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LE LEADERSHIP : Leaders, partout et en tout temps : des infirmières en oncologie prêtes pour l’avenir

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Academic year: 2022

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FEA TUR ES /R U bR iq UE S LE LEADERSHIP

Leaders, partout et en tout temps :

des infirmières en oncologie prêtes pour l’avenir

par Jennifer Wiernikowski

Note de la rédaction : Cet article est basé sur la présentation plénière que l’auteure a donnée au Congrès annuel de l’Association canadienne des infirmières en oncologie tenu à Calgary en 2016.

RÉSUMÉ

Chaque jour, les infirmières font preuve de leadership. Certaines occupent officiel- lement des postes de direction, alors que d’autres déploient leurs aptitudes de leader de façon informelle, au sein d’une équipe interdisciplinaire. Nous tentons d’offrir des soins exemplaires aux patients atteints de cancer, et c’est pourquoi, dans ce système de santé toujours plus complexe et dont les res- sources sont limitées, nous devons plus que jamais faire preuve de leadership infirmier.

Si les infirmières-chefs en oncologie cher- chent à mettre en œuvre des changements et à améliorer le système, les leaders infor- mels doivent aussi prendre part à ce pro- cessus en partageant leur expertise et leur expérience. Dans cet article, nous faisons appel à un cadre de leadership et rassem- blons quelques témoignages et réflexions qui vous feront voir comment et pourquoi assumer ce rôle, quelle que soit la nature de vos tâches quotidiennes.

Q

uand le conseil d’administration de l’ACIO/CANO m’a demandé de présenter l’une des conférences princi- pales du congrès annuel, et d’y traiter de leadership infirmier, j’étais stupé- faite. Honorée, certes, mais abasour- die! Toute ma carrière, j’ai été entourée de certains des plus éminents chefs de file en soins infirmiers… Pouvais-je vraiment faire une contribution sig- nificative? Linda Watson m’a expliqué qu’on souhaitait entendre parler de mon parcours, de comment je suis passée d’un rôle de leader informel à celui de chef, puis à nouveau à celui de leader informel (cette dernière transition étant particulièrement digne d’intérêt).

Comment déployer son leadership en première ligne, au point d’intervention?

Et comment encourager les infirmières en oncologie à assumer pleinement leurs rôles et responsabilités, où qu’elles se trouvent? Dans cet article, je présente un cadre de leadership et rassemble quelques anecdotes et réflexions qui vous aideront à comprendre comment et pourquoi faire preuve de leadership, quelle que soit la nature des tâches accomplies au quotidien.

Quand vous pensez «  leadership  », qu’est-ce qui vous vient d’abord en tête?

Un gestionnaire? Un éducateur? Une directrice? La haute direction de votre établissement? Il y a tous ces gens, bien sûr. Mais il y en a d’autres : la collègue qui vous donne un coup de main avec cette IV récalcitrante, ou celui qui apaise les tensions quand l’équipe est au bord de la crise… Pensez aussi à ce que vous ressentez quand une infirmière intègre, efficace et à l’écoute est en charge pour un temps. Peu importe le nombre d’an- nées de métier que vous cumulez, vous avez tous été témoins de merveilleux exemples de leadership – des gens qui favorisent l’excellence au sein de leurs équipes –, et vous avez tous vu aussi des contre-exemples. Certains leaders sont tonitruants : ils laissent derrière eux un long sillage clapoteux, mais ils obtien- nent des résultats rapides. D’autres sont plus doux, mais constants  : ils laissent à peine une légère ondulation, mais ils suscitent des progrès continus. Quel type de leader êtes-vous?

