en évidence au laboratoire n'est pas toujours aussi déterminante. D'autre part l'action de certains est profondément modifiée par le phénomène des marées :

1°) En ce qui concerne le substrat, je n'ai jamais observé de terriers ailleurs que dans la vase ou le sable très vaseux. Si l'on voit d'assez nombreux Périophtalmes errer, à quelques mètres des banquettes de vase où se trouvent leurs terriers, sur des bancs de sable qui affleurent à marée basse près des chenaux, ils n'essaient pas d'y construire.

2°) Le contact ou le voisinage d'un objet dur paraît ne jouer aucun rôle dans la nature. Les seuls obstacles présents sur les banquettes de vase où les animaux construisent sont en effet les troncs de palétuviers, et de fins pneumatophores. Je n'ai jamais vu de terrier adossé à un tronc qui formerait une partie de sa paroi, comme on l'observe pour des objets divers dans les bacs d'élevage. Quant aux pneumatophores, leur grand nombre dans

(1) Les deux facteurs (voisinage d'un obstacle et voisinage de l'eau) interfèrent et ajoutent leur action en nombre de cas. Un relevé de la position de 38 remparts entourant les orifices montre :

- 6 remparts appuyés à des objets durs, à distance de l'eau,

- 18 appuyés à des objets durs au voisinage de l'eau (donc avec addition des deux facteurs).

- 12 au contact de l'eau ou de la vase détrempée, sans voisinage d'objet dur, 2 remparts seulement édifiés sur le dessus d'une banquette de vase, ni près de

l'eau, ni au voisinage d'un objet dur.

- 503

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certaines zones (plus de cent au mètre carré) fait qu'ils se trouvent souvent au contact des terriers - ou même pris dans la masse du rempart ; mais dans les secteurs où ces pneumatophores sont rares, les Poissons ne recherchent nullement leur voisinage pour cons­

truire. Il est probable que, dans les bacs d'élevage, chaque obstacle (pierre ou branche) détermine une légère dépression dans le sédi­

ment, et c'est l'humidité plus forte de cette zone que recherchent les Périophtalmes.

3°) Le voisinage de l'eau, en effet, demeure un facteur impor­

tant, mais les données du problème sont considérablement modi­

fiées par l'existence des marées. Les terriers se trouvent tous dans la zone de balancement des marées de moyenne amplitude, entre 25 cm et 100 cm au-dessus du fond des chenaux voisins, situation qui correspond à des temps d'immersion variant de 4 heures à quelques dizaines de minutes lors des marées moyennes. Certnins même ne sont pas atteints par le flot lors des faibles marées. C'est d'ailleurs lorsque l'eau vient de se retirer - et lorsque la vase est encore détrempée, et les flaques nombreuses - que le Poisson travaille.

4°) Quant au rôle de la hzmière, mes observations sur le ter­

rain confirment les résultats des expériences mentionnées ci­

dessus : lorsque le substrat s'y prête et que la durée d'inondation est convenable, le Périophtalme construit partout, pourvu que l'ombrage ne soit pas complet. Cependant on note une préférence pour un couvert de densité moyenne. Sous les grands palétuviers au feuillage épais les constructions se raréfient ; mais il est pro­

bable que la durée d'immersion intervient, ces arbres se rencon­

trant assez haut sur les banquettes de vase. Un ombrage moyen, entretenant une forte humidité, peut compenser dans une certaine mesure la brièveté de l'immersion : en zone ensoleillée (zone A, fig. 2 a) les terriers, moins nombreux, s'éloignent moins des nappes d'eau permanentes qu'en zone ombragée (zone B, fig. 2 b).

5°) Dans les zones où j'ai observé les Poissons, la salure de l'eau ne doit pas intervenir : compte tenu de la faible importance et de la distance des apports d'eau douce, elle doit être, sauf lors des grandes pluies, voisine de celle de la mer proche. Je pense que l'euryhalinité considérable mise en évidence dans les élevages a peu l'occasion de se manifester dans les stations sur lesquelles a porté mon étude.

Il. - CARACTÉRISTIQUES DU TERRIER : STRUCTURE ET DIMENSIONS.

L'étude au laboratoire m'a permis de découvrir - ou de préciser - la plupart des éléments constitutifs d'un terrier ; les observations faites dans les mangroves en ont confirmé l'existence, mais ont montré la présence d'éléments supplémentaires. D'autre part il apparaît dans les bacs en ciment - du fait même de

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l'existence des parois et d'autres objets - une grande variabilité de structure qui est presque absente dans les mangroves.

