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Les remarquables diapirs de sel du Golfe Persique
SESIANO, Jean
Abstract
Le phénomène géologique des diapirs, qui voit des roches ductiles peu denses comme l'halite (sel gemme) s'élever au travers de l'écorce terrestre, est bien développé sur les côtes du golfe persique, en Iran. Il est présenté et illustré dans cet article.
SESIANO, Jean. Les remarquables diapirs de sel du Golfe Persique. Echo magazine , 2000, p.
24-29
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41877
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les relnarquables diapi
sel du Golfe Persique
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lrs de
CÊdessus :
photo
prise sur un glacier de se/, en direction d'un autre glacier de sel; on distingue sa langue qui s'écoute de droite à gauche etquiest
en passe de barrer la vallée.Ci-contre: Sur
un
des diapirs des rlyes du golfe persique: ces traînées blanches indiquent une source salée sortant du diaPir.Cl-dessous: une des nombreuses scènes de combat visibles sur /es colonnes des temples de Per- sépolis, ici entre un guerrier et un lion.
Le
détroil d'|-lormoz, Bondor- Abbos, Mokhron... Ious
(esnoms de lieux, ovoienl en-
f
lommé mon imoginolion olors que ie dévoruis
(eTque ie dévore en(ore!) lo célèbre bonde dessinée de
E.-P.Jo-
cobs, <Le Secrel de l'Espo-
donr, ove( Bloke el Morli- mer. Et ie rêvois de ces en- droils orides el souvoges
ùl'enlrée du golfe persique,
ou Shoil el Arob, selon sur quelle rive on se ploce...
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Texte
et photos: lean Sesiano
Photo de gauche:
dépôt de sel secondai- re dans le lit d'une source sortant d'un diapir.
Photo de droite:
sur l'île d'Hormoz, au fond du cratère de dis- solution d'un diapir de
sel, dont on distingue bien les couches.
près une courte escale
àTéhéran, nous survolons de larges
régions
désertiques,dépourvues de toute
lumière.Seules quelques rares
tachesjaunes nous indiquent la
pré-sence de villages ou de
villes:Ghom,
une
desvilles
saintes de l'lslam,dont
la mosquée setrahit du haut des airs par un
aligne- ment de lumières, ou encore Isfa-han et sa myriade de
lucioles.Puis c'est déjà la
descente sur Chiraz,rooo kilomètres au sud de la capitale.Le lendemain,
acclimatation immédiate avecla visite de I'in- contournable
Persépolis,situé
àune quarantaine de
kilomètres aunord-est.
Le tourisme n'étant plusvraiment en odeur
de sain- teté dans les hautes sphères de larévolution islamique,
nous sommespratiquement
seuls sur le site avec notre guide, Shahram.Un calme
qui contraste
avec les turbulences subies par cetteville
depuis deuxmille
cinq cents ans.J'ai omis de dire qu'avant
d'atter-
rir à Téhéran, ma fille
Marie-Laure a dû
revêtir
unhabit
*isla-miquement correct', tchador
etfoulard, à I'instar de toutes
les élégantes dans I'avion, y comprisles hôtesses. Cette
carlingue,grouillante de couleurs
I'instantd'avant, se
métamorphose ainsien un clin d'æil en une
sombrecohorte de veuves
méditerra-néennes! Le bon côté de
I'his-toire, c'est Marie-Laure a
puentrer
gratuitement à Persépolis aprèss'êre
drapéeun peu
plusdans son vêtement, alors
quemoi,
j'ai
eudroit
autarif
touriste, c'est-à-dire exorbitant.A lo découverle
des diopirs Deuxjours
plus tard, nous survo- lons la chaîne du Zagros, parallèleà la côte.
Des saupoudrages deFigures de dissolution sur /es parois de se/
d'un diapir. On retrou- ve /es mêmes canne- lures sur nos calcaires alpins, mais e//es se forment beaucoup plus lentement.
neige
coiffent
les plus hauts som- mets, entre z5ooet
3zoo mètres.Le paysage se
fait
de plus en plus aride, ce qui enfacilite
la lecture,la roche nue permettant
uneinterprétation claire de la
tecto-nique, c'est-à-dire
des déforma- tions des roches. Une atmosphère moins limpide nous annonce I'ap- proche de la mer,et
dé;à les îlesdu détroit sont sous nos
ailes:Qeshm, Larak, Hormoz, et enfin la
ville portuaire de
Bandar-Abbas,I
point de départ pour la
décou- verte des fameux diapirs.Ce phénomène géologique est dû à
un
déséquilibre gravitationnel:si une couche plus légère (dense),
solide, liquide ou
gazeuse,recouvre une couche plus lourde, on a équilibre, l'édifice est stable
(par
exemple,de l'huile flottant
sur de I'eau, ou de
l'air
chaud sur-montant de I'air froid).