D’HIER À AUJOURD’HUI

Ma mère était infirmière. Son manuel, The Art, Science and Spirit of Nursing (Price, 1954) m’a toujo- urs fascinée. Je l’ai rouvert réce- mment, curieuse de voir si on enseignait le leadership infirmier dans les années  1950. Bien qu’il n’y ait pas de chapitre dédié au leadership pro- prement dit, on y souligne l’évolu- tion de la relation entre médecins et

infirmières. L’infirmière était décrite comme le moyeu, le cœur de l’équipe : bien des soins hospitaliers elle offerts aux patients transitent par elle. Le com- portement des infirmières, et le fait qu’on s’attendait à ce qu’elles suscitent autour d’elles une ambiance empreinte de respect et de considération, démon- trent qu’on les encourageait à mener par l’exemple. Le manuel explique clairement qu’une infirmière se devait de donner l’exemple au reste du per- sonnel, et qu’il lui fallait s’en souvenir en tout temps. On pourrait donc dire que la notion de leadership infirmier commençait déjà à prendre forme.

Plus d’un demi-siècle a passé. De nos jours, on considère généralement que le travail des établissements de santé doit s’articuler autour de quatre grandes fonctions aussi vastes et qu’am- bitieuses : améliorer la santé de la pop- ulation, réduire les coûts par habitant, améliorer l’expérience des patients, et créer de meilleures conditions de tra- vail pour les professionnels de la santé (Reed-Ponte et  al., 2016). Ces objec- tifs constituent tout un défi en oncol- ogie, le nombre de cancers traités tout comme de survivants allant croissant, exigeant de faire toujours plus avec les moyens disponibles. La vitesse à laquelle de nouveaux traitements appa- raissent s’accélère. Nombre de ces trait- ements sont conçus pour être prodigués de façon continue, et cette manière de percevoir le cancer comme une mal- adie chronique remet en perspective la planification et l’administration des soins. En même temps, les leaders offi- ciels doivent se plier à des contraintes budgétaires sans précédent et leurs résultats sont évalués à l’aune d’indica- teurs de qualité toujours plus rigides, et ce, dans tous les domaines de la santé.

Les conseils en qualité, les courtes périodes d’essai et les mises en œuvre expéditives font désormais partie de

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notre quotidien. Dans ces circonstances, les leaders officiels ne peuvent réussir seuls : notre capacité à fournir les meil- leurs soins possible dépend de notre leadership collectif.

«  Les infirmières en chef et clinici- ennes travaillant en oncologie doivent prévoir les tendances dans le domaine et créer une culture, une infrastruc- ture et un environnement propices à l’innovation, à l’avancement des pra- tiques infirmières en oncologie et à l’ex- cellence des soins axés sur les patients et leurs familles. Pour relever pareil défi, il faut absolument évaluer les pro- cessus clés et les résultats des soins prodigués à l’aide d’indicateurs de ren- dement clairement définis.  » (Reid- Ponte, p. 110)

Jeune infirmière en oncologie, l’idée d’assumer un rôle de leader ne m’effleurait même pas l’esprit. J’aimais mon travail et je me satisfaisais des soins que je donnais aux patients atteints de cancer et à leur famille. Je ne recherchais pas le changement.

J’accueillais généralement les change- ments venus d’en haut d’un hausse- ment d’épaules : « Tout ce que je veux, c’est prendre soin des patients  », me plaisais-je à dire. Puis, en  1994, alors que je venais d’adhérer à la section locale de l’ACIO, je me suis présentée à son assemblée annuelle pour mieux connaître sur l’association. Et j’ai quitté la salle avec le chapeau de présidente de section, car personne ne voulait se présenter. Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois où je me suis retrouvée dans un rôle de leader par défaut : coordon- natrice d’une équipe de soins chargée des cancers du sein, vice-présidente et présidente de l’ACIO, chef de la pra- tique infirmière pour le programme de cancérologie de l’établissement Hamilton Health Sciences… Toutes les occasions que j’ai eues de faire preuve de leadership se sont présentées à moi parce que personne n’était enclin à plonger. Ma vie professionnelle aurait pu suivre une tout autre trajectoire s’il y avait eu d’autres volontaires… Une chose est certaine : j’ai vu tout ce qu’un simple « oui » pouvait nous amener à accomplir, et c’est un pouvoir merveil- leux que j’aimerais transmettre.