A - Structure. - La structure typique d'un terrier de Pé­

riophtalme, telle que je l'ai observée dans les bacs d'élevage, comporte les éléments suivants (fig. 8) :

Orifice prim�ire Rempart

circulaire Orifice secondaire , ...

1 \ 1 ' 1 \

1 ',

Orifice secondaire immergé

Fig. 8. - Coupe schématique d'un terrier construit en élevage.

1. Un rempart circulaire surmonte l'orifice primaire ; il résulte de l'accumulation de la vase extraite pendant le creusement du terrier. Il peut être cylindrique (fig. 6 D) ou bien en tronc de cône (fig. 3, fig. 6 C), parfois de forme atypique, évasé en trom­

blon (fig. 5). Ce rempart circulaire présente en son axe un puits vertical qui prolonge la galerie primaire (voir ci-dessous), avec un diamètre égal ou très légèrement inférieur.

2. Une galerie primaire creusée à partir de l'orifice primaire.

Elle peut être verticale ou horizontale.

a) Les galeries primaires verticales constituent le type le plus fréquent. Ces puits verticaux sont le plus souvent creusés à une petite distance de l'eau, de sorte que la vase extraite, en séchant, peut constituer le rempart.

b) Les galeries primaires horizontales (non représentées fig. 8) partent d'un orifice primaire situé au ras de l'eau ou à demi­

immergé. La vase que le Poisson extrait et dispose devant l'orifice se disperse dans l'eau : l'entrée de ces galeries n'est en général protégée par aucun rempart, au moins du côté de l'eau, ou bien le rempart est plus ou moins largement ébréché (fig. 7) : la distinc­

tion d'avec les orifices secondaires (voir 4, ci-dessous) peut alors être difficile.

3. A l'extrémité de la galerie primaire se trouve une chambre, toujours unique dans mes observations. Cette chambre n'est parfois qu'un simple élargissement de la galerie, parfois un espace plus grand, bien individualisé, piriforme. Elle est en général envahie

par l'eau jusqu'à mi-hauteur. ·

505 -

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4. Les galeries secondaires sont creusées à partir de la cham­

bre et débouchent à l'extérieur par les orifices secondaires. Un terrier peut posséder une ou deux galeries secondaires, jamais plus dans mes élevages.

Lors de son apparition, l'orifice secondaire est caractérisé par l'absence totale de rempart, et un contour circulaire nettement découpé dans la vase, enfin par un diamètre qui suffit juste au passage du propriétaire. Cet orifice à bords francs peut rester tel quel assez longtemps, voire de manière permanente ; ou bien le Poisson édifie sur l'orifice secondaire un rempart qui peut atteindre la même hauteur que le rempart primaire.

Il existe bien des variantes quant à la situation des galeries secondaires, leur orientation (remontante ou horizontale) et, par suite, quant à la position des orifices secondaires. Ceux-ci peuvent être immergés, à demi-immergés ou émergés (figs 9 et 10).

Fig. g. -Orifice secondaire émergé, dépourvu de rempart. Trou étroit, à bord francs.

Dans les bacs d'élevage apparaissent souvent des terriers édifiés d'abord sous un abri, présentant une structure particulière qu'il convient de décrire brièvement. J'ai signalé que les Périoph­

talmes captifs amorçaient souvent leur terrier contre un objet dur ; si cet objet, décollé de la vase humide, ménage une cavité, le Poisson utilise immanquablement celle-ci. Creusant plus avant

sous l'abri, il édifie à l'entrée un rempart appuyé contre l'objet - 506 -

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Fig. 10. - Orifice secondaire à demi-immergé.

dur qui constitue une partie de sa paroi (fig. 11 et 12). Ces terriers sous abri peuvent être, comme les autres, pourvus d'orifices secon­

daires.

Ce type de ter·rier n'apparaît pas dans les mangroves puisque

Fig. 11. - Terriers sous abri. A gauche de la photo, la pierre forme nettement une partie du rempart.

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Fig. 12. - Coupe schématique d'un terrier sous abri. Les tiretés successifs figurent la montée du rempart à mesure que le Périophtalme creuse une cavité sous la pierre.

(voir plus haut) on n'y trouve pas non plus de construction amor­

cée contre un objet dur.

Dans la nature, la structure des terriers est plus uniforme et fait apparaître des éléments qui ne pouvaient être découverts au

Orifices

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primaire et secondaire

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Fig. 13. - Coupe d'un terrier à double entrée (mangrove d' Avaradrova, Morondava).

