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Perspectives de résurrection à la Toussaint

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

16 novembre 2011

actualité, info

avancée thérapeutique

Pour quelles mystérieuses raisons une obscure publication scientifique de nature médicale, une missive destinée à une étroite communauté spécialisée, monte-t-elle brutalement vers les lumières médiatiques ? L’énigme n’est certes pas nouvelle.

Faute d’être résolue, elle demeure profondément irritante. Et voici que le phénomène s’est une nou- velle fois manifesté le jour férié (en France) de la Toussaint 2011. Ce fut alors comme une forme de symé- trique enchanteur en réponse aux derniers prolégomènes en date à la tragédie planétaire et finan cière d’épicentre grec.

Au départ, en toute rigueur, il n’y a qu’une nouvelle manipulation expérimentale réussie de dépro- grammation génétique de cellules humaines. Le paysage est connu de tous ceux qui s’intéressent à ce secteur d’activité. Il y eut tout d’abord, en 2007, la spectaculaire percée de l’équipe japonaise de Shinya Yamanaka. Depuis, plu- sieurs dizaines d’équipes de biolo- gistes à travers le monde ont eux aussi appris à provoquer une forme de déprogrammation (retour vers le passé) de cellules somatiques humaines. On expliqua ainsi que ces cellules (au fil du temps trans- formées et consti tutives des diffé- rents tissus et orga nes d’un orga- nisme adulte) pouvaient rajeunir et regagner in vitro les rivages em-

bryonnaires ; avant d’être repro- grammées à la demande et à des fins thérapeutiques régénératrices.

Généralement, on le sait, tout ceci est dit autrement. Et tout ceci sort régulièrement du strict cadre scien- tifique pour nourrir de soli des po- lémiques éthiques. On parle ainsi de «cellules souches pluripotentes induites» (ou iPSC) qui constituent une alternative aux cellules souches embryonnaires (obtenues après destruction d’embryons hu- mains réalisés par fécon dation in vitro). A ce titre, les iPSC sont sou- vent présentées comme la réponse parfaite aux différentes questions d’ordre éthique soulevées par les conditions d’obtention des cellules souches embryonnaires. Ajoutons encore qu’elles présentent (du moins en théorie) un autre avan- tage de taille : utilisées à des fins de médecine régénératrice, elles se- raient immunologiquement com- patibles avec l’organisme adulte et défaillant sur lequel elles auraient été prélevées avant d’être dépro- grammées, cultivées in vitro et re- programmées pour devenir des cellules nerveuses, de foie, de rein ou d’os.

Voilà pour le cadre général qui a déjà fait l’objet, depuis une décen- nie ou plus, de très nombreux arti- cles de vulgarisation dans les mé- dias d’information générale du monde entier. C’est dans ce cadre

que travaillait, en France, une équipe dirigée par Jean-Marc Lemai tre, chercheur à l’Institut de génomique fonctionnelle à l’Uni- versité de Montpellier. Cette équipe avait repris et développé la technique mise au point au Japon. Comme beaucoup d’autres, elle avait obtenu ce voyage vers le passé embryonnaire des cellules adultes. Avant d’aller un peu plus loin. Les chercheurs français détail- lent depuis peu leurs résultats1 sur le site de la revue spécialisée Genes

& Development.

En pratique, les chercheurs ont d’abord prélevé des fibroblastes chez différentes personnes avant de les mettre en culture. Ils ont ensui te modifié le protocole expé- rimental original en mettant au point une sorte de «cocktail»

généti que enrichi : aux quatre gènes habituels (OCT4, SOX2, C MYC et KLF4) ils en ont associé deux nouveaux (NANOG et LIN28). «Les marqueurs de l’âge des cellules ont été effacés, et les cellules souches iPSC que nous avons obtenues peuvent produire des cellules fonctionnelles, de tous types avec une capacité de prolifé- ration et une longévité accrues»

expli que Jean-Marc Lemaitre.

Après avoir réussi cette manipula- tion sur les cellules offertes par un donneur de 74 ans, ils ont voulu aller plus loin en prélevant des cel- lules cutanées chez des personnes de 92, 94, 96 et 101 ans. Avec, là enco re, succès ; élargissant ainsi les perspectives ultérieures d’une utilisa tion de ces cellules à des fins de régénération de tissus ou d’orga nes défaillants. «C’est un nouveau paradigme pour le rajeu-

nissement cellulaire, assure Jean- Marc Lemaitre. L’âge des cellules n’est pas un obstacle à la repro- grammation.»

Compréhensible de la part du principal auteur de ce travail, un tel enthousiasme est loin d’être unanimement partagé, notamment par les chercheurs qui postulent (sans jamais en apporter une démons tration thérapeutique de vraie grandeur) que les cellules d’origine embryonnaire sont dotées d’un capital régénératif supérieur aux cellules

iPSC. Ils sou- lignent en outre que le fait de «gref- fer» (au moyen de virus poten- tiellement dangereux) différents gènes au sein du patri- moine héré-

ditaire de cellules adultes com- plique considérablement, pour différentes raisons de sécurité, les possibilités d’un usage des fins thérapeutiques.

On fera d’autre part l’économie, ici, de l’analyse sémantique des appro ximations, ajustements, extra polations et autres réduction- nismes cellulaires du chercheur montpelliérain, amené à vanter les mérites a de son travail à l’atten tion du grand public. Du grand art.

Mais il n’a rien inventé dans ce domai ne et ne sera pas le dernier.

On ne reprendra pas non plus les envolées métaphoriques média- tiques qui, sur les ondes et la Toile,

Perspectives de résurrection à la Toussaint

Source : Web Gallery of Art

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

16 novembre 2011

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ont fleuri durant toute la longue journée de la Toussaint 2011. La vieillesse était enfin soignée et l’éter- nité à portée de mains ; des mains jadis encore décharnées, demain rosées et turgescentes. Plus jamais de pacte avec le Diable pour embras- ser la jeunesse éternelle.

Que conclure ? L’état de sénescence des cellules des organismes âgées n’est plus de nature à constituer un obstacle aux voyages cellulaires vers le passé embryonnaire ? Peut- on véritablement effacer sans danger les marqueurs biologiques (stress oxydatif), structurels (les télomères) et enzymatiques (la télomérase) du vieillissement et de la longévité. Le rajeunissement ne serait donc plus un mirage cosmétologique ? Avant de répondre à ces questions, la page médiatique s’était refermée.

La suivante était ouverte, consacrée à Halloween.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

a Effacer les marques de vieillissement des cellules : c’est possible. Tel était le titre du communiqué de presse de l’Institut national français de la santé et de la re­

cherche médicale (Inserm) vantant les mérites de cette publication.

Le texte de cette chronique a été pour partie publiée sur le site d’information Slate.fr

Bibliographie

1 Lapasset L, et al. Rejuvenating senes­

cent and centenarian human cells by re­

programming through the pluripotent state. Genes & Development 2011;25:

2248­53.

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