LE LEADERSHIP

EXEMPLAIRE EXPLIQUÉ

J’ai eu la chance inestimable de suivre en  2007 des formations au Dorothy Wylie Nursing Leadership Institute (aujourd’hui le Dorothy Wylie Health Leaders Institute). Même si j’avais officiellement un rôle de leader à l’époque, mon directeur avait reconnu l’intérêt de m’amener à affiner mes aptitudes, de transformer ce qui n’était après tout que des intuitions en pra- tiques de leadership réfléchies, pour mieux superviser l’amélioration de notre programme de cancérologie. La pierre angulaire de la formation était un livre intitulé The Leadership Challenge (Kouzes et Posner, 2002). Les auteurs étudiaient de nombreux cas dans lesquels toutes sortes de gens avaient fait preuve d’un leadership remarquable, et relevaient cinq pratiques exemplaires.

Dix ans plus tard, je pense encore à ces cinq pratiques quand j’ai l’impression de perdre mon emprise sur une situa- tion délicate. Elles me reviennent aussi en tête quand je vois des gens faire preuve d’un leadership admirable. Ça arrive constamment au travail : il suffit d’être attentif et d’être sensible à l’effet domino pour le voir.

La première pratique se résume ainsi  : les leaders tracent la voie. Elle implique de clarifier nos valeurs et de bien choisir la façon dont nous expri- mons nos idées et nos sentiments.

Margaret Fitch incarne cette pratique dans son travail à titre de leader en oncologie. Ses recherches sont axées sur les soins de soutien en cancérolo- gie et tentent de mieux comprendre la perspective des patients. Elle partage ses conclusions avec les infirmières d’une foule de façons, afin que ces con- naissances puissent être mises en pra- tique. À titre de première présidente élue de l’ACIO de 1986 à 1989, Marg a démontré un leadership exemplaire à une jeune organisation qui avait besoin de sa vision, de sa conviction, de son plein dévouement à l’oncologie et de son excellence en matière de soins de soutien. Désormais rédactrice en chef de la Revue canadienne des soins infirm- iers en oncologie, elle aide les jeunes infirmières à publier leurs textes, et

elle continue de donner l’exemple par ses publications aussi nombreuses que variées.

Des leaders informels s’adonnent aussi à cette pratique. Gloria, une jeune infirmière avec qui je travaille, a acquis une vaste connaissance des hémop- athies malignes. Elle donne l’exem- ple aux autres en posant des questions réfléchies et en étayant ses évaluations cliniques de justifications scientifiques et porteuses de sens. Elle pose ces ques- tions au poste de soins infirmiers afin que chacun puisse prendre part à la réflexion. Gloria est ainsi devenue une référence pour son équipe, mais elle ne cesse jamais non plus de vouloir en apprendre plus.

Le deuxième précepte  : les leaders inspirent une vision commune. Cela implique de faire preuve de perspicacité et d’aider les autres à voir ce que l’avenir leur réserve; on dépeint des possibilités stimulantes et l’on mobilise l’équipe à travailler ensemble dans la même direc- tion. Esther Green, présidente de l’ACIO de 2001 à 2003, nous a en a donné un bel exemple. Elle a contribué à l’exper- tise des conseils de l’ACOP, de l’ISNCC, de l’ACIO et du PCCC, qui visent tous l’excellence de la pratique infirmière en oncologie, au Canada et à travers le monde. Dans cette optique, elle s’affaire à partager des données sur l’expérience des patients, pour inciter les infirmières à réaliser toute la force de l’évaluation des symptômes et des interventions.

Quand je pense à cette forme de lead- ership, je pense aussi à Yayra, une jeune infirmière qui est retournée dans son pays d’origine, le Sénégal, après avoir tra- vaillé en Ontario et y avoir obtenu une maîtrise. Elle a dirigé un ambitieux pro- jet d’implantation du modèle synergique (Edwards, 1999) au service d’hématologie clinique du Hamilton Health Sciences.