Dans lecas contraire, c'est instable,
lecorps moins
densecherchant
àpasser
par
dessusle plus
dense (essayezde verser de I'eau
sur une couche d'huile!).Pour des solides plus ou
moins visqueux,il
en va de même, maisle temps pour atteindre
l'équi-libre
est beaucoup plus long. On peut ainsi avoir dans la nature, àplusieurs kilomètres de
profon- deur, des couches peu denses de sel gemme (le sel de cuisine) par exemple,et par
dessus, d'autresroches comme des argiles,
desgrès ou des
calcaires,qui
sont plus denses. La pression exercée par ces roches pourra alors forcerle
sel àremonter
versla
surface sous forme de bulles, ressemblantà des gouttes d'eau, mais
lapointe dirigée vers le bas.
Cesintrusions s'appellent
diapirs.Elles
finiront par monter vers
la surface,la déformeront et
Pour-ront
émerger enportant
sur leur otêteu,tel un
champignon, des couches des terrains traversés.Pièges
ù pétrole
0h!, ces déplacements se font très
lentement à l'échelle
humaine, peut-être quelques millimètres paran,
maisc'est rapide à
l'échelle géologique. La plasticité du sel, qui nous semble solide, sera facilitée par la température, qui croît avec la profondeur de un degré tous lesjo mètres en moyenne, et
la teneur en eau du sel.Ce
qui fait la particularité
de cesdiapirs du golfe persique,
c'est que le sel perçant la surface dans un environnement aride, ne sera que peu dissout par les précipita- tions comme c'est le cas habituel-Les chaînes calcaires du Zagros qui peuvent être pertorées par la montée d'un diapir.
Baignade sur I'île d'Hormoz, en habit
"is-
Iamiquement correct"pour
les femmes.lement; au contraire, il va s'accu- muler sur
I'orifice,
puis s'écouler commeun glacier alpin sur
lesterrains environnants.
Cette roche étant bien moins plastique que la glace, sa vitesse sera centfois moindre, de I'ordre
d'un mètre par an. Et c'est la présenced'eau issue soit des
préciPita-tions, soit du sel lui-même,
quipermettra aux grains de sel
ce glissement beaucoup plus rapide à la surface que lors de la montée même du diapir. Ce sont donc ces nglaciersnde
selqui rendent
lesdiapirs si exceptionnels
dans cette région du globe.A part leur curiosité
géologiqueet tectonique
cesformations
nesont
pas dénuéesd'intérêts
éco- nomiques, puisquece sont
sou- vent des pièges à pétrole et à gaznaturel,
commepar
exemple sur les côtes américaines du golfe du Mexique.Au cours
desjours qui
suivent, nous [aisons plusieurs excursionsaux environs de
Bandar Abbas,sur la côte, puis, au moyen
de hors-bord, jusquesur
lesîles
dugolfe qui sont ni plus ni
moinsque des diapirs émergés
des eaux. Très salées, ces dernièresn'ont
eu que peud'effets
de dis- solution sur le sel.C'est ainsi que nous prenons pied
sur
Oeshm,où se trouvent
plu- sieursdiapirs, puis sur
Hengam,I\/AC,A7INF
23 novembre 2ooo LiECHO
Bref survol de I'histoire de Persépolis
ille ons ovont J.-
C., oprès
unepremière
invo' sionde lo
région del'lron por des
tribus indo-européennes ve-nont
des
ploines eur- osiennesde lo
Russie,une seconde vogue de tribus oryennes déferlo
sur
le
ploteou ironien.Elle se scindo en trois
groupes:
les
Porthess'étoblirent dons lo por- tie nord-est de lo région, outour de Mêched; les
Mèdes,
ô
l'ouest, vers Homodon, et les Perses,dons
lo
région de Shi- roz, plutôt vers le sud,En 550, le roi perse Cyrus met fin ù l'empire mède, c'est le début de lo dynostie des Achéménides, Dorius leç qui lui succède, étend son empire de l'lnde d l'Adriotique, et des choînes du Coucose et du Po- mir ou Golfe Persique. So copitole étoit Persépolis. Xerxès, son fils, est voincu por les Grecs en 480 ovont J,-C. Mois ce n'est que cent cin- quonte ons plus tord que le Mocédonien Alexondre le Grond, pillo Persépolis et l'incendio. Lo ville ne s'en relèvero iomois.