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laboratoire. Dans la quasi-totalité des cas (1) le terrier (fig. 13) comporte deux entrées distantes de 5 à 7 cm, couronnées toutes deux d'un rempart. De ces deux entrées partent deux galeries (primaire et secondaire) qui, après un court trajet, débouchent dans une chambre dont le plafond se trouve à 4 ou 5 cm de la surface primitive du sol. Je pense que la galerie secondaire, souvent difficile à différencier avec certitude, a été, comme en captivité, creusée de l'intérieur, à partir de la chambre.

Pour G. Petit (1922 et 1928) le terrier peut n'avoir qu'une seule galerie d'accès. Ce n'est jamais le cas à Morondava ; d'autre part, observant les terriers des Périophtalmes à Tuléar, il décrit une galerie d'accès verticale (éventuellement unique), et la seconde comme ohlique. Dans la structure que j'ai observée à Morondava, les deux galeries, verticales à leur début, sont toutes deux obliques et symétriques lorsqu'elles atteignent le plafond de la chambre.

Des recherches ultérieures devront déterminer s'il existe hien, comme le pense G. Petit, des différences dans la structure des terriers d'une région à l'autre.

Au fond de cette chambre s'ouvre une troisieme galerie, qui s'enfonce verticalement ou bien est très légèrement inclinée dans la direction du chenal.

Je n'ai jamais observé de façon sûre de galerie primaire horizontale au bord des chenaux (par exemple au bas de la pente�.

fig. 2 a). Les nombreux trous qui s'ouvrent à la base de leurs rives ne peuvent être attribués sans ambiguïté aux Périophtalmes : les Crabes y sont nombreux également, et la cohabitation s'observe parfois.

J'ai tenté d'autre part de découvrir à l'aide d'eau colorée versée à marée basse s'il existe des galeries secondaires partant des terriers situés à la partie supérieure des banquettes. Le résultat a toujours été négatif ; il semble donc que dans la nature le terrier n'a que deux entrées, très proches.

Je pense que la galerie qui s'enfonce verticalement à partir du fond de la chambre - et que je n'ai pu suivre sur plus de 40 cm - débouche dans une chambre profonde. Il paraît douteux qu'elle se termine en cul-de-sac en conservant son diamètre étroit ; et les expériences à l'eau colorée montrent bien que cette galerie ne débouche pas à la partie inférieure des chenaux et qu'il ne s'agit pas d'une « sortie de secours » que certains auteurs (M.F.

Champeau, 1951) ont mentionnée - pour des Périophtalmes d'autres régions - sans jamais bien en préciser l'orientation.

(1) J'ai observé quelques terriers ne comportant qu'un seul rempart circulaire, mais entouré de plusieurs orifices : beaucoup de ces orifices correspondent à des terriers de Crabes, mais je pense que l'un d'entre eux était l'orifice secondaire encore à bords francs et dépourvu de rempart.

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Les différences entre la structure du terrier observé dans la nature et celle que réalise le Poisson dans nos bacs en ciment s'expliquent facilement. A la galerie verticale qui, dans la nature, s'enfonce profondément à partir de la hase de la chambre (fig. 13) correspond au laboratoire la galerie ho·rizontale (fig. 8) dont le tracé semble bien être imposé par la seule présence du fond en ciment ; quant à son débouché (orifice secondaire immergé), il est conditionné par la forme de la banquette et le niveau de l'eau dans les bacs.

B. Dimensions. - L'étude des terriers construits au laboratoire par des animaux ayant atteint la taille adulte (7 à 10 cm) permet de préciser les dimensions des différents éléments constitutifs.

D'autre part l'étude en serre tropicale m'a permis de suivre l'évo­

lution de nouveaux terriers depuis leur début, observation difficile à réaliser dans la nature.

Le diamètre des orifices, aussi bien primaire que secondaire, varie avec l'évolution du terrier. L'orifice primaire, qui peut attein­

dre 5 cm au début du forage (fig. 14, a) va, tout en s'élevant en même temps que le rempart, se réduire progressivement jusqu'à 1,6 cm en moyenne (id., d).

Le diamètre des orifices secondaires évolue en sens inverse ; étroits au début (1 cm), ils peuvent ensuite atteindre, du fait de l'érosion due au passage du poisson, la même dimension finale que les orifices primaires.