Ce modèle requiert que chaque patient soit noté selon sa stabilité, la complexité de son cas, sa prévisibilité, et sa capac- ité à prendre soin de lui-même. Chaque infirmière doit en outre évaluer ses propres compétences selon les défini- tions établies par l’ACIO. Un modèle de dotation est ensuite conçu à partir de ces indicateurs, afin d’assurer une dis- tribution des tâches optimale et tenant compte de tous les éléments. Parmi les

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défis à surmonter pour implanter ce modèle, il fallait obtenir la collaboration du personnel et faire en sorte que le pro- jet puisse s’inscrire dans le temps. Yayra a apporté une aide précieuse en commu- niquant régulièrement la vision du projet à toutes les infirmières. Le modèle est un franc succès et est aujourd’hui en cours d’implantation à la grandeur de l’organi- sation. Yayra et son équipe ont gagné le Prix de la meilleure affiche de la Société canadienne de greffe de cellules souches hématopoïétiques en  2014. (Note de la rédaction  : Yayra a partagé son expéri- ence dans les numéros 27(4) et 28(1).)

La troisième pratique de leader- ship exemplaire? Les leaders défient la procédure. Ils sont à l’affût des moyens d’être un vecteur de changement; ils veulent grandir et cherchent des façons novatrices d’améliorer la situation.

Dawn Stacey siège au conseil d’admin- istration de l’ACIO, à titre de conseillère générale à la recherche. Elle est égale- ment directrice du groupe de recher- che sur les outils d’aide à la décision pour les patients atteints de sida à l’In- stitut de recherche de l’hôpital d’Ottawa, où son programme est axé sur le trans- fert des connaissances aux patients.

L’objectif global est de comprendre et de mesurer l’efficacité des interven- tions de transferts de connaissances aux patients, et d’évaluer les stratégies permettant d’améliorer leur implica- tion dans la prise de décision partagée.

Dawn et son équipe nous font ainsi explorer de nouvelles façons d’éduquer les patients et leurs familles. Dans une culture où, historiquement, la plupart des décisions sont prises par les profes- sionnels de la santé, son travail démon- tre bien comment on peut remettre le système en question. Par ailleurs, Dawn Stacey est fréquemment citée; sa revue systématique Cochrane en particulier a été citée plus souvent que toute autre revue en 2015. Tout porte à croire que son travail porte fruit et qu’elle n’est pas la seule à entrevoir des possibilités de changement.

Cette troisième pratique est égale- ment démontrée par une infirmière praticienne  (IP) de notre programme.

Kari Kolm a pris les devants dans une initiative visant à intégrer un rôle d’IP au sein de nos services de jour en

hématologie. Elle a étudié le modèle actuel de prestations des soins, con- sulté différents intervenants et identi- fié les lacunes prioritaires de ce modèle.

En se servant d’un cadre fondé sur les preuves (Bryant-Lukoskus et Dicenso, 2004), elle a pu intégrer dans l’équipe de jour une  IP avec une orientation clinique axée sur les receveurs de gref- fes allogéniques de cellules souches à moins de 100  jours de la greffe, sur la chimiothérapie post-consolidation des patients atteints de leucémie, et sur les patients externes recevant une autogreffe de cellules souches. Kari est un excellent exemple d’agent de changement.

La quatrième pratique consiste à savoir inciter les autres à agir. C’est être à l’écoute et favoriser la collaboration en mettant les autres dans des situations qui leur permettent d’affiner leurs com- pétences propres, afin de tirer le meil- leur parti des forces d’une équipe. Deux infirmières en oncologie me viennent à l’esprit. Denise Bryant est réputée à tra- vers le monde pour son approche d’im- plantation des pratiques infirmières avancées fondée sur des données pro- bantes. Elle renforce l’esprit d’équipe de façon cohérente et réfléchie (Bryant- Lukoskus et Dicenso, 2004), et elle offre aux autres l’occasion d’agir. Denise amène de nombreux intervenants à s’in- vestir dans ses projets et favorise ainsi une plus grande compréhension des retombées de ses travaux et permet à ses partenaires d’amener à leur tour des changements positifs dans leurs domaines respectifs.

Tracy Truant, conseillère générale à la pratique professionnelle de 2008 à 2011, a elle aussi incarné cette forme de leadership maintes et maintes fois.