Les tribus du monde, soumises par Darius, apportent au
roi
leurs présents. Une des nombreuses fresques de I'Apadana,à
Persépolis.Un exemple d'écriture cunéiforme, nom donné à cau- se des caractères en coin qui Ia composent; d'origine sémitique, elle prévalait sous Ia dynastie des Achémé- nides.
Vue générale du site
de
Persépolis. Son architecture reprend des élémenfs des édifices babyloniens ef as- syriens, ainsi que des sa//es hypostyles égyptiennes.Mais la pertection a été poussée au-delà de ce que I'on peut voir en Mésopotamie.
où le
sel apparaît aufond
d'unedépression d'une
cinquantainede mètres de profondeur,
sem- blable à un cratère de volcan.Nous I'atteignons après plusieurs heures de marche sous
un
soleil ardent, dans un paysage lunaire, assoifféscar nous n'avions
paspris
assezde
boisson. Sans sur- prise, Marie-Laurejette
son tcha-dor aux orties, afin d'être
pluslibre
de ses mouvements dans ceterrain
parfois escarpé.Boin en tchodor
Plus
tard,
un crochetpar la
côte nousverra nous
immerger dans les eaux turquoises et chaudes dugolfe, mais n'ayant pas pris
demaillot
de bain, mafille
devra se baigner une fois de plus en tenueislamiquement correcte.
Enfin, nous débarquonssur l'île
d'Hor- moz où le sel a été exploité, ainsi que de I'oxyde defer
(hématite).Comme expliqué plus haut, le sel a
remonté lors
de son ascensiondes roches variées,
profondesparfois, et
a soulevéet
déforméles
couchesenvironnantes, ini-
tialement horizontales.
C'estainsi que sur ces îles, on
peut observer descoraux à
plusieurs dizaines de mètres au-dessus du niveau actuel de la mer. Ces îles,à I'exception de Qeshm,
sont presque inhabitées, car àpart
unpeu de pêche et
quelquesmatières minérales (sel,
fer,0 lkm
Schéma d'un diapir: une couche de se/ gemme (NaCI) peu dense (en rouge) a soulevé et déformé les couches de roches pour mon- ter jusqu'à Ia surtace.
roches diverses)
dont
I'exploita-tion a été
abandonnée,elles
ne possèdentguère de
ressources.Seule l'émergence d'une
porteéconomique sur
I'Occident,ouverte par I'intermédiaire
du paysdu golfe, a
permisde tirer
Qeshm
et
Bandar Abbasde
leurprofonde torpeur -
sans oublierI'intérêt stratégique du détroit
quivoit
passer unepartie
impor- tante de I'ornoir
mondial!Les exemples
de
glaciersde
selles plus
spectaculairesse trou- vent
à quelque zoo km au nord- ouest, prèsde
Lar. Deux impor-tants
glaciers de sel sesituent
àune vingtaine de kilomètres
deI'agglomération, au milieu
d'unpaysage désolé.
Les
deux
languesde sel
se sont écouléesà partir de diapirs
sisdans les deux
chaînesde
mon- tagnes,de part et d'autre de
la vallée, parcourant plusieurskilo- mètres, avec une
épaisseur de quelques dizainesde mètres
etune largeur de plusieurs
cen- taines mais, décalées, elles ne sesont pas rencontrées.
Quelques maigres ruisseaux, chauds(lo
à 35BC)et salés sourdent de
lamasse
de sel.
Larégion n'étant pas totalement dépourvue
de pluies, des phénomènes de disso-lution sont
observables,et
deskarsts très éphémères et superfi-
ciels, semblables à ceux
plusstables et profonds de
nosrégions calcaires, peuvent
yprendre
naissance:on
observepar exemple des grottes,
des gouffreset
des formes de corro- sion de surface.L'lran
est un des pays au monde qui présente le plus de diapirs et le seul où le sel s'écoule. Mais lephénomène se rencontre
dans beaucoup d'autres endroits. Ceux d'Espagne,de
Roumanieet
du Maghreb sont les plus proches de chez nous, mais le plus universel-lement
connuest celui du
mont Sédomen
IsraëI. Sodomet
Gho- morre, ça ne vous rappelle rien?Jean
SesianoLa côte de l'île de Hen- gam: le rouge dominant indique Ia présence d'un oxyde de fen I'hé- matite.
Vue satellife des côtes du Golfe Persique: on
y
distingue de nombreux diapi rs, bou rsoufl uresplus ou moins circu- laires, quelques uns ayant même surgi des eaux du golfe et for- mant des î/es (au bas de Ia photo).
23 novembre 2ooo