La hauteur des remparts entourant les orifices varie dans de larges limites. Pour des ouvrages dont l'édification a été aban­

donnée précocement, (par exemple lorsque le Poisson se met à utiliser surtout un orifice secondaire) elle n'excède pas 1 cm à 1,5 cm. La hauteur moyenne est de 4,5 cm. Des terriers de 5 à 10 cm ne sont pas rares. J'ai obtenu une « tour » de 18 cm de haut (fig. 6D), sans doute par suite d'un concours de circonstances:

vase de consistance favorable, baisses répétées du niveau de l'eau amenant des reprises du comportement constructeur, paroi verti­

cale de l'aquarium servant d'appui au rempart.

L'épaisseur de la paroi des remparts est de 2 à 6 cm à la base, de 0,5 à 2 cm au sommet.

La longueur ôes galeries varie depuis des valeurs très faibles (cas des galeries primaires lorsque l'épaisseur de vase disponible est faible) jusqu'à 50 cm de long (galerie secondaire horizontale rejoignant l'eau).

La taille de la chambre - parfois élargissement modéré de la galerie - peut aller jusqu'à 8 cm de haut sur 5 cm de large.

Les dimensions relevées sur le terrain diffèrent peu de celles notées en élevage. Les mesures faites sur 160 entrées (correspon-

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dant à 80 terriers) donnent les résultats suivants : le diamètre moyen des orifices est de 1,45 cm (extrêmes : 1 et 4 cm). La hauteur des remparts varie de 0,5 à 10 cm (avec une moyenne de 2,5 cm) ; quant à la longueur des deux galeries qui descendent à la chambre, elle est d'une dizaine de centimètres.

Les mesures effectuées dans la chambre où débouchent les deux premières galeries indiquent une hauteur de 5 cm (entre le plafond de la chambre et l'orifice de la galerie profonde). En coupe horizontale la chambre est très légèrement ovalisée ; la plus grande dimension, qui se trouve dans le plan des deux galeries descendantes, est de 5 cm, l'autre un peu inférieure.

La longueur de la troisième galerie n'a pu être déterminée dans son entier, étant donné la difficulté qu'il y a à réaliser en vase très molle des coupes de terrier satisfaisantes. La fouille n'a pu être continuée au-delà de 30 à 40 cm, selon les terriers. Je pense que l'animal creuse jusqu'à atteindre le niveau où l'eau stagne en permanence. Le fond de la galerie - ou plus probablement la chambre dont l'existence me paraît vraisemblable à l'extrémité de cette galerie - doivent être remplis d'eau comme l'était la chambre unique dans les terriers construits au laboratoire.

Certaines dimensions semblent dépendre de la situation du terrier par rapport au niveau des plus basses mers dans la zone observée. C'est ce qu'indique une comparaison des mesures recueil­

lies en deux points dont le niveau diffère d'environ 75 cm: 9 terriers observés au point a (fig. 2 a), situé à 1 m au-dessus du fond du chenal résiduel, et 10 terriers étudiés au point y qui se trouve à 25 cm au-dessus du même chenal. Les dimensions relevées sont les suivantes (la première valeur correspond à la zone la plus haute, a, la seconde à la zone y) :

diamètre moyen des orifices : 1,3 et 1,9 cm.

distance entre les orifices (mesurée des centres) 6,1 et 8,2 cm.

hauteur des remparts : 1,8 et 1,6 cm.

largeur des remparts à la base : 4,80 et 8 cm.

Ces différences mineures s'expliquent sans doute simplement par la consistance de la vase, beaucoup plus molle au niveau infé­

rieur, et par l'action érosive des marées, plus grande à ce niveau.

III. - TECHNIQUES ET RYTHME DE CREUSEMENT.

A. Techniques. - C'est lors du forage de l'orifice primaire et de la construction du premier puits que s'observe au mieux la technique de creusement. Je n'ai pu observer dans les mangroves la première phase du forage. Pour toutes les autres phases les observations faites au laboratoire sont confirmées par celles que j'ai menées dans la nature. Certains détails (par exemple les stades

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successifs de l'édification du rempart) sont bien plus faciles à observer en serre tropicale qu'en milieu naturel.

a) L'acte élémentaire du comportement constructeur est un prélèvement de vase effectué avec la bouche. D'un mouvement brusque, le Poisson enfonce l'extrémité de sa tête dans le sédiment ; puis, reculant d'une traction sur les pectorales, il imprime à sa tête un mouvement dirigé à la fois de haut en bas et d'avant en arrière, analogue à celui qu'effectue la mâchoire d'une pelle mécanique.

C'est à ce moment qu'une « bouchée » de vase est prise. Il se retourne ensuite, s'éloigne de quelques pas, et rejette par l'orifice buccal la vase ainsi prélevée : ou bien elle est déposée juste devant la bouche de l'animal, ou bien elle est projetée, quelquefois à plu­

sieurs centimètres (fig. 6 D). Une fois la bouchée rejetée, le Poisson gonfle d'air sa cavité bucco-branchiale.