Elle a organisé des ateliers percutants et recueilli l’opinion des membres pour approfondir notre compréhension de la façon dont les normes et compétences en oncologie pouvaient être peau- finées et déployées. Elle voulait s’as- surer qu’elles ne demeurent pas sur le papier. Tracy a permis aux membres de posséder ces documents et de les uti- liser dans leurs programmes de can- cérologie pour améliorer notre capacité collective à répondre aux normes les plus élevées. Elle a également occupé

d’autres postes au sein du conseil d’ad- ministration de l’ACIO, dont celui de présidente et de vice-présidente. Elle a profondément confiance en son équipe, et habilite ainsi les membres du conseil à mener leurs propres initiatives tout en profitant d’une rétroaction continue et de perspectives précieuses. Elle mène en permettant aux autres de diriger – et elle les aide à obtenir les meilleurs résultats qui soient.

La cinquième et dernière pratique de leadership est d’encourager la pas- sion chez les autres. Il faut faire un effort pour reconnaître le travail d’au- trui et célébrer leur contribution aux réalisations de l’équipe. C’est une façon de rehausser le moral des troupes et de les aider à affronter les difficultés. Linda Watson dirige les soins axés sur la per- sonne au Cancer Control Alberta. Elle a fait des recherches sur l’expérience vécue lors d’un diagnostic de cancer incurable ou de multiples cancers, et elle nous incite à trouver de nouvelles façons de soutenir ces gens et de faire en sorte qu’ils se sentent moins isolés et moins différents des autres. Quand elle parle de son travail et des entretiens qu’elle a menés, il est évident qu’elle y met tout son cœur. Elle fusionne ses propres expériences de vie à celles des patients qu’elle a rencontrés, pour nous proposer de nouvelles perspectives et nous apprendre de nouvelles choses.

En tant que leader de l’ACIO, Linda est passionnée par les soins infirm- iers en oncologie, et cela transparaît dans ses mots et gestes. Selon elle, les infirmières en oncologie devraient être à la table où se prennent les décisions.

Elle nous encourage à nous faire enten- dre sans discontinuer et à nous faire reconnaître à titre de leaders d’opinion et d’experts cliniques.

Une autre personne incarne merveilleusement cette pratique.

Georgia, gestionnaire clinique au pro- gramme d’hématologie de Hamilton, n’est pas infirmière, mais elle dirige l’équipe avec beaucoup de cœur. Elle a accepté ce rôle de gestion à un moment où l’organisation était en plein change- ment transformationnel. Dans un tout nouvel espace, deux unités issues de deux différents campus de l’hôpital étaient combinées pour former une

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nouvelle équipe. Ces unités avaient beaucoup de choses en commun, mais elles étaient aussi différentes sur d’au- tres aspects. On s’attendait donc à une transition turbulente. Comme Georgia n’était pas infirmière, je me disais que les nuances dans les pratiques des deux unités risquaient de lui échap- per, et je me demandais comment elle allait pouvoir orienter nos efforts dans la même direction. Or, elle nous a encouragés de tant de façons à mettre du cœur à l’ouvrage. Des courriels fais- aient inopinément surface : elle soulig- nait un travail d’équipe exemplaire ou rendait hommage à des membres du personnel qui avaient fait preuve de leadership. Chaque Semaine des soins infirmiers, elle créait des cartes pour le personnel à l’aide des nombreux mots de remerciements qu’elle avait reçus des patients et de leurs familles, et elle ajoutait toujours sa propre dose de sag- esse dans un coin pour nous inspirer.

Georgia faisait en sorte que chacun se sente apprécié, et a ainsi solidifié notre équipe.

L’INTERVENANT, UN LEADER QUI COMPTE

Dans la quatrième saison de l’adap- tation qu’a faite HBO de l’immensé- ment populaire saga de George R.R.

