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De la carte scolaire à la concurrence entre établissements

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De la carte scolaire à la concurrence entre établissements

MAULINI, Olivier

MAULINI, Olivier. De la carte scolaire à la concurrence entre établissements.

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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41243

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Université de Genève - Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation - Sciences de l'éducation

Conception des chantiers - Liste simple- Tableau avec bref descriptif

LIFE

Laboratoire Innovation-Formation-Éducation

Chantiers et enjeux de l'innovation

4.6

De la carte scolaire à la concurrence entre établissements

Olivier Maulini

Etat au 2 avril 2001

Longtemps, la concurrence s'est limité au choix entre école publique et école privée. La tendance est à mettre en concurrence les écoles publiques, déclenchant des phénomènes de marché et des stratégies " commerciales ".

Conceptualisation - Bibliographie - Liens et ressources

L'enjeu

L'école publique est fondée sur un idéal : l'accès de tous les élèves à des savoirs, des compétences, des références, bref une culture commune. Ce qui implique deux obligations symétriques, l'une pour l'institution, l'autre pour ses usagers. La

première s'engage à fournir les mêmes prestations dans tous les établissements, les seconds à s'y inscrire sur le seul critère de leur lieu d'habitation. La profession des parents ou les besoins spécifiques de certains enfants peuvent induire des

ajustements, mais sous forme de dérogations. Pour l'essentiel, c'est la " carte scolaire " qui régit l'affectation des élèves à l'établissement de leur quartier ou de leur région. La " maison d'école " incarne, à son échelle, le " creuset " de l'école laïque.

La diversification des attentes et l'élévation générale du niveau de formation bouleversent cette géographie administrative. Les parents sont de plus en plus

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soupçonneux vis-à-vis du service universel. Les plus républicains se demandent si les conditions de travail et les prestations sont vraiment équivalentes d'un

établissement à l'autre. Les plus libéraux craignent plutôt une uniformisation des valeurs et des comportements. Ils font parfois cause commune contre une

institution à la fois pyramidale et anarchique, trop hétérogène pour les uns, trop homogène pour les autres.

Les protestations peuvent être virulentes. Mais en démocratie, la logique de l'affrontement n'est pas la seule possible, et sûrement pas la plus dangereuse. De plus en plus, les " usagers " revendiquent un " droit " nouveau : le droit à

l'évitement. Puisque l'école publique ne saura jamais satisfaire tous ses

interlocuteurs, pourquoi ne pas les laisser libres de sélectionner l'établissement de leur choix et, par la même occasion, les horaires, les disciplines, les méthodes pédagogiques, les principes ou encore les " valeurs éducatives " qui leur

conviennent ? Pourquoi ne pas encourager la diversification de l'offre, voire la libéralisation complète du " marché éducatif " pour que chaque famille, même la moins fortunée, accède à ce qui n'est aujourd'hui sinon que le privilège des puissants : choisir l'école de ses enfants ?

Pour leurs promoteurs, les palmarès d'établissements (Van Zanten, 2001) et les

" chèques-éducation " ont plusieurs vertus. Ils respectent la diversité et la liberté des familles. Ils démocratisent l'accès à des pédagogies alternatives jusqu'ici

réservées aux élites. Il incitent tous les établissements à l'excellence, en les mettant en concurrence, en brisant la logique du nivellement caractérisant les monopoles ou les cartels. Le pluralisme contemporain aurait sonné le glas d'une institution

monolithique, trop massive et trop rigide pour répondre aux attentes des

" consommateurs d'école " (Ballion, 1982 ; Meirieu, 2000). L'enseignement devrait donc devenir un service comme les autres, disponible sous toutes sortes

d'enseignes, y compris sur internet. Mieux vaudrait assumer cette liberté et cette diversité qu'entretenir la fiction d'une école théoriquement " égale pour tous ", mais pratiquement conforme aux intérêts des seuls " initiés ", à commencer par les

enseignants et leurs enfants.

Les forces centrifuges sont à prendre au sérieux parce qu'elles sont nombreuses mais aussi contrastées. Les valeurs d'égalité et de solidarité qui justifiaient le centralisme bureaucratique s'opposent à des valeurs de liberté et de diversité qui renvoient aussi bien au libéralisme marchand (" diversifions le produit éducatif et instituons le marché "), au communautarisme (" à chaque minorité son école "), au pluralisme militant (" soutenons les écoles alternatives ") ou même à la

démocratisation des études (" offrons à tous le droit à une deuxième chance "). Les réponses à cette puissante coalition varient d'un continent et d'un Etat à l'autre.