G. Petit (1922, 1928) a observé une partie des faits qui concer­

nent le prélèvement de la vase et son rejet. Sur un seul individu, il décrit (1922 )comme toute première phase du travail un véritable forage avec l'extrémité de la tête avant tout prélèvement de bou­

chées de vase. Je n'ai rien observé de tel.

b) A mesure que le puits s'enfonce verticalement dans la vase on observe deux formes successives de la technique d'extraction.

L'acte élémentaire (prélèvement de vase et rejet) reste le même, mais les mouvements du corps du Poisson sont différents.

Dans la première phase, l'animal sort à reculons de la galerie, trop étroite pour lui permettre de se retourner ; se tortillant violemment, il utilise à la fois ses pectorales et sa queue rejetée de droite et de gauche, qui s'appuie sur les bords du trou et le tire vers l'extérieur.

Dans une deuxième phase, l'animal, qui peut se retourner au fond de son puits, en sort la tête la première. Alors, sa boulette de vase déposée, ou bien il s'éloigne un moment de son puits, et y rentre la tête la première ; ou bien, s'il se remet au travail aussitôt la boulette déposée à l'orifice du cratère, il y rentre à reculons.

G. Petit (1928) a décelé ces deux formes de mouvement du Périophtalme en cours de creusement, mais sans bien distinguer qu'il s'agit de phases successives.

c) L'édification du rempart circulaire autour de l'orifice s'effectue en plusieurs stades (fig. 14 et 6) par accumulation des bouchées de vase provenant du forage de la galerie primaire - puis éventuellement de la chambre. Aucun auteur précédent n'avait distingué ces étapes successives.

Dans un premier stade, le Poisson, sortant à reculons de l'orifice (première phase du creusement décrite ci-dessus), se re­

tourne aussitôt sorti, s'éloigne parfois de quelques pas, et rejette ses boulettes de vase à une certaine distance de l'orifice. Ainsi se

- 512 -

(19)

constitue une couronne de déblais (fig. 14, o. ; fig.

6, A),

éloignée du trou de quelques centimètres, parfois à peine la longueur du corps de l'animal.

Dans un deuxiéme stade, le Poisson, qui s'est retourné au fond du puits et cette fois (seconde phase du creusement) réapparaît la tête la première, sans même sortir crache la vase au bord du trou, ou parfois la répartit d'un mouvement latéral de la tête ; puis il disparaît à reculons. Il constitue ainsi une deuxième couronne de déblais

(�.

fig. 14 et fig.

6 B)

assise de son futur rempart.

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Fig. 14. - Représentation schématique des différentes étapes de l'édification d'un rempart autour d'un orifice primaire.

a) Ouverture initiale du puits, large et à bords francs. Des déblais (o.) sont rejetés à une certaine distance des bords de l'orifice.

b) Un petit rempart (�) est édifié au bord de l'orifice.

c) Stade à double rempart. Au premier rempart (\)) s'ajoute un second (y), plus étroit mais plus élevé, prolongement d'une chemise de déblais qui vient rétrécir le diamètre

du puits.

d) Le second rempart, dans sa croissance, est venu recouvrir et intégrer le premier.

Le diamètre du puits est stabilisé.

- 513 -

(20)

Dans un troisième stade, on voit s'ajouter à cette couronne (�). intérieurement à elle et séparée d'elle par une gorge de faible profondeur, une troisième couronne de déblais ('1) de diamètre plus faible, et qui s'élèvera plus haut que les deux premières. L'édifi­

cation de ce troisième rempart s'accompagne d'un rétrécissement important du puits par accumulation de vase qui réalise une chemise interne.

Enfin, dans un quatrième stade, ce troisième rempart, crois­

sant encore, vient combler la gorge qui le séparait du deuxième, puis recouvrir celui-ci en l'intégrant en un rempart unique. Le diamètre du puits est alors stabilisé à une dimension qui permet juste le passage du Poisson ; mais le dépôt de boulettes de vase pourra continuer au sommet de ce rempart, l'élevant encore.

A ce mode de construction en quatre phases bien distinctes - que l'on observe très souvent - il existe aussi des variantes qui correspondent à un télescopage plus ou moins complet des phases.

Le rempart définitif peut alors être édifié directement. J'ignore encore le déterminisme de ces variations.