Martin, Le Trône de fer, le petit-fils de Tywin Lannister, Tommen, est sur le point de devenir roi après la mort sou- daine de son frère. Tommen siégera bientôt sur le fameux trône! Il est tou- tefois jeune et inexpérimenté. Tywin lui demande donc, «  quelles sont les qua- lités d’un bon roi? » Tommen tente de désespérément toutes les réponses qu’il croit que son grand-père veut entendre : la sainteté, la justice, la force… Mais Tywin rabroue tous ces soi-disant orne- ments de la royauté, contre-exemples à l’appui. Tommen se décide enfin : la sagesse. Un grand roi a d’abord besoin de sagesse. Tywin approuve  : « Un roi sage sait ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas. Ton frère n’était pas un bon roi, car la sagesse lui faisait défaut. Un roi jeune et sage se repose sur l’avis de ses conseillers jusqu’à qu’il ait atteint la majorité; le plus sage des rois, lui, conti- nue de les écouter longtemps après  » (Home Box Office, 2015).

Peut-être notre système de santé peut-il tirer une leçon de cette histoire?

Il me semble qu’elle invite les leaders officiels à écouter les différents interve- nants pour mieux atteindre les quatre grands objectifs du système de santé.

Réunir toutes les parties prenantes et synthétiser leurs commentaires peut être chronophage et semble complexi- fier notre travail. Mais le prix à payer pour les exclure du processus peut être lui aussi très élevé. S’ils ne prennent pas le temps de compiler les avis et conseils des personnes touchées par un plan de travail, les leaders risquent de négliger des éléments clés, et c’est toute la mise en œuvre du programme qui risque d’en pâtir. Lorsqu’ils planifient des changements, les leaders officiels doivent solliciter les différents interve- nants; ces derniers doivent quant à eux prendre part au processus de façon judi- cieuse pour maximiser les chances de réussite. Je repense à mes premières années, quand je refusais de m’impli- quer dans des comités… Je faisais fi des questionnaires qu’on me demandait de remplir, prétendant que je n’avais pas le temps et que j’étais là pour m’occu- per des patients. Aujourd’hui, avec l’ex- périence, je réalise que pour que les patients reçoivent les meilleurs soins, je dois prendre les devants à titre d’inter- venante. Mes efforts ne doivent pas seu- lement rayonner au chevet des patients, mais aussi dans tout le système dont dépendent inévitablement les soins infirmiers. Que vous demandiez l’avis des intervenants à titre de leader, ou que vous soyez vous-même sollicité par un chef, ne sous-estimez jamais la force d’une telle collaboration.

EN CHAQUE INFIRMIÈRE, UNE LEADER

La notion selon laquelle chaque infirmière est une leader n’est pas nou- velle, mais elle est de plus en plus recon- nue. L’Association des infirmières et des infirmiers du Canada a même émis un énoncé de position sur le leadership de la profession infirmière qui concerne toutes les infirmières, quel que soit le milieu de pratique. L’effort collectif des infirmières qui font preuve de lead- ership profite aux patients, aux équi- pes, aux organisations et à l’ensemble

du système de santé. Toutes ces initia- tives ont des répercussions positives que nous nous devons de cultiver pour prendre soin des patients à cette époque où règne la complexité.

Les infirmières canadiennes, à tous les postes qu’elles occupent, doivent devenir des chefs de file et faire preuve de leadership – depuis l’étudiante enthousiaste jusqu’à la clinicienne pro- fessionnelle compétente, depuis l’ex- cellente membre de l’équipe jusqu’au cadre de direction et depuis la cher- cheuse débutante jusqu’à la formatrice la plus chevronnée (AIIC, 2009).

Plus récemment, l’ACIO a publié à son tour un énoncé de position sur le leadership des infirmières en oncolo- gie. En plus de souligner qu’il incombe à chaque infirmière de s’initier au lead- ership et d’en faire la démonstration, l’Association demande aux établisse- ments d’enseignement, aux centres de cancérologie et aux organisations infirmières provinciales et nationales de faire une priorité du développe- ment du leadership et des formations en la matière (ACIO/CANO, 2016). Les énoncés de principes sont des outils que nous pouvons utiliser localement pour insuffler une culture du leader- ship au travail. On peut aussi les uti- liser à l’échelle provinciale et nationale pour stimuler le perfectionnement pro- fessionnel du personnel infirmier. Les énoncés peuvent être puissants, mais seulement si on les utilise abondam- ment, en les intégrant à la planification stratégique et à l’élaboration des poli- tiques. Ne les laissez pas mourir sur le site Web : donnez-leur vie.