Mais si les politiques scolaires sont encore conditionnées par l'histoire et la culture locales, elles sont aussi influencées par des idées et des expériences venues

d'ailleurs. Les choix stratégiques peuvent ainsi se résumer en trois grandes questions :

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1. Faut-il répondre ou résister à la demande des parents, en particulier les plus exigeants, ceux qui auraient précisément les moyens de quitter l'école

publique et de menacer ainsi son équilibre sociologique ? En Suisse, par exemple, que faut-il privilégier : les langues nationales (français, allemand, italien) ou l'anglais et internet, réputés plus " utiles " sur le marché du travail et plus populaires chez les élèves et leurs parents ? La voie est étroite entre résistance et archaïsme, et elle est paradoxale. En cherchant à " amadouer "

certaines familles, l'école peut aussi perdre les autres, celles qui ne partagent ni les préoccupations, ni les intérêts des classes moyennes, et pour qui

l'apprentissage de la langue vernaculaire (lire, écrire, argumenter, etc.) est le moyen prioritaire d'accéder un jour à la parole.

2. Faut-il alors prendre acte de cette pluralité et multiplier les réponses à l'intérieur même de l'instruction publique ? On peut regretter qu'un père ou une mère préfère l'anglais commercial au lien confédéral (ou inversement), mais on ne peut pas le lui interdire. Puisque la Déclaration universelle des droits de l'homme affirme que " les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants " (article 26.3), mieux vaut leur offrir des alternatives à l'intérieur du système qu'en dehors.

Options, filières, sections : autant de manières d'introduire de la souplesse dans un système unique. Le problème, c'est que la solution est à double tranchant. Si certaines options (le russe) ou certains établissements (le lycée Henry IV) regroupent tous les " bons élèves " du secteur public, les autres devront bien se concentrer dans d'autres niches. Et si les " bons élèves " sont d'abord issus des familles les mieux informées, en quoi les inégalités auront- elles régressé ?

3. L'idéal serait peut-être de conserver les mêmes objectifs pour tous, et le plus longtemps possible, mais de différencier les moyens d'action. En cas de difficulté, l'école devrait organiser elle-même des recours, mais en

concertation avec les élèves et leurs parents. C'est à l'intérieur d'une même institution, d'un même établissement, d'un même cycle, d'un même groupe d'élèves que les enseignants pourraient entrer en discussion avec les familles, pas pour formuler ni pour répondre à une quelconque demande, mais pour confronter des points de vue, échanger des informations, négocier des arrangements. Cette solution est peut-être la moins économique, mais c'est peut-être aussi la plus démocratique. Les parents ne peuvent plus se

comporter (et ils ne peuvent plus être considérés) comme des " clients " qui auraient soit toujours raison, soit toujours tort. Ils ne peuvent plus " faire leur marché " dans l'offre éducative, ils doivent assumer leur part de production.

Ils deviennent donc, bon an mal an, les partenaires actifs du corps enseignant.

Système éducatif, établissements, filières et équipes pédagogiques : les trois

niveaux sont emboîtés les uns dans les autres. On peut traiter différemment chacun, mais on peut aussi adopter une logique qui va les traverser. La logique " libérale ", par exemple, consiste à tout faire pour diversifier l'offre - dans le secteur public

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comme dans le secteur privé, entre les établissements, les filières, les institutions - et à compter sur les mécanismes autorégulateurs du " marché " pour faire d'une pierre deux coups : répondre aux attentes des usagers ; réduire les coûts. La logique

" républicaine " essaie plutôt de standardiser les prestations, de contrecarrer les stratégies de " fuite " des familles les mieux informées, de légiférer pour maintenir l'uniformité de la carte scolaire et éviter la ségrégation (Van Zanten, 1996 ; Barthon

& Oberti, 2000). Le débat " libéralisation vs centralisation " n'est pas clos, mais il pourrait être dépassé par des solutions qui proposent une sortie " par le haut " plutôt que par l'un ou l'autre des côtés. Il s'agit alors, pour concilier le respect des libertés individuelles et la préservation du lien social, d'inventer des modes de pilotage qui passent par de nouvelles formes d'organisation et de participation. Plans d'études échelonnés, conditions-cadres négociées, pluralisme méthodologique et

organisationnel, coordination et régulation à l'échelle des établissements, discrimination positive, accompagnement et soutien des projets et des équipes pédagogiques, réseaux et forums, implication des élèves, des parents et des associations professionnelles, outils d'autoévaluation, de rendre compte et d'évaluation externe, différenciation pédagogique, écoute active et

" empowerment " des acteurs (Gather Thurler, 200a, 200b, 2001 ; Perrenoud, 1998, 1999a, 1999b, 2000; Derouet & Dutercq, 1997 ; Dubet, 2000 ; Legrand, 2000 ; Strittmatter, 2001) : le paradigme participatif se méfie, et de la libre entreprise, et de l'ordre bureaucratique. Il s'appuie sur les attentes des parents, sur les

compétences des enseignants et sur les acquis de la recherche pour dynamiser l'école par le soutien à l'innovation (pédagogique) plutôt que par la concurrence (économique). Son idéal, ce n'est pas que chaque élève fasse le choix son école.

C'est qu'il travaille dans une école qui lui permette et qui lui apprenne à faire des choix.

Bibliographie

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Liens et ressources

Association genevoise des écoles privées Association vaudoise des écoles privées

Communiqué du Ministère de l'éducation nationale (France) sur l'élaboration de la carte scolaire (2000)

Cyberscol, Canada

L'enseignement catholique, France Fédération suisse des écoles privées

Références

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