B. Rythme. - L'étude au laboratoire montre que le rythme de creusement est irrégulier (comme l'avait vu G. Petit, 1928). Lors­

qu'on tente d'enregistrer l'alternance des pauses et des périodes de creusement, on constate (fig. 15) que :

- le plus souvent chaque période de creusement est séparée de la suivante par une pause consacrée à d'autres activités, ou bien au repos en général sur le rempart ;

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i

11 l l l u l l il l

lOmn 15mn

Fig. i5. - Rythme de creusement. (Observation continue, pendant 20 minutes, d'un Poisson au début du creusement de son terrier, donc observable en permanence).

Zones hachurées : Périodes de creusement. Chaque période correspond à plusieurs actes successifs du Poisson : pénétration dans le trou, prélèvement proprement dit,

trajet inverse jusqu'au lieu de rejet de la vase.

Les flèches verticales correspondent, chacune, au rejet de la bouchée de vase extraite.

Chacune se situe à la fin d'une « période de creusement ».

Zones pointillées: Périodes passées à d'autres activités que le creusement.

- 514 -

(21)

- ces pauses sont de durée très variable ;

- leur durée va en augmentant à mesure que le puits ou la galerie qui lui fait suite s'allongent (ceci n'est pas visible sur la fig. 15 qui correspond au début du travail). Il est probable que la motivation à creuser va en diminuant à mesure que l'animal est mieux abrité, et surtout lorsqu'il a atteint le niveau de l'eau.

La durée totale de l'édification d'un rempart varie considéra­

blement. Dans mes bacs certains remparts, hauts de 7 cm ont été montés en 24 heures. A l'opposé, l'édification peut s'étendre sur plus d'un mois, avec des périodes d'arrêt. Tous les intermédiaires existent entre ces extrêmes.

En milieu naturel, les périodes d'activité de construction du Périophtalme sont conditionnées par les marées. C'est à marée descendante que l'animal travaille, dégage ou approfondit son terrier, quelquefois à peine émergé.

A l'issue d'une parade nuptiale (Brillet, 1969, c) lorsque la femelle s'en est allée, ou bien qu'en dépit de sa présence même proche les démonstrations amoureuses du mâle ont pris fin, celui-ci se met parfois à l'ouvrage.

IV. - FONCTIONS DU TERRIER.

Mes observations au laboratoire m'avaient conduit (1967, a) à attribuer au terrier quatre fonctions.

1°) Fonction de refuge contre les prédateurs : cette fonction

a été affirmée par beaucoup de ceux qui ont observé les Périophtal­

mes dans la nature (par exemple G. Petit, 1922). Au laboratoire, en réalité, les Poissons bondissent bien dans leur terrier quand l'observateur s'approche du bac, mais cela tant qu'il n'y a pas accoutumance. Lorsque les observations sont quotidiennes, les Poissons ne se réfugient plus dans leur terrier.

2°) Fonction de poste d'observation, mais aussi de lieu de repos, grâce au rempart qui couronne l'orifice: l'animal y stationne longuement, soit ne montrant que la tête (ses yeux p1·oéminents dépassent alors un peu le bord du rempart) - soit tout l'avant du corps hors du trou, reposant sur ses pectorales, comme accoudé sur la margelle - soit encore supporté par les pelviennes seules, les pectorales rabattues contre les côtés du corps (fig. 6, C). Il peut aussi se tenir sur la paroi externe du rempart : en position de repos, les pectorales collées aux flancs - ou bien en position d'éveil, en appui sur ses pectorales, prêt à sauter au pied du remblai et à poursuivre une proie, ou un congénère qui pénètre dans son territoire. Il peut d'ailleurs aussi se tenir au pied du rempart, veillant sur son domaine.

- 515 -

(22)

3°) Le rôle de

refuge contre la dessication

est assuré grâce

à

l'humidité qui règne dans la chambre, et même

à

l'eau qui stagne au fond de celle-ci. En effet lors d'une baisse du niveau de l'eau l'animal approfondit son ouvrage.

4°) Le rôle de

refuge à marée haute apparaît

lorsqu'on réalise l'expérience inverse : élever le niveau de l'eau de sorte que tous les orifices de terriers se trouvent submergés. Les Périophtalmes per­

sistent

à

utiliser ces terriers,

y

effectuant des séjours continus de plusieurs heures.