UNE AFFAIRE PERSONNELLE

Même si j’ai eu de fabuleuses occa- sions d’assumer des rôles de leader offi- cielle, me revoici au chevet des patients.

Travailler à titre d’IP dans une grande unité de cancers hématologiques et de greffes de cellules souches me donne la chance d’offrir des soins avancés à cer- tains des patients les plus gravement malades de notre système. La planifica- tion est franchement complexe, et mes aptitudes de communication sont utili- sées au maximum quand je dois accom- pagner des patients et des familles dans

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des décisions déchirantes à propos du traitement et des objectifs recherchés.

Je collabore avec une grande équipe interdisciplinaire qui s’attend à ce que chacun fasse preuve de leadership pour régler les petits et grands problèmes. Je continue d’ajouter des éléments dans ma boîte à outils et je me réjouis de travailler dans un environnement où les mots chaque infirmière est une lea- der résonnent vraiment au diapason du quotidien.

Ma décision de retourner dans un contexte clinique n’a pas été facile, mais c’était la chose à faire pour moi. En tant que chef de la pratique infirmière pour notre programme de cancérolo- gie, j’avais appris tant de choses sur moi et sur les insondables complexités de notre système de santé; ce fut une expérience inouïe. Mais après quatre ans, la proximité des patients me man- quait. Cette idée ne m’a d’abord qu’ef- fleuré l’esprit de temps à autre… Mais au fil du temps, j’ai dû me rendre à l’évi- dence : l’appel se faisait de plus en plus fort et je pouvais déjà sentir le stéthos- cope dans mon cou. Puis, quand notre organisation a décidé de transformer le service d’hématologie, j’ai codirigé la planification du nouveau modèle de

soins infirmiers – de A à Z, incluant la documentation, les formulaires, la for- mation réciproque… Au moment d’ins- taurer ces changements, je savais que je voulais travailler en clinique dans le cadre de ce nouveau programme. C’est une carrière où l’on peut essayer des tas de nouvelles choses. Sept ans plus tard, je constate que j’ai pris une excellente décision.

Récemment, je me demandais comment conclure ma conférence à l’ACIO. Je cherchais une idée unique, quelque chose qui pourrait inspirer les collègues, tant au travail que dans leur vie personnelle. Je l’ai trouvée dans le Toronto Star. Dans un article de 2016, Neil Pasricha décrit le concept japonais d’ikigai, que l’on pourrait traduire par

«  raison d’être  ». En somme, si vous arrivez à trouver le point commun entre ce qui vous passionne, ce dans quoi vous êtes doué, ce dont le monde a besoin et ce pour quoi on est prêt à vous verser un salaire, vous serez inspiré, satisfait et heureux. Au Japon, il n’y a pas de mot signifiant « retraite ».

On croit seulement que l’équilibre entre ces quatre sphères vous per- met de trouver un espace où se che- vauchent passion, mission, vocation et

profession – et de vous trouver ainsi au bon endroit, au bon moment. Une fois cette harmonie trouvée, nul besoin de prendre sa retraite. Toutefois, au fur et à mesure qu’on chemine vers le centre – ou l’intersection – nos faiblesses dans l’une ou l’autre sphère peuvent nous mettre dans des positions délicates  : nous pourrions être inspirée mais pau- vre, ou fascinée mais pleine de doutes;

nous pourrions être satisfaite à bien des égards tout en nous sentant inutile;

nous pourrions vivre confortablement tout en ressentant un vide. Le défi, c’est de demeurer conscient de façon à tou- jours cheminer vers le centre. Cela peut impliquer des changements majeurs ou de petits ajustements, mais le secret consiste à faire régulièrement preuve d’introspection et à rajuster le tir du mieux possible. Des études sur des Japonais ayant trouvé leur ikigai sug- gèrent qu’ils vivent en moyenne plus longtemps, sont en meilleure santé et présentent des niveaux de stress moins élevés. Je conserve une petite carte sur mon babillard pour me rappeler la direction que je veux donner à ma vie.

Jennifer Wiernikowski

RÉFÉRENCES

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Edwards,  D.F. (1999). The synergy model:

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