Quelles que soient les fonctions du ter:rier et son importance pour l'animal, il n'est pas - au moins au laboratoire - indispen­

sable

à

sa survie. Les Périophtalmes peuvent parfaitement se pas­

ser de construire. Sans doute ils manifestent leur comportement fouisseur quelles que soient les conditions générales (salinité, température) et toutes les fois qu'ils ont

à

leur disposition un matériau convenable. Mais le Poisson survit parfaitement lorsqu'on lui interdit d'exprimer cette motivation assurément puissante : par exemple dans un aquarium n'offrant qu'une très faible épaisseur de sable sous une grande hauteur d'eau. Même privé ainsi pendant plusieurs semaines de la possibilité de creuser, il conserve intacte son aptitude

à

fouir et la manifeste d'emblée quand on le remet sur de la vase.

Dans la nature,

le rôle du terrier apparaît en partie différent.

1°) A marée basse, le terrier

ne joue pas un rôle de refuge contre les prédateurs,

contrairement

à

l'opinion d'observateurs an­

ciens : l'animal surpris par un danger près de son terrier (ou même

à

l'intérieur de celui-ci, sa tête seule dépassant de l'orifice) n'y entre presque jamais. Au contraire, il s'enfuit vers l'eau. Il ne plonge d'ailleurs pas : ou bien il s'arrête au bord du chenal, ou bien il parcourt en surface une courte distance (par de véritables ricochets qui sont d'ailleurs bien connus - Champeau,

1951,

etc. - et que j'ai maintes fois observés) avant de reprendre pied sur la rive, un peu plus loin. Champeau décrit la course vers l'eau comme l'une des réactions de fuite possibles. Elle est, d'après mes obser­

vations, de beaucoup la plus fréquente.

2°) Le rôle du terrier comme

poste d'observation

ou

lieu de repos

apparaît dans la nature semblable

à

ce qui a été vu au laboratoire, avec les mêmes attitudes.

3°) L'utilité du terrier comme

refuge contre la dessication

apparaît dans la nature,

à

marée basse. L'eau disparue depuis quelques heures, lorsque les banquettes de vase commencent

à

s'assécher, certains animaux demeurent auprès des flaques perma­

nentes, d'autres se réfugient dans les terriers. Mais dans une zone

- 516 -

(23)

qui se dessèche totalement à marée basse et où les Poissons ne peuvent trouver de flaque à moins d'une dizaine de mètres, ils se réfugient tous dans les terriers.

J'ai observé assez longtemps une aire de ce genre. A marée montante, les Périophtalmes sortent de leur terrier lorsque le flot arrive à moins de 50 cm du pied du rempart. Ils vont au bord de l'eau se baigner - sans jamais s'immerger totalement - et s'ali­

menter.

4°) Certains de ces Poissons, dès que leur construction est immergée, rentrent pour ne plus reparaître qu'à marée descen­

dante, démontrant ainsi le rôle de refuge à marée haute du terrier.

D'autres, plus rares, s'attardent à l'air libre, toujours au bord de l'eau, pour ensuite s'accrocher aux pneumatophores, aux troncs ou aux branches des palétuviers voisins de leur territoire.

5°) Enfin le terrier joue un rôle dans le comportement sexllel des Périophtalmes, rôle que je n'avais pu déceler au laboratoire, n'ayant pas jusqu'ici obtenu en élevage l'activité sexuelle. A l'issue

<le la parade nuptiale, qui comporte une promenade à deux inter­

rompue par des « postures de cour », le mâle conduit vers son propre terrier la femelle ; elle y pénètre à sa suite (C. Brillet, 1969 c). Bien que les Périophlalmes creusent un terrier en toutes saisons, c'est à l'époque de la reproduction et pour le comporte­

ment sexuel que son rôle est le plus évident. Les autres fonctions du terrier, nous l'avons vu, ne se manifestent pas de manière aussi constante ; pour le comportement sexuel, le terrier paraît obliga­

toirement utilisé.

En dehors de la période des parades nuptiales (qui va d'août à avril) le terrier est utilisé par un seul individu, le constructeur.

Cette étude au laboratoire, puis dans la nature, du comporte­

ment fouisseur des Périophtalmes a confirmé ce que je supposais au départ : la captivité peut déformer quelques détails des con­

duites spécifiques. voire inhiber certaines d'entre elles, mais n'en altère pas le schéma général et un grand nombre d'actes élémen­

taires restent inchangés. Par ailleurs, l'étude menée en serre tropi­

cale m'a permis une analyse plus précise de certains aspects du comportement constructeur (début du travail, phases successives de la construction) difficiles à surprendre dans les mangroves.

Aussi bien en captivité que dans la nature, bien des points restent à éclaircir ou à préciser. Il nous manque encore des infor­

mations sur les phases du travail, son rythme, les fonctions du terrier et maints détails des conduites. Il faudra surtout, grâce à l'expérimentation, rechercher de manière plus précise les facteurs éthologiques et écologiques qui déterminent chacun des actes élé­

mentaires de ce comportement et en conditionnent le déroulement.

- 517 -

10

(24)

D'autre part une étude comparative s'impose, qui non seulement apportèra des· éclaircissements en ce qui concerne les variations observées, mais aussi et surtout aidera à comprendre l'organisation même du comportement constructeur. Cette étude comparative devra être menée d'une part dans la même région (sur des stations qui diffèrent par leur niveau, leur couvert, leur distance de la côte, de celles que j';ii étudiées) - d'autre part dans d'autres régions de Madagascar - enfin en observant des Périophtalmes de différents secteurs de la zone tropicale.

RESUME

L'étude éthologique de Poissons amphibies Periophtalmidae, menée d'une part dans des serres tropicales, d'autre part dans les mangroves, permet d'apporter des précisions sur la structure de leur terrier et leur comportement constructeur.

Dans les mangroves tropicales les Périophtalmes creusent dans la vase des banquettes exondées à marée basse, des terriers pourvus d'un orifice primaire qui est couronné d'un rempart cir­

culaire haut de quelques centimètres. A cet orifice fait suite une courte galerie primaire aboutissant à une chambre souterraine.

De cette chambre partent deux autres galeries : l'une vers le haut, symétrique de la galerie primaire, débouche à moins de 10 centimètres du premier orifice et sera à son tour pourvue d'un rempart ; l'autre, vers le bas, s'enfonce dans le sédiment jusqu'à un niveau où l'eau stagne en permanence.

Avant de découvrir à Morondava (Madagascar) cette struc­

ture du terrier des Périophtalmes, j'avais mis en évidence au laboratoire un schéma dont les différences s'expliquent par les conditions d'élevage : c'est ainsi que la galerie profonde est rem­

placée par une galerie horizontale qui suit le fond des bacs en ciment, jusqu'à l'eau.

Grâce à l'étude en serre tropicale j'ai pu préciser les techniques employées par le Poisson au cours du fouissement, ainsi que le rythme du travail, et distinguer quatre phases dans l'édification du rempart qui surmonte l'orifice primaire.

L'observation au laboratoire a permis de formuler des hypo­

thèses sur les facteurs qui déterminent le choix de l'emplacement (contact d'un objet dur, voisinage de l'eau). L'observation dans la nature confirme l'une de ces hypothèses (influence de l'eau - c'est­

à-dire du mouvement des marées - sur la construction du terrier) et infirme l'autre.

Les fonctions du terrier, d'après l'étude au laboratoire, parais­

sent multiples. Là encore l'étude dans la nature confirme certaines hypothèses (abri à marée basse et à marée haute, poste <l'observa-

- 518 -

(25)

tion, lieu de repos) et en infirme une autre (refuge contre les prédateurs, à marée basse). Surtout elle révèle le tôle du terrier pendant la période de reproduction : après une parade nuptiale sur la vase exondée, c'est dans son propre terrier que le mâle conduit la femelle.

SUMMARY

The ethological study of mudskippers (Periophtalmidae),

car' out in tropical green-bouses and in mangrove swamps of ried Madagascar, has provided detailed information concerning the

structure of their burrows and the building behaviour of these fishes.

In tropical mangrove swamps (Morondava, Madagascar) mudskippers dig burrows - in the mud of banks exposed at low tide - with a main entrance mounded with a circular wall a few centimeters high. This hole is followed by a short tunnel leading to an underground chamber. From this chamber two other tunnels originale. One of them goes upwards, symmetric to the primary tunnel. It ends less than ten centimeters from the main « entrance »

and is also provided with a wall. The other one goes downwatds, deep into the mud, and reaches the water table.

Mudskipper burrows have a slightly modified shape when built under laboratory conditions. The differences can be accounted for by different environmental conditions: for instance, the deeper tunnel is replaced by an horizontal one which runs just above the bottom of the tank to open watet.

The digging techniques of mudskippers, and their building schedule, have been studied in tropical greenhouses. Four stages in the erection of the wall surrounding the main entrance may be distinguished. Laboratory observations led to speculations on the factors inducing the choice of the site : proximity of available water, contact with a bard obstacle. Field observations show what important a role the tidal oscillations play in burrow building.

The fonctions of the burrow have also been studied in capti­

vitv and in the wild. The burrow is used as a shelter for the fish at ·low and high tide, as an observation post, and as a resting place. It plays a central role during the breeding season : afte'r a sexual display on the mud, the male leads the female into his burrow.

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